Avant-propos

 

 

Me voici, passé le gué d’une terrible épreuve, ayant récupéré tant de santé et de joie que j’en suis tout étonné. J’entreprends donc de vous la raconter afin que le bilan qu’elle m’a amené à faire puisse éventuellement vous servir à vous ou d’autres personnes. Je le fais animé par l’énergie de la renaissance, accompagné de l’enfant joyeux qui m’a souri au fond de l’abîme. Je connaissais de vastes horizons avant la maladie, aujourd’hui c’est comme si je prenais pied pour de bon sur la lande merveilleuse et inconnue de notre terre commune.

Pourtant, je ne trouve pas facile de me retourner sur moi-même pour témoigner sans fard de ce qui a été rencontré. Je crains comme la femme de Loth dans la bible d’être transformé en statue de sel pour avoir regardé en arrière. Je me dis tout de même que le jeu en vaut la chandelle s’il peut servir quelques navigateurs égarés sur la mer périlleuse de la maladie. Je souhaite de tout cœur que mon récit puisse inspirer leur cheminement et les guider à bon port, que ce soit ici-bas ou dans l’au-delà.

Mon livre est fait des péripéties et des rencontres, des idées et des exercices qui m’ont aidé à m’affranchir de mes peurs et à m’ouvrir au cœur de l’épreuve. Ce passage par le cancer fut pour moi l’occasion d’intégrer dans mes tripes ce que je savais déjà et que j’enseignais. En définitive, l’épreuve m’a permis encore une fois de comprendre l’écart qu’il y avait entre moi et moi-même, entre mes idées et ma volonté, entre le personnage que je suis devenu et l’être vrai qui cherchait à s’exprimer. De plus, au moment du diagnostic, j’accompagnais Yanna, une véritable compagne d’âme pour moi, à travers son propre cancer. J’y étais donc déjà plongé depuis une bonne année et j’étais confronté aux questions que cette maladie pose, comme le recours ou non à la chimiothérapie et aux médecines alternatives.

J’ai choisi la forme intime du récit biographique pour mener mon propos. La période dont je vous parle s’étale sur trois ans. J’ai tenté de conserver le fil chronologique de l’histoire tout en me permettant de le rompre à quelques reprises afin de m’autoriser des incursions dans mon passé ou dans le registre des idées pour mieux faire comprendre ce que je vivais. Par ailleurs, dans le but de protéger la vie de mes proches du regard public, plusieurs noms et prénoms ont été changés. Je suis certain que ceux et celles qui sont concernés se reconnaîtront facilement. Ce n’est pas le psychanalyste qui parle d’abord ici, mais l’homme confronté à sa propre finitude. Bien humblement, je veux témoigner de ce qui m’a ramené à la santé sans chercher toutefois à déterminer lequel, des nombreux outils que j’ai utilisés, a été le plus utile et le plus déterminant. Chacun d’eux a été un précieux compagnon de route. Chacun d’eux m’a chuchoté son savoir à l’oreille. Et j’ai fait usage du mieux que j’ai pu de cette approche globale.

J’estime que c’est bel et bien l’association de quatre types de médecines qui m’a ramené à l’équilibre : 1) la médecine allopathique, celle des médicaments et des traitements hospitaliers comme la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie ; 2) la médecine naturelle des herbes et des plantes, qui inclut la phytothérapie, l’alimentation et différents produits ou suppléments naturels ; 3) la médecine énergétique, qui agit directement sur la vitalité de l’être et qui va de la méditation à la visualisation en passant par l’homéopathie et l’acupuncture ; 4) la psychothérapie, qui harmonise les émotions. Je fais de cette dernière une catégorie à part bien qu’elle constitue un soin énergétique à proprement parler.

Cet ouvrage n’est pas une bible. J’y expose quelques procédures que j’ai utilisées en détail ; toutefois, sorties de leur contexte, celles-ci n’ont pas de pouvoir en elles-mêmes. Dans son livre Anticancer, le Dr David Servan-Schreiber explique que le cancer est une maladie du style de vie1. Ce style de vie ne touche pas seulement notre alimentation et la gestion du stress engendré par notre mode d’existence. Il s’étend également à notre façon de vivre intérieurement, notamment en ce qui a trait au respect de nos élans créateurs et de nos idéaux. Il n’y a pas de formule magique. Une technique isolée ne peut être d’une grande aide. Par contre, accepter de remettre en question notre style de vie et le changer peut faire la différence.

En réalité, il ne saurait y avoir de formule magique, car, bien simplement, nous allons tous mourir un jour ou l’autre. Nous mourrons parce que les processus de dégénérescence sont plus rapides que les processus de régénérescence. La seule chose que nous puissions faire consiste à retarder notre déchéance par un style de vie qui favorise la santé physique et psychique. Ainsi donc, la prudence est de mise lorsque nous parlons de guérison et d’autoguérison. Il s’agit en fait des processus d’autoréparation et d’autorégulation sans cesse présents dans notre organisme, grâce à l’action du système immunitaire, notamment. Les médecins parlent d’ailleurs de « rémission » plutôt que d’autoguérison.

Pour ma part, je préfère parler de retour à la santé ou de retour à l’équilibre. Ce dernier terme me semble tout particulièrement adéquat, car l’équilibre se doit d’être quelque chose de vivant ; par exemple, lorsqu’on se promène à vélo, notre équilibre repose sur le mouvement. Nous sommes en équilibre un moment et l’instant d’après nous ne le sommes plus. De même, la guérison n’est pas statique, et elle n’est pas gagnée une fois pour toutes. Chacun de nous doit constamment favoriser l’équilibre de sa santé par son alimentation, par l’air qu’il respire, une activité physique suffisante, l’expression créatrice ou artistique, des relations saines et authentiques, ainsi que par une spiritualité active.

De manière provocante, je pourrais résumer la question qui guide ce livre en la formulant ainsi : pourquoi avais-je besoin du cancer dans ma vie ? Je sais que mon interrogation a de quoi étonner. Après tout, pourquoi une maladie aurait-elle un sens ? À l’inverse, pourquoi n’en aurait-elle pas ? Il y a un réflexe bien installé en chacun de nous faisant que nous nous exclamons à la moindre épreuve : « Pourquoi moi ? » Pour ma part, je constate que l’être humain est bel et bien un créateur de sens. Nous avons besoin de donner du sens à ce qui nous arrive. Il est vrai que ce sens peut être tout à fait relatif et s’inscrire dans un contexte bien précis. Il n’en reste pas moins qu’ouvertement ou secrètement nous en cherchons un, parce que le sens aide à vivre. Et parce qu’une souffrance qui a du sens fait moins mal, pour ainsi dire, que celle qui n’en a pas. Nous acceptons souvent de travailler fort et d’endurer des épreuves importantes parce qu’elles ont du sens à nos yeux. C’est pourquoi, dans le contexte d’une médecine intégrale qui soigne le corps, l’âme et l’esprit, je désire vous parler plus spécifiquement des aspects psychologiques et spirituels du cancer, ceux qui donnent du sens à l’existence.

L’aspect psychologique correspond à la biographie d’un individu. Il se réfère à ce qui s’est passé dans sa vie sur le plan émotionnel. Il est en effet nécessaire de comprendre comment une émotion peut affecter la santé du corps. Il y a des conditions intérieures associées aux états affectifs et aux blessures du passé qui favorisent la maladie. Elles peuvent même l’appeler ou l’attirer sans que la personne en ait conscience.

L’aspect spirituel équivaut à ce qui soutient et dépasse la dimension proprement personnelle de l’existence. La spiritualité s’associe à un regard élargi sur la vie. Cette perspective se déploie à partir de l’esprit et des éclairages que ce dernier peut nous offrir sur notre parcours. Elle rassemble les connaissances et les attitudes philosophiques qui aident à vivre, en dehors de toute considération religieuse, dogmatique ou sectaire.

Les dimensions psychologique et spirituelle se complètent. Par exemple, d’un point de vue spirituel, une difficulté relationnelle n’a pas beaucoup d’importance. Elle ressemble plutôt à un grain de sable dans le mécanisme psychique. Et une vie humaine n’a guère plus de concrétude qu’une feuille qui flotte au vent. Pourtant, les nœuds affectifs qui ne sont pas défaits empêchent le mouvement d’ouverture et d’expansion de l’être. Ainsi, une psychologie qui n’a pas d’horizon spirituel devient facilement nombriliste. Alors qu’une spiritualité qui n’engage pas un travail sur soi au niveau psychologique assied ses pratiquants sur un volcan d’impulsions non maîtrisées. Sans le savoir, elle encourage le refoulement.

Dans ce livre, j’aimerais faire ressortir le fait qu’il est de toute première importance de participer activement à son propre retour à l’équilibre tant que la capacité nous en est donnée. La raison en est simple : les médecins et les médicaments, les thérapeutes et les techniques ne font que vivifier des mécanismes de guérison qui, eux, sont déjà en nous. La formule que le Dr Liliane Reuter emploie résume bien cet état de fait : « Le médecin soigne, le patient guérit. » En d’autres termes, la guérison vient de l’intérieur. Les soins que nous apportent les personnes et les techniques stimulent des mécanismes de réparation et de régulation qui font déjà partie du patrimoine génétique de chaque organisme, de pair d’ailleurs avec les mécanismes d’autopréservation, d’auto-organisation et d’autoexpression. Nous découvrirons, chemin faisant, que nous pouvons autant intensifier nos capacités d’autoguérison avec de la chimie que grâce à une aide psychologique ou notre imagination. En somme, la présence consciente à ses propres processus intérieurs constitue un élément fondamental du retour à une santé intégrale qui inclut le corps, l’âme et l’esprit. En tout état de cause, la maladie est une invitation à sortir de l’état de la victime qui subit un mauvais coup du destin pour entrer dans celui de la personne qui crée sa vie en collaboration avec les différentes dimensions de son univers tant intérieur qu’extérieur.

Cette participation créatrice à la guérison signifie souvent l’exploration de pistes et de techniques inconnues de nous et qui peuvent susciter résistance et rejet de notre part. Pour atteindre un nouvel équilibre, il est nécessaire de s’ouvrir l’esprit, en particulier en ce qui a trait aux liens étroits qui existent entre le corps et la psyché. Cela constitue sans doute un premier accomplissement de la maladie : nous obliger à quitter nos vérités toutes faites pour nous lancer dans l’aventure de la vie. En effet, pour passer de la médication à la méditation, il faut faire parfois un pas de géant.

J’ai écrit ce volume pour qu’il serve à ses lecteurs. Je n’ai pas de propension particulière à raconter mon histoire intime. À plusieurs reprises, j’ai été tenté d’abandonner mon entreprise, car elle nous expose, moi et mes proches, plus que je ne le souhaite. Mais la perspective que cette recherche de vérité puisse en aider d’autres m’a gardé au travail. Ce livre présente donc une quête de sens menée au sein de la crise. Il n’a pas d’autre prétention. Il est l’espoir d’une flamme dans le froid de la nuit intérieure. Je souhaite simplement qu’il réchauffe quelques cœurs touchés par le désarroi. Car le cancer survient comme un inconnu frappant furieusement à notre porte alors que nous n’attendions personne.

J’espère que ce que vous lirez correspondra à quelque chose que vous reconnaîtrez en vous-même, que vous soyez malade ou en santé et que vous accompagniez ou non quelqu’un qui est touché par la maladie. Je vous encourage à explorer les attitudes et les exercices que je propose pour prendre à votre tour le chemin de la guérison authentique. Cette guérison concerne le lien entre le corps, l’âme et l’esprit, et elle parle des retrouvailles avec l’unité fondamentale. Car c’est la satisfaction de la pulsion d’union qui permet de revivre.

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1. David Servan-Schreiber, Anticancer. Prévenir et lutter avec ses défenses naturelles, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. Réponses, 2007, 2010.