Chapitre quatre
Je viens de livrer une bonne partie de ce que j’avais à dire sur les racines psychologiques de mon cancer. Avant de poursuivre du côté de différents modes d’intervention énergétique, je désire marquer une pause au cœur de mon livre et vous entraîner du côté de réflexions générales sur le sens de la maladie et des blessures qui marquent une vie. Cette pause nous servira de transition entre deux mondes et deux vocabulaires, entre le psychologique et l’énergétique. Je cède donc la place au pédagogue pour quelques pages en espérant que ces idées ne vous apparaîtront pas superflues.
Commençons par quelques réflexions générales sur le cancer. Je dirai d’abord que cette maladie m’apparaît comme une atteinte liée à plusieurs facteurs. Certains de ces facteurs sont de nature collective, d’autres de nature individuelle. Ainsi, sur le plan collectif, la toxicité de l’air, de l’eau et des aliments que nous mangeons ajoute au risque et contribue à la multiplication des cas de cancer. Le fait que les gens vivent plus vieux y est pour quelque chose aussi puisque, à mesure que nous vieillissons, les cellules sont plus fatiguées et produisent de nombreuses mutations, dont des mutations pathogènes. Ajoutez à cela ce qu’en dit un spécialiste comme le Dr David Servan-Schreiber : pour lui, comme je l’ai mentionné d’emblée, le cancer est une maladie du style de vie que nous avons adopté en tant que société. En raison du stress, de la consommation de sucre et de la mauvaise alimentation, nous avons multiplié nos risques de tomber malade1.
Venons-en au plan familial et génétique. Le cancer dont je souffre est de nature immunitaire. Un lymphome non hodgkinien est « un cancer qui prend naissance dans les lymphocytes, c’est-à-dire les cellules du système lymphatique. Ce système agit de concert avec d’autres parties du système immunitaire pour aider l’organisme à se défendre contre les infections et les maladies. Il est constitué d’un réseau de vaisseaux lymphatiques (qu’on pourrait comparer au réseau veineux), de ganglions lymphatiques et d’organes lymphatiques (comme la rate, le thymus, les amygdales et la moelle osseuse). La lymphe est le liquide clair et jaunâtre qui contient les lymphocytes. Ces derniers sont un type particulier de globules blancs qui aident à combattre les infections2. »
Or, il existe des déficiences du système immunitaire dans mes deux lignées familiales ; plusieurs membres de ma famille souffrent de colite ulcéreuse, tout comme moi, et la colite ulcéreuse est une maladie auto-immune liée à un dérèglement de l’immunité impliquant également les lymphocytes. Ma grand-mère paternelle en a souffert ainsi qu’une sœur de ma mère. Comme je vous l’ai expliqué plus tôt, ma sœur Line a contracté la bactérie Clostridium difficile qui l’a tenue dans un combat contre la mort pendant une soixantaine de semaines. Elle a survécu grâce à un traitement d’immunoglobulines qui ont renforcé les lymphocytes de son système immunitaire. Selon le médecin qui lui a sauvé la vie, il existe une faiblesse génétique du système immunitaire dans notre famille. Il y a également plusieurs cas de cancer dans nos lignées. Mon père et ma mère en ont souffert. Mon âge et mon parcours médical aidant, il y avait plus de probabilité que le cancer fasse son apparition chez moi que chez la moyenne des gens.
Les facteurs psychologiques dont nous avons parlé interviennent ici même. Ils nous rendent plus vulnérables à une atteinte, car ils permettent aux éléments pathogènes de prendre avantage d’une prédisposition génétique pour se développer. En effet, une prédisposition à quoi que ce soit exprime une fragilité du terrain, elle n’est pas la maladie. Un impact fort ou soutenu dans le temps, un impact qui est souvent de nature émotionnelle et psychologique, ou un traumatisme, doit exercer son influence sur la personne pour que la maladie se déclenche en raison de la faiblesse de l’organisme. Il y a alors inflammation et maladie. Dans mon propre cas, je suis convaincu que le stress aigu lié à une vie passionnante mais exigeante a agi comme facteur déclenchant.
Cela m’amène à aborder un autre élément de nature psychologique dont je désire vous entretenir : la culpabilité par rapport au fait d’être malade. On m’a souvent demandé si je me sentais coupable du fait d’avoir souffert d’un cancer puisque je l’associe en partie au stress de ma vie. Ça peut sembler une drôle de question de prime abord. Le fait que l’on puisse associer un contexte psychologique et émotionnel à la maladie conduit toutefois de nombreuses personnes à se sentir responsables de leur maladie et à en éprouver de la culpabilité. Cela est explicite dans une expression comme : « Je me suis fait un cancer. » À chaque fois, je réponds que je ne me sens pas coupable du mauvais fonctionnement de mon organisme et que le cancer me semble avoir plusieurs origines. Ce type de culpabilité ne sert à rien d’autre qu’à alourdir le fardeau que représente déjà la maladie. En passant par papa, maman et toute l’aventure de l’espèce humaine, chacun de nous possède de multiples raisons d’être devenu ce qu’il est.
Pour être honnête, toutefois, je dois avouer qu’après avoir écrit Le meilleur de soi, j’ai vécu comme une humiliation terrible l’annonce de mon cancer. Au début, j’en éprouvais une honte mêlée d’une grande tristesse. J’avais peur des questions que l’on me poserait. Avec le temps, je me suis rendu compte que cette position n’est pas juste. La prise de conscience des causes d’une maladie tant au niveau psychologique qu’au niveau physiologique demande simplicité et modestie. L’examen d’un écueil exige qu’une vertu, au sens ancien du terme, se tienne à la porte du cœur : l’humilité. Tant que l’on est dans l’humiliation, on reste d’une certaine façon dans l’orgueil. Bref, l’humilité n’a rien à voir avec l’humiliation.
Il s’agit plutôt d’avoir la sagesse d’apprendre quelque chose de ses déboires en se présentant face à soi-même de façon authentique. Il s’agit de s’observer avec bienveillance mais sans complaisance, un exercice de discernement fort délicat. Et puis, il faut rester fidèle, fidèle à soi, car une maladie s’installe dans l’écart qui existe entre soi et soi-même. Une faille se crée en soi sous le coup des blessures, des rejets, des trahisons et des incompréhensions vécues. Ces diverses expériences de non-reconnaissance amènent un être à conclure qu’il ne peut pas vivre en étant lui-même. Le sens profond de la maladie est là, presque toujours là. Le trouble est le messager des parties négligées de l’être. Il sera donc important de se livrer à une introspection afin de vérifier si notre réalité s’est éloignée de ce que nous sommes réellement.
Il est vrai qu’un dérangement organique ou psychique appelle à une responsabilité par rapport à ce qui se passe en soi. Toutefois, je qualifierais celle-ci de responsabilité créatrice, tout à fait à l’opposé d’un type de responsabilité qui entraîne honte et culpabilité. Quand elle nous en laisse les moyens, bien entendu, la crise provoquée par la maladie nous invite à une véritable recréation de nous-mêmes ainsi qu’à la découverte de ressources insoupçonnées. Ça me semble une perspective plus réjouissante que celle de la culpabilité angoissante. Je vois donc chaque crise comme une occasion d’apprendre quelque chose que j’ignorais sur moi et sur le maintien de ma santé globale, une santé qui inclut le corps, l’âme et l’esprit.
D’ailleurs la langue chinoise ne nous apprend-elle pas que l’étymologie du mot crise prend racine dans les mots opportunité et danger ? Ainsi donc, une épreuve est à la fois un danger opportun qui va nous abattre ou une opportunité dangereuse d’évoluer. Bref, je ne doute pas que des conditionnements inconscients m’ont mené jusqu’au cancer, mais, précisément, ils étaient inconscients et je ne saurais me charger de culpabilité par rapport à eux sur le plan conscient. Je vois la maladie comme le temps qui m’est offert pour comprendre la nature du déséquilibre et participer à mon propre rétablissement.
Je crois que la maladie est intimement liée à la pulsion d’union qui nous habite et qui guide nos vies. Elle en est la mandataire, pour ainsi dire. Pour la psychanalyse, une pulsion est une force qui s’exerce au plus profond d’une personne et qui la pousse à accomplir une action visant à réduire une tension. Que l’on pense à la pulsion sexuelle, par exemple, qui représente une des expressions possibles de la pulsion d’union. Ainsi chacun de nous aspire à connaître des moments d’unité avec son entourage et avec son environnement parce qu’il sait qu’il y a une solution de ce côté. Quand nous nous éloignons trop de ce programme central de notre organisme tant physique que psychique, la maladie vient exprimer cette division intérieure. Elle vient révéler la fracture interne qui se cache derrière la belle surface polie et sans aspérités que nous présentons aux autres. Si bien que nous pouvons dire que le retour d’un être à la santé après une épreuve de taille s’associe presque toujours aux retrouvailles avec l’unité fondamentale. Une nouvelle harmonie entre la pensée, ce qui est ressenti et l’action, entre la volonté, le cœur et la conscience vient au jour.
À force de côtoyer des dérèglements chez moi et chez les autres, j’ai acquis la conviction qu’un mécanisme parfait gouverne la vie, un mécanisme qui sert la pulsion d’union à merveille. La perfection de ce mécanisme transpire à travers les symptômes qui nous affectent et qui s’accompagnent immanquablement d’émotions. Ces dernières agissent comme des signaux d’alarme qui indiquent le mal-être. Les réactions émotives elles-mêmes prennent leur source dans des blessures fondamentales liées à des expériences comme le rejet, la trahison, l’incompréhension, la non-reconnaissance ou l’humiliation. Ces heurts importants qui parcourent nos vies ont entraîné la formation d’attitudes défensives qui se sont mises en place pour éviter que nous soyons heurtés de nouveau. Ainsi, la personne qui s’est sentie rejetée peut démontrer une fidélité à toute épreuve vis-à-vis de personnes qui ne lui correspondent pas dans le simple but de ressentir qu’elle appartient à un milieu donné.
Les attitudes défensives que nous mettons en place composent ce que nous pourrions appeler notre personnalité ou notre personnage. Ce personnage est une sorte d’armure psychique vivante qui nous protège de façon que nous ne soyons pas perturbés sans cesse par nos blessures fondamentales et les angoisses qu’elles cachent. Ce mécanisme protecteur se compose d’un ensemble de façons de penser, de sentir et d’agir qui nous possède à notre insu. Nous croyons que ce personnage nous définit et nous résume. Mais cela n’est pas vrai. Il représente essentiellement une mesure d’adaptation.
Dans un premier temps, cette carapace protectrice à laquelle nous nous identifions inconsciemment nous permet de survivre aux heurts et aux blessures ; dans un second temps, toutefois, elle nous étouffe. Le problème vient du fait qu’une telle carapace affaiblit nos capacités perceptives et sensitives, si bien que la saveur même de la vie s’en trouve diluée. De la même manière, un vêtement épais nous sépare de notre environnement tout en nous protégeant. Notre personnage protecteur s’oppose notamment à notre individualité créatrice qui veut s’ouvrir au mouvement de la vie et à sa constante nouveauté. Toutefois, la peur nous empêche de donner plus de place à nos élans créateurs. Il devient alors primordial de comprendre les blessures de fond qui ont motivé la mise en place d’une telle armure psychique pour que nos défenses se dissolvent et que nous puissions jouir de l’énergie qui se libère à cette occasion. Voilà ce que l’on appelle le travail de guérison et le retour à l’état d’union.
Pour être juste, je tiens cependant à signaler qu’un choc particulier précède tous les autres dans nos vies. À lui seul, le choc de la naissance provoque en nous une forte impression de division d’avec le tout universel. Il est d’ailleurs à noter que nos parents ne sont pas responsables de ce choc et de l’impact qu’il a sur nous. Il est un fait de nature. C’est une réalité existentielle. Il s’ancre en nous lors de notre venue au monde. Il n’en reste pas moins que, par la suite, la terreur d’être séparés nous met pratiquement parlant à la merci de ceux qui nous entourent, au point que bientôt nous quêtons appartenance et reconnaissance dans leurs yeux comme si nous étions des êtres démunis et sans valeur.
Nous leur demandons inconsciemment de confirmer sans cesse notre importance pour être rassurés par rapport au fait que nous existons bel et bien. Car le besoin d’être reconnu par les autres combat l’angoisse du vide et du néant qui nous touche tous et toutes en réaction au choc de l’incarnation. Nous finissons par épouser une conception de nous-mêmes qui se situe exactement à l’opposé de celui ou celle que nous sommes réellement. Étant mal situés par rapport à notre véritable nature, ayant oublié que nous sommes des créateurs de vie qui appartiennent au tout et qui n’en ont jamais été séparés, nous souffrons d’une existence qui devient de plus en plus difficile à vivre intérieurement et extérieurement. Nous appelons ainsi le malheur à notre insu et la maladie intervient pour nous indiquer où le bât blesse.
Lorsque j’ai pris conscience de cette perfection même de la vie, voilà quelques années, elle est devenue pour moi un sujet d’émerveillement et la base d’une nouvelle confiance. C’était comme un joyau que je ne me lassais pas de contempler. Mes propres symptômes prenaient sens et je réalisais l’intelligence de l’organisme à travers eux. Les épreuves et les maladies nous convient en fait à un renversement de perspective. Dans une telle conception, il n’y a d’ailleurs plus de séparation marquée entre le corps et l’esprit, entre le matériel et le subtil. Ainsi, une atteinte physique peut exprimer jusqu’à quel point nous pouvons être éloignés concrètement d’une position juste et centrée par rapport à ce que nous sommes psychologiquement parlant. Le dérèglement du fonctionnement des organes et des cellules devient alors le représentant du soi ou de l’âme, selon le terme que l’on préfère. Il s’adresse directement à la conscience. Ne pas prendre de temps pour écouter ce fracas intime équivaut à refuser le message vivant qui émerge des profondeurs. C’est comme ne pas ouvrir une lettre importante livrée par le facteur.
À cet effet, il importe de noter que Jung ne voyait pas seulement des causes à une maladie. Il disait que nous étions aussi malades parce que nous n’étions pas ce que nous étions appelés à être. Le dérèglement psychique ou physique porte un sens orienté vers le futur. En somme, nous sommes malades parce que nous ne répondons pas au potentiel créateur que notre inconscient abrite. Nous bloquons l’actualisation consciente de ce potentiel dans notre vie concrète. Aujourd’hui, j’entends cela comme le fait de ne pas exprimer ou manifester son essence individuelle, celle qui correspond aux élans naturels qui nous habitent et que nous avons le goût de manifester sur le plan de l’amour ou de la création. En tout cas, il me semble qu’une telle conception complète bien la vision causale. Pour sûr, il y a des causes à nos maux, toutefois, nous souffrons aussi parce que nous ne sommes pas en train de vivre ce qui nous rendrait plus heureux. Il s’agit d’accepter que notre organisme, grâce à l’intelligence qui lui est propre, nous le manifeste spontanément.
Cela étant dit, il n’y a pas d’intérêt à voir dans ces messages des commandes ou des ordres, il est plus juste de les concevoir comme des rappels de notre nature globale. Il y a un déséquilibre et notre être entier l’exprime par la maladie, simplement, directement, sans fard. Notre rôle est d’écouter ces messages, de tenter de les interpréter et d’entreprendre de changer d’attitude ou de comportement.
Le but d’une telle entreprise consiste à satisfaire la pulsion d’union en retrouvant la fluidité du mouvement vital et la jouissance liée à cette fluidité. Pourquoi ? Parce que la force repose sur la fluidité. Par exemple, la puissance d’un muscle vient du fait qu’il peut à la fois se contracter et se détendre. Il est faible et vulnérable s’il reste sans cesse tendu. Comme l’explique si bien la médecine chinoise, nous sommes mouvement et par conséquent la santé est mouvement. Le sens de la vie se trouve dans ces retrouvailles avec le mouvement vital. Se mouvoir en créant à partir de notre essence, de nos talents et de nos goûts profonds, et jouir de la sensation intense d’exister en créant, n’est-ce pas là notre aspiration profonde ?
Tout se passe en somme comme si nous étions une parcelle d’énergie pure associée à une essence individuelle. Cette essence individuelle permet la conscience subjective. Elle permet de dire Je. Elle prend racine dans des élans créateurs qui viennent nous enraciner sur la Terre et nous particulariser aux yeux des autres individus. Que nous soyons artiste, enseignant, constructeur, entrepreneur ou soignant, que nous aimions la cuisine, la coiffure ou le bricolage, nous nous incarnons pour nous déployer et pour participer avec notre essence au mouvement du monde et à sa création.
Ce que nous sommes venus exprimer ici n’est pas l’ampleur d’un désastre, mais la perfection même qui nous anime de l’intérieur. Nous vivons pour exprimer la beauté de l’univers que nous portons et qui nous entoure. Tel le bourgeon qui contient déjà la feuille repliée en son sein, nous venons du dedans. Nous avons la vie et nous venons créer de la vie en participant au monde. Nous venons animer cette création collective par nos élans. Voilà pourquoi il est important d’écouter les messages de la maladie et de faire de la place à nos tendances créatrices : c’est que la matière même de notre bonheur réside dans leur expression.
Lorsque je considère ce que je viens de dire, je me demande si, au niveau psychologique, le cancer ne serait pas le résultat de milliers de renoncements à soi-même. Peut-être que les milliards de cellules atteintes confessent le nombre de fois où l’on a dit « non » à nos élans créateurs et à la vie en soi. Dans mon cas, je ne dirais pas peut-être, je dirais : « Oui, assurément ! » Je le sens comme cela et c’est à partir d’une idée comme celle-ci que je continue à me soigner. Très vite, j’ai compris que mon corps jouait un rôle de messager. Il venait me dire que mon âme souffrait, que je n’étais pas en adéquation avec ce que je devais vivre, avec ce qui était juste pour moi. Bref, je n’incarnais pas celui que j’étais appelé à devenir. Ma vie n’exprimait pas la totalité de mon potentiel et de mes élans créateurs. Malgré les accomplissements, je devais m’avouer que de la déception existait en moi. Je ne vibrais pas aussi intensément que je le souhaitais.
Bien sûr, les circonstances de mon passé ont contribué pour une large part à ce que je suis devenu, la maladie témoigne toutefois de milliers de choix faits au jour le jour, au présent également. Je constate maintenant avec consternation que ces choix ont principalement servi à me protéger et à établir une image publique dont la stature me met pour une large part à l’abri des revers financiers et des risques d’abandon de la part du public. Je me suis assuré, en écrivant des livres utiles, une reconnaissance solide qui met en échec ma peur profonde de rester incompris. En effet, si pour certaines personnes le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’abus constituent les blessures fondamentales, pour moi il s’agit du sentiment d’incompréhension. La peur d’être incompris a guidé ma vie à mon insu. C’est sans doute comme cela que j’ai créé un personnage qui est devenu pour beaucoup de gens celui qui pouvait les comprendre et leur expliquer leur vie psychique. Je me suis plu et je me plais encore à jouer ce rôle public, car il me permet d’exercer des talents d’enseignant.
Au début de mon cancer, je ne sais pas de quelle nature est ma blessure fondamentale. Pourtant, à mesure que mon esprit s’éclaircit, la peur d’être incompris apparaît toute nue sur mon écran psychique, et elle n’a rien de sexy ! C’est tellement logique au fond. Ceux qui ont peur d’être rejetés passent des vies à tenter de plaire à tout le monde, développant les habiletés et multipliant les façons de plaire et de séduire dans le seul but de ne pas se sentir mis à l’écart. Pour moi, qui passe ma vie à tout expliquer, cela coule de source que ma peur fondamentale, le point sensible de mon organisme psychique, le talon d’Achille de ma stature, se résume à la peur de l’incompréhension. J’ai dû être brûlé sur une place publique dans un lointain passé, on dirait que je sens encore les flammes me lécher le derrière ! Alors, je fais tout pour que ça ne se reproduise pas. La peur d’être incompris, c’est l’éléphant dans le magasin de porcelaine, l’éléphant que je ne veux pas voir. Maintenant que toute la vaisselle qu’il y avait à casser l’a été, il me reste l’éléphant et je lui fais face puisqu’il n’y a plus que lui à regarder !
Assurément, mes parents ont mal évalué l’importance de mes goûts artistiques ; toutefois, leur réaction ne constitue pour ainsi dire que le rez-de-chaussée de la maison de l’incompréhension. Celle-ci possède aussi une fondation. Je veux dire qu’il y a eu bien d’autres difficultés avant celle-là. Mon enfance en a été fortement marquée.
À quatre ans, à sept ans, à dix ans, et finalement chaque année de cette enfance, je me suis senti incompris et j’ai eu l’impression que je n’avais ni les moyens de comprendre ce qui m’arrivait, ni ceux de me faire comprendre. Il y avait beaucoup de perturbations en moi. Des réactions émotives fortes et hargneuses m’agitaient. J’écrivais en cachette un petit roman où je concoctais le crime parfait. Je l’avais intitulé Rouge. Finalement, ce malheur que je ressentais a implosé faute de pouvoir s’exprimer ouvertement. Pour échapper à tout cela, je me suis mis à rêver. Je suis devenu un enfant plaisant, bien adapté, mais qui faisait des crises de nerfs qui l’ont mené à des coups pendables au pensionnat…
Puis le théâtre est venu canaliser tout cela et me rendre l’espoir. Je pouvais y jouer tous les personnages qui m’habitaient. J’avais le droit d’être entier au théâtre. Les caractères y ont de la grâce, mais ils sont aussi veules et animés de motifs cachés. Ils ont droit à tout. En le quittant, je ne savais pas que je me séparais de ma santé. Je divorçais de l’unité qu’il m’offrait. Cela dit, je ne pense pas que j’ai été malade parce que je ne suis pas devenu acteur. Je crois que j’ai été touché par la maladie parce que, en quittant le monde du théâtre et des interactions intenses que la scène me permettait d’avoir avec les autres, je me suis trouvé à divorcer d’avec l’unité psychique qu’il me procurait. À l’époque, toutefois, ni mes parents ni moi ne pouvions savoir une telle chose. Nous n’aurions pu imaginer que le tribut à payer serait si lourd.
Sans vouloir aller plus loin dans le dévoilement de ma propre intimité, je dirai pour résumer mon propos que, d’un point de vue clinique, le cancer m’apparaît aujourd’hui lié à la séparation d’avec soi-même, c’est-à-dire la séparation d’avec ses propres élans créateurs et d’avec l’unité fondamentale et universelle. Chaque fois qu’une personne s’interdit ou n’a pas la possibilité d’exprimer l’effet que les chocs, les traumatismes, les abus ou les accidents ont sur elle, cela contribue à la formation de ce que j’appellerais un soi de survie. Ce soi de survie est une formation psychique qui s’installe entre le moi conscient, qui est le centre du champ de la conscience, et le soi véritable, qui agit comme le centre de la personne prise dans sa globalité.
Qu’il s’agisse d’événements pénibles de l’enfance ou de ceux qui bousculent le parcours d’une vie — des deuils inacceptables par exemple —, ceci a pour effet d’amener un être à développer un tel soi de remplacement. Ce soi de survie se compose d’une bonne dose d’adaptation et même de suradaptation à l’extérieur ainsi que d’une bonne portion de mise en échec et de négation de ses propres élans, désirs, sensations et volontés. Tout simplement parce que l’expression directe et spontanée de ces éléments semble mettre en danger la survie de la personne, engageant des mauvais traitements ou des désapprobations trop graves de l’extérieur. Ce soi de survie devient donc le gardien du statu quo et inhibe à l’avance les manifestations authentiques de l’individu, le précipitant dans des angoisses proprement archaïques s’il ose franchir les limites permises3.
À la longue, le refoulement et la suppression des sensations et des impressions qui ordinairement guident une existence finissent par provoquer une désorientation de l’être. Ne se reconnaissant pas, ne pouvant s’aimer véritablement, constamment à la recherche de son authenticité en même temps qu’il la sabote pour survivre, il dresse ainsi la table de la maladie, de l’accident, ou de l’événement grave. Ces catastrophes personnelles engagent alors un bouleversement suffisant de l’organisation psychique pour permettre une réorganisation si l’on est à même d’entendre le message des profondeurs. En cela ces cataclysmes physiques et psychologiques représentent véritablement l’effort de la nature pour nous guérir, selon l’expression de Jung, ou la solution parfaite de survie déclenchée par le cerveau, selon une expression chère au décodage biologique. Ce qui sera rencontré au sein de ce bouleversement correspond alors, transposé au niveau intérieur, au portrait que nous offrent les grandes catastrophes humanitaires avec leur lot de désespoir, d’impuissance, de peur, de terreur, de dépression, mais aussi d’espoir.
Les parties reniées, écrasées et humiliées mènent une existence de sans-abri à l’intérieur de soi. Bientôt, elles agissent comme des zones d’inflammation qui bloquent le fonctionnement habituel. Elles forcent une déstructuration pour une restructuration de la personne. Pensez par exemple à un abcès qui se développe sous une couronne dentaire et qui forcera le démantèlement de la superstructure imposée à la dent pour pouvoir être soigné. Le cancer agit comme un abcès qui un jour ou l’autre va obliger une remise en question de l’équilibre global de la personne. Plus vous êtes à même de favoriser cette remise en question, plus vous favoriserez les mécanismes d’autorégulation.
Alors comme dans un séisme collectif qui attire la compassion et favorise la naissance d’une nouvelle fraternité humaine, le séisme personnel rendra possible une nouvelle unification des forces de l’individu et une réorganisation de sa vie, faisant éclater le soi de survie. La personne a alors l’impression de se libérer d’un poids énorme. Elle peut enfin respirer et s’exprimer à l’aise.
Il n’est pas nécessaire de connaître tous les éléments d’une enfance ou d’une vie qui ont contribué au naufrage, toutefois la reconnaissance de l’unité perdue et la mise en place de nouvelles attitudes et de nouveaux comportements en réponse à cette prise de conscience sont nécessaires au retour à l’équilibre. La maladie offre la possibilité d’une simplification salutaire de la vie d’un individu au niveau psychique. Il cesse de se saboter lui-même et devient plus apte à se reconnaître et à s’aimer parce qu’il a retrouvé le lien direct avec ce qu’il ressent véritablement.
Pour sûr, il s’agit ici d’une hypothèse de nature psychologique concernant un mal physique. Elle n’est sans doute pas généralisable à tous les cas de cancer. Toutefois, au risque de me répéter, je trouve qu’il est toujours avantageux de se poser des questions psychologiques par rapport à n’importe quelle atteinte physique, ne serait-ce qu’une grippe. Si ces découvertes n’engagent pas toujours une guérison physique, car parfois le corps est trop fragilisé pour revenir à la santé, elles ne peuvent que favoriser un retour à l’équilibre psychique et une précieuse sensation d’unité retrouvée. Cette dernière stimule de toute façon les mécanismes d’autoguérison et procure la délicieuse sensation de se retrouver et de revivre. Bref, pour employer une expression du Dr Matthew A. Budd, fondateur et directeur du F. Holland Day Center for Healing and Creativity, un centre de retraite pour les cancéreux situé près de Boston, « le cancer représente une trop belle occasion d’évoluer pour la laisser passer. »
Je dirais aujourd’hui que mon père et ma mère ont simplement contribué à l’éveil de la sensation d’incompréhension fondamentale dans ma vie. Ils n’en sont pas responsables. Elle était en moi. Ce n’est pas eux qui l’ont créée. Tout comme ils n’ont pas créé les talents avec lesquels je suis venu au monde. À cet effet, la psychanalyste Françoise Dolto disait que les enfants choisissent leurs parents. Il me semble, avec le recul des années, et en dehors de tout contexte religieux, que l’âme doit en effet choisir son lieu d’incarnation. Je dis « choisir » au sens d’être attiré, comme on choisit un partenaire amoureux. L’âme est attirée par un milieu où ses goûts vont pouvoir se développer. Ainsi, les talents et les qualités qui ont prévalu dans certaines lignées familiales agissent comme des aimants. Je me suis donc incarné dans des lignées de gens intéressés par l’expression artistique et l’enseignement. Ma grand-mère maternelle enseignait tout comme ma mère. Quant à mon père, il a pris sa revanche sur son passé en finissant sa vie comme sculpteur sur bois. L’art et l’enseignement sont devenus les deux grandes passions de ma vie.
Vraisemblablement, nous partageons aussi avec nos lignées d’ancêtres les difficultés inhérentes à notre parcours. Ainsi, nous mettons en scène certains obstacles afin de les dépasser, de les transformer, de les transcender en quelque sorte. Aujourd’hui, j’imagine facilement que nous choisissons aussi des parents pour leur incompréhension, leurs difficultés, voire leurs abus. Ils vont alors nous provoquer au point de nous amener à comprendre les peurs qui nous enferment et ainsi nous propulser dans la voie d’une libération totale.
Cela me fait penser à ce que j’ai appris au cours de ma formation en psychodrame. Un protagoniste y est invité à rejouer avec l’aide d’autres membres du groupe une circonstance difficile de sa vie. Cette mise en scène l’aide à prendre conscience des véritables enjeux qui sont présents dans cette situation et des choix qui s’offrent à lui. Il peut même, s’il le désire, changer le cours de son histoire en disant ce qu’il n’a pas pu dire dans la circonstance réelle. Cette recréation, somme toute imaginaire, possède la force de remettre la personne au centre de ce qu’elle a vécu.
Je pense qu’il se passe quelque chose de similaire dans la vie : nous choisissons des circonstances familiales à l’occasion desquelles des bonheurs et des manques nous aident à remettre en scène un drame qui nous est personnel et que nous traînons peut-être depuis plusieurs existences — qui sait ? Nos lignées familiales et nos parents sont nos compagnons de jeu dans cette tragicomédie. Nous leur servons aussi à remettre en scène des problématiques et à les dépasser. Tout cela nous invite à une responsabilisation croissante par rapport à ce que nous sommes et à ce qui nous arrive. Jusqu’à ce que nous découvrions que nous créons notre vie à un degré infiniment plus grand que ce que nous avons toujours cru.
Aujourd’hui, j’en arrive même à penser qu’il y a des contrats qui se font d’âme à âme. À un niveau très profond, mes parents ont sans doute accepté de rejouer ce drame avec moi et pour moi. Lorsque j’aborde les choses dans une telle perspective, je peux les délivrer de tous les démons que j’ai projetés sur eux. Ce qui est arrivé devait arriver pour que je puisse découvrir ce qui me liait sur le plan inconscient et dont je devais me délivrer. Ces dimensions m’appartiennent et les incompréhensions de mes parents m’ont permis de découvrir ce qui vibrait en moi à mon insu. Comprendre cela m’autorise aujourd’hui à m’en libérer. Je n’ai plus à concevoir ma mère ou mon père comme responsable de ce drame. J’en accepte l’entière responsabilité. Peu importe le passé, il revient à chacun de le comprendre et de s’en libérer.
Pour voir les choses ainsi, il faut accepter de laisser basculer nos conceptions. La psychanalyse a avancé l’idée d’un tel renversement depuis longtemps. Ainsi, parlant des criminels, Freud conclut que la culpabilité précède l’acte. Comme si l’état psychique cherchait à se concrétiser dans une action, à se matérialiser, pour ainsi dire4. Il est intéressant d’appliquer un tel raisonnement à la maladie, car il nous aide à pénétrer dans le domaine psychosomatique de façon simple. Abordée sous l’angle d’un tel changement de perspective, la question à poser devant un malaise organique devient : qu’est-ce que telle ou telle atteinte permet de mettre en scène du désordre intérieur de la personne ? Voilà pourquoi, dès les premiers paragraphes de mon texte, j’ai résumé ma trajectoire en demandant : pourquoi avais-je besoin du cancer dans ma vie ? Car on peut voir la maladie comme un théâtre intime qui vient exprimer une vieille tristesse, un conflit non résolu, ou encore une blessure psychique qui n’est pas guérie. Cette mise en scène a l’avantage de donner à voir à la personne ce qui l’affecte et à quoi elle n’a pas su porter suffisamment d’attention. Nos états intérieurs possèdent ainsi une sorte de pouvoir attractif. Ils attirent les circonstances qui leur permettront de se manifester pour que nous puissions les observer et nous en délivrer.
Lorsque je contemple ma propre histoire, j’y lis, certes, l’influence de mes parents et de leurs propres difficultés. Toutefois, je vois aussi la mise en scène qu’ils m’ont permis de faire de mes propres enjeux. Tous ces moments où je n’ai pas osé faire des choix différents, des choix qui m’auraient affranchi du passé, défilent devant mes yeux, et mes parents n’ont rien à voir là-dedans. Certes, une trace vivante était présente en moi. Elle empêchait des choix justes. D’une certaine façon, cette trace m’a obligé à devenir moi-même malgré moi. John Lennon, des Beatles, a dit que « la vie est ce qui nous arrive pendant que l’on est occupé à faire d’autres plans ». Pendant que l’on fait autre chose, une vie se vit, un destin se compose, une partition s’écrit. Les enjeux s’éclaircissent et l’on peut réajuster le tir tant que la capacité nous en est donnée. De toute façon, à partir d’une perspective agrandie, ce n’est pas si grave : notre voyage est éternel et le temps n’est pas compté.
La chimiothérapie permet de combattre la dégénérescence des cellules. La psychothérapie facilite la compréhension des causes plus subtiles d’un déséquilibre. Toutefois, ni l’une ni l’autre intervention ne permet de créer le nouveau style de vie dont nous avons besoin pour retrouver la santé. Nous allons donc aborder une partie très importante de ce livre : l’aspect énergétique proprement dit. Je le place d’emblée à l’enseigne de la création, car, ici, il s’agit de participer directement à l’effort de guérison ou d’autorégulation en stimulant en soi des états expansifs. En effet, le but de ce livre est de vous encourager à participer pleinement à votre chemin de guérison en agissant sur votre taux d’énergie.
Carl Gustav Jung, le premier, s’est attaché à jeter les bases d’une psychologie fondée sur l’énergie en parlant de l’énergétique psychique, un thème auquel il a consacré un livre entier5. Le mot « énergétique », employé habituellement comme un adjectif, signifie « relatif à l’énergie, aux différentes sources d’énergie et à la mesure de cette énergie ». L’énergie psychique dont Jung parle équivaut au terme de libido chez Freud tout en dépassant la seule dimension sexuelle. Cette énergie est celle de nos désirs, de nos fantasmes, de nos volontés, de nos idéaux et de nos complexes. Il est important de se concevoir comme un ensemble énergétique, car cela permet de comprendre comment des types d’exercices comme la méditation ou la visualisation peuvent favoriser la santé personnelle.
Pour se rendre compte de la présence et de l’efficacité de l’énergie psychique, il suffit de penser à soi lorsque l’on est sous le coup d’une émotion intense, la colère par exemple. Un événement ou une parole nous touche et nous voici submergés par l’émotion. Cette submersion émotionnelle est le signe qu’un complexe s’est activé en nous et qu’il décharge son énergie. Car les complexes sont des centres d’énergie vitale qui contiennent notre potentiel énergétique. Nous pouvions être fatigués cinq minutes plus tôt, maintenant que la colère nous envahit de l’intérieur, nous ne le sommes plus et nous aurions même de la difficulté à dormir.
Pour le psychiatre suisse, le flux énergétique qui circule en nous découle d’une paire d’opposés qui créent une tension dans l’être : la nature d’un côté, l’esprit de l’autre. Par son observation du monde primitif, Jung conclut en effet qu’une force s’oppose à l’énergie de l’instinct et tend à la transformer ou à la détourner, il s’agit de la puissance de l’esprit. Nous retrouvons ces idées principalement à travers les mythologies religieuses. Un concept comme celui du salut chez les chrétiens, ou celui de la libération chez les bouddhistes, invite à une action directe sur le monde instinctuel et s’y oppose parfois.
La spiritualité entrevoit l’être comme une entité spirituelle, c’est-à-dire une âme dotée d’un esprit qui a pris corps, qui s’est incarnée si vous préférez. L’âme correspond au cœur, à l’amour. Elle nous anime. Elle nous meut. Elle représente l’énergie fondamentale de l’univers et elle nous met en relation subtile avec celui-ci. Grâce à l’âme, nous avons parfois l’impression de pouvoir communiquer avec les arbres ou avec les étoiles. Nous avons alors le sentiment d’être en communion avec le monde. L’esprit, de son côté, nous permet d’être conscients et de devenir témoins de notre existence. Ses lumières orientent nos pensées et nos actions. Les hindous disent que son siège se situe au milieu du front, à un endroit qu’ils appellent le troisième œil. Le ventre, lui, accueille la pulsion de vie, la volonté de s’incarner. Il s’associe aux pulsions sexuelles et créatrices qui enracinent l’énergie de l’âme et la lumière de l’esprit au centre du corps. Le corps devient ainsi le véhicule de chair du duo âme-esprit. Il permet de s’exprimer dans la matière et le résultat en est la joie d’exister.
Pour moi, l’aspect le plus précieux de ce pôle spirituel réside dans le fait qu’il invite une personne à dépasser ses motifs égocentriques pour cultiver des états d’expansion comme l’amour, la compassion, la paix, la joie. Ces états expansifs sont de plus en plus reconnus par la science comme favorisant la santé. Or, ils sont difficiles à enraciner en nous parce que, paradoxalement, nous les appelons et nous nous en défendons en même temps. Ces états d’ouverture nous font peur car nous craignons d’y perdre notre identité. Notre personnalité, notre personnage, connaît en effet les blessures et la peur et fait en sorte que nous restions fermés sur nous-mêmes pour nous protéger. Ces mesures de protection finissent cependant par nous étouffer. Il y a ainsi une lutte constante en nous entre la partie de nous qui veut le meilleur et celle qui reste close sur elle-même parce que cela la rassure.
Dans ses écrits, le psychiatre suisse associe l’énergie psychique à une discussion générale sur la nature de l’énergie qui anime l’univers. Il existe une formule algébrique, e=mc2, pour décrire cette force, mais nous ne savons pas exactement ce qu’est l’énergie. Nous ne pouvons que constater la réalité de son existence à travers ses effets. Une force existe qui se meut, qui se transforme, qui travaille et qui crée. En montrant que les complexes agissent essentiellement comme des valeurs énergétiques, Jung a lié la psychologie au champ général de la physique, nous offrant ainsi un pont avec le monde moderne. D’ailleurs, ces idées lui sont venues en discutant avec des physiciens comme Albert Einstein et Wolfgang Pauli, tous les deux Prix Nobel.
Depuis Jung, la pratique énergétique comme telle s’est largement affranchie de la psychologie. Si le monde psychologique se lit en termes de complexes, d’inconscient et de libido, l’univers énergétique se conjugue avec des mots comme ondes, fréquences et vibrations6. Par exemple, notre Terre est entourée d’une atmosphère qui se compose de différentes couches qui vont de la troposphère à l’exosphère en passant par la stratosphère. De même, notre corps physique est entouré de corps subtils qui, au lieu d’être composés de cellules organiques, sont composés de cellules photoélectriques assurant un contact plus fin avec les autres humains et avec les règnes animal et végétal. Le plus important est de se rendre compte que ces enveloppes corporelles constituent autant de champs électromagnétiques. Ces derniers agissent comme nos antennes de communication avec le monde et ils nous mettent en interrelation avec des phénomènes qui reflètent ce qui se passe en nous, que cela soit conscient ou non.
La médecine ayurvédique, la plus ancienne médecine connue, traite depuis fort longtemps ces différents corps énergétiques, et elle les décrit. D’ailleurs, la racine ayur signifie élan vital, et véda signifie connaissance. Cette médecine se base donc sur une connaissance de l’élan vital7. Les hindous appellent auras ces enveloppes de plus en plus larges et fines qui entourent le corps physique. Ils distinguent d’abord le corps éthérique, pratiquement collé au corps physique et qui en est le double au niveau plus subtil. Vient ensuite le corps émotionnel dans lequel circulent les émotions et les sensations qui affectent la personne. Puis il y a le corps mental où se meuvent les pensées, les inspirations, les intuitions. Il existe encore d’autres couches de plus en plus subtiles et de plus en plus étendues qui vont jusqu’au corps atmique, siège de l’atman, qui est l’âme dans la littérature védique. Ce dernier corps nous relie à notre dimension universelle que d’autres traditions appellent le « Je suis véritable » et que Jung a approché à sa façon en la nommant le soi, terme qu’il a d’ailleurs emprunté à la littérature hindoue.
Notre premier mode de communication est énergétique. Ce sont nos vibrations qui s’inscrivent initialement dans notre environnement à travers nos corps subtils. C’est l’ambiance d’un être, ce qui émane de lui, ses ondes, que nous saisissons tout d’abord. C’est aussi ce que les autres saisissent de nous. De même, lorsque nous entrons dans une pièce, nous en percevons avant tout l’atmosphère avec nos canaux affinés de perception. Ces canaux de perception subtile se développent facilement. Il suffit souvent de prendre la peine d’y être attentif. En entrant dans un lieu, par exemple, on peut volontairement porter attention à ce qui se dégage de son atmosphère en observant les impressions, les sensations, les sentiments et peut-être même les images qui nous traversent.
De même, en prenant contact avec quelqu’un, nous pouvons nous demander ce qui résonne en nous.
« Quelle réaction cette personne stimule-t-elle en moi ? » constitue le genre de questions à se poser. L’atmosphère intérieure que quelqu’un fait naître en nous parle en partie de ce qui se passe à l’intérieur de cet être et de ce qui en émane à travers ses champs magnétiques. Bien entendu, ce que nous éprouvons d’une personne à travers ce qui se dégage d’elle ne constitue pas une perception objective de l’autre. Toutefois, à travers le pont de communication que les ondes créent, nous pouvons sentir ce qui vibre chez l’autre en étant attentifs à ce qui vibre en nous.
Une telle façon d’aborder les choses renverse pour sûr notre vision habituelle, car pour nous, tout se résume au corps physique, le seul que nous puissions voir. Dans les faits, personne n’a jamais pu voir une émotion ou une sensation. Pourtant, nous en constatons sans cesse les effets sur nos attitudes et nos comportements. De même, l’état psychique d’un individu agit sur son entourage. Si vous êtes triste ou en contact avec une personne dépressive, cela changera votre état et celui des autres. Or, comme je l’ai dit auparavant, nos états psychiques sont pratiquement les seuls éléments sur lesquels nous pouvons exercer un certain pouvoir et ainsi influencer notre destin, car ils agissent comme des aimants dont les vibrations attirent des personnes et des situations.
Lorsque vous êtes contracté, aux prises avec vos blessures et vos peurs, soumis à votre personnage, éprouvant une tristesse qui déborde de vous, les gens n’ont pas le goût de vous approcher. Ils éprouvent de la bienveillance, et certains tenteront de briser votre bulle de chagrin par compassion. Mais personne n’en a vraiment envie, sauf ceux qui s’identifient à vous parce qu’ils éprouvent, de façon cachée ou apparente, une peine similaire à la vôtre. Si, par ailleurs, quittant votre bulle de mélancolie, vous faites l’effort de vous mettre en contact avec les aspects lumineux de votre être, et que vous vibrez de joie en mettant un sourire dans votre cœur et sur votre visage, les autres vous souriront en retour et auront le goût de s’approcher.
Nous tendons à nous lier à ceux qui irradient le bonheur et l’amour. Nous allons nourrir et stimuler auprès d’eux notre propre flamme de vie. Le choix de nos états d’âme ne change pas seulement notre humeur intérieure, il transforme aussi notre parcours de vie. À l’évidence, je ne parle pas d’une simple opération cosmétique qui consiste à camoufler ses larmes derrière un sourire. Bien sûr, cela produira quelque chose de positif, et des gens vous souriront. Toutefois, le reste des questions non réglées continuera de vibrer en vous et d’émaner de vous vers l’extérieur, attirant des êtres et des situations qui risquent d’être douloureuses ; celles-ci ont toutefois de bonnes chances de permettre un dégagement, à la longue.
À l’inverse, si vous prenez la peine, dans un premier temps, d’essayer de comprendre vos états intérieurs et si, dans un second temps, vous tentez de les transformer en vous identifiant à la partie lumineuse de votre être, vous avez de bonnes chances d’augmenter la force de votre champ magnétique. Autrement dit, la fusion avec le personnage contracté produit un état intérieur qui n’est pas attirant pour les autres. Il affaiblit votre champ d’attraction. Il vous déracine. La communion avec le meilleur de vous-même, avec vos aspects plus légers et joyeux, renforce au contraire votre champ magnétique. Les personnes les plus attirantes sont celles qui ont réglé leurs problèmes pour cultiver librement des états d’amour et de joie.
Plus vous goûtez à votre capacité de produire des états expansifs de joie, de paix et d’amour, plus vous appréciez ces états porteurs d’harmonie et d’inspiration. De toute façon, il ne sert pratiquement à rien de discuter de tout cela. Je vous invite plutôt à en faire l’expérience par vous-même. Identifiez-vous à la partie lumineuse de votre être, à l’être d’amour, enracinez-vous dans cette vibration et devenez le témoin de ce que cela attire dans votre vie. Un autre moyen très efficace de renforcer votre champ vibratoire consiste à projeter autour de vous des rayons de conscience et d’amour pour veiller tant sur le bien-être de vos proches que sur les gens en difficulté que vous croisez. La méditation et la contemplation pacifient également votre champ d’énergie et le renforcent. Comme je l’expliquerai plus loin, les états que ces pratiques engendrent en nous stimulent les mécanismes d’autorégulation.
Je veux maintenant vous présenter quelqu’un de très important pour moi et qui a favorisé amplement mon retour à la santé. J’ai appris auprès de lui bon nombre des exercices que je vais décrire dans les prochains chapitres. Il s’agit de Pierre Lessard. Pierre est un enseignant spirituel qui agit souvent en état de transe médiumnique8. Même si j’ai vu Pierre des dizaines de fois en état second, ce n’est pas le mode de transmission qui m’importe mais la qualité du message et surtout sa force de résonance en moi.
J’ai rencontré Pierre Lessard au printemps 1995. J’avais pris rendez-vous avec lui sur les conseils insistants d’un ami.
« Écoute, j’ai rencontré quelqu’un qui a une énergie si belle et si pure, j’aurais pu la déguster, me dit ce dernier.
– Je n’ai jamais pris rendez-vous avec un médium.
– Tu devrais y aller. Je crois qu’il pourrait te dire des choses sur ton intestin. »
Deux semaines plus tard, je me retrouve en face d’un individu de belle stature et d’une grande gentillesse. Il m’explique ce que nous allons faire : « Je vais entrer en transe et l’entretien durera pendant une bonne heure.
– Je pourrai poser des questions personnelles ?
– Tout à fait. À un point donné les énergies diront : “On vous écoute”. Et à ce moment-là, on peut poser des questions. Le tout sera enregistré et tu pourras partir avec la cassette. »
Nous allons nous asseoir simplement par terre sur des coussins qui balisent l’espace des rencontres. La pièce est jolie, sans prétention, et il y règne une douce pénombre en cette chaude journée. N’étant pas mêlé au monde de la psychologie, Pierre Lessard a seulement une très vague idée de qui je suis.
Dès qu’il est en contact avec les énergies qui l’inspirent et qui se présentent sous le nom de Saint-Germain, celles-ci me disent : « Enseignez n’importe quoi, mais enseignez ! » Cela me fait sourire. Je me reconnais immédiatement dans ces paroles, car je sais combien je deviens vivant en donnant des conférences ou en écrivant. D’ailleurs, je viens tout juste de fermer mon cabinet de consultation individuelle pour me consacrer aux conférences et aux séminaires ainsi qu’aux chroniques radiophoniques et télévisées. Cela me met en confiance.
Je ressens un tel respect de l’être et de la vie de la part des énergies qui me parlent que je ressors de cet entretien profondément apaisé, conscient des écueils que j’ai à affronter mais confiant dans mes ressources. Ces énergies ne semblent avoir aucune propension à nous faire éviter les pièges inévitables d’une vie, en choisissant à notre place, par exemple. Au contraire, elles cherchent plutôt à les éclairer de façon telle qu’une possibilité de choix se dégage. J’y sens une réelle invitation à l’autonomie et un respect sans compromis de la liberté de chaque individu par rapport à une destinée qui, loin d’être tracée à l’avance, se décide à tout moment9.
On m’explique aussi que je suis le créateur de mes bonheurs comme de mes malheurs beaucoup plus qu’il n’y paraît, que j’en sois conscient ou non. Cela me plaît énormément, car j’ai une sainte horreur des prises d’autorité d’un être sur un autre. En formant des thérapeutes au sein de l’Association des psychanalystes jungiens du Québec, je n’ai d’ailleurs pas cessé de veiller sur ce point, trop conscient que là où il y a un effort de compassion se profile nécessairement son ombre, le pouvoir. L’idée d’un destin qui serait prédictible va contre mes convictions les plus intimes.
À la fin de l’entretien, nous avons quelques minutes pour faire connaissance et c’est le début d’une amitié qui dure encore aujourd’hui. Je découvre au fil du temps que cet homme a de l’inspiration, de l’énergie et du savoir-faire à plusieurs niveaux. C’est ainsi qu’il devient l’un de mes principaux collaborateurs au sein des Productions Cœur.com, une compagnie que j’ai fondée en 1997. Elle réunit une quarantaine d’artistes et de thérapeutes répartis entre l’Europe francophone et le Québec. Pierre y agit à titre d’organisateur des voyages thématiques, de concepteur et d’animateur d’ateliers.
Après quelques années, il se met à partager la tâche d’enseignement avec moi, couvrant l’aspect énergétique alors que je couvre l’aspect psychologique. Tout ce travail se fait à la condition expresse que les transes médiumniques ne fassent pas partie du décor de mes séminaires. Non que je n’aie pas confiance dans l’intégrité de Pierre, mais je ne veux pas nuire à Cœur.com qui œuvre auprès d’un large public. Je ne trouve pas souhaitable que cette organisation soit confrontée aux réactions de peur, de fascination ou d’incompréhension que la médiumnité suscite encore de nos jours.
Ces dix ans à se côtoyer dans l’action tissent des liens solides entre Pierre et moi, et celui-ci a un autre projet en tête. Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’habite en grande partie à la campagne. Il s’agit d’un bout de forêt que nous avons acheté entre amis pour y établir un lieu de vie. À flanc d’un cap d’arbres et de roches, nous avons fait construire une route d’un kilomètre et fait ériger quelques résidences. Notre but est de vivre avec des gens qui partagent le même goût pour la méditation et la spiritualité, si l’on peut entendre ce terme d’une façon ouverte, c’est-à-dire non religieuse et non dogmatique. En y commençant la construction d’une maison à l’automne 2006, je ne sais toutefois pas que ce lieu deviendra un atout majeur dans mon retour à la santé, tant par la nature qui l’entoure que par la présence de la cellule de vie qui l’habite. En effet, si je peux donner du sens à ce qui m’arrive, je le dois beaucoup au travail qui se fait ici vers l’autonomie réelle et dans la solidarité des uns avec les autres. En effet, plusieurs personnes de ce petit hameau m’ont été d’un secours réel à travers l’épreuve.
L’idée de cette cellule de vie tire son origine d’un rêve de Pierre : créer un lieu qui agirait pour ses hôtes comme une sorte d’école initiatique, c’est-à-dire un endroit où nous trouverions l’accompagnement nécessaire pour initier un véritable chemin vers la maîtrise de soi. Cette notion de maîtrise peut s’entendre comme un dévoilement de l’être profond, joyeux et lumineux au-delà des voiles du personnage auquel nous nous identifions d’ordinaire.
Alors, de la même façon qu’il a dit oui à Cœur.com dix années plus tôt et qu’il m’a accompagné depuis lors fidèlement, j’acquiesce à mon tour à son projet. Avec la création de ce lieu, en 2006, je m’offre ce que j’ai voulu trouver en Inde, à l’ashram d’Aurobindo, et en Suisse, à l’Institut Carl Gustav Jung. Je retrouve aussi ce que j’ai connu au fil d’une bonne dizaine d’années de thérapie personnelle : le plaisir et, ma foi, le tourment d’être guidé et accompagné dans un travail sur soi au quotidien.
Non seulement je reconnais la nécessité d’un tel labeur dans ma vie, mais je le vois comme un privilège. Tant d’existences se vivent sans qu’une possibilité de transformation consciente ne se présente, je ne veux pas passer à côté de cette opportunité. Par le travail psychospirituel qu’elle propose, cette école particulière nous initie aux aspects lumineux de nos êtres autrement plus négligés et ignorés que les aspects sombres auxquels la psychanalyse m’a habitué.
Un mot de prévention est nécessaire par rapport à un sujet aussi délicat et sensible que la médiumnité. Je ne me sens nul besoin de justifier une telle pratique ou même de vous inciter à fréquenter des médiums. Je vous décourage même de courir de l’un à l’autre à la recherche de nouvelles sensations spirituelles. Il s’agit là d’une sorte de tourisme qui nuit à l’engagement profond dans son propre processus de transformation.
En ce qui me concerne, je dirais que la vie a mis sur mon chemin de guérison quelques êtres d’une grande intégrité. Je me suis ouvert à leur message nonobstant leur mode de transmission, car, comme je l’ai dit précédemment, un premier passage près de la mort, en 1989, a déclenché en moi des phénomènes tels que j’ai mis dix bonnes années à me les expliquer10. Lorsqu’on se retrouve en dehors de son corps à quelques reprises et que l’on revient à la santé à un rythme qui stupéfait les médecins, l’expérience est à la fois malaisée à nier et difficile à intégrer. En tout cas, elle a sûrement contribué à mon acceptation de modes d’enseignement moins habituels. D’ailleurs, pour chacun de nous, cela fait partie du chemin vers la guérison authentique que de s’ouvrir à d’autres types de connaissances.
Je suis cependant un consommateur averti, si l’on peut dire. Lors de mes études à l’Institut Jung, j’ai lu les récits des cérémonies décrites par des anthropologues et des historiens des religions comme Claude Lévi-Strauss ou Mircea Eliade. Cela m’a informé de ces possibilités de l’être humain puisque leurs écrits sont truffés de descriptions de rituels guérisseurs qui mettent à profit un medicine man en transe. Jung lui-même a consacré sa thèse de doctorat en psychiatrie à l’étude de sa cousine qui avait des talents médiumniques. Il essayait de comprendre ce qui se passait chez elle. Son étude aboutit à la théorie des complexes, universellement reconnue en psychologie. Elle lui fournit également les bases de sa conception des archétypes de l’inconscient collectif. J’avais donc des idées sur la réalité psychologique que peut représenter la canalisation.
De plus, plusieurs techniques modernes de psychothérapie utilisent des états seconds comme moyens d’autorégulation. Je pense par exemple à l’hypnose ericksonienne issue de la pratique du psychothérapeute Milton Erickson. Un article de Wikipédia résume ainsi sa pensée :
« L’inconscient est profondément bon et puissant. Il se révèle une puissance bienveillante avec laquelle l’état hypnotique doit permettre de coopérer. L’inconscient est capable de mobiliser des ressources intérieures, des potentialités susceptibles de conduire aux changements désirés. L’hypnose ericksonienne a pour but d’amener conscient et inconscient à travailler ensemble pour déclencher les changements utiles à la résolution du problème11. »
Nous pouvons citer également la technique du Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR), qui utilise le mouvement alterné des yeux du patient pour induire un état second. Ce type d’intervention à visée psychothérapeutique, mis au point par la psychologue Francine Shapiro en 1987, permet une désensibilisation et un retraitement de l’information enregistrée lors d’un traumatisme12.
Il y a également la respiration holotropique développée par le psychiatre Stanislav Grof. Celui-ci utilise le travail du souffle et la musique rythmée pour modifier l’état de conscience du patient et faire surgir des images enfouies au plus profond de l’inconscient. Selon lui, en état de conscience modifiée, les défenses mentales sont neutralisées et la psyché en profite alors pour entrer dans un processus d’autoguérison.
Or, certaines personnes ont accès à volonté à ces états de conscience modifiée, et elles peuvent aider les autres à se guérir en utilisant leurs pouvoirs de vision et de compréhension. On les appelle des médiums. Ces derniers agissent littéralement à titre de canaux de transmission des énergies universelles. Ces types de transmission sont d’ailleurs à la source des grands cultes religieux. Que l’on pense par exemple aux Tables de la Loi que Moïse a reçues directement de Dieu sur le mont Sinaï, à l’ange qui a visité la Vierge Marie pour lui annoncer qu’elle allait enfanter du Messie ou encore aux médiums tibétains qui déterminent le prochain dalaï-lama. Dans chaque cas, je crois que l’on fait référence à de hautes inspirations reçues en état de transe.
Il ne faut cependant pas être naïf. Il faut fuir à toutes jambes quiconque vous demande d’aliéner votre autonomie individuelle — et une bonne partie de votre porte-monnaie ! — au profit d’un groupe ou d’une croyance quelconque. Il faut savoir résister à la fascination exercée par certains guides. Ils attirent la projection du soi profond et c’est pour cette raison qu’ils ont ce pouvoir. Dites-vous que la canalisation ne revêt pas d’importance particulière en soi. Tant mieux si elle permet un message plus vibrant. Mais ce n’est pas toujours le cas. La personnalité d’un médium qui n’a pas suffisamment travaillé psychologiquement sur lui-même se mêle souvent au message. Ce médium utilise alors son magnétisme à des fins égocentriques.
Encore une fois, ce qui compte est la qualité de l’enseignement et la résonance qu’il a en vous. Ce que l’on vous dit vous parle-t-il réellement ? Y retrouvez-vous des éléments que vous ressentiez déjà ? Les propositions d’exercices vous aident-elles à progresser intérieurement ? Les réflexions que vous entendez respectent-elles les autres approches et les êtres humains en général, ou s’affichent-elles comme la voie unique du salut ? Les réponses à ces questions sont très importantes. Si vous vous trouvez devant un enseignement dogmatique qui vous fait tiquer, vous n’êtes sans doute pas à la bonne place. Encore moins si votre groupe est mené par un gourou paranoïaque qui se dit en contact direct avec Dieu et qui affirme que la fin du monde s’en vient ou que lui seul a le pouvoir de vous guider hors de ce marasme.
Dites-vous bien qu’aucune pratique et aucun enseignement n’ont d’effet magique. Ce n’est pas parce qu’on les utilise que l’on va se sauver de quoi que ce soit. En dernière analyse, tout repose sur le degré de votre engagement envers vous-même et votre processus d’évolution. Votre capacité de générer l’intensité nécessaire à la stimulation de vos propres processus d’autorégulation fera la différence.
Tout maître, tout médium ou tout psychothérapeute qui ne soutient pas activement l’autonomie de l’être dans son enseignement me semble tenir une position fallacieuse parce qu’il encourage la dépendance. Les formes de fascination doivent être dépassées. On doit apprendre à compter de plus en plus sur ses propres forces ; on se rend alors compte que l’on a plus de maîtrise que l’on croyait sur ses processus internes. L’inspiration du médium doit vous servir de guide pour éveiller vos propres capacités de création. Rappelez-vous qu’il ne s’agit pas d’être disciple de quelqu’un, il s’agit de devenir maître et disciple de soi-même. Un enseignement authentique mène à cela et nulle part ailleurs.
Ces mises en garde étant faites, je peux dire que le travail énergétique a apporté de grands changements dans ma vie, et il en apporte encore. Ces changements m’amènent de plus à m’engager dans un processus d’ouverture psychologique et spirituelle. Dans les chapitres qui suivent, je mentionne plusieurs exercices que j’ai appris auprès de Pierre. La structure de ces exercices lui appartient. La seule chose qui me revient est la façon dont je les ai vécus, ressentis et interprétés. On peut trouver leur version intégrale dans un livre intitulé Manifester ses pouvoirs spirituels13. En cours de route, je renvoie également à d’autres ouvrages qui font état d’exercices similaires si jamais vous n’étiez pas à l’aise avec ce mode d’enseignement. Maintenant, revenons à notre récit.
_______________
1. David Servan-Schreiber, Anticancer, op. cit.
2. Voir à ce sujet l’article publié en ligne par la Société canadienne du cancer sur le lymphome cancéreux. Site : http://www.cancer.ca/canada-wide/about cancer/types of cancer/what is non-hodgkin lymphoma.aspx ?
3. À l’intention de mes collègues cliniciens, j’ajouterai que le concept de soi de survie que je propose ici m’apparaît différent du surmoi freudien. Il se rapproche plutôt du faux-soi des narcissiques mais sans en porter la bannière négative. Mon appellation fait plutôt ressortir le fait que cette organisation psychique se met en place pour permettre la survie de l’individu aux cataclysmes personnels.
4. Nicole Aknin et Jacques Schecroun, Et si la vie voulait le meilleur pour nous ? Petit traité de bientraitance, Paris, Presses de la Renaissance, 2010, p. 94.
5. Carl Gustav Jung, L’énergétique psychique, 5e édition, Paris, Georg éditeur, Le Livre de poche, 1993.
6. J’ai consacré un chapitre entier à ces questions dans Le meilleur de soi, op. cit., p. 147.
7. Deepak Chopra, Santé parfaite. Guérir, rajeunir et vivre heureux avec la médecine indienne, Paris, J’ai lu, 2005, p. 7.
8. Dans l’avant-propos d’un livre intitulé Le Maître en soi, Pierre Lessard relate le périple qui l’a amené à canaliser le Maître Saint-Germain. Voir Pierre Lessard et France Gauthier, Le Maître en soi, Montréal, Éditions La Semaine, 2006.
9. Il s’agit là du thème central d’un livre récent de Pierre Lessard : Pierre Lessard et France Gauthier, Tout se joue à chaque instant. Entretiens avec le Maître Saint-Germain, Montréal, Éditions La Semaine, 2010.
10. Je relate ce passage en détail dans l’avant-propos de mon livre La guérison du cœur, op. cit.
11. Source : Wikipédia, Hypnose ericksonienne, article en ligne.
12. Dans son livre, Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse, Paris, Éditions Robert Laffont, Coll. Réponses, 2003, David Servan-Schreiber consacre un chapitre entier à cette technique.
13. Pierre Lessard, Maître Saint-Germain, Manifester ses pouvoirs spirituels. Vivre en équilibre dans un monde en mutation, tome premier, Montréal, Éditions Ariane, 2009.