La fonction guerrière occupe, dans les mythologies et dans les épopées des peuples indo-européens, un personnel nombreux, mais moins fermement organisé que celui de la fonction souveraine.

Pour ne considérer que les Indo-Iraniens, deux orientations générales s’y découvrent1, non pas complémentaires et donc inséparables comme sont « la moitié Mitra » et « la moitié Varuṇa » du premier niveau : d’une part celle du dieu Vāyu et des héros de son type (tels que son fils Bhīma dans le Mahābhārata), c’est-à-dire des combattants d’une taille et d’une force prodigieuses, sommairement armés (Bhīma, comme Héraclès, est le héros à la massue), agissant le plus souvent dans la solitude ou en avant-garde ; d’autre part celle d’Indra et des héros de son type (tel Arjuna son fils, dans le Mahābhārata), plus humains physiquement et plus sociables, qui entraînent volontiers des groupes de compagnons, des armées, et sont équipés des armes usuelles, simplement plus merveilleuses. Je m’empresse d’ajouter qu’il s’agit plutôt de tendances que de définitions rigoureuses et que les formes mixtes sont nombreuses2.

Les deux types sont exposés à commettre des fautes. Le premier est surtout sujet à des colères qui, étant donné sa force, donnent lieu à des excès, à des violences injustifiées. Le second – mais, encore une fois, il y a des formes mixtes3 – est exposé à des périls plus variés : engagé dans la hiérarchie sociale, en charge de la sécurité des dieux ou des royaumes, il arrive qu’il ait à vaincre et à éliminer des adversaires que leur nature, leur état civil, ne lui permettent pas de tuer sans qu’il en soit souillé, voire criminel. En second lieu, pour accomplir ses exploits, il doit disposer, par rapport aux normes admises dans « sa » société, d’une autonomie qui risque de se retourner contre elle. À quoi il faut ajouter que, plus que tout autre, le héros, sinon le dieu de deuxième fonction, peut être entraîné à des actions coupables, à des faiblesses contraires à l’idée, au principe de sa fonction, soit par le destin, soit par un dieu, ou encore se trouve pris comme enjeu – c’est la pire situation – dans le conflit de deux divinités antagonistes.

La première partie de ce livre a présenté des exemples clairs du premier risque. Nous parlerons plus tard longuement du troisième. Voici d’abord quelques réflexions sur le deuxième, l’autonomie.