NUAGES
Seul(e) ? Moche ? Timide ?
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* v2.3 ou supérieure ** v8.0 + carte MultiSense
Love Links® est un produit MAYA™
Avec MAYA, dites NON aux télédrogues !
Elle est jeune, belle et très timide. Elle s’appelle Jennifer. Depuis une cinquantaine d’heures, Wilbur essaie de la « ferrer », comme il dit. La ferrer signifie coucher avec elle. Pas en basse réalité, bien sûr : il n’a jamais fait l’amour en basse réalité. Trop dangereux, trop de maladies, de virus mutagènes. Trop d’aléas, d’imprévus. Et puis quelle fille voudrait de Wilbur en basse réalité ?
En haute réalité, Wil est un dragueur impénitent, un renard dans les poulaillers d’Atout Cœur ou Love Links. Son tableau de chasse est impressionnant : pas moins de soixante filles en deux ans, dont plusieurs actrices, top models et stars des réseaux. Pourtant les Marie-couche-toi-là, celles qui se foutent à poil en un rien de temps, ne l’intéressent pas : ce qu’il aime avant tout, c’est la conquête. Rencontrer une jeune fille réputée difficile, lui faire une cour patiente et passionnée, déployer tous les ressorts de sa séduction… la « ferrer », finalement. Puis l’abandonner pour une autre…
L’atout principal de Wilbur est son avatar qu’il a composé avec minutie, en piochant des éléments parmi cent mille visages et quinze mille corps disponibles. Un assemblage unique, métissage indéfinissable : des cheveux mi-longs aux nuances cuivrées, une peau hâlée, des traits mixés philippins-masaïs, un œil vert et l’autre bleu, un grain de beauté au coin des lèvres : des petits défauts qu’il sait très séduisants – un visage parfait est antiérotique. Pour son corps, il n’a pas sacrifié au look haltérophile à la mode, préférant des courbes longilignes, des formes juvéniles, privilégiant la grâce et l’harmonie à l’impression de force et de puissance. Côté vêtements, la garde-robe disponible sur Maya est illimitée ; Wil adapte ses atours aux goûts de l’élue de la semaine. Ce que Jennifer apprécie, c’est le style ninja : tunique de soie rouge au col ouvert, brodée d’idéogrammes japonais, large pantalon noir à mi-mollets, espadrilles légères, noires également.
Jennifer porte un bustier de dentelle blanche, un saroual écru, des babouches de cuir ornées d’arabesques, une perle rose dans le nombril. Ses cheveux blonds sont serrés sous un bandana fuchsia qui dégage ses délicates oreilles percées d’anneaux. Elle a adopté un type nordique prononcé : de grands yeux bleus innocents, une peau très pâle, des lèvres roses ourlées, un menton volontaire, un nez fin dans son visage ovale. Les courbes de son corps sont idéales, mais qui ne l’est pas en haute réalité ?
Tous deux cheminent, main dans la main, dans une prairie d’herbe tendre mouchetée de pâquerettes multicolores, cernée par une forêt de chênes moussus qui descend en pente douce vers un ruisseau cristallin bordé d’aubépine fleurie. Au-delà, la campagne ondule de collines douces en vallées boisées, riante sous les rayons dorés du soleil. Des papillons diaprés butinent de fleur en fleur, des oiseaux gazouillent, des grillons stridulent : une magnifique journée de printemps, qui incite au farniente et au lutinage… Heureuse, Jennifer sourit aux moineaux qui virevoltent autour d’eux, peu farouches. Wil se dit qu’il est temps de la pousser dans ses derniers retranchements.
— C’est si beau, Wilbur ! s’écrie-t-elle en battant des mains. Je ne connaissais pas cet endroit…
— Je peux t’en montrer d’encore plus romantiques, sourit-il en frôlant d’un doigt léger ses cheveux soyeux.
— Non, j’ai envie de rester un peu ici…
Une mésange vient se percher sur son épaule. Jennifer dépose du bout des lèvres un baiser sur sa huppe. La mésange lui sourit, du moins donne-t-elle cette impression. Wil en ressent un léger agacement : il devrait programmer des oiseaux un peu plus sauvages, qui ne distraient pas trop sa conquête. La mésange s’envole en pépiant. Jennifer se tourne vers Wil, l’air grave soudain.
— Quand on vit des moments pareils, on a du mal à croire que la basse réalité est si pourrie…
Il saisit ses mains, lui sert son sourire le plus enjôleur.
— Jennifer, ma douce… pourquoi se soucier de la basse réalité ? Alors qu’ici tout nous sourit, tout nous invite ! Cette prairie fleurie, par exemple, n’est-elle pas là pour qu’on s’allonge dedans ?
— Qu’on s’allonge ?
La jeune fille fronce ses fins sourcils. Mollo, se dit Wilbur.
— Oui, un brin d’herbe entre les dents, on écoute les oiseaux, on regarde passer les nuages… As-tu remarqué que certains ont des formes extraordinaires ?
Jennifer lève les yeux au ciel.
— Il n’y a pas de nuages…
Wil clique discrètement de l’œil droit sur l’option Nuages, sélectionne Cumulus puis Immédiat.
— Si, regarde…
De mignons petits nuages floconneux progressent lentement au-dessus des chênes centenaires. Leur forme est aléatoire, toutefois l’un d’eux affecte nettement l’apparence d’une paire de fesses.
— Oh ! s’écrie Jennifer.
Elle rougit et porte une main à sa bouche, se retient de pouffer. Wilbur rit franchement, autant de sa gêne que de cette facétie du logiciel. Il reprend la main de sa conquête, l’entraîne dans l’herbe où un tapis de mousse enveloppe un rocher affleurant, judicieusement disposé en appuie-tête.
Tous deux s’allongent sur la mousse, le bras de Wil glissé sous la nuque de Jennifer, sa main lui caressant l’épaule. Elle fait mine de se relever, y renonce. Contemple rêveusement les nuages, un sourire flottant sur ses lèvres. Wilbur, lui, bout intérieurement mais affiche un calme olympien. Il sent – très loin, ailleurs, dans son corps oublié en basse réalité – qu’il bande douloureusement.
— Je suis heureuse, soupire Jennifer. Un tel moment ne m’était pas arrivé depuis…
— Chut, murmure Wilbur, qui se redresse et pose un doigt sur ses lèvres. Ce moment arrive maintenant. Savourons-le…
Il se penche sur elle. Jennifer ouvre de grands yeux faussement étonnés, mais qui au fond lui disent : Viens…
Leurs lèvres se joignent, s’entrouvrent, douces et chaudes, leurs langues se mêlent… Wil a particulièrement soigné l’option sensitive de son avatar. Les bras de Jennifer se referment sur sa nuque, les doigts fins de la jeune fille s’égarent dans ses cheveux cuivrés. Enfin, jubile-t-il, enfin ! Cinquante heures non-stop, je l’ai bien gagnée, celle-là ! Leur baiser devient fougueux, la main de Wil caresse le ventre nu de Jennifer, se glisse sous son bustier… Elle se raidit.
— Wilbur, s’il te plaît…
— Quoi donc, ma chérie ?
— Je… (Elle rougit de nouveau.) Je n’ai jamais fait ça.
— Oh. (Une vierge totale ! Incroyable !) Détends-toi, mon amour. C’est le plus doux des plaisirs…
Sa main s’insinue de nouveau sous la dentelle tandis qu’il embrasse fougueusement les lèvres de Jennifer. Elle frémit…
Message important de MAYA – priorité 1
Merde ! s’insurge Wil en son for intérieur. Pas le moment ! Il caresse le sein de Jennifer, titille son téton dur et dressé. Un avatar supérieur, qui réagit finement aux stimulations, note-t-il avec satisfaction. Mais l’avertissement de Maya qui flashe au bas de son champ de vision le gêne. C’est un message personnel apparemment, que Jennifer n’a pas reçu : paupières closes, lèvres entrouvertes, respiration légèrement saccadée, elle découvre le plaisir sexuel. Elle doit être équipée comme lui d’une Manside, ou d’un filet sensor, qui lui transmet en feedback toutes les sensations perçues en haute réalité. Tu n’attendais que ça, hein, petite jouisseuse ? On ne s’équipe pas d’une Manside juste pour causer !
Attention – sécurité : MAYA communique
Veuillez cesser toute activité SVP
Plus tard, Maya, merde !
Les deux amants roulent dans la mousse, se couvrent de baisers. La main de Wil pétrit les seins de Jennifer, il ne sait à quel moment elle a effacé son bustier. Il les embrasse, les lèche, descend vers son ventre, suce la perle rose de son nombril…
Extrêmement important – priorité 1++
MAYA communique – entrez votre login
Cessez immédiatement toute activité
J’ai dit plus tard ! Tandis qu’il insinue des doigts fureteurs sous le saroual de Jennifer – laquelle promène sur ses reins une main encore hésitante –, Wilbur appelle dans son œil gauche un utilitaire pirate de sa Manside qui lui permet, outre de cracker son limiteur de temps (chose faite depuis longtemps), de couper tout contact avec Maya et d’effacer sa présence des réseaux. Un petit hack pratique, tout aussi illégal que le zipzap, la télédrogue qu’il charge régulièrement pour tenir le coup.
Un clic de l’œil droit : le message agressif de Maya s’efface.
— Wilbur… non… je… Ooohh…
Le sexe de Jennifer est doux, soyeux, humide et chaud sous ses doigts. Une Manside haut de gamme, reconnaît Wil. Qui transmet les sécrétions corporelles. Virtual Life ou Hyperreal, probablement. Mademoiselle a les moyens ! Eh bien, mademoiselle en aura pour son argent…
Jennifer craint d’effacer son saroual ou a oublié comment faire. Tant mieux, se réjouit Wilbur. Effeuiller sa conquête est devenu un plaisir trop rare en haute réalité, où l’on peut se vêtir et se dévêtir en un clin d’œil, au sens propre du terme. Il fait glisser la pièce de tissu – Jennifer se contorsionne et résiste faiblement –, dévoile le trésor qu’il convoite depuis cinquante heures : suave, rose, luisant dans son écrin de boucles blondes, entre deux cuisses satinées au galbe de danseuse. D’un clic, Wil efface ses propres vêtements. La taille de son membre impressionne Jennifer, mais les formes juvéniles de son corps la rassurent : elle ose quelques timides caresses du bout des doigts… puis, toute réticence évanouie, empoigne l’objet de son désir et l’embouche goulûment. Eh bien, pour une vierge, tu sais y faire !
En vérité, Jennifer s’avère une amante insatiable. Pas de défaillances en haute réalité, pas de fatigue, pas d’irritation des muqueuses, pas même de satiété autre que purement mentale. Et le zipzap booste le plaisir… Wilbur déploie tout son talent, assouvit ses fantasmes et ceux de son amante, la fait surfer sur les ondes de l’orgasme. Il jouit plusieurs fois dans sa Manside, là-bas, dans un autre monde ; ça ne le calme pas pour autant, il repart à l’assaut de sa conquête…
Soudain tout s’efface – noir total.