COMMANDO

Voici maintenant notre flash info présenté par Nawa Kafondo, et toujours développé en temps réel sur notre site Voixdeslacs.bf hébergé par China.net. Restez à l’écoute sur La Voix des Lacs !

Bonjour. Les recherches se poursuivent activement aux alentours de Kongoussi pour retrouver Moussa Diallo-Konaté, le fils de la présidente enlevé par des terroristes étrangers. La police et l’armée collaborent pour passer la région au peigne fin. Un éleveur peul a signalé avoir découvert un cadavre sur le site des hauts-fourneaux de Darigma…

De retour à Kongoussi dans la soirée, Abou et Rudy retrouvent Laurie à la mairie, dont la cour est toujours pleine de monde. Elle accourt vers eux, plantant sur place le premier adjoint Alpha Diabaté.

— Je suis contente de vous revoir ! (Un ton plus bas :) L’adjoint n’arrête pas de me draguer, il veut absolument m’inviter chez lui…

Abou, qui n’a pas oublié les paroles de sa grand-mère (« la femme qu’il vise est déjà consentante »), saisit l’occasion au vol :

— Tu peux dormir chez moi si tu préfères.

— Merci, mais le maire m’a invitée aussi. Lui, au moins, il a une femme et des enfants. Sa fille me fait la gueule, j’ignore pourquoi, mais je m’entends bien avec Alimatou… Vous connaissez la nouvelle ? Ce cadavre qu’ils ont découvert ?

— Oui, répond Rudy, on l’a entendu à la radio, dans la voiture. C’est un berger peul qui l’a trouvé, c’est ça ? Dans je ne sais plus quel bled…

— Le village de Darigma, à une dizaine de kilomètres au nord d’ici, sur la route de Djibo. Il y a des ruines d’anciens hauts-fourneaux là-bas… Le Peul l’a repéré là-dedans, grâce aux vautours qui tournaient autour. Et vous savez quoi ? Il lui manquait un doigt. L’annulaire, précisément.

— Tiens donc… Je présume que, du coup, notre sémillant commissaire imagine que les ravisseurs sont planqués dans le coin et a concentré là-bas le gros des troupes ?

— Tout juste. D’ailleurs, ils ne vont pas tarder à revenir : la nuit tombe et ils manquent de matériel pour chercher dans l’obscurité.

— O.K. Eh bien, nous, on va explorer au sud. Ça te va, Abou ?

Celui-ci acquiesce d’un air entendu. Laurie les dévisage tour à tour avec suspicion.

— Vous, vous m’avez l’air d’avoir une piste.

— Bah, de vagues soupçons, c’est tout, élude Rudy d’un ton détaché. La magie, tu sais… ça ne marche que sur les gens crédules.

Sur ces entrefaites déboule dans la cour la Jeep du capitaine Yaméogo, transportant le capitaine lui-même, son lieutenant, son aide de camp et le commissaire Ouattara. L’officier remarque aussitôt Abou, épinglé par le faisceau des phares. Il saute du véhicule et s’avance vers lui au pas de charge.

— Aïe aïe aïe, ça va chauffer pour moi, craint Abou.

— Caporal-chef Diallo-Konaté, je vous arrête !

— À vos ordres, mon capitaine ! (Il se met au garde-à-vous en claquant les talons.) Puis-je savoir la raison, mon capitaine ?

— Abandon de poste et absence sans motif. Vous me ferez quinze jours ! Donnez-moi vos armes et vos galons.

Rudy estime qu’il doit intervenir :

— Capitaine, si je puis me permettre… C’est moi qui ai embarqué Abou pour une mission spéciale.

— De quel droit ? Sur l’ordre de qui ?

— De mon propre chef, je le reconnais… Nous sommes allés visiter sa grand-mère qui, vous le savez sans doute, pratique la divination par le bangré.

— Et alors ?

— Alors nous savons désormais où est emprisonné son frère Moussa. Nous étions justement en train de mettre au point un plan pour le délivrer quand vous êtes arrivé.

— C’est du ressort de la police et de l’armée, notifie le capitaine d’un ton pincé. Les civils ne doivent pas s’en mêler.

— N’oubliez pas que j’ai fait partie des commandos… Écoutez, capitaine, je vous propose un marché : laissez Abou assurer cette mission. Je vous promets que d’ici vingt-quatre heures nous aurons sauvé Moussa. Si demain soir Moussa n’est pas ici, vous pourrez arrêter Abou. Mais si nous le ramenons, toute la gloire en rejaillira sur le 4e R.I. que vous commandez. N’est-ce pas équitable ?

— Le bangré, vous dites ? Hum… (Le capitaine réfléchit quelques instants, tourne la tête vers le commissaire Ouattara en discussion avec le maire.) Soit. Je vous accorde vingt-quatre heures. Pas une minute de plus.

— Merci, capitaine ! Heu… Un troisième homme ne serait pas de trop pour cette mission. Un soldat bon tireur, courageux, qui a du sang-froid…

— Mon copain Salah Tambura, suggère Abou. J’ai toute confiance en lui.

— C’est que j’en ai besoin… (Le capitaine réfléchit, puis concède :) Bon, prenez Tambura avec vous. (Voyant Ouattara se diriger vers eux, il ajoute à mi-voix :) Pas un mot au commissaire ! Il serait capable de tout faire foirer.

— Comptez sur nous, capitaine. Je sais ce qu’est une mission spéciale…

Rudy appuie sur ces derniers mots avec un clin d’œil complice. Yaméogo esquisse un sourire de fierté : apparemment cette battue stérile l’ennuie, il est heureux que ça bouge enfin.

— Vous, là ! apostrophe Ouattara, levant son gros doigt sous le nez de Rudy. Que complotez-vous encore ? Je vous préviens, la rétention d’information est assimilable à un faux témoignage !

— Je ne retiens aucune information, commissaire. On se renseignait juste auprès du capitaine de l’avancement des recherches… Abou est le frère du disparu, quand même : c’est normal qu’il s’inquiète.

— Capitaine Yaméogo, profère le policier d’une voix aigre, je vous défends de divulguer la moindre information à des étrangers !

— Pardon, commissaire, Abou Diallo-Konaté n’est pas un étranger mais un soldat sous mon commandement. D’autre part, je n’ai pas d’ordre à recevoir d’un civil. Caporal Diallo-Konaté, rompez ! Et… bonne chance.

— Merci, mon capitaine.

Tandis qu’ils s’éloignent, Laurie les rattrape :

— Je vois que ça te reprend, Rudy.

— Quoi donc ?

— L’envie de baston, de castagne. Tes pulsions de tueur. (Il hausse les épaules.) Ce qui me dégoûte le plus, ajoute-t-elle, c’est que tu entraînes un gamin avec toi.

— Laurie, retiens ça une fois pour toutes : s’il y a des victimes, c’est parce qu’il y a des prédateurs. Toi tu soignes les victimes, moi je combats les prédateurs. O.K. ? Chacun à sa place, et le troupeau sera bien gardé.