DessinMontrePoche.tif

CHAPITRE 14

SUR LES TOITS
DU PRODIGIEUX

— Debout ! rugit Brogan.

Frappant Mackie du bout de sa botte, il l’atteint juste sous le menton.

Celui-ci tousse, roule sur lui-même et vomit sur la botte de Brogan.

— Que…, gémit-il.

— Tu as reçu un choc électrique. Recule avant d’en prendre un autre et emmène Chisholm avec toi.

Le visage de fouine de Chisholm se contracte de façon convulsive, puis il ouvre les yeux et s’assied, visiblement sonné.

— Petit Jésus ! s’écrie Mackie à la vue de l’imposant cadavre de Cornelius Van Horne, dont la poitrine se soulève et s’abaisse de façon irrégulière.

— C’est juste une marionnette, explique Brogan, mais elle me tient, alors vous allez devoir lui péter le bras.

— J’aime pas les marionnettes, dit Mackie.

— T’as envie de finir tes jours en prison ? Alors, arrive tout de suite !

Grimaçant de répulsion, Mackie s’approche du cadavre. Il agrippe le poignet squelettique et tente de le casser.

— Solide, marmotte-t-il en tapant du poing contre l’avant-bras.

L’autre main de la marionnette bondit et lui attrape le biceps.

— Elle m’a eu ! braille-t-il. Elle m’a bien eu !

— Crétin, grogne Brogan. Chisholm, amène ta carcasse de gros paresseux et sors-nous de là !

Chisholm s’avance à son tour, ses yeux exorbités encore agrandis par la peur.

— T’es sûr que c’est pas le mort ?

— Il est là-dessous quelque part. Ce truc est purement mécanique, lance Brogan. Remonte sa manche !

Délicatement, Chisholm défait le bouton de manchette du cadavre et remonte sa manche. La couleur de sa chair est étonnamment semblable à celle d’un humain, et non dure comme celle d’un pantin.

— Regarde, dit Brogan. Y a une petite porte ou quelque chose du genre.

Chisholm y enfonce son canif et ouvre un panneau. Le bras est traversé de câbles bien tendus, semblables à des veines et à des tendons.

— Coupe-moi tout ça, ordonne Brogan. Ça devrait faire l’affaire. T’as des cisailles ?

— Tiens, dit Mackie en en sortant une paire de sa poche et en la tendant à Chisholm, qui la laisse tomber par terre.

— Je suis encore un peu secoué, explique-t-il.

— Donne-moi ça ! aboie Brogan.

Celui-ci place les lames de part et d’autre d’un câble et serre fort. On entend enfin un claquement sonore et les doigts du pantin se détendent. Brogan dégage son bras.

Après avoir libéré Mackie, Brogan jette un regard furibond aux cageots remplis d’or, de l’autre côté de la pièce, hors d’atteinte. Un pas de plus et le sol déclencherait une autre décharge d’électricité.

— On viendra chercher l’or plus tard, dit-il. Allons voir si les autres ont réglé son cas à Dorian.

Les six serre-freins s’immobilisent, à un wagon de Will et des autres, leur bloquant l’accès à la première classe.

— Où est Brogan ? crie le plus grand de la bande.

Will se rend compte que les hommes n’avaient pas prévu une telle éventualité. Ils avaient sans doute compté trouver l’or à leur arrivée et toucher leur part du butin.

— Il est dans le fourgon funéraire, enfermé avec Mackie et Chisholm ! répond M. Dorian. C’est terminé, messieurs. Vous avez échoué. Et si vous prisez la liberté, vous aurez le bon sens de tourner les talons et de regagner vos postes. Nous ne vous avons pas encore bien vus.

Tendu, Will attend. Peut-être croiront-ils que M. Dorian est armé d’un pistolet. Dans leurs mains, Will distingue l’éclat d’un couteau, une longue clé anglaise, le reflet d’un poing américain. Ils ne semblent pas avoir envie de battre en retraite.

— Nous pourrions aller vers la locomotive, murmure Will à l’intention de M. Dorian. Il y a les chauffeurs, les mécaniciens. Mon père…

M. Dorian ne dit rien, son visage blême fixé sur les serre-freins. Plus que jamais, il a l’air d’un étrange corbeau, son veston noir gonflé par le vent semblable à des ailes déployées.

— Qu’est-ce qu’on fait ? lui demande Maren.

Abasourdi, il regarde autour de lui. Entre les dents, il grommelle :

— Ils devraient pourtant être là…

— Qui ça ? demande Will.

— Liquidez-les ! hurle une voix derrière lui.

En se retournant, il aperçoit Brogan qui, tel un singe, grimpe sur le flanc du fourgon funéraire, suivi de Mackie et de Chisholm.

Will avale sa salive. Ils sont coincés. Les six serre-freins chargent en criant.

— Nous allons les contourner, dit Will à Maren. Ils ne peuvent foncer vers nous qu’un ou deux à la fois. Retourne en première classe et donne l’alarme.

— Je m’occupe de Brogan, dit M. Dorian.

De son veston, il sort le grattoir et, d’un air menaçant, s’avance vers les trois autres en décrivant devant lui des gestes brutaux.

— Les voici, s’écrie Maren lorsque le premier serre-frein franchit d’un bond l’espace entre les deux wagons.

Le corps de Will n’a qu’une envie : fuir. Il l’oblige toutefois à aller au-devant du torrent d’hommes. Il n’a rien pour se battre, mais, tout d’un coup, il se souvient des mots de M. Dorian : « Un bon manteau a de multiples usages. » Deux serre-freins fondent sur lui, les bras écartés, semblables à des oiseaux de proie se préparant à festoyer.

— Attrape-le ! crie l’un à l’autre.

D’un haussement d’épaules, Will se débarrasse de son manteau et le jette en direction des deux hommes. Le vent le plaque contre leur visage. Ils lèvent les bras pour l’ôter, vacillent et se déséquilibrent réciproquement. L’un d’eux tombe. En poussant un cri, il heurte le gravier et disparaît dans les broussailles en roulant sur lui-même. Le second parvient à se défaire du manteau, mais il trébuche et reste accroché au bord du toit, ses jambes ballant dans les airs. Will ne peut se résigner à le précipiter en bas du train.

Et ensuite Will n’a qu’une vision fragmentée : tout se passe très vite. Derrière lui, M. Dorian affronte Mackie, Brogan et Chisholm. Son terrifiant grattoir découpe l’air glacial. Pourtant, l’expression de M. Dorian, les crocs dénudés, les yeux brûlants de menace, est encore plus terrifiante.

À droite de Will, un serre-frein agrippe Maren, qui se dégage facilement. Il la saisit de nouveau, par les deux bras, cette fois. Un simple mouvement des épaules et elle se libère. Cette fois, cependant, une paire de menottes pend au bout d’un des bras de l’homme. En jurant, il se rue une fois de plus sur elle, au moment où un autre serre-frein, venu du côté opposé, l’agrippe fermement. Ils la tiennent, maintenant, mais Maren émerge habilement de la mêlée. Lorsque les deux serre-freins s’élancent vers elle, ils se rendent compte qu’ils sont menottés l’un à l’autre. Ils se désarçonnent et tombent en tas sur le toit.

Devant Will, il n’y a plus que deux hommes, à une certaine distance l’un de l’autre. S’il parvient à franchir cinq ou six wagons de service, il atteindra ceux qui abritent les membres du personnel. Parvenu là, il sonnera l’alarme. Il s’élance.

Il esquive l’un des serre-freins et s’apprête à sauter sur le wagon suivant lorsque, par-derrière, on lui empoigne les jambes. Il s’écroule sur le toit, le souffle coupé. Haletant, il se retourne et tape du pied l’homme qui cherche à le jeter en bas du train. Il n’a encore jamais frappé personne, mais sa réaction est instinctive. Il fonce et plante son poing dans la mâchoire de l’homme. Ce dernier titube en laissant entendre un grognement de surprise. Puis son bras musclé attire Will et lui assène un coup si violent que celui-ci, pendant un bref instant, perd connaissance. Lorsqu’il recouvre ses esprits, sa tête, au bord du wagon, pend dans le vide. Les rails défilent sous lui à toute vitesse. Le serre-frein se penche dans l’intention de le décrocher. Désespérément, Will cherche une prise, mais en vain.

Une longue perche en bois saisit le serre-frein par le ventre, à la façon d’une baguette soulevant un morceau de bœuf, et le catapulte en bas du train. Levant son regard, Will aperçoit les jumeaux Zhang, juchés sur leurs échasses. Li baisse les yeux sur lui.

— Pousse-toi, moustique ! crie-t-il.

En s’éloignant tant bien que mal du bord, Will plisse les yeux et voit un autre homme monté sur des échasses émerger des reflets du soleil. C’est Roald, des couteaux noués sur la poitrine. À ses côtés court en bondissant M. Beaupré. Sur le toit, rien ne l’oblige à se pencher pour marcher et il se dresse du haut de ses huit pieds. Il saute et atterrit au milieu de la bousculade.

Will est sur le point de courir vers la première classe lorsqu’il voit Maren esquiver un serre-frein qui brandit une clé anglaise. Il ne sait pas si elle a perdu pied ou si l’homme l’a touchée à l’épaule, mais elle tombe. Sa tête cogne lourdement contre la surface. Elle ne bouge plus. Il crie son nom et fonce au cœur de la mêlée.

Déjà, M. Beaupré s’emploie à désarmer l’homme à la clé anglaise, tandis qu’un autre homme frappe le géant par-derrière. Le corps de Maren commence à pencher vers le bord du toit. Will s’élance vers elle, glisse, l’agrippe par le bras.

Aussitôt, la main de Maren se referme sur lui et l’entraîne vers le bas.

— Maren ! crie-t-il.

— Ah ! lance-t-elle en clignant des yeux. Je t’ai pris pour un des leurs.

— Ça va ?

— Je faisais semblant. J’avais l’intention de jeter cet homme par-dessus bord !

— Nous avons de l’aide !

— Je sais !

— Tunnel ! hurle l’un des hommes.

Will, en se retournant, voit une montagne de pierre foncer vers eux à la façon d’une tête de troll, la gueule grande ouverte. Déjà, la locomotive s’est engouffrée à l’intérieur. Les jumeaux Zhang s’aplatissent sur le toit, leurs échasses de travers.

— Roald ! crie Maren.

Et Will a une dernière vision du frère de Maren et de sa stupéfaction au moment où la montagne s’approche en rugissant. On entend un bruit sourd suivi d’un claquement sec, puis, pendant quelques longues secondes, tout est ténèbres et fumée…

La lumière les éclabousse de nouveau, et Will tousse en clignant des yeux.

— Roald ! crie de nouveau Maren.

Son frère bondit en brandissant sa dernière échasse.

— Ça va ! crie-t-il en lançant celle-ci. Attention devant !

Habilement, M. Dorian s’écarte. L’échasse frappe Mackie et lui fait perdre pied. Brogan se rue sur le maître de piste, puis il bat en retraite, du sang jaillissant de sa joue.

Les deux serre-freins menottés par Maren chargent les frères Zhang et leurs échasses, dont l’une se casse en deux. Les jumeaux siamois s’écroulent sur le toit. À la manière d’une araignée infirme, ils tentent de se relever. Soudain, grimpés sur seulement deux échasses, ils exécutent une pirouette digne d’une ballerine. Un homme menotté pousse un cri au moment où l’un des couteaux de Roald s’enfonce dans son épaule.

Se retournant, Will voit Roald s’apprêter à lancer un autre couteau, mais, avant, un grand nuage de fumée et de vapeur déferle et oblitère le monde. Enveloppé dans ce brouillard âcre, Will a le vertige. Désorienté, il s’agenouille et se cramponne au toit.

Lorsque la fumée se dissipe, Will voit M. Beaupré tordre le bras d’un homme qui crie. Puis le géant soulève sa proie en rugissant :

— Toi, je vais te jeter en bas du train !

Et il met sa menace à exécution.

Will regarde devant lui. Le train fonce à toute vapeur vers le flanc rocheux d’une autre montagne.

— C’est le Connaught ! crie l’un des serre-freins.

Will a entendu parler de ce tunnel qui décrit trois spirales complètes au cœur de la montagne, et voilà que sa gueule noire béante fond sur eux.

L’obscurité est totale. Trois sifflets de locomotive lui font presque exploser la cervelle. Il est conscient de la proximité du plafond qui rugit tout près de sa tête.

La faible lueur des lanternes accrochées aux flancs du train laisse entrevoir la forme du tunnel. Le toit est plus élevé que Will l’aurait cru, assez pour laisser passer la haute cheminée de la locomotive. Le train, en amorçant sa longue descente sinueuse, ralentit considérablement, mais pas autant qu’il le devrait, car de nombreux serre-freins ont déserté leur poste.

— Je suis là, dit Maren en lui prenant la main.

Des gouttelettes glacées tombent sur Will. Sans manteau, il commence à éprouver le froid glacial. Le toit devient glissant.

Dans le tunnel, la dense fumée de la locomotive lui pique les yeux. Il n’y voit pas à deux pieds devant lui. Il aimerait se rouler en boule, à la façon d’un tatou, et disparaître. Frissonnant, il se crispe, redoutant le contact d’un assaillant. La fumée se dissipe.

— Attention ! crie Maren en lui saisissant les épaules pour l’écarter.

Une ombre large passe à vive allure. Dans la lumière qui s’estompe, il aperçoit une sorte de glaçon de pierre, mi-vert, mi-brun, à la forme tourmentée.

— Stalactite, souffle-t-il au moment où un autre l’effleure au passage.

Autour de lui, dans la vapeur et l’obscurité, il entend des cris. Il n’a qu’une idée très confuse de la situation. Combien de serre-freins reste-t-il ? Cinq ? Six ? Les deux qui sont menottés l’un à l’autre, dont l’un a un couteau fiché dans l’épaule. Un autre avec une énorme clé anglaise. Sans oublier Brogan, Mackie et Chisholm.

Après le passage d’un nouveau panache de fumée aveuglante, une ombre se profile au-dessus d’eux. M. Beaupré se baisse en souriant.

— J’ai encore jeté un homme en bas du train, lance-t-il gaiement.

Il s’assied soudain et Will voit la tache sombre qui se répand sur la chemise du géant.

— Vous êtes blessé ! s’écrie-t-il, horrifié.

— L’un d’eux avait un couteau, explique M. Beaupré d’un ton neutre.

Sur ces mots, sa tête bascule vers l’arrière et il s’endort.

Will et Maren s’efforcent d’amortir sa chute sur le toit. Le train poursuit son virage serré et le corps du géant roule. Will l’agrippe, mais l’homme est trop lourd, et il doit le lâcher. Sinon, il risquerait d’être entraîné avec lui. Avec un sanglot, il voit M. Beaupré tomber dans le tunnel et disparaître.

Un autre amoncellement de fumée les enveloppe et, lorsqu’il en émerge, Will, cette fois, voit Chisholm penché sur lui, un couteau à la main.

— Te voilà, dit l’homme en s’avançant.

Avec Maren, Will recule comme il peut. Le couteau tremble dans la main de Chisholm. Le train tourne et tourne encore, et le serre-frein ne semble pas tout à fait stable. Derrière lui, une pâle aura se profile. Ils approchent sans doute de la sortie.

Will voit la silhouette méchamment incurvée d’une stalactite venant du côté du tunnel.

— Attention ! ne peut-il s’empêcher de crier.

Le sourire incrédule de Chisholm se fige au moment où la stalactite le projette contre la paroi du tunnel.

Le Prodigieux émerge du tunnel et Will est momentanément aveuglé par la lumière du soleil et la neige des montagnes. Plissant les yeux, il se met précautionneusement en position accroupie et regarde autour de lui. Il voit les deux serre-freins menottés battre en retraite, traverser le wagon voisin en boitant. Puis un troisième saute à son tour et leur emboîte le pas. Aucune trace de Brogan ni de Mackie. Ont-ils déjà fui ? Sont-ils tombés dans le tunnel ? Will pousse un profond soupir et ses épaules s’affaissent. Les frères Zhang tiennent les vestiges de leurs échasses. M. Dorian balaie les environs du regard, les yeux affolés, le grattoir toujours à la main. Roald ramasse un de ses couteaux sur le toit et court vers sa sœur.

— M. Beaupré…, commence-t-elle avant d’éclater en sanglots.

— Je sais, dit son frère en la serrant dans ses bras.

Elle se presse contre sa poitrine et Will éprouve un pincement aigu au cœur.

— Que s’est-il passé ? demande M. Dorian, le visage livide.

— Il a reçu un coup de couteau, répond Will d’un air hébété. Nous n’avons pas pu le retenir et il est tombé dans le tunnel.

M. Dorian se laisse choir lourdement.

— Vous avez ce que vous êtes venu chercher ? demande Roald.

Pendant un moment, le maître de piste ne semble pas avoir entendu la question, puis il hoche la tête.

— Oui. Oui, je l’ai.

— J’espère que c’en valait la peine ! crie Maren d’une voix rauque. Vous avez sacrifié une vie pour l’obtenir !

— Chut, lui dit Roald, tout doucement.

Will, cependant, remarque que les frères Zhang regardent leur maître de piste avec une certaine méfiance. M. Dorian ne dit rien et Will se demande ce qu’il ressent, à supposer qu’il ressente quelque chose.

Il commence à neiger, et d’énormes et magnifiques flocons passent en coup de vent, se posent sur les vêtements de Will et fondent aussitôt.

— Il faut que je retourne en première classe, dit-il. C’est terminé.

L’idée lui semble impossible. Les quatre derniers jours ont pris les dimensions d’une vie entière. Il a survécu, mais, en ce moment, il est loin d’exulter. Il se sent vidé, épuisé, triste. Il inspire. Il regagnera les wagons de première. Il racontera au lieutenant Samuel Steele les événements de la Jonction ainsi que la suite. Au prochain arrêt, il retrouvera son père dans la locomotive. Et après…

— Nous n’avons pas terminé, dit M. Dorian en regardant Will. Pas tout à fait. Je dois faire appel à tes talents, William.

— Pour quoi faire ? demande celui-ci en fronçant les sourcils.

— J’ai besoin d’un portrait.

— Et Mme Lemoine ?

— Il faut que ce soit toi, Will. Et ça ne peut pas attendre.

Le maître de piste se relève avec difficulté.

Will déglutit.

— Votre cœur ?

— Oui.

— Je ne suis pas sûr d’être à la hauteur, dit Will avec désespoir.

Il ne doute pas uniquement de ses talents comme peintre. Il n’est plus du tout certain d’avoir envie d’aider M. Dorian.

— Écoute-moi bien, dit M. Dorian en grimaçant sous l’effort. J’ai consacré des années de ma vie et des sommes colossales pour en arriver à ce moment ! J’ai la toile, maintenant, et toi, tu vas peindre mon portrait !

— Qu’est-ce qui m’y oblige ? demande Will, dont la fureur s’échappe soudain. Pourquoi faut-il que vous viviez ? M. Beaupré est mort, lui ! Vous avez risqué nos vies à tous ! Maren aurait pu mourir, elle aussi ! Vous en souciez-vous seulement ?

— Bien sûr que oui, répond l’homme avec lassitude.

S’il avait l’air malade avant, il a, en ce moment, une mine d’agonisant.

— Que se passe-t-il ? demande Roald.

— Il se meurt, explique Maren à Will.

Will regarde M. Dorian, sa colère se muant en pitié.

— D’accord, dit-il. Je vais peindre votre portrait.