Introduction

Depuis toujours, les êtres humains ont cherché à connaître les lois qui régissent le monde. De nombreuses théories sont nées de cette recherche ; certaines sont religieuses et mystiques, d’autres philosophiques et rationnelles.

 

Il suffit d’observer notre univers et notre quotidien pour constater que tout est en mouvement, que tout change en permanence – que ce soit le temps, les saisons, nos relations ou encore nos émotions.

 

Le Yi Jing est une théorie qui explique la logique de ces changements ainsi que les possibilités et les devenirs de ceux-ci pour le monde et les humains. Il est souvent utilisé comme un instrument de divination mais en réalité, il offre beaucoup plus : il permet de comprendre les changements du monde – ce qui nous aide à aller dans leur sens – et de saisir l’évolution possible d’une situation vers une autre.

 

Ce livre existe depuis plus de 3 000 ans : il représente la somme de la sagesse de la tradition chinoise. « Yi Jing » veut dire l’ouvrage (Jing) des changements (Yi) mais aussi de la simplicité. En effet, les changements naturels du monde sont ce qui va de soi, donc « le simple ».

 

Le Yi Jing se compose de 64 hexagrammes – combinaison des 8 trigrammes, ensemble de 6 traits Yin et Yang – commentés par un « jugement » traditionnel, souvent obscur.

 

Au fil des siècles, des commentaires divers sont venus renforcer les écrits originels.

 

Ce texte fondateur a été traduit et interprété de nombreuses fois. Le but de cet ouvrage est de le rendre accessible et d’en donner une lecture moderne et pratique.

Le Yin et le Yang

Toutes les civilisations qui ont cherché à expliquer le monde et son fonctionnement ont utilisé un principe binaire (complémentarité et polarité) permettant de formuler l’interaction des opposés.

 

C’est le positif et le négatif, le Ciel et la Terre, le haut et le bas, le Yang (masculin) et le Yin (féminin), etc.

 

Les 64 signes d’alternance de Yin et de Yang, présents dans le Yi Jing, permettent d’exprimer tous les changements du monde et de comprendre leurs évolutions possibles.

 

De plus une situation va pouvoir évoluer vers une autre par l’interprétation des changements Yin/Yang. Dans chaque tirage, la situation peut être fixe ou changer vers une autre.

L’utilité du Livre

Le Yi Jing nous permet de comprendre notre environnement et ses changements. Grâce à cette compréhension, nous allons dans le sens de ceux-ci et au lieu de nous heurter à la réalité, nous l’accompagnons en cessant de résister de manière stérile aux changements.

 

Nous pouvons utiliser le Yi Jing quand nous avons un choix ponctuel à faire mais aussi pour comprendre qui nous sommes grâce à des tirages réguliers.

Pour profiter de la sagesse du livre, il n’est pas nécessaire d’étudier la philosophie qui le sous-tend : les enseignements du Yi Jing sont accessibles à tous.

Comment interroger le Yi Jing ?

Il est essentiel de comprendre que notre relation au Yi Jing n’est pas orientée vers le futur, mais repose sur une compréhension profonde de l’état présent des choses, à l’image du pouls que prend l’acupuncteur pour cerner son patient.

 

Chaque question doit donc être posée dans une démarche d’écoute et d’ouverture, libérée de nos préjugés et certitudes face à la situation qui nous questionne ; dans cette idée, s’il peut être utile de répéter une question dans un second tirage, nous éviterons de nous acharner « pour être sûr » ou « pour obtenir une réponse plus claire », qui est souvent une manière de refuser le message du Yi Jing. Il est plus sage de reconsidérer notre approche, et nos filtres, par rapport à la situation…

 

Nous pouvons voir un tirage du Yi Jing comme la consultation d’une ressource profonde, connectée à l’absolu, la partie « Ciel » de la vision taoïste du monde, qui repose sur la trilogie Ciel-Homme-Terre. Dans cette relation à l’absolu, la question permet d’orienter, de focaliser le dialogue pour obtenir une information précise sur la situation que nous vivons dans ce monde manifesté : elle exprime la facette « Homme » du rapport entre soi et l’univers. La question doit pouvoir exprimer clairement notre intention face à cette situation, et sera ainsi centrée sur un verbe d’action. Traditionnellement, chaque hexagramme du Yi Jing correspondait d’ailleurs à un concept d’action.

 

Une seconde règle importante est que nous soyons le sujet de cette action, même lorsque nous posons une question concernant un tiers ; nous allons dans ce cas nous mettre en rapport avec la personne concernée, et choisir le verbe d’action en fonction de ce rapport, dans la formulation de notre question. Seules de nombreuses années de pratique du Yi Jing nous permettront de nous libérer progressivement de cette règle.

 

Enfin, une des meilleures méthodes pour obtenir une réponse claire concernant notre situation est de formuler la question puis son contraire, selon le modèle « faire/ne pas faire », puis d’étudier les deux réponses.

Quelques exemples de questions

Il n’est pas toujours simple de formuler une question claire qui puisse résumer notre situation du moment. Voici quelques exemples qui peuvent nous aider dans cette étape.

 

– Pour prendre une décision importante :

Devrais-je accepter le poste de directeur chez X ? Devrais-je déménager à… ?

 

– Pour aider un proche en difficulté :

Devrais-je aider X dans sa recherche d’appartement ?

 

– Pour adopter la meilleure attitude dans une situation donnée :

Devrais-je agir fermement dans ce procès ? Devrais-je rester conciliant dans ce procès ?

 

– Pour mieux comprendre un blocage personnel ou comprendre un problème que nous ne parvenons pas à cerner :

Devrais-je rencontrer de nouvelles personnes pour mon évolution professionnelle ?

 

Ces exemples très simples nous montrent surtout l’importance de se focaliser sur notre intention face à la situation en question. La formule « devrais-je », qui n’est qu’un outil de verbalisation, pourrait parfaitement être effacée, la question resterait centrée sur le verbe d’action : « accepter », « agir fermement », « rester conciliant »… Bien sûr, un adverbe vient souvent compléter le verbe pour préciser son sens.

 

Si l’on suit ces quelques règles de formulation, la réponse du Yi Jing pourra être comprise, de manière très globale, par un « oui » ou « non », et par une précision de cette première orientation contenue dans le sens de l’hexagramme ; rappelons que chacun d’entre eux peut renvoyer, si l’on sait en saisir l’essence, à un concept d’action.

Les méthodes de tirage

Après avoir clairement noté et daté notre question, nous allons passer au tirage. Nous pourrons choisir la méthode des bâtonnets traditionnels, la méthode des baguettes d’achillée ou la méthode des pièces. L’utilisation des baguettes est plus ancienne et demande plus de temps, ce qui nous amène une meilleure qualité de présence et d’introspection ; le tirage par les pièces, quant à lui, garde l’avantage de la rapidité.

La méthode des bâtonnets

La méthode des bâtonnets — six baguettes à quatre faces, représentant chacun des traits possibles — est la plus ancienne : une tradition chamanique qui à survécu jusqu’à nos jours. Tel le sorcier qui jette des ossements pour avoir la réponse du Ciel, c’est une technique divinatoire. Dans l’idée que les dieux répondent à nos interrogations, cette méthode ancienne est rapide et précise si on se focalise sur la question.

 

Avant tout, il est important de réfléchir à la question que nous désirons poser.

Nous prenons ensuite les bâtonnets, en nous concentrant sur notre question, les yeux fermés, et les laissons tomber sur une table devant nous.

En gardant toujours les yeux fermés, nous arrangeons sans les voir les bâtonnets les uns au-dessus des autres, à plat sur la table devant nous.

L’hexagramme se lit de bas en haut – il se construit aussi de cette manière.

 

Ouvrons les yeux pour découvrir notre hexagramme, cette figure de six traits dessinée par les bâtonnets.

Il y a deux possibilités : soit l’hexagramme comporte des traits avec des cercles et des croix, soit il n’en comporte pas.

 

Dans le premier cas – il y a des cercles ou des croix (ou les deux) –, notons l’hexagramme devant nous, puis changeons le sens du bâtonnet marqué d’un cercle ou d’une croix vers son opposé (le yin avec une croix en yang et le yang avec un rond en yin). Nous avons maintenant le deuxième hexagramme qui représente la situation vers laquelle votre question évolue.

Dans le deuxième cas, nous avons déjà notre réponse et il n’y a pas d’évolution visible pour le moment.

Ainsi, chaque tirage nous donne un hexagramme et peut-être un hexagramme d’évolution de la situation.

 

Si le bâtonnet a une croix ou un cercle, il va muter dans l’opposé : un yin devient yang et le yang devient yin.

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Yang

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Yang devenant Yin

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Yin devenant Yang

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Yin

Ainsi :

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devient

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devient

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L’hexagramme de situation devient donc l’hexagramme d’évolution en prenant compte de toutes les mutations, s’il y en a. Il ne peut y avoir qu’un ou deux hexagrammes.

Par exemple, notre tirage :

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devient

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Hexagramme de situation

Hexagramme d’évolution

Reportons-nous ensuite à « L’identification des hexagrammes », p. 26-27.

La méthode des baguettes d’achillée

Nous aurons besoin, pour cette méthode, d’un jeu de 50 baguettes ; l’achillée est le bois traditionnellement utilisé pour ses qualités et sa porosité qui nous permet un échange subtil avec les baguettes. Néanmoins, nous pourrons au besoin utiliser un jeu fait d’autres essences telles que le bambou.

 

Nous pouvons confectionner nous-mêmes ces baguettes en veillant à ce qu’elles restent droites et de longueurs égales, d’environ 20 cm. Il est bien sûr également possible de se les procurer en boutiques spécialisées : les jeux de baguettes de tirage sont facilement disponibles aujourd’hui.

 

Nous prenons donc ces 50 baguettes dans nos mains, et en tirons une que nous allons placer à l’horizontale, devant nous ; cette opération est parfois nommée « Séparer le Un », en référence à la cosmogonie taoïste. Nous ne toucherons plus cette baguette pendant tout le tirage.

Nous partageons ensuite les 49 baguettes restantes en deux tas, que nous appellerons A et B pour clarifier notre propos, et qui seront disposés devant soi, sous la première baguette précédemment tirée.

 

Nous tirons ensuite une baguette du tas A, que nous placerons entre l’auriculaire et l’annulaire, et qui figure traditionnellement le Ciel.

 

Nous prenons ensuite le tas B, et décomptons les baguettes 4 par 4, en prenant soin de laisser les baguettes décomptées sur le côté, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que 4 ou moins (donc 4, 3, 2 ou 1) ; nous plaçons ces baguettes restantes entre l’annulaire et le majeur.

 

Puis nous reprenons le tas A, que nous allons décompter de la même manière, jusqu’à ce qu’il ne reste que 4, 3, 2 ou 1 baguette(s) ; nous placerons ces dernières entre le majeur et l’index.

 

Le total des baguettes glissées entre nos doigts, pour la première manipulation, doit être de 5 ou 9 ; ce reste, que nous nommerons X, sera mis de côté. Puis nous allons reprendre toutes les baguettes à l’exception du tas X et de la baguette de « Séparation du Un », et répéter l’opération précédemment décrite. À la fin de la seconde manipulation, il restera 4 ou 8 baguettes entre nos doigts ; nous placerons ce second tas Y résultant à côté du tas X, et reprendrons les baguettes restantes (toujours à l’exception des deux tas X et Y, et de la baguette de séparation du Ciel), pour une troisième manipulation nous donnant le tas Z, comprenant également 4 ou 8 baguettes.

 

Ces trois tas X, Y et Z vont nous donner le premier trait de l’hexagramme, qui sera toujours le trait le plus bas : nous procédons en effet de bas en haut pour le tirage de chaque trait de l’hexagramme.

 

Nous devons donc voir devant nous, à l’issue de ces trois manipulations, trois petits tas :

– un tas X composé de 5 ou 9 baguettes ;

– un tas Y et un tas Z, comprenant chacun 4 ou 8 baguettes.

 

Le nombre de baguettes présent dans chaque tas va nous indiquer la nature Yin ou Yang du trait ainsi que sa dynamique, naissante ou mutante. Les traits mutants vont passer de Yang à Yin, ou de Yin à Yang, ce qui nous donnera un hexagramme d’évolution de la situation, différent de l’hexagramme tiré.

Les traits dits naissants, eux, ne changent pas de polarité.

 

Nous traduirons donc nos tas résultants en traits Yin ou Yang, et mutants ou naissants, en les additionnant de la manière suivante :

-9+8+8 = Yin mutant / vieux Yin

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-5+8+8

ou 9+4+8 = Yang naissant – stable / jeune Yang

ou 9+8+4

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-9+4+4

ou 5+8+4 = Yin naissant – stable / jeune Yin

ou 5+4+8

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–5+4+4 = Yang mutant / vieux Yang

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Pour comprendre ce système, il faut considérer 5 et 4 comme valeurs Yin, et 9 et 8 comme valeurs Yang. Ainsi :

 

-3 Yin donnent un Yang mutant ;

-3 Yang donnent un Yin mutant ;

-2 Yang et 1 Yin donnent un Yang stable ou naissant ;

-2 Yin et 1 Yang donnent un Yin stable ou naissant.

 

La manière plus moderne de traduire ces valeurs numériques est d’additionner le nombre de baguettes présentes dans les trois tas pour obtenir une somme totale qui va définir le trait :

 

-25 donne un Yin mutant ;

-21 donne un Yang naissant ;

-17 donne un Yin naissant ;

-13 donne un Yang mutant.

 

Les trois tas X, Y et Z résultent en un trait. Après avoir noté ce trait, nous regroupons toutes les baguettes à l’exception de la baguette de « Séparation du Un ». Nous répéterons le procédé six fois pour obtenir les six traits de l’hexagramme, toujours du trait le plus bas vers le plus haut.

 

Reportons-nous ensuite à « L’identification des hexagrammes », p. 26-27.