ÉPILOGUE

C'était ce matin-là dimanche, et l'inauguration du Jardin Zoophilique de Chaillot. Aussitôt éveillé, Pierrot se souvint qu'il avait résolu d'aller voir l'ouverture du Parc Voussois, qui, sur l'emplacement du défunt et incinéré Uni-Park, proposait mille bêtes rares ou curieuses à l'attention du public, un an, presque jour pour jour, après l'incendie qui avait détruit les baraques et manèges que Pradonet réunit autrefois là pour le plaisir des provinciaux, des voyous et des philosophes.

Pierrot mit quelque temps avant de se décider à se lever ; il devient flemmard en vieillissant. Il entendait les chants religieux s'évaporer lentement du couvent. Un voisin mit en marche une radio qui gueula. Dans la rue, là-bas, la paisible rumeur des automobiles. Le soleil commence à ramper le long du balcon.

Lorsqu'il fut hors du lit, Pierrot fit un brin de toilette et descendit boire son café, qu'il fit arroser : une habitude qu'il avait prise. Puis il remonta dans sa chambre. Comme, par contre, il ne jouait plus aux courses et que, par conséquent, il n'achetait plus La Veine, il mettait maintenant ses pieds sur la couverture, qu'il usait. Il fuma deux ou trois cigarettes, somnola, fit défiler des souvenirs.

Il passait la revue des types qu'il avait pu connaître au temps de l'Uni-Park ; il y en avait dont il oubliait déjà les noms ; il ne se souvenait bien que de Mounnezergues, un personnage sympathique dont il aurait pu devenir l'héritier... s'il avait fallu croire ce qu'il racontait, le Mounnezergues. Pierrot n'était jamais retourné le voir, même pour le remercier de lui avoir procuré un petit voyage aux frais du cirque Mamar ; il avait alors trouvé de l'occupation à l'autre bout de Paris ; et, du côté de la porte d'Argenteuil, il n'y avait plus Yvonne, qui se dévergondait sous des tentes imperméables à l'abri de ciels trop bleus. Quant à Voussois, après tout, dresser, encager des bêtes ne lui disait rien, à Pierrot.

Une sorte de courant l'avait déporté loin de ces rencontres hasardeuses où la vie ne voulait pas l'attacher. C'était un des épisodes de sa vie les plus ronds, les plus complets, les plus autonomes, et quand il y pensait avec toute l'attention voulue (ce qui lui arrivait d'ailleurs rarement), il voyait bien comment tous les éléments qui le constituaient auraient pu se lier en une aventure qui se serait développée sur le plan du mystère pour se résoudre ensuite comme un problème d'algèbre où il y a autant d'équations que d'inconnues, et comment il n'en avait pas été ainsi, – il voyait le roman que cela aurait pu faire, un roman policier avec un crime, un coupable et un détective, et les engrènements voulus entre les différentes aspérités de la démonstration, et il voyait le roman que cela avait fait, un roman si dépouillé d'artifice qu'il n'était point possible de savoir s'il y avait une énigme à résoudre ou s'il n'y en avait pas, un roman où tout aurait pu s'enchaîner suivant des plans de police, et, en fait, parfaitement dégarni de tous les plaisirs que provoque le spectacle, une activité de cet ordre.

Pierrot essuya les verres de ses besicles, regarda l'heure à un oignon, écrasa le tison de sa cigarette sur le marbre de la table de nuit, dont il utilisa aussitôt après le pot, bien qu'il fût près de midi. Il alla prendre l'apéritif à un petit café dont la tranquille terrasse s'articulait à l'angle de deux rues. Puis il déjeuna dans un restaurant, petit aussi, presque aussi petit que le café. Et puis il se dirigea lentement, calmement vers la porte d'Argenteuil. Il croisa des familles trines et endimanchées, des militaires en permission, des petites bonnes loin des plumeaux et des fourneaux. Il s'arrêtait aux boutiques : il aimait toujours ça. Les automobiles, les vélocipèdes, les timbres-poste, il les examinait avec la sévérité du connaisseur dégagé de tous les soucis de la possession, mais avec la satisfaction que donne ce désintéressement. Il passa devant le magasin de roulements à billes, et il eut le plaisir de retrouver les petites sphères d'acier décrivant encore leurs impeccables trajectoires.

Il approchait de la porte de Chaillot. Il y avait par là une sorte de brouillard : c'était une foule qui piétinait l'asphalte ou pulvérisait des graviers. On faisait queue pour entrer au Jardin Zoophilique. Pierrot, dégoûté, regardait la cohue et ne s'y voulait mêler. Comme il complétait son tour d'horizon par l'inspection du trottoir sur lequel il était resté, il aperçut s'épaulant contre un réverbère un homme qu'il crut reconnaître. Il le dépassa, le contourna, le dévisagea, l'interpella. « Bonjour, monsieur Pradonet », furent les paroles subséquentes à cet examen.

– Bonjour, monsieur, dit Pradonet d'une voix douce.

– Vous ne me reconnaissez pas ? demanda Pierrot.

– Ma foi non, répondit Pradonet d'un ton bénin, je ne vous remets pas. Faut pas m'en vouloir, mais j'ai tellement rencontré de gens dans ma vie...

– Je vous comprends. Et puis, vous m'avez peut-être vu trois ou quatre fois. J'ai travaillé à l'Uni-Park...

– Ah !... l'Uni-Park... soupira Pradonet.

– Pas longtemps, c'est vrai. Vous ne vous souvenez pas, un jour, je vous ai joué un tour... vous êtes tombé en arrière dans une auto électrique...

– Ah ! s'écria joyeusement Pradonet, si je m'en souviens ! Vous m'avez eu ce jour-là. Mais le lendemain j'ai eu ma revanche : je vous ai fait jeter à la porte parce que vous faisiez du plat à ma fille Yvonne. Ah ! c'était le bon temps !

– On prend un verre ensemble ? proposa Pierrot.

– Merci. J'ai mal au foie, et le vichy-fraise me débecte. Marchons un peu, on causera.

Il l'entraîna du côté de l'avenue de la Porte-d'Argenteuil, et ils se dirigèrent dans la direction de la Seine. Tout d'abord Pradonet ne dit rien.

– Et Mlle Yvonne ? demanda Pierrot en serrant de près sa respiration.

– Elle est mariée à un de vos anciens copains je crois, un sieur Paradis.

– Ah ! oui ?

– Ça vous fait quelque chose ? demanda Pradonet. Elle vous avait chaviré le cœur, hein ? Bah ! vous savez, il y en a eu tellement, il y en a eu tellement... Vous voulez la voir ? Tenez là-bas à cette caisse, c'est elle. Car elle m'a plaqué pour travailler avec Voussois.

Pierrot fit semblant de regarder, mais il ne voulut pas voir. Il y avait bien une guérite devant laquelle se bousculaient des bonnes gens : il fixa autre chose, ailleurs, au-dessus, oui là-bas, une feuille d'arbre tout à l'extrémité d'une branche, celle-là plutôt qu'une autre...

Par-dessus les murs du Jardin Zoophilique, par-dessus la tête des curieux, s'envola le rugissement d'un lion puis le barrissement d'un éléphant. Des oiseaux divers chantèrent chacun suivant son langage.

– Oui, reprit Pradonet, c'était le bon temps.

Comme ils passaient au coin de la rue des Larmes, Pierrot se tut.

– Je ne sais pas d'ailleurs, continua Pradonet, pourquoi je vous raconterais mes malheurs. C'est trop long. En un mot, sachez qu'ils m'ont chassé. Qui « ils » ? Mme Prouillot, qui était mon amie et M. Voussois, le dresseur d'animaux qu'elle retrouva, sur les indications d'un fakir, dans une petite ville de province. Oui, monsieur, il l'avait plaquée vingt ans auparavant, et vingt ans après il revient la cueillir – comme une fleur. Et ces deux amoureux pleins de tant de constance n'ont ensuite rien de plus pressé que de fomenter une sombre combinaison financière, juridique et commerciale pour m'interdire toute possibilité de fonder un nouvel et plus bel Uni-Park, moralement appuyés, oui monsieur, et soutenus par la malencontreuse, oui monsieur, fatidique et prodigieusement singulière présence d'une chapelle poldève où reposent les os d'un certain prince Luigi.

– Je vous ai rencontré un jour chez M. Mounnezergues, dit Pierrot pour montrer qu'il s'intéressait à la conversation.

– Vous le connaissiez ? demanda poliment Pradonet.

– Un peu.

– Comme c'est curieux, dit Pradonet. Et le tombeau, vous le connaissez aussi alors ?

– Je veux, répondit Pierrot.

– Et moi donc, gémit Pradonet, si je le connais... Sans lui, j'aurais édifié sur ces lieux un Palace de la Rigolade comme il n'en existe en aucune partie du monde. Ah ! on s'en serait payé ! du haut en bas des sept étages que j'avais prévus. Tous les jeux y auraient figuré, toutes les farces, toutes les attrapes, toutes les mystifications, toutes les attractions, tous les passetemps... D'un bout de l'année à l'autre, et du milieu du jour au milieu de la nuit, des foules entières s'y seraient précipitées dans des agitations sans bornes provoquant soit le rire, soit la lubricité. Elle aurait poussé, cette foule, des clameurs si joyeuses que le tonnerre de mes haut-parleurs n'aurait pu les couvrir... Et il a fallu qu'un prince poldève soit venu mourir vingt ans plus tôt sur cet emplacement ! Et il a fallu qu'un mouleur de cire se soit voué à la paix de ses cendres ! Cette chapelle, monsieur, était une mine creusée sous mes châteaux en Espagne. Pif, paf, poum, un vilain jour, tout a sauté. J'étais sans défense devant les funestes complots de mon perfide adversaire. Puisque je ne pouvais réaliser dans sa perfection ce babylonien édifice que je voulais créer, sacré nom de nom, que tout soit foutu, que Voussois épouse la veuve Prouillot et qu'il fasse aborder sur les terrains calcinés de ce qui fut l'Uni-Park sa bénigne arche de Noé. Je n'ai même pas voulu résister, non, monsieur, je n'ai même pas voulu... Ah ! monsieur, ah ! monsieur, ah !... Ce Voussois, il n'a pas été gentil avec moi... Il m'a bien contrarié... Ah ! monsieur, ah !...

Il ouvrit deux ou trois fois de suite la bouche sans proférer un son, semblable au poisson qui meurt au fond des barques, puis il poussa une sorte de long mugissement et s'effondra dans les bras de Pierrot en sanglotant bien fort. Pierrot dut le tenir ainsi quelques instants avant qu'il se calmât ; ils marchèrent ensuite en silence jusqu'à la rue du Pont et là, se séparèrent.

– Me voilà presque arrivé, dit Pradonet avec assez de calme. J'habite maintenant dans cette rue, chez ma femme, ma légitime. Mais toutes ces petites histoires ne doivent pas beaucoup vous intéresser et vous êtes bien bon, monsieur, d'avoir consenti à écouter si longtemps les bafouillages d'un couillonné. Au revoir, monsieur, et merci.

Il y eut une grande poignée de main, et Pierrot ne vit plus dans la rue déserte que le dos de Pradonet qui se dirigeait lentement vers l'épicerie-mercerie de son épouse retrouvée, et Pierrot revint alors vers Paris, et, comme il passait de nouveau dans la rue des Larmes, il s'en alla de ce côté. La chapelle existait toujours, baignant dans autant d'oubli, autant de discrétion. Les échafaudages de l'Alpinic-Railway ne l'obombraient plus. Quelques rochers constituent maintenant son voisinage, et de la rue même, on y voyait parfois courir des cynocéphales papions ; Pierrot se souvint de son ami Mésange qui devait, confiné entre de solides barreaux, faire sans doute la joie de primates bavards en complet veston ou en culottes courtes.

La maison d'en face n'avait en rien changé. Pierrot se souvint de son ami Mounnezergues qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps. Il regarda le petit square qui entourait le tombeau du prince Luigi, et il lui sembla qu'il était moins bien entretenu (soigné) qu'autrefois. Il traverse aussitôt la rue et sonne à la porte de Mounnezergues, et la sonnette ne tinta pas. Il s'éloigna. Il fit quelques pas, puis revient sur leur trace. Sonne de nouveau, de nouveau silence. Mais il comprit, Pierrot, que s'il devait jusqu'au bout jouer son rôle dans cette histoire, il lui fallait passer outre, et entrer.

Ce qu'il fit.

Car la porte n'était pas fermée à clef. Il remarqua que la sonnette avait été décrochée. La maison étant parallèle au jardin et son entrée médiane, Pierrot passa devant l'une des fenêtres du rez-de-chaussée. Elle était ouverte : il y avait de l'autre côté Mounnezergues sommeillant dans un fauteuil d'osier. Pierrot le regardait depuis quelques instants dormir lorsqu'il lui vint soudain l'idée que l'autre était en train de trépasser. Il fut pris de panique, et cria « monsieur Mounnezergues ! monsieur Mounnezergues ! » Et M. Mounnezergues ouvrit les yeux, reconnut Pierrot et sourit. Il lui fallut quelque temps pour concentrer les forces suffisantes pour ouvrir la bouche, plus de temps encore pour proférer quelques sons.

– C'est bien vous, murmura-t-il, c'est bien vous le jeune homme qui êtes venu me voir plusieurs fois l'année dernière ?

– Oui, monsieur.

– Vous aviez été à Palinsac conduire des animaux refusés par Psermis ?

– C'est cela.

– Pourquoi n'êtes-vous jamais venu me revoir ? Vous m'étiez sympathique.

– J'ai trouvé du travail à l'autre bout de Paris ; et puis j'avais mes raisons pour ne pas revenir dans le coin. Ça me rappelait des choses.

– Chagrins d'amour ?

– Oui, monsieur. C'était la fille à Pradonet.

– Ah !... Pradonet...

Pause.

– Je viens de le revoir, dit Pierrot.

– Il vous a raconté ses malheurs ? demanda Mounnezergues.

– Oui, monsieur. Et comment Voussois l'avait dépouillé de son Uni-Park. Et comment...

– Je sais, je sais, interrompit Mounnezergues.

– On ne peut pas dire qu'il vous en veuille.

– Je sais. Vous pensez bien que je l'ai revu.

Il sourit.

– Maintenant, dit-il, le repos du prince Luigi ne sera plus troublé par le sabbat de l'Uni-Park, le hourvari obscène de ses haut-parleurs, le fracas répugnant de ses attractions. Je meurs satisfait.

Il ferma les yeux pendant quelques instants.

– Entrez donc, reprit-il, et donnez-moi de quoi écrire.

– Oui, monsieur.

Pierrot entre et lui donne de quoi écrire ; il lui fallut chercher ces ustensiles dans un fouillis d'objets. Ça devenait taudis chez Mounnezergues. Qui remarqua ce sentiment chez Pierrot.

– Je vis absolument seul, dit-il. Notez bien cela, car c'est très important pour la suite.

Pierrot installe une table devant Mounnezergues, avec plume, encre, papier, buvard.

– Ceci, dit Mounnezergues en écrivant, ceci n'est pas mon testament. Mon testament est déjà fait et déposé chez un notaire. Ceci est un codicille. Je vous désigne comme mon héritier. Mais je ne sais même pas comment vous vous appelez.

– Pierrot, lui dit Pierrot.

– Naturellement, dit Mounnezergues, vous n'obtiendrez cet héritage qu'à une condition : vous me remplacerez ici, et vous deviendrez le gardien de la chapelle.

– Oui, monsieur.

– Et vous veillerez à ce que mes obsèques se passent conformément aux prescriptions que je laisse. Je vous préviens tout de suite que je veux être inhumé à côté des princes poldèves que j'ai si bien servis. Vous vous débrouillerez pour obtenir l'autorisation de la Ville de Paris. Demain vous porterez cette lettre à mon notaire. L'adresse est dessus.

– Bien, monsieur.

Il ne voulait pas lui faire de la peine.

– Vous pouvez me laisser maintenant, dit Mounnezergues.

– Mais... dit Pierrot.

– Non, non, je n'ai besoin de personne. Fermez cette fenêtre simplement, et revenez demain ou après-demain voir si je suis mort. J'aime autant être seul pour procéder à cette transformation. Adieu, mon jeune ami, et merci.

Pierrot lui serra la main, une main déjà sans consistance, et il se retira en fermant doucement les portes derrière lui.

Il y avait un peu moins de monde devant le Jardin Zoophilique, mais Pierrot n'avait pas du tout envie d'y entrer. Il ne voulut même pas repasser devant la guérite où travaillait Yvonne. Il préfère aller au cinéma.

Le lendemain, lorsqu'il voulut porter la lettre de Mounnezergues au notaire, il s'aperçut qu'il l'avait perdue ; ou plutôt, qu'il l'avait oubliée chez Mounnezergues. Probablement. En tout cas, le codicille était en panne quelque part. Pierrot hésitait à retourner le jour même chez Mounnezergues, qui, s'il était encore vivant, allait peut-être trouver cet empressement à constater sa mort peu décent ; et, s'il avait trouvé la lettre, lui reprocher sa négligence ?

Pierrot n'y alla donc que le mardi. Il voulut ouvrir la porte. Mais elle était fermée. Il tira sur la sonnette qui sonna. On l'avait donc raccrochée ? Même mieux, on vint ouvrir.

– Pardon, madame, dit Pierrot.

Il s'interrompit. C'était Yvonne. Il reprit avec un sourire aimable :

– Je crois, madame, que nous nous sommes déjà rencontrés. Vous souvenez-vous de Palinsac et de Saint-Mouézy-sur-Eon ?

– Ah ! mais oui... Vous étiez le chauffeur du camion qui m'a ramassée sur la route ?

– C'est ça même.

– Très heureuse de vous revoir, monsieur... monsieur... comment donc ?

– Pierrot.

– Et qu'est-ce que vous désirez, monsieur Pierrot ?

– Je venais prendre des nouvelles de M. Mounnezergues.

– M. Mounnezergues ? s'exclama Yvonne. M. Mounnezergues ? Vous le connaissez donc ?

– Oui, madame.

– Mais c'est qu'il est parti se reposer à la campagne. Il était un peu souffrant ces derniers temps. Vous voulez que je lui fasse une commission de votre part ?

Bien qu'Yvonne tînt la porte moitié fermée sur elle, Pierrot pouvait deviner dans le jardin une activité qui lui parut être du nettoyage en grand. Et dans deux grosses poubelles non encore ramassées par les boueux, il aperçut des brimborions brisés, un bric-à-brac en morceaux ; dans l'une même, une main de cire. Yvonne portait autour de la tête le turban des ménagères sages. Et elle lui demandait s'il y avait une commission pour Mounnezergues.

– Ma foi non, dit-il.

Il regarda autour de lui. La chapelle se dorait au soleil et les arbres du petit square frissonnaient doucement. Un animal grogna, de l'autre côté du mur. La remorque du garage du coin – où fut le café Posidon ! – ramenait une grand-sport amochée. Les volets des fenêtres de la maison de Mounnezergues qui donnaient sur la rue étaient agressivement fermés.

– Ma foi non, répéta Pierrot.

– Repassez un peu plus tard, dit Yvonne. Dans un mois, deux mois.

– C'est ça, dit Pierrot. C'est ça. Au revoir, madame.

– Au revoir, monsieur Pierrot. Je dirai à M. Mounnezergues que vous êtes venu prendre de ses nouvelles.

– C'est ça, dit Pierrot. Au revoir, madame.

Elle referma la porte.

Après un dernier regard sur les deux poubelles, Pierrot s'en alla.

Arrivé au coin de la rue, il s'arrêta. Il se mit à rire.