TRÈS SOUVENT, L’AUTOPUBLICATION SE PRÉSENTE, POUR PLUsieurs auteurs, comme le choix idéal. En effet, si vous considérez froidement le fait que vous êtes le principal bénéficiaire de tous les ouvrages vendus, c’est formidable. Si vous pensez qu’un éditeur n’offre que 10 % à ses auteurs, vous aurez tendance à croire que tous les éditeurs sont des voleurs… ce que j’ai entendu très souvent. Par contre, il faut voir plus loin que cela et connaitre un peu l’industrie du livre avant de porter un tel jugement et de prendre la décision de vous publier vous-même. En plus des informations ci-dessus quant au partage du total des ventes, il manque encore quelques données que certains auteurs ont apprises à la dure. À moins de l’avoir expérimenté, très peu d’auteurs savent que les libraires ne travaillent qu’avec des distributeurs. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Je vous propose un exemple concret afin que vous puissiez visualiser la réalité de l’édition. Alors, on repart le processus. Vous décidez de vous autopublier afin de conserver vos droits d’auteur dans leur totalité. Je vous expose les coûts de publication approximatifs d’un ouvrage. Il faut calculer environ 1000$ pour la révision, la correction et une mise en pages de qualité, on s’entend bien. Il ne s’agit pas de travailler sur le coin d’une table, mais bien d’embaucher des gens compétents et habitués dans ce domaine. Il faut aussi prévoir entre 500$ et 1000$ pour la création d’une couverture, toujours en travaillant avec un graphiste qui connait le domaine de l’édition afin qu’un fichier d’excellente qualité soit envoyé chez l’imprimeur. Ajoutez à cela environ 2000$ pour l’impression de votre livre, selon la quantité souhaitée évidemment.
Ici, vous ne comptez pas votre temps, bien sûr. Donc, vous avez investi 4000 $, en moyenne, et vous n’avez encore rien vendu. Alors, si votre livre se vend 19,95 $, il vous faudra en vendre 200 avant de commencer à faire de l’argent. Maintenant que la famille, les amis, vos réseaux de contact ont acheté votre livre – ce qui est superbe –, vous désirez le vendre en librairie. Que faites-vous ? Aucune librairie, à moins que ce ne soit celle au coin de votre rue, n’acceptera de prendre votre livre. Aucune pharmacie ou grande surface ne voudra également travailler directement avec l’auteur. Si vous tentez d’obtenir une entrevue dans les médias, à moins que votre histoire soit des plus croustillantes ou qu’il s’agisse d’un ami proche de vous, les chances sont très minces lorsque votre livre n’est pas publié par une maison d’édition. Même si on vous disait oui et que vous obteniez une entrevue, où les auditeurs iront acheter votre livre s’il n’est pas en librairie ? Dans votre sous-sol, sur votre site Internet ? Les lecteurs veulent obtenir leur livre maintenant, pas dans quatre jours… Croyez-moi, vous perdrez des ventes de manière incroyable.
Mais au-delà de tout cela, il faut aussi considérer l’absence de visibilité. Savez-vous que bon nombre d’éditeurs québécois sont distribués en Europe ? Principalement en France, en Belgique et en Suisse. Vous vous coupez de ce rayonnement en ayant voulu garder tous vos droits d’auteur. L’autre élément négligé par les « donneurs de conseils », c’est que si, pour une raison ou pour une autre, la vente de votre livre ne fonctionne pas, ce qui peut très bien se produire, vous n’aurez rien perdu, car c’est l’éditeur qui aura investi et pris tous les risques.
En ce qui me concerne, j’ai toujours considéré qu’« à chacun son métier », et l’expérience me donne raison. Un éditeur sait ce qu’il fait, c’est son travail. Il connait le marché, ce qui se vend, ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien. Je persiste à croire que l’auteur n’est pas le mieux placé pour mettre en marché son livre. C’est pour cette raison que les artistes travaillent avec des gérants. Les qualités du créateur ne sont pas celles d’un vendeur. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’exceptions ou encore qu’aucun éditeur ne se trompe. Mais je propose simplement d’accepter que le fait de travailler avec des experts dans le milieu augmente vos chances de mener votre projet d’édition beaucoup plus loin que vous ne le feriez vous-même.
J’ai si souvent rencontré des auteurs qui avaient choisi, sous les précieux conseils d’amis, de s’autopublier, croyant bien faire, d’une part, et voulant ne pas remplir les poches des éditeurs, d’autre part. Ils sont venus me voir dans les différents salons du livre en me disant que leur sous-sol était rempli de boites de livres, qu’ils étaient à la recherche d’un éditeur pour, justement, avoir accès aux librairies, car ils étaient désireux d’agrandir leur rayonnement. Entre vous et moi, très peu d’éditeurs acceptent de publier un livre déjà imprimé. Voilà autant de raisons de commencer par la recherche d’un éditeur avant de penser à l’autopublication. Si cela ne fonctionne pas, vous aurez toujours votre plan B.
À moins que vous ne soyez un conférencier réputé et que vos livres se vendent comme des petits pains chauds lors de vos activités professionnelles, et encore, je ne crois pas que s’autopublier soit un bon choix. Regardez autour de vous, bien des conférenciers connus travaillent avec un éditeur malgré que leurs livres se vendent bien dans les ateliers et conférences qu’ils offrent. Il doit bien exister une raison valable à cela, ne croyez-vous pas ?
Ne sous-estimez jamais le travail important qu’un éditeur fait dans votre tapuscrit, c’est indéniablement un plus pour la qualité de votre ouvrage. L’erreur que plusieurs auteurs commettent est de s’accrocher à leur titre, à leur vision de la couverture, aux longueurs dans différents chapitres, à l’absence d’une table des matières et, trop souvent, à une structure aléatoire que seuls les amis gênés font semblant d’apprécier ou de comprendre. Oui, tout le monde peut écrire, mais personne ne s’improvise éditeur, distributeur ou attaché de presse pour autant.
Parmi toutes les visibilités auxquelles vous vous coupez, il ne faut pas oublier celle des salons du livre. Comment obtenir un stand au salon du livre de Montréal, Québec, Rimouski ou autres, si vous n’avez pas la machine derrière vous ? C’est impensable, à moins d’investir près de 1000$ par salon pour un espace. Et, à ce compte, vous devrez en vendre, des livres, pour rentabiliser votre investissement.
Quelques éditeurs proposent la coédition. Voilà une autre façon de faire. Par contre, vous devrez, encore là, débourser afin de compter parmi les auteurs. Soyez vigilant avant la signature du contrat. D’ailleurs, avant de signer tout contrat, il est préférable d’obtenir des conseils d’un expert afin de comprendre votre engagement réel. Cela évite de verser des larmes de sang.
Je ne cache pas mes différents bémols devant l’autopublication. N’allez pas croire que je défends quelque intérêt d’éditeurs ou autres, c’est simplement que je connais pertinemment bien les heures de travail qui se cachent derrière la rédaction d’un ouvrage. J’adore les livres, la lecture, l’art, et cela m’attriste lorsqu’un bon sujet de livre se perd dans un sous-sol… avec le regret de son auteur d’un choix limitatif. Il s’agit là de ma vision des choses.