II

Coupe de la confiance,

Façonnée dans l’argile des grands vocables,

Nous savons bien

Que ta forme est informe, mais qu’importe,

Aimer nous prouve plus. J’avais élu

Dans l’illusion heureuse d’un premier jour,

Une pierre, le safre. Ô mon amie,

Gardons-lui ce beau nom. Je prends ta main,

Ce battement au poignet, c’est le fleuve.

 

Et nos mains se cherchant, se trouvant, s’aimant,

Nous avons façonné une autre vie,

La coupe est née de seulement nos paumes

Se frôlant, se heurtant, se chevauchant

Dans cette glaise, le désir, dans aimer, ce vœu.

 

Puis, au creux de l’argile, ces yeux nouveaux,

Ce fut, nous le comprîmes,

Cette même lueur que nous avions

Aimé voir sourdre, tôt, dès avant le jour,

De sous la cime encore peu distincte

De nos montagnes basses : et quels apprêts

Silencieux dans le métal en feu

De l’immense douceur que serait l’aube !

Un arbre puis un arbre paraissaient,

Encore noirs, on eût cru, à ces signes

Qu’ils semblaient dessiner sur fond de brume,

Qu’un dieu de bienveillance concevait,

Si parfaite était-elle,

Cette terre, pour concilier esprit et vie.

L’anneau que nous ne mîmes pas à notre doigt,

Ce lieu le soit,

Évidence sans preuve, suffisante.

 

Était-ce du réel, ce que nous fûmes,

La bogue d’une attente qui la fendrait

Un jour, de sa poussée faible, invincible ?

Bleue cette pente au bas de notre chemin,

Silencieuse la barrière de bois de notre seuil,

Hautes sont les fumées. Le visible est l’être,

Et l’être, ce qui rassemble. Ô toi, et toi,

Vie née de notre vie,

Vous me tendez vos mains, qui se réunissent,

Vos doigts sont à la fois l’Un et le multiple,

Vos paumes sont le ciel et ses étoiles.

C’est vous aussi qui tenez le grand livre,

Non, qui le faites naître, le remontant,

Pages chargées de signes, de ce gouffre

Qu’est la chose en attente de son nom.

 

Je me souviens.

La nuit avait été le bel orage

Puis, aux corps en désordre

L’acquiescement complice du sommeil.

Au jour l’enfant est entré dans la chambre.

La matinée, ce fut

De comprendre réels les fruits vus en rêve,

Apaisables les soifs. Et que la lumière

Peut s’immobiliser, c’est le bonheur.

Je me souviens. Est-ce me souvenir ?

Ou est-ce imaginer ? Aisément franchissable

La frontière là-bas entre tout et rien.