III

Mes proches, je vous lègue

La certitude inquiète dont j’ai vécu,

Cette eau sombre trouée des reflets d’un or.

Car, oui, tout ne fut pas un rêve, n’est-ce pas ?

Mon amie, nous unîmes bien nos mains confiantes,

Nous avons bien dormi de vrais sommeils,

Et le soir, ç’avait bien été ces deux nuées

Qui s’étreignaient, en paix, dans le ciel clair.

Le ciel est beau, le soir, c’est à cause de nous.

 

Mes amis, mes aimées,

Je vous lègue les dons que vous me fîtes,

Cette terre proche du ciel, unie à lui

Par ces mains innombrables, l’horizon.

Je vous lègue le feu que nous regardions

Brûler dans la fumée des feuilles sèches

Qu’un jardinier de l’invisible avait poussées

Contre un des murs de la maison perdue.

Je vous lègue ces eaux qui semblent dire

Au creux, dans l’invisible, du ravin

Qu’est oracle le rien qu’elles charrient

Et promesse l’oracle. Je vous lègue

Avec son peu de braise

Cette cendre entassée dans l’âtre éteint,

Je vous lègue la déchirure des rideaux,

Les fenêtres qui battent,

L’oiseau qui resta pris dans la maison fermée.

 

Qu’ai-je à léguer ? Ce que j’ai désiré,

La pierre chaude d’un seuil sous le pied nu,

L’été debout, en ses ondées soudaines,

Le dieu en nous que nous n’aurons pas eu.

J’ai à léguer quelques photographies,

Sur l’une d’elles,

Tu passes près d’une statue qui fut,

Jeune femme avec son enfant rentrant riante

Dans l’averse soudaine de ce jour-là,

Notre signe mutuel de reconnaissance

Et, dans la maison vide, notre bien

Qui reste auprès de nous, à présent, dans l’attente

De notre besoin d’elle au dernier jour.