Mes proches, je vous lègue
La certitude inquiète dont j’ai vécu,
Cette eau sombre trouée des reflets d’un or.
Car, oui, tout ne fut pas un rêve, n’est-ce pas ?
Mon amie, nous unîmes bien nos mains confiantes,
Nous avons bien dormi de vrais sommeils,
Et le soir, ç’avait bien été ces deux nuées
Qui s’étreignaient, en paix, dans le ciel clair.
Le ciel est beau, le soir, c’est à cause de nous.
Mes amis, mes aimées,
Je vous lègue les dons que vous me fîtes,
Cette terre proche du ciel, unie à lui
Par ces mains innombrables, l’horizon.
Je vous lègue le feu que nous regardions
Brûler dans la fumée des feuilles sèches
Qu’un jardinier de l’invisible avait poussées
Contre un des murs de la maison perdue.
Je vous lègue ces eaux qui semblent dire
Au creux, dans l’invisible, du ravin
Qu’est oracle le rien qu’elles charrient
Et promesse l’oracle. Je vous lègue
Cette cendre entassée dans l’âtre éteint,
Je vous lègue la déchirure des rideaux,
Les fenêtres qui battent,
L’oiseau qui resta pris dans la maison fermée.
Qu’ai-je à léguer ? Ce que j’ai désiré,
La pierre chaude d’un seuil sous le pied nu,
L’été debout, en ses ondées soudaines,
Le dieu en nous que nous n’aurons pas eu.
J’ai à léguer quelques photographies,
Sur l’une d’elles,
Tu passes près d’une statue qui fut,
Jeune femme avec son enfant rentrant riante
Dans l’averse soudaine de ce jour-là,
Notre signe mutuel de reconnaissance
Et, dans la maison vide, notre bien
Qui reste auprès de nous, à présent, dans l’attente
De notre besoin d’elle au dernier jour.