Allo ? Vous, encore !
Oui... je vous demande pardon.
Pardon de quoi ? D’exister ?
Presque. Il y a des jours où je me sens si proche de vous. Nous avions le même jardin. Et comme vous, sur le sol de devant la cave, j’emplissais de terre ces petites boîtes de fer, au bord dentelé. Il y avait d’infimes coquilles blanches dans cette terre.
Nous n’avions jamais vu la mer.
Mais tu avais tes façons de l’imaginer. Une planche étendue de tout son long, mais tenue un peu redressée par deux briques posées derrière. Tu étais à genoux, avec dans tes mains des billes, tu les lançais sur la planche, elles s’y heurtaient, zigzaguaient, refluaient vers toi, c’était la mer.
Plus tard, je lui ai dit, reste, ne me quitte pas, pas aujourd’hui ! Mais elle se dégageait en riant. Ses mains étaient pleines d’eau, la nuit tombait. Notre barque glissait vers où ? Nous ne savions pas, dans ce noir.
Tu as toujours préféré les mots aux choses.
Moi, non ! Je savais si peu de mots ! Il est vrai que je n’avais que bien peu de choses. Et elle, encore moins.
Elle ? C’était la nuit. Elle frappait à la vitre. J’ouvrais, sa tête immense emplissait la fenêtre, de haut en bas. J’avais peur.
Elle frappe encore, tu lui ouvres encore.
Je crois en une beauté de par-derrière le monde. Tout ce que nous avons, ce sont des planches mal clouées, mal debout, déjointes. Tu donnes des coups dedans, elles tombent.