Anna, je ne suis pas de ceux qui envisagent une histoire avec sa fin ; en quoi je suis, j’imagine, un époux tyrannique et, ce qui est pire, un piètre écrivain. Mon amour ne fut ni caduc, ni temporaire, ni fugace. Dérivant peut-être.
Au fil des ans j’ai dissimulé les négatifs dans diverses caches. Dans des livres. Sous une latte. Parfois sous ton nez ; littéralement. Trois semaines ils furent collés au dos de ce miroir au reflet duquel tu te maquilles. Dernièrement ils étaient dans la chambre bleue, dans un roman d’espionnage des plus conventionnels – tu sais combien mes joies sont simples. Tu cherches à les récupérer, je sais que tu t’en sens captive. Ils sont garants de ta présence, ici, alors que tu essaies de partir depuis si longtemps. Peut-être y as-tu mis ton désir d’être à mes côtés, désir dont, peut-être, quelque chose subsiste encore – du moins me plais-je à le croire ; mais qui t’est comme un corps étranger à présent, une entrave, un empêchement. Cependant ce n’est pas pour cela que je les ai conservés. Tu n’aimes aucune de ces images, tu ne les as pas vues depuis si longtemps que tu ignores sans doute aujourd’hui de quoi elles ont l’air, tu as cru que je les dissimulais pour te nuire. J’avais d’autres raisons, dont je me dis que tu les comprendras peut-être, à présent. Je ne suis pas de ceux qui envisagent une histoire avec sa fin.
Anna, tu as détruit sept tirages de l’autographe frontal, soit un tous les deux ans. La première fois, tu m’as fait croire qu’il s’agissait d’un accident.
La deuxième fois, ce fut pour me punir. De quoi je ne sais plus.
La troisième fois, ce fut pour me punir, et je me souviens de quoi (mais elle me parlait en citations des Narcissiques anonymes, j’avais enfin l’impression de servir à quelque chose).
La quatrième fois, ce fut pour un atelier découpage avec notre fille.
La cinquième fois, tu as raison, je n’avais aucune excuse. J’ignore encore aujourd’hui comment tu l’as su.
La sixième fois, il y a eu du verre partout.
La septième fois que tu as détruit notre photographie, ce fut pour me punir d’être mort (je m’avance, mais je te connais).