Vers la fin

Souvent, John avait l’air de dormir ; parfois il n’écoutait pas. Un jour il passa même dans la salle de bains, intimant néanmoins au jeune homme de poursuivre sa lecture – Poussez un peu la voix, les portes ne sont pas si épaisses (La septième photographie n’a pas été retenue car on voit ce que j’ai écrit sur ton front, et qui ne regarde que nous), mais le souffle de Gray, seul, ne suffit pas à masquer le silence de mort qui vint ensuite.

 

Ou alors John s’assoupit, et son visage devint cireux (la huitième photographie n’a pas été retenue parce j’y ai l’air amoureux, amoureux fou, ce que tu as jugé mauvais pour les affaires). S’il avait eu un miroir de poche Gray l’aurait placé contre son visage, ses lèvres, son nez, ses voies respiratoires, pour voir si le reflet allait s’embuer, pour voir s’il respirait encore.

 

Ne fais pas l’enfant, avait-il dû se dire ; il dort, voilà tout. Ou encore, il est dans la salle de bains, voilà tout ; une salle de bains n’est pas une scène de crime. Et il acheva sa lecture d’un air détaché (mais faussement), d’une voix neutre, ou peut-être plutôt blanche.

 

C’est un malentendu, un vaste malentendu. Tu as toujours voulu que je t’écrive un livre, un livre pour toi, un livre sur toi, un livre sur le gène du film noir. Mais j’avais trouvé l’amour, j’avais rencontré la femme de ma vie, tu lisais mes pensées et moi les tiennes. Et une fois qu’on a trouvé, puis perdu cela – celle qui lit vos pensées et vous les siennes, celle qui pense comme vous et avec vous –, franchement, à quoi bon ?