Pof ! Pof ! BONG !
Pof ! Popof ! Brroumm ! Une camionnette grise piquée de rouille apparaît dans un nuage de fumée bleue. Elle ralentit devant la maison jaune, puis se stationne. Peufff ! Un petit homme bedonnant en sort. Il lance d’une voix joyeuse :
— Encore au travail, m’dame Broussaille ! Ce n’est pas votre jour de congé ?
— Le seul et unique, oui. Alors, j’en profite pour m’occuper de mon parterre.
— Pas possible ! Une vraie p’tite abeille ! Pensez-vous de temps en temps à vous reposer ?
— Je le voudrais bien, Ernest ! Mais je suis incapable de rester tranquille, même en vacances.
La jardinière dépose sa pelle. Elle secoue ses gants en tapant dans ses mains. Paf ! Pif ! Paf ! Ernest referme sa portière. BANG ! Cachée sous l’arbuste, Solo écarquille les yeux. Quel vacarme ! Il y a décidément beaucoup trop de bruit près du camion gris de la maison jaune.
Madame Broussaille se dirige vers le trottoir. Elle demande :
— Avez-vous terminé les pelouses ?
— Fini, n-i, ni ! De vrais petits terrains de golf.
— Tant mieux ! Nos clients seront satisfaits.
— Oui, m’dame !
L’ouvrier se met à décharger le matériel de la camionnette. Les grosses portières grincent, crissent, craquent entre les mains du petit homme.
— Attendez, je vais vous aider. À deux, nous irons plus vite.
Madame Broussaille empoigne un lourd sac d’engrais et le pose sur son épaule. Ernest admire l’incroyable énergie de sa patronne.
Elle se dirige d’un bon pas vers le hangar à l’arrière. Ernest la suit en poussant une tondeuse.
La petite chatte attendait ce moment. Elle sort du buisson et rampe jusqu’à l’îlot des jacinthes.
Elle veut s’éloigner au plus vite de l’affreux camion. Ses Pof ! et ses Broum ! sont aussi terrifiants que ses roues gigantesques. Solo ne s’arrête pas longtemps. Elle trottine jusqu’au perron. Elle a hâte de découvrir la maison de madame Broussaille. Une dame qui aime creuser des trous et lancer de la terre un peu partout mérite son attention.
— Maman aussi aime creuser, se dit la jeune chatte. Elle m’a montré comment faire pour cacher mes petits besoins.
Solo entend quelqu’un siffloter. C’est l’ouvrier Ernest qui revient. Elle n’hésite pas. Elle galope dans la terre fraîche, tourne le coin et file le long du mur jaune.
Ernest va s’asseoir sur les marches du perron. Il boit une gorgée de citronnade, cadeau de madame Broussaille.
— Tiens, tiens, fait-il en se penchant. Des empreintes de chat… On dirait bien que la patronne a eu de la visite.