Chapitre 22

Des siècles plus tôt, lors de la fondation de Perizzi, les gens avaient d’abord érigé des huttes sur les berges du fleuve. Au fil du temps, la cité s’était étendue, la pierre remplaçant le bois. Même à cette époque, où le dénuement régnait en maître, la cupidité dévorait le cœur des hommes. Le crime existait et rendait indispensable qu’on défende la loi et l’ordre. Du coup, on pouvait dire que la Garde Civile et les Protecteurs étaient nés en ce temps-là.

Un membre de la Garde avait raconté cette histoire à Choss, après l’avoir arrêté pour vol. De longues années plus tard, il se souvenait de la barbe rousse du type et du poids de sa main quand il l’avait pris au collet. Après, Choss avait changé de méthode. Devenu malin, il courait plus vite et plus longtemps avant de s’arrêter pour admirer son butin.

Près du fleuve, mais loin du port, les bâtiments changeaient souvent de propriétaires. Dix ans plus tôt, la mode était aux tavernes « les pieds dans l’eau », mais ça n’avait pas duré. Aujourd’hui, des marchands et des scribes occupaient ces locaux au loyer plus que modéré.

Choss se dirigea vers un des plus vieux bâtiments du coin. Sa façade gris et jaune portant encore les stigmates d’un ancien incendie, on avait depuis longtemps retiré le nom qui figurait au-dessus de la porte – en oubliant deux ou trois lettres.

Choss frappa au battant et attendit. Par habitude, il sonda la rue, mais ne repéra rien d’inhabituel. Quelques scribes vaquant à leurs occupations et des marchands assis à la terrasse d’une taverne.

La porte s’ouvrit sur un grand Morrinien aux cornes presque aussi brillantes que le coutelas qu’il brandissait. Une oreille manquante, les bras couverts de cicatrices, le colosse belliqueux aux yeux couleur d’ambre étudia attentivement Choss.

— Entre, grogna-t-il en reculant.

Choss suivit le type dans un long couloir aux murs nus et au sol irrégulier. Les salles devant lesquelles ils passèrent, des remises, débordaient de caisses et de boîtes. Des biens récupérés par la Famille Jarrow ou une de ses associées.

Au pied d’un vieil escalier de bois, le Morrinien ouvrit la trappe qui donnait accès aux « tombes ». Comme le disait le vieux Garde roux, même aux premiers temps de la cité, il fallait bien punir les criminels. Pour ça, on avait imaginé un moyen très ingénieux – ou très barbare, selon le point de vue qu’on adoptait.

Choss dut baisser la tête pour ne pas heurter la voûte d’un étroit corridor creusé à même la roche. Sur les parois grisâtres, à intervalles réguliers, se découpaient des portes de fer. À la lueur des torches, Choss avança en essayant d’oublier la puanteur qui montait des cellules. Coup de chance, la chiche lumière ne permettait pas d’apercevoir les prisonniers.

Don Jarrow avait acquis les tombes en même temps que le bâtiment. En homme compatissant, il y envoyait ses pires ennemis et ceux qui osaient l’offenser gravement. Comme de juste, ces gens subissaient la torture, et pas un ne sortait vivant de cet enfer. À marée haute, les cellules étaient inondées et ça réglait de façon très satisfaisante le problème de la surpopulation carcérale.

Dans la dernière cellule, au fond du tunnel, un homme passa les mains à travers les barreaux et réussit à s’accrocher au pantalon de Choss.

— Fais-moi sortir ! Je te couvrirai de richesses. Dis ton prix, mais aide-moi !

Le Morrinien décocha un coup de pied qui manqua démettre les épaules du prisonnier. En gémissant, le pauvre type recula au fond de sa cellule.

Une porte passée, Choss et son guide débouchèrent dans une grande pièce circulaire où d’autres geôliers jouaient aux dés autour d’une table. Une odeur d’iode montait aux narines et les murs étaient humides jusqu’à mi-hauteur – les vestiges de la marée.

Les gardiens, un mélange de Morriniens et de Seves, étaient d’anciens bagarreurs des rues reconvertis. Fiers de leur brutalité, ils se réjouissaient de pouvoir lui donner libre cours. Choss s’en fichait. Retrouver Gorrax et filer, voilà tout ce qui comptait.

— Où est le Vorga ? demanda-t-il.

Le colosse morrinien sourit et désigna une grille sur le sol, au fond de la salle. Approchant, Choss se pencha pour jeter un coup d’œil dans l’oubliette. L’odeur iodée était encore plus forte et il entendit des clapotis. Dans ce puits, il devait y avoir en permanence de l’eau.

— Pourquoi l’avez-vous mis là ?

— On m’a ordonné de le faire souffrir. Alors, on l’a roué de coups puis jeté au fond de ce trou. Qu’est-ce que ça change ? Personne ne sort jamais d’ici.

Qu’on puisse s’inquiéter pour un Vorga dépassait le cerbère. Pour se calmer, Choss inspira à fond. Son guide n’avait rien remarqué, mais les autres gardiens le lorgnaient avec méfiance.

— Sors-le de là !

— Fais-le toi-même, répliqua le Morrinien en se tournant vers ses camarades.

Choss le prit par le col et lui fit traverser la pièce jusqu’à ce qu’il s’écrase la gueule contre un mur. Pour faire bonne mesure, il répéta cinq fois l’opération avant de lâcher sa victime. Un crâne normal aurait explosé comme une noix, mais pas celui d’un Morrinien.

Choss décocha un coup de pied dans les reins du salopard, histoire de l’assommer pour un bon moment.

— Toi, va le sortir de là ! dit-il en désignant un gardien.

Le type se leva d’un bond, alla ouvrir la grille et s’écarta. Choss regarda les autres geôliers, mais aucun ne fit mine de dégainer son arme.

— Gorrax, c’est Choss. Tu peux grimper hors de ce trou ?

Quelques instants plus tard, la tête du Vorga émergea de l’oubliette. En se hissant à l’extérieur, Gorrax esquissa un rictus qu’il devait prendre pour un sourire.

Choss l’aida à sortir de son trou. Quand il eut terminé, il transpirait comme un porc. Ce putain de Gorrax pesait un quintal !

Redoutant des représailles, les gardiens dégainèrent leurs armes. En pagne et gilet de cuir, le Vorga arborait sur ses bras vert clair des sillons blancs et des taches bleues. Des contusions, devina Choss.

Il se campa devant le Vorga, lui bloquant la vue.

— Appuie-toi sur moi, mon vieux.

— Ami Choss, je…

— Allons, laisse-moi t’aider !

Gorrax aperçut enfin les gardiens, à l’autre bout de la salle.

— Oui, tu as raison, j’ai besoin qu’on me soutienne…

Ils passèrent devant les geôliers puis remontèrent le tunnel désormais silencieux. Stupéfiés, les prisonniers regardaient un de leurs compagnons d’infortune quitter vivant cet enfer.

Choss et Gorrax marchèrent en silence. À quelques rues du sinistre bâtiment, l’ancien champion lâcha le Vorga, qui n’eut aucun mal à tenir debout.

Les deux amis éclatèrent de rire.

Les Vorgas, fils de Nethun, étaient des créatures de la mer qui se languissaient en permanence de l’océan et des pouvoirs régénérateurs de l’eau salée. Les Vorgas verts, comme Gorrax, vivaient sur les côtes, aussi près que possible de la mer. Chaque jour, ils passaient des heures dans l’eau à pêcher, à récolter des algues ou à explorer les fonds vaseux pour trouver des perles et d’autres richesses.

Les Vorgas marron préféraient les marécages et les bleus, plus petits, vivaient dans les collines. Selon Gorrax, ils étaient les « oubliés de Nethun ». Mais d’autres sources insistaient sur leur grande intelligence. Pas étonnant, dans ce cas, que tous les marchands qui écumaient les cités des autres nations aient la peau bleue.

Au lieu de punir Gorrax, les geôliers lui avaient fait du bien. Après plusieurs jours de bain thérapeutique, il pétait la forme.

— Je te remercie, dit-il, mais que fais-tu ici ?

Choss se rembrunit.

— J’ai passé un accord avec dońa Jarrow. En échange de ta liberté, nous allons devoir faire quelque chose pour elle. Une mission dangereuse et peut-être mortelle.

— Un vrai combat ? On aura le droit de tuer ?

— Oui, s’il le faut.

Le Vorga réfléchit un moment.

— Crever dans ce trou m’aurait pris du temps, et j’étais à l’étroit… Je préfère ce qui m’arrive. Ravi de te revoir et d’avoir une chance de mieux mourir. Je suis ton homme !

Gorrax inclina la tête et parut attendre quelque chose. Choss ne l’avait jamais vu faire montre d’une telle soumission.

— Gorrax, dit-il, j’ai besoin de toi. Seul, je n’y arriverai pas.

Le Vorga releva la tête et dévoila toutes ses dents.

— Je suis prêt. Par quoi on commence ?

 

Choss avait donné des instructions très claires à Gorrax. Éliminer les sentinelles sans faire de bruit. Après un rapide examen des lieux, le Vorga avait annoncé que ce serait un jeu d’enfant. Choss n’avait qu’à compter jusqu’à deux cents, et ce serait fait.

Le champion en était presque à la fin de son compte, sans avoir revu Gorrax, lorsqu’il remarqua que les sentinelles au sol n’étaient plus en vue. Sur le toit, les arbalétriers continuaient à patrouiller.

À gauche de la porte, une silhouette apparut brièvement. Comment Gorrax avait-il fait pour approcher sans être vu ?

Moins furtif que son ami, Choss portait de nouveau son masque et sa tenue noire. La force, sa fidèle compagne depuis toujours, ne suffirait pas à le sortir vivant de ce traquenard.

Gorrax lui fit un petit geste auquel il répondit en observant les sentinelles, sur le toit, afin de minuter son approche. Quand les types disparurent de sa vue, il partit au pas de course, réussit à ne pas se casser la figure sur un lit de détritus et se plaqua au mur de l’entrepôt comme s’il voulait le traverser. Pendant qu’il reprenait son souffle, il se félicita d’avoir continué à s’entraîner après avoir pris sa retraite. Certains matins, il serait bien resté au lit, mais les habitudes avaient la peau dure, et il se retrouvait en train de courir puis de soulever de la fonte.

Ce rituel l’aidait à conserver la notion de son identité. Retraite ou non, il restait un lutteur. Et il allait avoir l’occasion de le prouver.

Il se redressa et fit signe à Gorrax qu’il était prêt.

Le Vorga lui indiqua de le suivre le long du bâtiment. En passant, Choss aperçut les cadavres de trois sentinelles, le cou formant un angle bizarre avec le reste de leur corps. Sans leur laisser une chance de crier, Gorrax leur avait brisé la nuque.

Près des dépouilles de trois autres gardes, une grande échelle permettait d’accéder au toit. Choss entreprit de la gravir, très inquiet parce qu’elle grinçait sinistrement. Gorrax resta au niveau du sol, pour monter la garde.

Arrivé en haut de l’échelle, Choss jeta un coup d’œil et repéra sur sa gauche un type qui patrouillait sans grande conviction. Trois autres gardes jouaient aux cartes autour d’une caisse renversée transformée en table. Leur arme à portée de la main, ils tournaient le dos à Choss et l’un d’eux était en partie caché derrière une cheminée.

Six d’entre elles se dressaient sur le toit. Un coup de chance, sinon l’opération aurait été irréalisable.

— Les gars, ça va bientôt être mon tour ? gémit le seul garde encore au boulot.

— J’ai presque ratissé ces deux idiots, dit le type du milieu. Ton tour de perdre viendra très bientôt.

Vif comme l’éclair, Choss se hissa sur le toit et se cacha derrière une cheminée d’où sortait une fumée à l’odeur acide – un mélange de terre humide et de boutique d’alchimiste.

Choss dégaina ses couteaux et inspira profondément pour se concentrer. Puis il jeta un coup d’œil aux sentinelles. Le quatrième homme, las de faire mine de patrouiller, observait à présent les joueurs. Pour qu’on ne les entende pas à l’intérieur, ceux-ci parlaient à voix basse.

En silence, Choss se plaça dans le dos du tire-au-flanc. Ses copains comprirent que quelque chose clochait lorsqu’ils furent aspergés de sang. Trop tard, ils tentèrent de réagir, mais Choss en égorgea deux et décocha un coup de pied dans la tête du troisième. Pendant que ses victimes agonisaient, il fondit sur le dernier type, qui ramassa son arbalète et tenta de tirer.

Choss plongea, atterrit sur son adversaire et lui transperça la gorge avec son couteau.

Quatre crétins hors de combat… Mais les choses compliquées commençaient à peine.

Dès que Choss l’eut rejoint au pied de l’échelle, Gorrax lui fit signe de se baisser pour qu’il puisse lui parler à l’oreille.

— À l’intérieur, il y a beaucoup de gens qui tournent et retournent le sol noir. Ce ne sont pas des guerriers… Quatre hommes masqués font chauffer des liquides colorés. Pas des lutteurs non plus…

— D’autres types ?

— Deux… Ils flanquent la trouille à tout le monde. Un Morrinien, peut-être le don en personne, et un gars tout blanc…

Gorrax tapota la peau du bras de Choss puis désigna ses cheveux.

— Un Yerskanien, crut comprendre Choss.

— Non ! Pas un homme pâle… Il est aussi grand que toi, mais tout blanc. Avec des yeux rouges et pas d’odeur… Un homme taureau…

Gorrax séparait les gens en divers groupes, Choss le savait. Mais selon quels critères ? De cette description, il n’y avait pas grand-chose à tirer.

— Montre-moi…

Gorrax entraîna son ami vers une série de fenêtres tellement sales que l’ancien champion ne les avait pas remarquées. Le Vorga ayant gratté la crasse sur une petite section, on avait une bonne vue sur l’intérieur de l’entrepôt. Le long des murs, la pénombre régnait, mais l’espace central était illuminé par des lanternes à la lumière bleue.

Juste sous les fenêtres, on distinguait des râteliers remplis d’outils agricoles – plutôt incongru au milieu d’une ville, ça. Mais le sol, normalement de pierre, avait été excavé pour devenir un fertile champ de venthe – de gros champignons blancs bulbeux zébrés de veines bleues. Sous la lumière bleue, ils poussaient à vue d’œil en émettant de sinistres craquements.

Près de l’entrée, quatre alchimistes travaillaient devant un grand établi où s’alignaient des alambics et des cornues qui chauffaient le produit brut et le transformaient lentement en poudre. Six Chacals armés jusqu’aux dents surveillaient ces précieux intervenants.

Non loin de là, un vieux Morrinien aux cornes incurvées parlait avec un grand type vêtu de gris aux cheveux couleur de craie et à la peau blafarde.

Trop loin pour comprendre ce qui se disait, Choss devina que les deux hommes se disputaient.

— Je voudrais savoir ce qu’ils se racontent…

Les grandes oreilles de Gorrax s’écartèrent de ses tempes et il inclina la tête sur le côté.

— J’entends… Le type tout blanc dit que la nouvelle récolte ne tuera pas. Elle sera plus puissante et plus addictive… Le Morrinien accuse tête-Blanche de n’avoir pas tenu ses engagements.

Plus de doutes à avoir. Don Kalbensham entendait obtenir l’exclusivité de la revente de drogue en proposant un produit plus actif qui « fidéliserait » sa clientèle.

Choss se demanda quel genre de contrat il avait passé avec l’albinos.

— Tête-Blanche lui demande d’être patient parce que c’est difficile… Maintenant, il lui montre sa virilité.

Choss plissa les yeux. Ce n’était pas ce qu’il voyait, loin de là.

— Que veux-tu dire ?

Gorrax se concentra.

— Il dit au Morrinien qu’il est plus grand, plus fort et plus dangereux que lui.

— Oui, je saisis…

— Le Morrinien n’est pas content, mais il ne peut rien faire. L’autre le domine, même s’il tente de croire le contraire.

Gorrax siffla entre ses dents, se baissa et entraîna Choss avec lui.

— Que se passe-t-il ?

— Tête-Blanche… Il sait que nous sommes là.

— Comment ?

N’ayant aucune réponse, Gorrax se tut mais grogna quand son ami releva la tête pour regarder de nouveau par la fenêtre.

L’albinos et le don regardaient dans leur direction et les Chacals se préparaient au combat.

— Inutile de nous cacher davantage…, annonça Choss.

Il se redressa, défonça la fenêtre d’un coup de pied et entra dans l’entrepôt, Gorrax sur les talons.

La porte principale s’ouvrit pour laisser passer les « ouvriers », qui détalèrent comme des lapins, suivis de près par les alchimistes.

L’albinos et le don n’étaient plus en vue. Pour l’heure, c’était secondaire. Seuls comptaient les six Chacals et leurs arbalètes.

De sa propre initiative, Gorrax partit sur la droite tandis que Choss s’éloignait vers la gauche, dans les ombres du périmètre de la salle.

Quand le Vorga bondit en pleine lumière, deux Chacals tirèrent et le manquèrent de loin. Tandis que Gorrax chargeait, ils dégainèrent leur épée.

Choss attaqua aussi, effrayant un arbalétrier qui décocha son carreau au plafond.

Un Chacal femme – une Morrinienne aux yeux verts – visa Choss avec sa lame incurvée, mais il esquiva et éventra son adversaire avec un de ses couteaux. Alors que la guerrière tentait de retenir son intestin, qui se déversait de la plaie, il l’acheva d’un coup précis au cœur.

Une hache s’abattit sur l’avant-bras de l’ancien champion. Son bracelet de fer para le coup, mais l’onde de choc remonta jusque dans son épaule. Ignorant la douleur, il frappa son agresseur à l’entrejambe.

Le Chacal s’écroula, un geyser de sang jaillissant de ses bourses.

Choss regarda autour de lui et vit que Gorrax déchirait avec ses griffes la gorge d’une Yerskanienne et arrachait avec ses dents la main d’un autre Chacal. Frappé de sidération, le type tomba sur le cul pendant que le Vorga recrachait presque nonchalamment des doigts.

Presque déçu, Gorrax brisa la nuque du dernier Chacal.

— Des minables…, se plaignit-il. Sauf cette femme, là, à qui j’ai déchiqueté la gorge.

Choss acheva un Chacal et regarda autour de lui.

— On poursuit le Morrinien et tête-Blanche ? demanda Gorrax.

— Impossible… C’est le don de ce territoire. Beaucoup de gens le défendraient. Trop pour qu’on ait le dessus.

Une précision utile, au cas où Gorrax aurait envie de rester.

— Alors, c’est terminé ?

— Presque…

Choss s’intéressa à une des étranges lanternes. Un cadre en fer contenait un dôme de verre scellé et empli d’un liquide brillant. Un truc d’alchimiste…

Après avoir délesté un mort de sa chemise, l’ancien champion cueillit un des plus gros champignons en prenant garde à ne pas le toucher à mains nues.

— Que veux-tu en faire ?

— Le montrer à dońa Jarrow.

— Et le reste ?

— J’ai une idée…

Les deux hommes traversèrent le laboratoire en vidant des produits alchimiques sur le sol. Choss en imbiba plusieurs chemises et des couvertures, puis les jeta un peu partout dans la salle. Enfin, il brisa toutes les lanternes, qui se vidèrent de leur contenu.

— J’entends des bruits de pas ! annonça Gorrax.

— Il est temps de filer.

Avec son briquet à poix, il embrasa une chemise d’où montèrent des flammes bleues puis rouges. Quand il la jeta sur le sol, un mur de flammes jaillit presque aussitôt.

Les deux amis sortirent, la chaleur de l’incendie sur les talons. Quand il se retourna, Choss vit que les flammes léchaient déjà les contours de la porte. Très vite, le toit prit feu.

Adieu la récolte de venthe !

Affaire réglée… Choss venait de détruire le venthe et d’identifier le coupable. Dońa Jarrow lui devrait une fière chandelle, et elle avait promis de parler aux bonnes personnes. Dans quelques jours, l’arène pourrait peut-être rouvrir.

Pressé de répandre la bonne nouvelle, Choss accéléra le pas.