Pour des amants, l’apesanteur était beaucoup plus délicate que la gravitation lunaire.
Et ce malgré des dizaines d’années d’expérience. À l’époque des vols en orbite terrestre basse, il avait existé un « Club des dauphins », ainsi nommé parce que, dans l’océan où régnaient des conditions similaires, un couple de dauphins se faisait parfois aider dans ses ébats par un troisième… Mais Siobhan était Astronome royale, il n’était pas question pour elle de se résoudre à ça.
Bud avait donc improvisé une installation susceptible de préserver leur intimité. Avec ses poignées, ses cordes et ses sangles, sa cabine ressemblait désormais à un salon de massage d’un genre un peu particulier, mais en procurant des points d’appui, cet équipement remplissait étonnamment bien son office. Malgré tout, dans la petite communauté isolée du bouclier, Bud avait manifestement bénéficié d’aide pour mettre le tout au point. Elle lui fit démonter la petite plaque vissée au-dessus de son lit :
« AVEC LES COMPLIMENTS DU
CORPS DES INGÉNIEURS EN ASTRONAUTIQUE DES ÉTATS-UNIS
AMUSEZ-VOUS BIEN ! »
Faire l’amour était pourtant aussi profondément satisfaisant – et, surtout, aussi réconfortant – que jamais ; elle était assez vieille pour s’avouer qu’elle avait besoin de consolation autant que de passion.
Après, blottie sous une épaisse couverture contre la masse chaude et silencieuse du corps de Bud, elle repensa aux raisons de sa venue.
Cette cabine avait été un débarras ; on voyait encore des marques sur les murs aux endroits où avaient été supprimés les placards et les étagères. Au fil des ans, l’Aurora avait été cannibalisé et il n’en restait plus qu’une coquille contenant des systèmes de contrôle environnemental, des centres de communication et des quartiers d’habitation improvisés. Mais, pour Bud, ce vieil astronef délabré était sa demeure. Même quand sa mission serait accomplie, il le regretterait sans nul doute toujours.
Si elle l’obligeait à rentrer sur Terre avant que le travail soit terminé, il en aurait le cœur brisé. Mais c’était une des issues possibles à sa visite et ils le savaient tous deux. Bud dit enfin :
— Tu sais, en des moments comme celui-ci, j’aurais encore envie d’une cigarette.
— Au fond, tu es resté le tombeur de filles du lycée, hein ?
— Je suis le sel de la terre, répondit-il en levant les yeux au plafond. Mais tu es venue pour affaires, pas pour le plaisir, n’est-ce pas ?
— Je suis désolée.
Il haussa les épaules.
— Tu n’as pas à l’être. Mais écoute… pour tous les autres, tu es ici pour l’activation de l’IA. Personne d’autre que mon portable n’est au courant de la seconde raison.
Légèrement irritée, elle dit :
— Je ne suis pas ici pour te démolir le moral, Bud. Je suis censée renforcer le projet, pas l’affaiblir. Un point, c’est tout. Mais…
— Mais cette histoire d’audit doit être éclaircie. Je sais. Et je te fais confiance pour t’en charger au mieux.
Elle était rongée par la culpabilité.
— Bud, nous avons tous les deux nos obligations. Et rien ne doit venir entraver nos projets.
— Je comprends. Mais encore un peu de plaisir avant le travail. Il nous reste douze heures avant d’activer l’IA. Allons faire un peu de tourisme.
Ils firent leur toilette, s’habillèrent et burent un café. Puis Bud l’escorta vers le petit vaisseau qu’il avait baptisé V-Eye-P.
Le seul et unique module d’inspection pressurisé du projet était une simple plate-forme équipée de réservoirs sphériques de carburant et de comburant, ainsi que d’une petite batterie de moteurs à hydrazine… en fait, des verniers provenant d’un avion spatial cannibalisé. Dessus était installée une tente de kevlar et d’aluminium pressurisée dans laquelle deux personnes pouvaient tenir debout côte à côte. C’était tout, en plus d’un système de commandes simplifié constitué d’un manche à balai qui sortait du plancher et d’un système de contrôle environnemental capable de maintenir en vie ses passagers pendant environ six heures.
Les techniciens du bouclier utilisaient des variantes de cet engin, mais uniquement la plate-forme et les moteurs, sans la tente : pourquoi s’encombrer d’une cabine pressurisée quand on avait un scaphandre spatial parfaitement fonctionnel ? On pouvait les voir filer au ras de la surface du bouclier, pilotant comme des scooters leurs caisses à savon à réaction. Seul le V-Eye-P était réservé à l’usage des visiteurs de marque comme Siobhan, qui n’avaient ni le temps ni l’envie d’apprendre à utiliser un scaphandre spatial.
— Mais cette tente de kevlar n’offrirait pas une grande protection si quelque chose tournait mal…, dit Bud avec un petit sourire malicieux.
Le V-Eye-P était lancé depuis l’Aurora par un rail à induction électromagnétique, version miniature de la Fronde, la catapulte géante de la Lune. L’accélération était progressive, comme dans un ascenseur express ; Siobhan apprécia la sensation d’un sol ferme sous ses pieds.
Quand ils se furent suffisamment éloignés, Bud procéda à un essai de moteurs du petit engin… par « éructations », comme il disait. On aurait cru entendre de petites explosions tout autour de la coque de kevlar. Bud expliqua à Siobhan que le rail à induction ne produisait pas de gaz d’échappement et qu’on n’allumait jamais de moteurs-fusées, si petits soient-ils, à proximité du bouclier.
— Nous sommes en train de construire un miroir fait de givre tissé de toile d’araignée, dit-il. Nous évitons même de souffler dessus.
L’engin pivota et tangua en tous sens. On se serait cru sur un étrange manège de fête foraine.
Quand il fut satisfait, Bud immobilisa l’appareil et l’inclina vers l’avant pour que Siobhan puisse regarder dehors.
— Et voici le vaisseau mère, dit-il.
Le vénérable Aurora 2 était la pièce maîtresse du bouclier, l’araignée au centre de sa toile. Malgré sa cannibalisation intensive, Siobhan pouvait encore distinguer les traits principaux de son architecture : la longue et élégante épine dorsale avec le gros module d’habitation à un bout, et la grappe compliquée des génératrices, des réservoirs de carburant et des moteurs-fusées à l’autre.
— C’est un vieil éclopé, dit Bud d’un ton affectueux. J’espère qu’il nous pardonne. Il a encore un rôle à jouer : garder le bouclier en rotation et correctement orienté. Bien sûr, tout ça changera quand l’IA sera activée et que le bouclier commencera à se contrôler tout seul.
Il tira sur le manche à balai et les moteurs de la plate-forme se mirent en marche. Le petit engin s’éleva doucement et s’éloigna dans l’axe de l’Aurora.
Siobhan regarda, fascinée, le bouclier se déployer sous elle. Autour du vieux vaisseau martien, sa surface était si plane et lisse qu’on aurait dit une abstraction mathématique, un plan coupant l’univers en deux. Il miroitait, aussi délicat qu’une bulle de savon, et, à mesure qu’ils montaient, des arcs-en-ciel prismatiques jouaient dessus. Mais il était encore de profil par rapport au soleil et la lumière rasante filtrait à travers la membrane arachnéenne de son revêtement, permettant à Siobhan d’apercevoir au-dessous sa charpente grêle de poutrelles et d’entretoises de délicat verre lunaire, tel un échafaudage féerique qui projetait de longues ombres effilées.
— C’est magnifique, dit-elle. C’est le projet architectural le plus gigantesque jamais entrepris, et ce n’est pourtant que du verre et de la lumière. Comme s’il était sorti d’un rêve.
— Ce qui explique, dit Bud d’un air énigmatique, le nom que j’ai choisi pour elle… pour l’IA du bouclier, je veux dire.
Elle ? Mais il refusa d’en dire plus.
Il alluma encore un instant les moteurs verniers pour pencher la plate-forme en avant, de façon à en tourner les fenêtres vers la Terre. La planète mère était une sphère bleue suspendue dans l’espace. La Lune, d’un blanc sale, flottait un peu plus loin à son côté. L1 était situé bien au-delà de l’orbite lunaire ; de ce point de l’espace, il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait de mondes jumeaux.
— Notre planète, dit simplement Bud. Pour nous qui sommes coincés ici, ça fait du bien de se rappeler ce pour quoi nous nous cassons le cul.
Il se pencha tout près de Siobhan et tendit le bras.
— Tu vois, là ? Et là… ?
Dans l’obscurité veloutée de l’espace, elle distingua des étincelles qui se déplaçaient, deux, trois, quatre, qui se suivaient, approximativement alignées, telles des lucioles dans la nuit, entre la Terre et le bouclier. Bud pianota sur la fenêtre.
— Grossissement, s’il te plaît.
Sur la vitre devant Siobhan, l’image explosa en une rapide succession de sauts et elle put voir une dizaine de vaisseaux. Certains étaient tout juste assez près pour en distinguer les détails : inscriptions sur la coque, batterie de cellules solaires, antennes. On aurait dit des jouets, un convoi de modèles réduits accrochés sur un fond de velours.
— Une caravane qui apporte la membrane cénesthésique, dit Bud avec un large sourire, s’arrachant au puits gravitationnel pour se hisser jusqu’au point L1. N’est-ce pas un spectacle fantastique ? Et c’est comme ça, jour et nuit, depuis des années. Si on braque un télescope sur le côté sombre de la Terre, on voit la lueur des vaisseaux qui décollent sans discontinuer.
Sur Terre, Siobhan avait supervisé les opérations de collecte. Les coupons de membrane cénesthésique, cultivés sur des appuis de fenêtres comme ceux de l’appartement londonien de Bisesa Dutt, étaient rassemblés dans des points de collecte de proximité, puis expédiés vers les centres de stockage des aéroports et des spatioports et, enfin, emballés et envoyés vers les grands sites de lancement de cap Canaveral, Baïkonour, Kourou ou Woomera. À elles seules, les opérations au sol étaient une entreprise prodigieuse, un flot international continu sur toute la surface de la Terre, avec pour aboutissement ces petits éclats de lumière qui s’élançaient hardiment dans la nuit.
— Tu connais le tableau, dit Bud. Nous avons investi toutes nos ressources dans ces lancements, comme pour tous les autres aspects du projet. Les vieilles navettes spatiales sont même sorties de leurs musées pour reprendre du service. Leurs moteurs principaux, trop déglingués pour passer la certification en vue du transport de passagers, sont recyclés : on peut faire un excellent lanceur non réutilisable avec un empennage de navette et un conteneur de marchandises. Les Russes, eux aussi, ont rafraîchi leurs vieux plans et ressuscité leurs bonnes grosses fusées Energia… Mais ce n’est toujours pas suffisant. Alors Boeing, McDonnell et les autres grosses entreprises fabriquent des lanceurs à la chaîne comme des saucisses. Bon sang, certains de ces nouveaux modèles ne sont pas plus sophistiqués qu’un pétard du 4 juillet : tout ce qu’on peut faire, c’est viser et les mettre à feu. Mais ils fonctionnent avec une fiabilité proche de cent pour cent. Et le boulot se fait…
Cette vaste entreprise spatiale était apparemment pour lui un rêve d’enfance qui se réalisait : l’industrie spatiale à grande échelle, rapide, efficace et brutale, comme elle l’avait été avant que les coûts, la politique et la peur du risque lui mettent des bâtons dans les roues.
— Tu sais, je crois que ça va tout changer, déclara-t-il avec un large geste en direction du bouclier. On ne pourra certainement pas revenir à nos vieilles méthodes timorées après ça ; nous avons brisé nos chaînes. Ça nous a lancés dans une nouvelle direction : vers l’extérieur.
— Si nous survivons à la tempête solaire.
Il eut l’air un peu chagriné.
— Oui, bien sûr.
Sous-entendu : Je suis peut-être toqué d’espace, mais je connais mon devoir.
Prise d’un accès de remords, elle souhaita pouvoir ravaler ses mots. Un fossé était-il en train de s’ouvrir entre eux avant même qu’elle en soit arrivée au véritable but de sa mission ?
Bud empoigna son manche à balai : la plate-forme pivota et se mit à avancer.
Siobhan pouvait à présent voir le bouclier qui s’étendait devant elle à la façon d’une plaine étincelante. Son œil était attiré vers l’« horizon », mais, à la différence de la surface terrestre, le bouclier était absolument plat, à perte de vue, et dans le vide la ligne d’horizon était droite et effilée comme un rasoir. C’était bizarrement déroutant, une perspective complètement faussée, comme si on survolait quelque planète monstrueuse mille fois plus grosse que la Terre.
— Ça nous joue parfois des tours, dit Bud. On croit voir l’horizon s’incurver, comme à bord d’un avion volant à basse altitude. Ou bien on voit un groupe de travailleurs et on s’imagine qu’ils sont à quelques centaines de mètres, alors qu’ils se trouvent à des kilomètres. Encore maintenant, j’ai du mal à intégrer l’échelle de cet objet, à me dire que deux de mes gars qui travaillent sur des bords opposés du bouclier peuvent être séparés par toute la largeur de la Terre. Et c’est nous qui l’avons construit.
La plate-forme plongea en avant et Siobhan se retrouva en train de voler au-dessus de prismes et d’étrésillons de verre miroitant parsemés de petits édifices ressemblant à des cabanes et parcourus de tracteurs qui s’activaient patiemment. Une astronaute chargée d’une énorme poutrelle de verre lunaire d’une légèreté de mousseline s’avançait précautionneusement à la surface du bouclier ; on aurait dit une fourmi portant une feuille plusieurs fois grande comme elle.
Et Siobhan distingua ce qui semblait être de petits drapeaux dont la rigidité, en l’absence de vent, était assurée par du fil de fer.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Nous n’avons pas de cimetières, par ici, répondit Bud sans ménagement. On se contente de te pousser dans l’espace. Mais on te dédie un mémento : un drapeau aux couleurs de ton pays, ou de ta religion, ou de tout ce que tu veux. Pour construire le bouclier, nous travaillons en spirale, nous éloignant toujours plus du centre. Où que tu sois au moment de ta mort, on plante ton drapeau à l’endroit atteint ce jour-là.
À présent qu’elle les cherchait du regard, elle pouvait voir des dizaines et des dizaines de drapeaux d’un seul coup d’œil.
— Des centaines de personnes sont mortes ici.
Elle ne savait pas qu’il y en avait autant.
— Ce sont de braves gens, Siobhan. Même si on ne tient pas compte des risques directement liés au travail de construction, certains vivent en apesanteur depuis deux ans ou plus sans interruption. Les médecins disent que nous accumulons les problèmes dans notre structure osseuse et dans nos systèmes lymphatique, cardiovasculaire et autres. Tu sais sur quoi portent les interventions chirurgicales les plus courantes, par ici ? Les calculs rénaux, causés par des nodules de calcium arrachés aux os. Et ne parlons pas de l’exposition aux radiations. Tout le monde connaît les dommages qu’elles entraînent pour l’ADN et les risques de cancer. Mais pour le cerveau ? La tête est particulièrement vulnérable aux rayons cosmiques et possède une capacité d’autoréparation limitée. L’espace nous rend idiots, Siobhan.
— Je ne savais pas…
— Je m’en doute, dit-il d’une voix non dépourvue d’une certaine dureté. Des études médicales conduites sur les travailleurs du bouclier l’ont prouvé. Chaque année passée ici te fait perdre dix ans de vie. Et pourtant ces gens restent et travaillent jusqu’à la mort.
— Oh, Bud…
Impulsivement, elle lui prit les mains.
— … je ne suis pas venue attaquer ton équipe, tu le sais bien. Et je ne veux pas me fâcher avec toi.
— Mais…, dit-il d’un ton las.
— Mais tu sais pourquoi je suis ici.
C’était une histoire de malversations.
Sur Terre, les experts-comptables, plongés dans leurs volumineux livres électroniques, avaient découvert qu’une partie des fonds et du matériel expédiés dans l’espace avait été détournée… et que l’origine des détournements devait se trouver ici, sur le bouclier lui-même.
— Bud, l’administration ne pourrait pas l’ignorer même si elle le voulait. Si ça continue, ça peut mettre l’ensemble du projet en danger…
Il lui coupa la parole :
— Sois un peu réaliste, Siobhan. Je ne conteste pas les larcins. Mais, bon sang, regarde par la fenêtre. Ce projet engloutit une bonne part du PNB de la planète entière. Quelqu’un en détournerait-il la fortune de Crésus en personne que ça n’entamerait pratiquement pas notre budget. Il faut remettre les choses en perspective. En pourcentage…
— Ce n’est pas le problème, Bud. Il faut voir le côté psychologique. Tu as dit que ton équipe faisait des sacrifices. Eh bien, nous aussi, sur Terre, nous en faisons de tout aussi durs pour financer ce truc. Et si une partie en a été volée…
— Volée ! s’esclaffa-t-il en lui tournant le dos. Siobhan, tu n’as aucune idée de ce que c’est que de travailler ici. À deux millions de kilomètres de chez soi et de sa famille. Oui, je suis ici pour sauver la planète. Mais je veux aussi sauver mon propre fils.
Elle se figea. Il ne lui avait jamais dit qu’il avait un fils. Et elle en tira une autre conclusion.
— Tu es dans le coup, toi aussi. Tu as ta part dans les détournements, c’est ça ?
Il ne put soutenir son regard.
— Écoute, dit-il enfin, il y a une entreprise, dans le Montana, qui a acheté aux forces aérospatiales des vieux silos à missiles intercontinentaux depuis longtemps désaffectés. Ces installations étaient conçues pour résister à une attaque nucléaire et pour assurer par la suite la survie de leur personnel pendant des semaines. J’en ai vu les caractéristiques. Il est possible qu’en s’enfermant là-bas, on puisse survivre à la tempête solaire.
— Même au cas où le bouclier se révélerait un échec ?
— Il y a une chance, dit-il d’un air de défi. Mais tu imagines le prix du ticket d’entrée. Tu vois ? Ici, je ne peux rien faire pour Todd et ses gamins ; je ne peux même pas leur creuser un trou dans le sol. Mais là, en détournant simplement une fraction minime d’un centième de pour cent du budget du bouclier…
— Et tout le monde ici en fait autant ?
— Pas tout le monde. Maintenant, tu sais. Une fois de retour sur l’Aurora, je te donnerai tous les documents que tu voudras pour trouver où sont passés les fonds qui manquent, jusqu’au dernier cent… Je sais que tu aurais pu me faire rentrer sur Terre pour ça.
— À tout juste quelques mois de l’échéance, ce serait suicidaire.
Le soulagement de Bud était visible.
— Mais les détournements ne peuvent pas continuer, dit-elle. L’idée que vous puisiez dans le budget du bouclier pour protéger vos familles saperait la confiance du public… et celle-ci est déjà assez fragile.
Elle réfléchit.
— Nous sommes obligés de révéler l’affaire. Mais vous êtes loin de vos familles, en une période de crise sans précédent, et la plupart d’entre vous resteront ici pendant toute la durée de la tempête. Vous méritez d’être assurés que tout ce qui est possible sera fait pour protéger vos familles. J’y veillerai. Considérez ça comme une avance sur vos salaires. Et j’essaierai de convaincre les autorités de ne pas vous poursuivre tant que vous n’aurez pas fini de sauver la planète.
— C’est d’accord pour moi, dit-il avec un grand sourire.
Il poussa le manche à balai pour les ramener vers l’Aurora.
— Bud, tu ne m’avais jamais dit que tu avais un fils.
— C’est une longue histoire. Un divorce difficile, il y a longtemps, dit-il avec un haussement d’épaules. Il ne fait plus partie de ma vie et il n’aurait jamais fait partie de la tienne.
À cet instant, Siobhan sut qu’elle l’avait perdu… si elle l’avait jamais eu. Mais son aventure avec Bud ne serait pas la seule relation à céder sous la pression de ces temps étranges.
Elle se retourna pour contempler le vaste paysage du bouclier qui s’apprêtait à les engloutir.