Il existe quantité de légendes qui tentent d’expliquer pourquoi le Canada possède un si grand nombre de lacs. J’ai entendu une de ces histoires, qui remonte à il y a très longtemps. Elle date d’avant l’arrivée des Européens sur le continent d’Amérique! Je vous la raconte.

 

 

Autrefois, il n’existait qu’un seul lac dans le vaste territoire canadien. Ce lac était très grand, si grand qu’on ne pouvait voir d’une rive à l’autre. Puisqu’il n’y avait qu’un seul lac, c’est là que vivaient tous les huards du pays. Ils construisaient leurs nids tout le long de ses rives.

 

 

Les huards vivaient tranquilles et heureux autour de ce grand lac, excepté au printemps.

C’est qu’à l’arrivée de la belle saison, ils recevaient la visite d’un géant. Celui-ci était vraiment énorme, si énorme que ses jambes dépassaient le faîte du pin le plus haut. Son manteau était fait de milliers de morceaux d’écorce de bouleau, cousus à l’aide de longues racines d’épinette. Et le géant se délectait d’œufs frais de huard!

 

 

Le géant se rendait donc au lac chaque printemps. Il arrivait toujours au milieu de la rive nord et faisait le tour du lac pour se nourrir d’œufs de huard. Et puisque c’était un vrai géant, il en mangeait copieusement.

 

 

Au cours des années, les huards devinrent de plus en plus malheureux, car souvent ils ne pouvaient voir leurs œufs éclore et leurs petits grandir. Mais que pouvaient-ils faire? Ils se sentaient si impuissants! Ils croyaient être beaucoup trop petits pour affronter ce géant mangeur d’œufs.

 

 

Un bon soir d’été, les huards se sont rassemblés pour discuter de la tragédie qui les frappait chaque année. Ils espéraient que, tous ensemble, ils pourraient trouver une solution à leur problème. Et cette nuit-là, ils ont imaginé un plan pour se défendre contre le géant la prochaine fois qu’il viendrait.

 

 

Les huards se sont mis à l’œuvre dès le lendemain. Ils ont commencé par construire une corde à l’aide de brins d’herbe. Ils ont travaillé très fort tout le reste de l’été, tout l’automne et tout l’hiver.

 

 

Lorsque leur corde a été suffisamment longue, ils l’ont nouée à plusieurs grands pins qui étaient en lisière de la rive nord du lac.

Leur long travail terminé, ils n’avaient plus qu’à attendre le retour du géant et à espérer qu’il tombe dans leur piège.

 

 

Lorsque le beau temps est revenu, le géant s’est pointé comme il le faisait chaque printemps. L’hiver avait été long, et le géant était pressé de se régaler d’œufs frais de huard : il avait très faim. Et dans sa hâte, il n’a pas vu la corde tendue par les huards…

 

 

Le géant s’est pris les deux pieds dans la corde et il est tombé à plat ventre en plein dans le lac. Comme il était vraiment monumental, toute l’eau du lac a rejailli dans une multitude de grosses éclaboussures.

 

 

À ce moment, il s’est passé quelque chose que les huards n’avaient pas prévu : chaque goutte projetée au loin a empiégé un couple de huards!

 

 

En retombant, chacune des gouttes a formé un nouveau lac. Et dans chaque lac s’est retrouvé un couple de huards.

Le géant, lui, ne s’est plus jamais relevé… Avec le temps, son corps écrasé au sol a formé une chaîne de montagnes…

 

 

Encore de nos jours, à la brunante et à l’aube, on peut entendre clairement le cri des huards, qui ressemble à une plainte. Il rappelle les souffrances de leurs ancêtres qui autrefois vivaient au bord du grand lac.

 

 

Et une chaîne de montagnes rappelle l’endroit même où le géant est tombé… Si on y regarde bien on peut discerner la forme d’un géant étendu de tout son long…