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24 . Archevêques

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Déjà sur le quai du Sodré, lieu d'arrivée et de ventes des esclaves, Arlindo cherche un des trafiquants. Son nom est Josué. Un beau nom biblique pour un homme qui vit de l'achat et de la vente d’êtres humains. Mensuellement il faisait des visites avec ses navires marchands d'esclaves au littoral africain en recherche de “marchandise” qui lui mettait le pain sur la table.

Un homme fort avec des expressions qui ne révèlent pas le moindre sentiment. Il a l'air d'un bonhomme, un homme sans émotions. Un robot. Des yeux froids et une voix de tonnerre.

«En quoi puis-je vous servir, Excellence? Vous venez chercher des nouvelles petites chiennes pour vos fêtes?»

Arlindo se rétracte. «Il ne me manquait plus que ça! Que Torres soit au courant que je m'amuse avec des esclaves africaines.» Du coin de l’œil il s'aperçoit de l'expression de désaccord de son collègue.

«Non, je ne serais pas le client aujourd'hui, dit-il en se pressant de fermer le sujet. Mon ami ici, récemment arrivé sur ces terres, a besoin de vos services. Mais donnez-nous un moment.»

Arlindo se tourne vers Torres.

«Je vais vous laisser en paix pour que vous traitiez de vos affaires, car j'ai quelques choses à faire et je ne veux pas vous ennuyer. Réussirez-vous à retrouver ma maison sans mon aide?

-Oui, oui. Que Dieu soit avec vous, ne vous inquiétez pas. Je ne pense pas prendre très longtemps.»

Après la sortie d'Arlindo, Josué remplit une tasse de vin et l'offre à Torres.

«Bien, quel type de marchandise recherchez-vous? Des femmes, des hommes, des enfants?»

Torres reçoit la tasse et en prend une gorgée, tandis que le marchand en remplit une autre.

«J'ai besoin de trois ou quatre hommes, mais avec une caractéristique commune.»

José offre une chaise à l'archevêque qui s'assoit en face de sa table. Josué lui sert plus de vin et s'assoit devant lui.

«Et quelle est cette caractéristique?

-Qu'ils soient bien dotés.»

Josué, qui avait la tasse aux lèvres, la crache presque sur l'archevêque. Il s'étouffe avec le vin et commencer a tousser.

«Pardonnez-moi monsieur, mais vous m'avez prit par surprise. Je ne juge personne, mais vous ne m'avez pas l'air d'un sodomite, pardonnez-moi la frontalité!»

L'archevêque devient rouge de rage. Comment cet immonde ose faire telle accusation? Il passe les mains dans ses cheveux et inspire profondément en essayant de parler d'un ton de voix normal, sans démontrer la haine qu'il ressent pour ce sujet sur le moment.

«Ils ne sont pas pour moi, ne me confondez pas avec cette racaille. Ils devront me faire un service. En effet, je ne pense pas les acheter, mais seulement les louer pour quelques jours. Cet accord est possible?» Il porte les mains à ses vêtements et en retire une bourse pleine de monnaies d'or, qu'il place ouverte sur la table.

«Cette somme est suffisante?»

Josué ouvre la bourse et en perd son souffle.

«Monsieur, cet argent est suffisant pour acheter tout mon stock. Si c'est ce que vous souhaitez, je peux vous prendre!

-Puis-je voir votre marchandise maintenant?»

Josué se lève et renverse sa chaise en le faisant. Il n'espérait pas un gain aussi grand pour une matinée si ennuagée. Il prend la bourse et la mets dans un des tiroirs.

«Par ici, s'il vous plaît. Allons jusqu'à la maison des esclaves. J'ai un lot qui vous intéressera, j'en suis sûr! Et j'ai une surprise qui va bien à l'encontre de votre demande!»

Quand ils arrivent à la maison, l'odeur est insupportable. Torres couvre son nez d'un mouchoir pour essayer de filtrer l'air pestinentiel de l'enclos. Ils sont entassés et enchaînés. Certains malades, d'autres effrayés. Certains encore avec les yeux vides, comme s'ils ne comprenaient plus la réalité.

Il y avait des excréments partout. L'odeur de déjections et d'urine mélangée à la sueur des hommes fournissait une odeur simplement insupportable pour les narines de Torres, habitué aux parfums.

«Venez par ici, monsieur. Vous ne m'avez pas encore dit votre nom. Quel est-il?

-C'est Élias, ment Torres. C'est le nom qui lui a surgi à l'esprit sur le moment.

-Voyez celui-ci. C'est la surprise que je voulais vous faire!»

Un homme de la taille d'un enfant de dix ans. Mais son visage ne niait pas son âge. Il n'avait jamais vu un être comme celui-là.

«Il est très étrange. Mais pourquoi m'intéresserait-il? Je cherche des hommes forts, avec la caractéristique dont je vous ai parlé.

-Oui, mais voyez ça! Lèves-toi, ordonne-t-il à l'homme. Il ne comprend pas alors Josué lui tire le bras et lui fait signe de baisser ses pantalons.

-Mon Dieu, qu'est-ce que c'est que ça?» L'archevêque s'effraie avec la taille du membre de l'esclave. Bien mesuré, il a la taillé de son avant-bras. Et épais comme son poings.

«S'il est ainsi en repos, comment sera-t-il en érection?

-Je n'en ai pas la moindre idée, monsieur Élias et sincèrement, je ne veux même pas le savoir! Que m'en dites-vous?

-Oui, oui, c'est parfait pour ce que j'ai en tête. Je pense même que je le garderais.

-Vos désirs sont des ordres. Maintenant allons voir certains des plus forts que j'ai.»

Il choisit encore trois noirs forts, avec une hauteur hors du commun. Et des membres hors du commun aussi.

«Allons, monsieur Josué, je ne supporte plus de rester ici! C'est suffisant!»

Quand ils sortent de l'enclos, Torres inspire profondément l'air maritime qui lui semble un délice des dieux.

«Mon Dieu, on ne comprend la valeur des choses que quand l'on est privé d'elles. Quel air merveilleux!

-À moi, ça ne me dérange pas. Des années et des années à me charger de ce service. Les mauvaises odeurs ne me dérangent plus.

-Alors c'est fait. Souhaitez-vous les emmener maintenant?

-Non, non, pouvez-vous me les livrer demain? Chez l'archevêque Arlindo? J'y suis hébergé.

-Ce sera comme vous le souhaitez. Si vous ne voulez pas les garder, renvoyez-les moi quand vous aurez terminé ce que vous avez à faire.»

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Arlindo suit une petite ruelle peut fréquentée et passe devant un magasin. À travers la vitre des fenêtres, il voit la personne qu'il cherche servant une vieille femme et son accompagnante. Il suit son chemin et prend la première rue à droite. Il y laisse son cheval et  se dirige vers le magasin. Il s'arrête à une distance sûre et attend que les deux femmes terminent leurs achats, paient et sortent.

Il ouvre la porte. Les cloches sonnent. Le réceptionniste a le dos tourné, plaçant quelques pots à leur place dans l'armoire. Quand il se retourne, le pot qu'il a dans les mains tombe au sol. Il se dirige vers l'avant du magasin, fermes les rideaux et ferme la porte à clé. Il se tourne vers l'archevêque.

«En quoi puis-je vous aider cette fois-ci, votre Excellence?» Il le dit avec la voix lourde. Il n'attendait pas et ne souhaitait pas cette visite.

«Comment allez-vous Cabaco?

-J'allais mieux avant votre arrivée. Que souhaitez-vous cette fois-ci?

-Pouvons-nous discuter dans votre bureau?»

L'homme a un frisson et avec réluctance, ouvre la porte qui donne accès à la partie intérieure du magasin. L'archevêque passe par la prote et Cabaco le suit la tête basse. Il a une idée du type de service que l'archevêque désire de lui.

Cabaco est un nouveau chrétien, en d'autres mots, un ancien Juif. Il ne sait pas comment Arlindo a découvert qu'il avait changé son nom pour fuir aux persécutions faites à son peuple. Il s'est fatigué, il a laissé sa famille en Italie et a émigrer au Portugal avec un faux nom. Dès la première fois qu'Arlindo est entré dans son petit commerce, il a toujours commandé des poisons pour se délivrer de ses adversaires et de ses concurrents. Ainsi arriva-t-il à archevêque. Un homme sans morale et sans caractère. «Une canaille» est ce que pense Cabaco d'Arlindo. Mais il ne peut fuir à ses demandes, car sa vie peut être détruite par lui. Son épouse qui ignore son passé et son fils qui est prêt à se marier sont des motifs plus que suffisants pour que Cabaco oublie ses convictions et se creuse un trou chaque fois plus profond.

«J'ai besoin de vos services. Quelque chose qui fuisse faire quelqu'un tomber malade peu à peu jusqu'à ce qu'il arrête de marcher sur terre, mais comme d'habitude, qui ne soit pas suspect.»

Cabaco soupire. C'est déjà la troisième mort commandé par lui. Son compte avec Jeova est chaque fois plus grand.

«Comment pensez-vous l'administrer? Souhaitez-vous une mort douloureuse?

-Non, non. Seulement quelque chose qui fasse tomber la personne malade et qu'elle ne guérisse pas. Mais qui aussi être annulée par un antidote.

-Pour quelle raison? Avez-vous peur de changer d'idées?

-Non. Mais comme je ne veux pas que ce soit suspect, je pense m'empoisonner aussi. Souffrant des mêmes symptômes, personne ne me soupçonnera. Par contre, je ne souhaite pas mourir de sitôt. Existe-t-il une quelconque substance qui puisse être utilisée de cette façon? Je serais en danger dans la tanière d'un loup. Je ne peux pas risque qu'on me soupçonne, sinon ce sera fini.

-Bien, archevêque. Si vous êtes proche de la victime, l'idéal est l'arsenic. Cela cause des vomissements et de la diarrhée. Ça peut être confondu avec le choléra.

-Et comment doit-il être administré?

-Pour que la personne tombe malade lentement, ça doit aussi Être administré peu à peu. Prenez ceci, c'est un mélange qui peut être ajouté à n'importe quel aliment, même au vin.

-Mais, combien dois-je en administrer?»

Cabaco ouvre un tiroir et en retire une petite cuillère.

«Utilisez cela. Une moitié à chaque fois. Ce n'est pas nécessaire que ce soit tous les jours, seulement une fois par semaine sera suffisant.

-Et quant à moi, combien dois-je en prendre?

-La même dose, mais deux fois seulement. Ce sera suffisant. Vous devez devenir malade de la même façon, mais une semaine après la quatrième dose, quand votre victime sera dans ses dernières heures et vous aussi, donnez-lui une dose de plus, mais ne la prenez pas.»

Cabaco ouvre un autre tiroir et en retire un autre ampoule.

«Prenez cet antidote une seule fois. Cela nettoiera vos entrailles de l'arsenic.

-C'est vrai? Et en combien de temps?

-En un jour ou deux, vous vous sentirez mieux.

-Alors, ampoule bleue, arsenic, ampoule blanche, antidote.

-Exactement! Ne les confondez pas ou vous connaîtrez le créateur avant le temps.»

Arlindo se lève.

«Merci, Cabaco.»

Cabaco ouvre la porte et l'accompagne jusqu'à l'entrée. Il vérifie qu'il n'y ai aucun témoin dans la rue et en étant sûr, fait ses adieux à Arlindo. Il ferme la porte et retourne à son bureau.

«Porc immonde. Quand vous prendrez la potion de Belladone, vous aurez des convulsions et vous serez mentalement confus. Vous ne pourrez rien faire contre moi dans cet état, en plus avec de l'arsenic dans le corps. Après les convulsions et ensuite, adieu. J'aurais dû y penser avant. Au moins, en envoyant cette canaille en enfer, je fais une faveur au monde et je diminue mon compte avec le Créateur.»