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31 . Nouvelle Orléans

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«Bárbara, réveillez-vous. Le monsieur capitaine nous appelle! Il semble que nous arrivons!»

Bárbara ouvre les yeux et se tourne dans le lit en direction à Vidal. Elle commence à s'étirer comme une chatte. Vidal s’assoit sur le lit et lui embrasse les lèvres.

«Laissez-moi dormir encore un peu! C'est encore trop tôt!

-Venez! Habillez-vous! Allons voir la ville! Nous sommes presque en train d'accoster!

-Je ne peux pas sortir comme ça!

-Mettez quelque chose. Allons jusqu'au pont!»

Bárbara se lève. Elle va jusqu'à la table, vide l'eau contenue dans la jarre dans une bassine et lave son visage. Visage lui donne une serviette.

-Allons, allons... dépêchez-vous!

-Calmez-vous, le monde a été fait en sept jours. Si Dieu a pris tout ce temps, le port peut bien attendre quelques minutes de plus pour que je verse mon regard sur lui!

-Des minutes non, des heures! Allons, dépêchez-vous, répète Vidal. Je vais retrouve le monsieur capitaine. Nous vous attendrons sur la proue.

-Où est la proue, Vidal? Je confonds toujours la proue avec la poupe. C'est la partie avant  ou arrière du navire?

-De l'avant, Bárbara, de l'avant. Je vous l'ai déjà dit! Allons, dépêchez-vous.»

Vidal sort, pressé, et Bárbara commence à se déshabiller. Après un certain temps, beaucoup de temps en réalité, elle surgit radiante devant les deux hommes qui l'attendaient.

Elle passe entre eux et s'appuie sur le bastingage do navire. Elle regarde vers le bas et voit la coupure faite dans les eaux par la quille du voilier. Devant elle, le port. Elle n'avait jamais vu autant de mouvement, ni même à Lisbonne.

Les deux hommes s'approchent et l'entourent.

«Tant de navires, monsieur capitaine! La ville semble bien peuplée, dit Bárbara. Que sont ces constructions à droite et à gauche? On dirait des forts.

-Et les deux le sont, madame. Celui de droite est le fort de Saint Charles et celui de gauche le fort de Sainte Joana. Il y a encore trois forts au fond de la ville. Ils sont tous unis par des murs, pour notre protection.»

Vidal semble peu réconforté par l'observation du capitaine. «Y a-t-il autant d'attaques qui justifient toute cette sécurité?

-Maintenant non. Mais les Français ont bataillé et beaucoup contre les natifs de cette terre. Et ça leur servait de protection contre nous, les Anglais , dit-il en souriant, et contre les Espagnols aussi. Maintenant avec tous les accords signés la ville peut croître. C'est elle qui domine le commerce sur la rivière. Regardez, à côté du fort de Saint Charles se trouve l’hôpital de la ville et à ses côtés un champ pour loger nos soldats. Bien au centre se trouve la place centrale et au fond, l'église. Du côté gauche de la place ce trouve l’Intendance. De l'autre côté de la place, les entrepôts de Votre Majesté. C'est une belle vue, n'est-ce pas?

-Oui, réellement, c'est une belle ville, vue ainsi de loin, dit Bárbara. Les parties supérieures des tours des églises semblent noires à cette distance!

-Et elles le sont vraiment madame, de la couleur du charbon. Je vous dirais que les trois ressemblent à des chapeaux de sorcière, mais ne le dites à personne, je peux être jugé d'hérétique, dit le capitaine en riant.

-Vous pouvez compter sur notre discrétion, monsieur capitaine, répond Vidal en riant aussi.»

Le navire s'approche du port et les voiles commencent à être baissées. La vitesse est réduite et Bárbara s’aperçoit d'un changement dans son parcours. Ils ne vont plus en ligne droite, mais en faisant une légère courbe vers la droite.

«La ville semble être plus élevée. C'est bien comme ça ou mes yeux me trompent, monsieur capitaine, demande Vidal.

-Cet endroit a déjà été utilisé avant, c'était un village indigène. C'est réellement une élévation, comme vous informent vos yeux, protégés des inondations par la rivière Mississippi.

-Il n'y a pas de problème dû à la nationalité de ce navire, monsieur capitaine, lui demande Bárbara.

-Non, ça fait déjà un certain temps que nous pouvons utiliser le port pour des accords commerciaux entre nos couronnes. Et elle offre encore une sortie sur le Golfe du Mexique. C'est l'endroit parfait pour se monter un centre de commerce et de distribution. Si vous me le permettez, j'ai besoin de prendre soin de la manœuvre du navire jusqu'à-ce que nous accostions. Si vous le souhaitez ou si en avez envie, vous pouvez monter jusqu'au pont.

-Merci monsieur capitaine. Nous étions excités de connaître notre nouveau nid. Selon ce que nous voyons, ce sera agréable de vivre ici, commente Bárbara.»

Quelque temps après le lancement de l'ancre, le capitaine revient en leur compagnie.

«J'ai déjà donné des ordres pour qu'on amène vos bagages chez moi. Vous resterez dans ma chambre. Elle est mobile avec ce qu'il y a de mieux. Je l'ai préparé pour mon épouse, mais en ce moment elle ne veut pas sortir d'Angleterre. Pour moi, je pense que le futur est ici!

-Je ne savais pas que vous étiez marié, monsieur capitaine! Avez-vous des enfants?

-Oui, une fille. Elle ne sort pas du côté de sa mère. Dieu seul sait les sacrifices que je fais en étant loin d'elle. Les épouses sont les épouses, mais les enfants sont un cas à part. Malheureusement nous ne pouvons pas en avoir d'autres, donc je n'ai des yeux que pour cette enfant, qui n'est même plus enfant. Chaque fois que je lui fais mes adieux on dirait qu'une partie de ma chair est arrachée. Si au moins les deux viendraient ici, le lâcherait la mer. C'est une autre épouse, mais très jalouse. Mais je la laisserais de bonne volonté pour avoir plus de temps avec ma fille.» Les yeux du capitaine sont larmoyants. Il s'éloigne un peu d'eux.

Bárbara trouve étrange la façon dont le capitaine parle de sa fille. Il semble parler d'une amante. «Serait-ce un autre porc violeur d'enfants?» Plus rien au monde ne lui semble étrange dû à tout ce qu'elle a passé. «Ou peut-être n'est-ce qu'un père adorable et seul, bien différent du porc qui m'a élevé. Mais ce porc est déjà rôti! Et il continuera probablement à l'être en enfer où il doit être allé.»

«Venez, débarquons. Je suis sûr que James nous attend déjà sur le quai. J'ai promis de lui amener quelques bouteilles de vin du porto. Ici on ne trouve plus facilement que de l'eau-de-vie. Le vin est cher. Et Dieu sait comment il apprécie le Pallister! Mais il devra se contenter de ce dernier envoi. Il semble que le vieux Pallister a été brûlé vif, avez-vous su de l'histoire?»

Bárbara a un frisson. Vidal baisse les yeux vers le gaillard. Le capitaine ne connaît pas son vrai surnom, qu'elle a échangé par celui de Vidal. Mais elle se récupère.

«Il était entre ceux qui ont été persécutés par l'Église récemment?

-Il a été emprisonné et condamné par la Sainte Inquisition, le pauvre. N'avez-vous pas vu les bûchers à Lisbonne?

-Oui, nous les avons vus, lui répond précipitamment Vidal, mais nous ne savions pas qu'il était entre les francs-maçons, ils ont été condamnés par ce motif, n'est-ce pas?

-Oui, pour ce motif futile. Sainte ignorance, Portugal va de pire en pire. Des grandes figures de la société de Lisbonne ont été condamnés aux galères , pauvres diables,. Mais seulement deux ont brûlé, le Grand Maître de la Loge et ce fabricant de vin. Vous le connaissez? Il est d'excellente qualité. Mais il est un tant peu obscure la raison pour laquelle monsieur Pallister était à Lisbonne. Certains disent que c'était pour réaliser un rituel macabre. Et ils cherchent sa fille. Elle est disparu quelque temps avant qu'il parte à Lisbonne. Peut-être est elle morte, qui sait. D'autres disent qu'elle s'est mariée et qu'elle a quitté le Portugal, mais personne ne sait comment c'est terminé l'histoire de cette fille. Mais vous ne les connaissiez pas, n'est-ce pas? Ils étaient de Braga.

-Non, nous somme de la partie centrale du Portugal, nous ne sommes liés à personne du nord, répond Bárbara rapidement.

-Nous venons de Coimbra. Connaissez-vous cette ville, monsieur capitaine, répond Vidal, priant pour le capitaine ne connaisse pas la ville, car lui-même ne la connaît pas. S'il entre dans les détails de cette région, il sera démasqué.

-Non, je ne connais pas. Mais je sais que c'est à mi-chemin entre Porto et Lisbonne. Connaissez-vous ce vin?

-Oui, il est bien connu. Dites-moi monsieur capitaine, est-ce que quelqu'un plante des vignes par ici? Ce serait une affaire bien lucrative, vous ne pensez pas?» Bárbara essaie de changer le sujet. Que diable avait-il à aborder cette histoire maintenant?

Le capitaine devient pensif et commence à se gratter le menton. Bárbara comprend que sa stratégie a fonctionné. Cet homme a ses pensées les plus secrètes tournées vers le gain.

«Ce ne serait pas une mauvaise idée. Nous pourrions utiliser une portion du terrain de l'unité d'exploitation pour une expérience. Oui, qu'en pensez-vous? Je pourrais chercher quelques plants de raisin au Portugal.»

Vidal sourit et le capitaine s'en rend compte. Il gratte sa tête, un peu embarrassé.

«Regardez, laissez-moi vous dire une chose. Est-ce que je vous donne l'impression de ne penser qu'aux gains?»

Vidal rit aux éclats. «C'est exactement à ça que je pensais, monsieur capitaine, pardonnez-moi l'honnêteté!»

Le capitaine leur tourne le dos, il pense pendant un moment puis se retourne.

«Savez-vous pourquoi je m'inquiète tellement avec l'argent? À cause de ma fille. J'ai une vision qui me tourmente, dit-il avec de la sueur sur le front. C'est un rêve, un cauchemar. Mon navire coulant, et moi ayant ma dernière pensée pour elle et le désespoir qu'elle passe par des difficultés à cause de moi. Je cherche du bénéfice, oui, et j'accumule de la richesse. Seulement ainsi aurais-je la liberté que peu d'hommes possèdent.

-Quelle est cette liberté, monsieur capitaine, lui demande Bárbara en imaginant déjà que le capitaine veut abandonner sa famille en Europe car il en a une autre ici mais ne veut pas laisser les deux femmes sans moyens.

-La liberté de mourir, madame Bárbara. La liberté de pouvoir mourir dépend de la situation économique de la famille. Tant que je ne n'aurais pas la certitude que leur vie suivra par où elle doit suivre, tant que ma fille ne sera pas mariée avec un bon homme qui prenne soin d'elles comme moi, tant que ce jour n'arrivera pas, je serais un esclave. Oui, leur esclave. Avez-vous compris?» Le capitaine baisse la tête dans leur direction avec un sourire au coin des lèvres, les mains derrière le dos, comme s'il était un professeur donnant une leçon à deux jeunes de la vie. «Qu'en pensez-vous, monsieur Vidal? Pourriez-vous mourir maintenant, ici même, sans laisser votre belle épouse en difficulté?»

Vidal regarde fixement Bárbara, qui lui renvoi son regard avec un beau sourire et en haussant les sourcils. Elle commence à tourner son corps de la droite vers la gauche avec les mains derrière son dos, cambrant ses seins dans sa direction comme si elle était une petite fille qui aurait commis une petite faute, en attendant sa réponse au capitaine. Vidal sent le poids de son sang pendu étant tiré par la gravité.

«Monsieur capitaine, qui ne peut mourir, et ça jamais, entre nous, c'est Bárbara. C'est moi qui serais désemparé. Mais quant à la question de la servitude, je suis son esclave comme vous êtes celui de votre femme et de votre fille!» Il donne un pas, enlace Bárbara et l'embrasse.

«Belle réponse, et très sincère, dit Bárbara avec un ton de plaisanterie, après que leurs lèvres se séparent.»

Le capitaine rit de la situation. «Allons, allons, nous devons débarquer. J'ai hâte de satisfaire mon désir de vous montrer ma maison!»