Journaliste et spiritualiste, Stead était aussi écrivain à ses heures. Il est notamment l’auteur d’une nouvelle singulière intitulée « Comment le navire postal fit naufrage au milieu de l’Atlantique, récit fait par un survivant », qui paraît dans le journal dont il est le directeur, le Pall Mall Gazette, en mars 18861.
La cinquième nuit de sa traversée de l’Atlantique (c’est la cinquième aussi que le Titanic sombrera), le narrateur se promène sur le pont du navire où il a pris place. Apercevant les canots de sauvetage, il se livre à un rapide calcul et observe qu’en cas de naufrage plus de la moitié des passagers ne pourront y être accueillis.
Alors qu’il est retourné dormir, son navire heurte un trois-mâts et commence à couler. La panique saisit les passagers, conscients qu’ils ne seront pas tous sauvés, et le capitaine est obligé de faire usage de son arme pour que les canots puissent être mis à la mer.
Le narrateur, qui n’est pas parvenu à trouver une place, est contraint, avec plusieurs centaines de passagers, de demeurer sur le navire en perdition. Il se retrouve dans l’eau glaciale et ne manquerait pas de périr s’il ne parvenait pas à rejoindre l’un des canots et à se hisser à son bord.
La nouvelle se termine par ces mots, ajoutés par le rédacteur en chef de la revue, qui deviendront un jour lourds de sens pour Stead, lequel ne se rend sans doute pas compte de leur portée : « C’est exactement ce qui pourrait se produire et ce qui se produira effectivement si les bateaux de ligne sont envoyés en mer sans un nombre suffisant de canots de sauvetage. »
1. « How the Mail Steamer Went Down in Mid Atlantic by a Survivor », in The Pall Mall Gazette, 22 mars, 1886. APJ +