Le 4 avril 1912, Mrs A. confie à ses proches avoir vu « un paquebot à quatre cheminées entrant en collision avec une montagne de glace » (son nom serait quelque chose comme « Tintac »). Le 14 avril à 11 heures du soir, une femme prénommée Jessie agonise en décrivant, à un capitaine de l’Armée du Salut qui l’assiste, un grand navire en train de couler avec des gens qui se noient. Au même moment, Marcelle Caretto aperçoit en rêve son mari vaciller entre les parois d’un couloir qui s’incline, tandis qu’une new-yorkaise rêve que sa mère se trouve dans un canot de sauvetage. Aucune des deux ne savait que leur proche avait pris place à bord du Titanic.

Il y a en effet un autre élément que les partisans de la théorie de la coïncidence ne prennent pas en compte et sur lequel insiste Bertrand Méheust dans l’ouvrage qu’il a consacré aux prémonitions suscitées par le naufrage du Titanic : Robertson et Stead ne sont pas les seuls, loin de là, à avoir eu l’intuition de la catastrophe. Il s’agit dans certains cas de passagers, dans d’autres cas de membres de leurs familles ou d’amis, dans d’autres enfin de personnes n’ayant aucun rapport avec le navire.

Méheust a ainsi réuni soixante-six témoignages où figure, sous une forme ou sous une autre, une annonce de l’événement1. Il se garde cependant de les prendre tous au sérieux et les soumet au crible de conditions rigoureuses. Il ne conserve tout d’abord que ceux qui ont donné lieu à des traces écrites produites avant le naufrage, craignant que l’information ne conduise certains témoins à imaginer après coup leur inquiétude avant la traversée.

Mais il fait également la part du hasard et de l’inférence, éliminant les prémonitions trop vagues – qui peuvent être confirmées à peu de frais –, ainsi que celles qui résulteraient d’un raisonnement logique. Il relativise ainsi les témoignages de ceux qui avaient connaissance des faiblesses du Titanic, et qui, inquiets de la folie des constructeurs, pouvaient craindre que cette démesure ne se retourne contre eux.

Après avoir classé les témoignages en trois groupes, Méheust en retient finalement huit qui satisfont à toutes les conditions rigoureuses qu’il a proposées, puisqu’ils ont été écrits avant la catastrophe par des personnes ne connaissant à peu près rien du Titanic et sans que le hasard ou l’inférence puissent expliquer la précision de l’annonce.

Pour Méheust, c’est la réunion de ces prémonitions qui est significative et apporte une caution aux récits de Robertson et de Stead, dont il fait remarquer qu’ils furent tous les deux rédigés dans les conditions de l’écriture automatique. Il est possible d’expliquer tel ou tel de ces témoignages oraux ou écrits, plus difficile de comprendre comment un événement dramatique a pu produire un nombre si élevé d’anticipations.


1Histoires paranormales du Titanic, op. cit., pp. 139-223.