27 novembre 1991

Je retrouve ce cahier le lendemain de la naissance de la petite Abigail. Tant de choses se sont passées. Isadora et Louise sont nées. Alice est enceinte. La Madelène est superbe. Et moi je suis toujours dans ma solitude et mon errance, c’est vraiment une question de caractère. Sale caractère.
J’ai la crève.

28 novembre 1991

J’ai pris Montréal en grippe. Quelle tristesse! Ce temps de chien qu’on s’obstine à appeler l’automne parce que ce serait trop triste de dire l’hiver. Trop triste de penser que ça va être comme ça, et pire, jusqu’en avril, voire en mai!

29 novembre 1991

Je ne devrais pas faire de bilan.
Je ne sais plus comment m’y prendre pour écrire. Je ne sais plus d’où me vient l’écriture, où elle naît en moi. Je l’ai perdue. Elle s’est enfuie de ma tête, de mes mains, comme elle s’y était introduite: je ne sais ni pourquoi ni comment. Elle a embarqué clandestine. Maintenant qu’elle est partie, mon bateau fait eau de partout. Je coule.
Te mettre du sel sur la queue, petite moinote? T’attirer avec un miroir, alouette?
Je ne te tendrai pas de piège, seulement que tu reviennes, que tu me tiennes compagnie, encore. 
Peu m’importe que tu sois belle ou moche. Que tu sois là, c’est tout.