CONCLUSION

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J’ai voulu que ce livre ressemble à l’art-thérapie : un parcours de sens, un cheminement où se mêlent découvertes, réflexion et poésie… Lorsque je peins, je sais que chaque toile terminée comporte pourtant sa part d’inachevé. L’écriture, en dépit de la précision des mots, n’échappe pas à ce « manque » qui ouvre au désir et à de nouvelles investigations…

L’art-thérapie a aujourd’hui des appuis sérieux, autant sur le plan théorique qu’au niveau des expériences cliniques mais, comme l’art, elle ne se laisse pas enfermer dans une seule définition une fois pour toutes. Il en est de même pour les courants de pensée qui la traversent : ils mettent l’accent tantôt sur l’expérience créatrice, tantôt sur l’expérience esthétique, tantôt sur la relation transférentielle et l’émergence de contenus inconscients. Quoi qu’il en soit, tous s’accordent à dire que la pratique d’une activité artistique n’est pas en soi thérapeutique et que le thérapeutique passe nécessairement par la présence d’un tiers. Comme toute thérapie, l’art-thérapie a autant de visages qu’elle permet de rencontres mais – et c’est sa spécificité – elle joue avec cette « mise en scène de soi » dans un médium artistique et dans la relation à l’autre.

À l’origine le mot art, ars en latin, signifie « faire avec ». L’art-thérapie permet de composer, au sens propre comme au sens figuré, avec soi et avec son histoire, avec ce que l’on est dedans et ce que l’on rencontre au-dehors. Comme les différents témoignages de ce livre l’ont montré, l’art-thérapie transporte le patient dans un lieu improbable, inconnu de lui, que sa difficulté à vivre n’avait pas encore investi. L’expression artistique, la relation à l’autre et le cadre vont constituer un nouveau lieu de possibles et lui permettre de se penser différemment.

Dans l’éducation spécialisée et dans le domaine de la psychiatrie – là où elle a pris racine – l’intérêt de l’art-thérapie n’est plus à démontrer bien que sa mise en œuvre reste encore insuffisante dans nombre d’établissements. Mais il reste ce grand terrain vague, faute d’intérêt et de budget, où l’art-thérapie serait pourtant si utile. Je pense notamment à la prise en charge des jeunes dans les quartiers difficiles, où elle contribuerait à créer du lien social et à revaloriser ces jeunes en quête d’identité. Je pense au milieu carcéral, où elle pourrait donner un parcours de sens à la condamnation et permettre au détenu de retrouver une dignité tout en favorisant sa réinsertion. Je pense aussi aux hôpitaux où il n’y a ni clown ni oreille attentive faute de temps et de personnel pour accueillir tout ce que la maladie engendre, en plus de la souffrance physique. Par ailleurs pourquoi l’art-thérapie ne mettrait-elle pas le pied dans le milieu du travail afin de lui rendre un visage plus humain ? Loin d’entraver performances et productivité, elle pourrait faire contrepoids au stress des salariés…

Toute thérapie tend à renforcer le sentiment d’estime de soi et, s’il est vrai que personne n’a le pouvoir de changer l’autre, on peut au moins lui donner des outils qui lui permettront d’aller mieux. Le changement commence par une nouvelle perception de soi et du monde : la créativité, artistique ou non, ouvre des portes vers de nouvelles lumières. Il suffit de rester quelques heures face à la mer à suivre le mouvement du soleil et son jeu de scintillement sur l’eau pour comprendre que tout n’est qu’une question de point de vue ! La création porte cette étincelle de changement et d’espoir. Le monde en a bien besoin.