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Victor Farrell arriva à son bureau et envoya James Kruger comme porteur d’un message au CICR comme convenu avec Hannah Leibowitz.

Pendant ce temps, Louise n’avait pas reparu ni chez le fleuriste ni chez elle, pour une raison très simple. Dès que Rudolf était mort au bord du Rhône, le vice-consul, paranoïaque à l’extrême comme de nombreux espions, avait préféré la faire retirer du jeu avant qu’elle ne s’échappe ou ne trahisse encore une fois.

Son équipe qui la surveillait pendant l’interrogatoire de son amant allemand l’avait chloroformée dès qu’il l’avait rejointe. Depuis, la jeune femme était prisonnière dans la cave d’un pavillon servant de planque au SIS en cas de coup dur.

Victor Farrell attendit la fin de la journée. Puis, il se fit conduire là où la jeune femme était séquestrée et repartit aussitôt dans les bois d’Onex le long du Rhône, alors que la nuit tombait lentement.

James Kruger était passé chercher Hannah Leibowitz chez elle et arriva juste derrière son patron. Ils étaient cinq en plus de la suspecte : quatre du SIS et Hannah pour les Espionnes.

Victor fit retirer le bâillon et le bandeau sur les yeux de la jeune Louise.

Elle commença par hurler de dépit et certainement encore plus de peur en voyant ces hommes et cette femme à l’air vengeur face à elle.

Elle avait été assez naïve pour ne pas imaginer un instant qu’elle se ferait prendre. Et pourtant, c’était le cas et elle allait devoir rendre des comptes.

— Vous avez fini ? demanda Farrell avec son flegme britannique. Personne ne peut vous entendre, à part nous tous, bien entendu.

— Qu’est-ce qui vous prend de m’enlever, de me faire prisonnière et maintenant vous m’emmenez dans les bois avec les mains liées ?

— Je vous aimais bien, Louise. Vraiment, je vous aimais bien, fit le vice-consul, montrant ainsi tout le désintérêt dont il pouvait faire preuve pour la jeune femme. C’est vraiment dommage. Vous ne trouvez pas, Hannah ?

— Si ! C’est du gâchis. Allez, finissons-en avec cette ordure. Hannah Leibowitz, d’habitude très calme et maîtresse d’elle-même, ne tenait plus.

— Mais qu’est-ce que j’ai fait à la fin ? Je suis une des Espionnes comme vous, Hannah !

Une claque magistrale partit en plein visage. La chef des Espionnes n’en pouvait plus de se sentir insultée.

— Toi, une de mes Espionnes ? Tu rêves. Tu n’es qu’une traîtresse et tu vas le payer.

— Ce n’est pas vrai !

— Je crois, Louise, qu’il va falloir trouver des arguments convaincants, car vois-tu, on sait tout sur toi ! Tu fais comme tu veux, mais cela fait trois jours que nous avons remonté tout le système que tu as mis en place. C’est fini !

— J’ai rien fait ! Libérez-moi ou je porte plainte à la police.

— Pauvre idiote ! s’écria Hannah.

— Regardez à vos pieds, Louise. Grattez un peu les feuilles. Vous voyez cette terre fraîche ? C’est votre amant Rudolf qui est dessous. On n’a même pas eu besoin de le torturer pour le faire parler, le brave garçon.

Louise commença pour la première fois à réaliser ce qui se passait. Les traits de son visage se tendirent.

— Je peux aussi vous parler de Karl Munch ou Munchhausen, si vous préférez. Je dois continuer ? Bien, je poursuis. Nous savons maintenant que c’est vous qui avez trahi les Espionnes et permis l’arrestation du jeune homme.

— Des trois jeunes, andouille ! hurla la traîtresse qui ainsi se dénonçait sans s’en rendre compte.

— Oui, en effet. Ils étaient trois et vous venez de me prouver que vous le saviez. Merci infiniment ! fit le vice-consul.

Hannah ne tenait plus en place.

— Victor, ça suffit. Donnez-la-moi !

— Non, on n’en a pas fini ! Alors, Louise ! Vous renseignez l’Abwehr depuis combien de temps ? Pourquoi ?

— Depuis que je connais Rudi et que je suis dans le réseau des Espionnes du Salève, j’ai vu vos magouilles, vos airs supérieurs à vous tous alors que c’est grâce à nous, Suisses, que vous pouvez pavoiser. Nous, on a réussi à ne pas se faire envahir.

— Nous aussi, rajouta un Victor Farrell sarcastique. Et on va continuer, je vous le promets !

— Victor, cela suffit maintenant. Cette femme partage les idéaux fascistes et nazis. Il n’y a rien à ajouter. Sauf que j’ai eu la naïveté de la croire des nôtres et à cause de moi, on a failli perdre des agents de valeur. Cela va changer. Je peux vous le promettre. Quant à toi, petite crevure ! Tu vas rejoindre ton beau Rudi.

— Hannah, on se calme !

— Non, Victor ! Donnez-moi votre arme !

— Bon, si c’est votre choix.

— De toute façon, on ne peut la laisser s’enfuir. Autant en finir.

Le vice-consul mit la main à sa ceinture et Hannah tendait la sienne vers lui quand James, une pierre à la main, frappa la traîtresse de toutes ses forces à la nuque. Il entendit un crac. Une cervicale avait lâché et Louise s’affala.

Hannah regarda le spectacle, médusée. James continua ce qu’il avait à faire selon le plan concocté avec son patron. Il souleva le corps, avança d’une vingtaine de mètres et lâcha Louise dans le Rhône.

— C’est fait, patron !

— Merci, James.

— Mais c’était à moi de le faire !

— Ce n’était pas une vengeance, Hannah. Il fallait qu’elle se taise. C’est fait ! Et avec ce que James vient de faire, les Français vont récupérer le corps d’une jeune femme qui a trébuché et s’est fracassé la colonne vertébrale avant de chuter dans le Rhône. Affaire classée. D’accord ?

— Bon…

— Allez, venez ! Et maintenant, plus d’amateurisme, compris ?

— Yes !