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Les faits et gestes des gardiens de la prison de Bourg, ainsi que ceux des militaires allemands, étaient sous surveillance depuis plusieurs semaines par les équipes du réseau de résistance de l’Ain.

Paul Pioda avait demandé à sa sœur et à Colette Lacroix, étudiantes du lycée Delalande de Bourg, de surveiller la prison avec d’autres camarades. Ce fut ainsi que ces jeunes résistants, courageux malgré leur jeune âge, avaient récolté de si précieux renseignements.

Le résumé des informations collectées fut transmis à Gaston de Ferney-Voltaire qui les remit à Fernand Nappey, avec lequel il avait débattu de l’opportunité d’intervenir rapidement. Les trois jeunes ne devant pas être transférés pour le moment en Allemagne, il fut décidé que l’agent du 5e Bureau reviendrait avec un plan d’action.

Ce fut ainsi qu’une réunion rassembla différents protagonistes, dont Sev et Ruth. Cela se passa dans la clinique où se trouvait l’espionne qui récupérait de son intervention. C’était l’endroit idéal à l’abri des regards indiscrets.

Par ailleurs, l’avis de deux agents de terrain de la valeur de ces deux-là n’avait pas de prix pour mettre en place un plan de libération des jeunes de l’Ain.

Tous ceux qui se trouvaient dans la chambre d’hôpital partageaient l’idée qu’il fallait éviter une action trop clairement brutale qui serait mal interprétée par les occupants nazis, qui seraient alors tentés de se venger par des représailles. Il ne fallait en aucun cas que les nazis imaginent que la population ou des résistants puissent être derrière une évasion.

En y réfléchissant, ce fut Sev qui eut l’idée que tous entérinèrent.

Le lendemain, Fernand Nappey traversa la frontière par son passage réservé et rencontra Gaston qui trouva la proposition intelligente et se dit prêt à la faire appliquer par ses collègues de Bourg.

Gaston Hécler transmit à Colette Lacroix, qui servait de courrier au chef du mouvement de résistance de Bourg, Paul Pioda, tout un document étayant le projet. La jeune femme était ravie de participer à une opération conjointe du SIS anglais et du 5e Bureau avec la Résistance.

Quelques jours plus tard en fin d’après-midi, les gardiens de la prison de Bourg venaient de finir leur dernière ronde de la journée avant de rentrer et de se faire remplacer par l’équipe de nuit. Trois d’entre eux échangèrent leurs vêtements et leurs situations avec les trois jeunes qui sortirent à leur place.

Une heure plus tard, ils étaient dehors et mis à l’ombre pour un certain temps.

Le lendemain, les trois gardiens devenus prisonniers d’une nuit reprirent leurs places en changeant à nouveau de vêtements. Ce fut alors que la disparition des trois prisonniers fut signalée au directeur de la prison.

Comme personne ne pouvait dire ce qui s’était passé et que la maison d’arrêt de Bourg n’était pas considérée comme une prison de haute sécurité, l’affaire fut vite classée, non sans que le préfet eût passé un savon au directeur de l’établissement, qui se promit de faire plus attention à l’avenir.

Il allait sans dire que l’argent britannique ayant servi à graisser généreusement la patte des trois gardiens n’y fut pas pour rien dans la réussite du plan.