Le lendemain, dans la salle des ventes, le commissaire-priseur déroule la liste des œuvres, un manuscrit de Rimbaud, un dessin de Cocteau, une peinture de Giacometti, un poème illustré de Genet, un inédit d’Apollinaire. Les téléphones s’agitent, les mains se lèvent, les chiffres se bousculent, Frédérique n’a jamais vu une telle chorégraphie. L’homme aux tennis blanches rencontré la veille chez les Lanzman les salue. Alex réajuste sa pochette assortie à sa chemise, s’avance vers le directeur de la salle des ventes, voici deux détectives privés venus spécialement de Paris. Ils sont à la recherche de Victoria Lanzman.

L’homme change de visage, ah cette chère Victoria qui est partie en laissant une sacrée ardoise ! Une vraie princesse. Dans une vie antérieure, elle devait être une reine sanguinaire. Elle prend et disparaît. Je ne serais pas étonné d’apprendre son enlèvement... Je vous prie de bien vouloir m’excuser, je dois m’occuper de mes clients.

Il tourne les talons. Alex reste silencieux, mystérieux. Frédérique ne peut détacher ses yeux du visage fin, les cils longs, les mèches blondes. Il ressemble à une statue grecque. Déjà, chez les Lanzman, sa beauté irradiait.

 

Georges l’interroge sur Victoria. Loin de la famille Lanzman, les mots jaillissent. Des phrases courtes, cinglantes. Elle était un peu folle et se cherchait. Elle était tout ce que je n’aimais pas. Trop aguicheuse. Trop frontale. Trop vulgaire. Elle ne savait pas se tenir. Je pense à sa classe sociale. Sa sexualité débridée, n’en parlons pas. À part le sexe et l’art, rien ne l’intéressait. Bien sûr, je connais un certain nombre d’anecdotes.

Alex fait mention d’un club à Paris, Cris et chuchotements. Victoria était une habituée. Le week-end qui précéda sa disparition, on l’a vue danser et s’éclipser dans l’arrière-salle. Entourée de types. Il y a beaucoup de clients, des habitués, des curieux, tous milieux confondus. Des femmes et des hommes célibataires, mariés, des acteurs, des producteurs et même des politiques. Je connais très bien ce lieu, j’y suis allé avec Victoria. Elle ne passait jamais inaperçue, imaginez, une femme sublime qui portait une valise de torture et de plaisir. Elle fouettait, tapait, claquait, buvait, et rentrait dormir tranquillement.