« J’ai été modèle pour des cours d’art et vu les étudiants et les profs nourrir leurs fantasmes de mon corps immobile. »
Judy Minx
Évoquée par de nombreuses députées, y compris conservatrices, telles Chantal Brunel, alors députée UMP, ou Christine Boutin, du Parti chrétien démocrate, la réouverture des maisons closes, fermées en 1946, est le serpent de mer des débats sur la prostitution, qui opposent partisans de sa légalisation à ceux de son abolition totale.
Les industriels et les artistes, qui ont bien compris les fantasmes que la question ne manque pas de susciter, surfent sur la vague maquerelle : une marque de lingerie plutôt haut de gamme, Maison Close, a été créée en 2006 et, en 2010, une série télévisée du même nom dépeignait sur Canal Plus le quotidien pas toujours rose d’une maison de passe au XIXe siècle.
À l’époque, en effet, les maisons de tolérance, ouvertes au XVe siècle sous Louis XI, étaient pour la plupart plutôt sordides. Puis, au début du XXe siècle, la profession se dota d’un solide règlement : les tenancières (exclusivement des femmes) emmenaient les prostituées se faire inscrire sur les registres de la préfecture, souvent sous la contrainte d’une dette contractée. Les filles se voyaient alors remettre un livret, dans lequel leurs contrôles médicaux ou autres visites à l’hôpital pour soigner des maladies vénériennes étaient consignés. Les michetons (clients de prostituées) étaient nombreux et les passes se faisaient souvent à la chaîne : seules quelques maisons de haut standing, tels le Sphinx ou le One Two Two, pour citer deux des plus célèbres établissements parisiens, accueillaient des gens connus et de pouvoir dans un univers très luxueux. Les bouges étaient répertoriés dans un Guide rose annuel, véritable Guide Michelin des établissements dits « à numéro », car le leur figurait en plus gros caractères que ceux des habitations ou des commerces.
C’est étonnamment à une ancienne fille de joie que l’on doit leur fermeture. Marthe Richard, qui vécut les deux guerres mondiales, n’était toutefois pas une prostituée comme les autres : aviatrice et femme politique, elle fut la sixième Française à obtenir son brevet de pilote. Son personnage est cependant controversé. La mort de son (riche) deuxième mari, en 1928, fit beaucoup jaser et, après guerre, la revendication (abusive ?) d’exploits au sein de la Résistance lui valut un court séjour en prison. Élue en 1945 au conseil municipal du IVe arrondissement de Paris sur la liste de la Résistance unifiée, elle proposa alors la fermeture des maisons closes. Si, en tant qu’ancienne prostituée, Marthe Richard souhaitait surtout s’attaquer à la prostitution d’abattage (à la chaîne), elle usa du même argument que les communistes : les bordels avaient été des lieux actifs de collaboration durant l’Occupation, parfois réquisitionnés par les Allemands pour l’usage exclusif de leurs troupes avec mise en place d’un contrôle sanitaire très strict – souci partagé par le gouvernement de Vichy, qui contribua à cette réglementation. Alfonse Boudard, dans son livre La Fermeture, a une théorie intéressante sur le rôle joué alors par Marthe Richard : loin de se soucier du sort de ses anciennes collègues, elle aurait lancé l’idée dans le seul espoir de faire cracher au bassinet l’amicale des tenanciers, en échange de son silence… Toujours est-il que la campagne de Marthe Richard fut un succès : l’interdiction des maisons closes fut votée par le conseil de Paris en 1945, puis par le gouvernement français l’année d’après. Dans la capitale, les maisons closes de taille moyenne transférèrent leurs activités vers les hôtels de passe de la rue Saint-Denis ou du quartier de Pigalle. La migration s’avéra plus difficile pour les établissements haut de gamme, qui fermèrent tout bonnement boutique pour se reconvertir dans un autre secteur.
Quelques boxons situés à proximité des garnisons reçurent l’autorisation de rester ouverts encore quelques années après 1946. Ils bénéficiaient en effet de la protection du ministère de la Guerre, car ils permettaient aux soldats en attente de leur départ pour l’Indochine de soulager leurs besoins sexuels. Au contraire, le ministère de la Santé se positionna en faveur de l’interdiction de ces maisons closes. Or, après leur fermeture, les prostituées et tenanciers de maisons de passe qui, devenus clandestins, n’étaient plus soumis au contrôle sanitaire obligatoire furent de plus en plus touchés par les maladies vénériennes, qu’ils propageaient massivement.
Aujourd’hui, le Strass (Syndicat du travail sexuel) se positionne contre la réouverture des maisons closes, préférant la création d’un statut affiliant le commerce du corps aux professions libérales. Certains membres du syndicat vont même jusqu’à imaginer une profession réglementée qui, à l’instar des médecins ou des assistants sociaux, aurait une formation spécifique inculquant notamment des notions de psychologie et d’hygiène.
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La mammophilie est une perversion sexuelle qui consiste en une attirance particulière pour les seins. À l’instar de l’acomoclitisme, cette appétence pour les pubis glabres qu’il est difficile de distinguer de la pression sociétale contre le poil, on pourrait qualifier nombre d’hommes de mammophiles, tant la poitrine est une partie érotisée du corps des femmes : l’attirance pour les seins est aujourd’hui considérée comme normale.
Lorsque la mode des mannequins androgynes, telle Twiggy, aux poitrines quasi inexistantes, s’est essoufflée après avoir connu son apogée dans les années 1960, la pression sociale pour une poitrine imposante s’est matérialisée de plusieurs façons. Les soutiens-gorge développant les décolletés ont été créés en 1967 et ont connu sous la marque Wonderbra un opulent succès dix-sept ans plus tard. Le mot de « wonderbra » est d’ailleurs passé dans le langage courant pour désigner les soutiens-gorge push-up qui font remonter les seins.
Le réalisateur américain Russ Meyer a bâti sa carrière grâce à des films trahissant une mammophilie démesurée. En effet, les héroïnes de sa série de films Vixens (SuperVixens, MegaVixens, UltraVixens, etc.), dont le premier volet est sorti en 1968, arboraient toutes des poitrines plus que généreuses, défiant la gravité et mises en valeur par de savants cadrages en contre-plongée. Le contenu sexuellement osé de ses films lui a valu par ailleurs nombre de démêlés avec la censure, mais la série des Vixens reste surtout une célèbre suite de navets mammaires, dont les actrices rappellent Lolo Ferrari, recordwoman mondiale qui brandissait des seins pesant 3,6 kilos chacun.
La présence de poitrines au cinéma est relativement banalisée aujourd’hui en Europe, mais elle reste un défi aux États-Unis, où l’apparition du moindre téton provoque l’interdiction du film aux moins de treize ans. Les décolletés profonds sont autorisés, mais c’est bien la visibilité du téton qui caractérise la présence ou non du sein à l’écran. Cette précaution extrême à l’égard de la poitrine américaine a coûté à Janet Jackson un quasi-boycott de son album Damita Jo, sorti en 2004. Présente sur scène à la mi-temps du Superbowl, finale annuelle du championnat de football américain et rendez-vous télévisuel majeur aux États-Unis, Janet a découvert accidentellement un de ses seins lorsqu’elle a été effleurée par son partenaire de scène, Justin Timberlake. Son téton a alors été vu par des millions de familles américaines, ce qui a déclenché une furieuse polémique – connue sous le nom de Nipplegate, sorte de pendant mammaire du Watergate. Il a été demandé aux deux protagonistes de faire des excuses publiques à CBS (la chaîne de télévision qui avait retransmis le match), à la NFL (National Football League) ainsi qu’à l’Amérique tout entière. Justin Timberlake a accepté ces conditions – qualifiant l’incident de « dysfonctionnement vestimentaire » –, au contraire de Janet Jackson. L’Amérique a fait du sein un tabou absolu. Or, comme tout ce qui est interdit est désirable, les États-Unis sont la patrie des mammophiles.
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Manger
Une des phrases cultes du film Shortbus, chronique sexuelle queer sortie en 2006, est : « Ils passent leur temps à bouffer des chattes et quand ils arrivent au buffet ils se disent tous végétariens. » Cette expression pourrait avoir inspiré la série de cartes postales, tasses et objets humoristiques divers créée par Dean Morris, Go green, fuck a vegetarian, que l’on pourrait traduire par « Soyez écolo, baisez une personne végétarienne ». Autrement dit, on mange comme l’on couche, on couche comme l’on mange.
Si ces associations absurdes trouvent un public, c’est que, comme l’expliquait Freud, « la première chose que fait l’enfant pour connaître le monde, c’est le goûter ». Les premiers plaisirs passent par la bouche, le fameux stade « oral ». On trouve un peu partout sur Internet des tests de type « dis-moi ce que tu manges, je te dirai comment tu fais l’amour ».
L’actrice porno Katsuni ne remettrait pas en cause cette idée. En effet, elle explique que « le point G est [aussi] dans la bouche », car elle apprécie particulièrement les entremets et mises en bouche sucrés. Elle se décrit comme « gourmande » et, pour elle, c’est un tout : aimer les différents plaisirs que peut lui procurer son corps, sexuels comme ceux des papilles. Au point qu’un de ses admirateurs lui envoie régulièrement, pour flatter cette passion gustative, ce qu’il appelle des messages « BDSM pâtissiers » avec des photos de gâteaux crémeux, images dont l’actrice le remercie régulièrement.
L’analogie entre les comportements alimentaires et sexuels se traduit dans les similarités des expressions qui se rapportent à l’un et à l’autre : l’appétit, la boulimie, la gourmandise, peuvent être charnels. Les fruits sont défendus, croquer la pomme ne désigne pas toujours un acte rassasiant et sucer un sucre d’orge dont le jus coule dans la gorge est parfois un brin plus pervers que ne le laisse supposer une première lecture. Mais l’écrivain Frédéric Dard y voyait plutôt une substitution : « Dans les débuts d’une aventure, la bouffe prépare la baise ; sur la fin, elle la remplace. »
Enfin, lorsque l’on « remet le couvert », il s’agit bien de forniquer et non de manger une seconde fois. Les linguistes n’ont pas trouvé d’explication probante à l’apparition de cette dernière expression, même avec le service trois pièces, car mettre le couvert consiste bien à dresser la table et non autre chose.
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Mariage
Depuis vingt ans, et tous les ans, entre 250 000 et 260 000 couples hétérosexuels convolent en justes noces dans l’Hexagone. En 1972, il y a donc quarante ans, 420 000 unions avaient été célébrées en France. La forte réduction du nombre de mariages s’est opérée en moins de quinze ans, entre 1973 et 1985, conséquence possible de la révolution sexuelle autant que du krach économique.
Aujourd’hui, pourtant, certains veulent à tout prix se marier et ne le peuvent pas : les homosexuels. De même, des couples souhaitent rester unis au regard de la loi quand bien même l’un des membres souhaite effectuer une transition vers l’autre sexe. Or un tel changement de genre annulerait le mariage. En 2012, en France, le mariage est interdit entre personnes de même sexe.
Si l’idée de mariage homosexuel fait un tel scandale, en France ou ailleurs, c’est qu’elle bouleverse la notion même de mariage, introduisant solidarité et amour dans ce qui n’est aujourd’hui encore qu’une histoire de reproduction. Point d’amour dans le mariage qui, juridiquement, représente un outil de gestion du patrimoine et de la descendance. Cette définition n’empêche évidemment pas d’aimer sa moitié ou ses enfants, mais le mariage est avant tout un moyen d’assurer l’héritage.
Par exemple, jusqu’en 1975, seule la femme pouvait être condamnée pour adultère puisqu’elle risquait alors de faire payer à son mari de quoi subvenir aux besoins d’enfants illégitimes. Elle encourait une peine de deux ans de prison. L’époux, lui, pouvait batifoler comme bon lui semblait du moment qu’il n’entretenait pas de concubine sous le toit conjugal ou n’était pas polygame (toujours dans l’idée de ne pas diluer l’héritage).
Jusqu’au 20 mars 2007, un test prénuptial obligatoire, à effectuer auprès d’un médecin, permettait grâce à un bilan sanguin complet de vérifier notamment que les grossesses nées du couple ne poseraient pas de problème (toxoplasmose, rubéole, VIH, comptabilité du rhésus, etc.). Cette consultation était aussi l’occasion d’informer les futurs époux sur toutes les choses utiles à la procréation et à la contraception.
Il est à noter qu’au sein du mariage le mari est présumé père des enfants. Dans certains pays, un test de grossesse est également obligatoire avant la noce… et il est interdit de se marier enceinte ! Ce n’est pas le cas en France où le phénomène de la célébration de l’union avec un ventre rond est plutôt encouragé, à en croire les magazines « féminins », qui vantent les vertus de « deux bonheurs en même temps ». En France, le test prénuptial est devenu facultatif et les résultats ne sont délivrés qu’à titre individuel. Il revient au couple de décider de l’échange des informations. Le médecin, lui, engage sa responsabilité, notamment si un enfant mal formé venait à naître à la suite d’une mauvaise information.
Étant donné que le mariage est intrinsèquement prévu pour fonder une famille et, donc, faire des enfants, il oblige à des rapports sexuels (le devoir conjugal) et interdit l’infidélité. Aujourd’hui encore, on peut être condamné par un tribunal pour non-respect du devoir conjugal. Une telle mésaventure est arrivée en mai 2009 à Jean-Louis, Niçois de cinquante et un ans, contraint à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à Monique, sa femme pendant vingt ans, pour « absence de relations sexuelles pendant plusieurs années ». Le divorce a été prononcé à ses torts exclusifs. Les couples ont tendance à oublier que le mariage est avant tout un contrat sexuel dans lequel ils s’engagent à avoir des relations sexuelles entre eux, rien qu’entre eux, et régulièrement.
Certes, le Code civil n’est pas très précis sur le devoir conjugal. Il rend les relations sexuelles obligatoires mais sans introduire de notion de qualité, de quantité ou de fréquence. Avec moins de cent cinquante décisions juridiques en trente ans, soit moins de cinq décisions par an, les condamnations pour non-respect du devoir conjugal, sans être rarissimes, sont loin d’être un phénomène de masse. Complétant les textes de loi, la jurisprudence dessine une « norme » d’un maximum de six mois entre les rapports sexuels, hors maladies, obligations professionnelles ou situations d’empêchement « graves », ce qui laisse encore un peu de souplesse et la possibilité de souffrir de migraines passagères.
Au regard de la loi, la fidélité semble devoir être entendue comme « l’exclusivité », mais ce n’est pas le cas : les « parties carrées » ne sont pas incluses dans l’infidélité. Cette dernière se caractérise bien par la tromperie au sens où la personne est absente ou non consentante. Ainsi, les époux n’ont pas le droit de commettre l’adultère, mais le libertinage complice est autorisé dans les couples. L’avocat Emmanuel Pierrat cite dans Le Sexe et la Loi un arrêt de 1979 de la Cour de cassation selon lequel « les époux avaient entretenu des relations érotiques avec un autre couple et que leur double adultère pendant la période considérée avait été commis de connivence ». Autrement dit, si vous avez dit « oui » et participé, vous ne pouvez pas crier à la tromperie. Si le mariage, pour protéger l’héritage, est par de nombreux aspects un moyen qu’a l’État de surveiller la sexualité de ses citoyens, le cadre légal français laisse encore la possibilité de s’amuser un peu.
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Mercury, Freddie
Il arborait fièrement la moustache, le bracelet autour du biceps et le marcel. Son pied de micro, coupé à mi-hauteur (il ne pouvait pas le poser par terre), était le symbole phallique qu’il exhibait sur scène. Il acheva les mythiques concerts de Queen, au stade de Wembley en 1986, vêtu d’une cape d’hermine rouge et d’une réplique de la couronne de la reine d’Angleterre. Freddie Mercury façonna tout au long de sa carrière une image inégalable de showman et de performer.
Lorsqu’il mourut du sida en 1991, il ne fut pas la première personnalité touchée par cette maladie : Rock Hudson, avant lui, avait annoncé sa maladie avant son décès en 1985. Mais la mort de Freddie Mercury intervint à un moment où l’épidémie de sida était largement connue de tous et la popularité du chanteur immense. De nombreuses autres personnalités mortes du sida avant lui avaient préféré cacher leur maladie, même après leur mort. Pour beaucoup, la disparition du chanteur de Queen est l’événement qui a marqué l’entrée du sida dans la sphère publique mondiale.
On se souvient aussi de Freddie Mercury comme d’une personne ouvertement gay. Le fait est qu’il ne vécut son homosexualité qu’assez tardivement et qu’il fut marié pendant huit ans à une femme, Mary Austin. En pratique, la vie de Freddie Mercury fut bisexuelle, mais cette orientation ne semble pas pouvoir être retenue par le grand public. Ses attributs de reine d’Angleterre firent aussi oublier ses origines – de son vrai nom Farrokh Bulsara, il naquit en Tanzanie et grandit en Inde, pour n’émigrer au Royaume-Uni qu’à l’âge de dix-sept ans.
Avant de devenir un symbole post-mortem de la lutte contre le sida, Freddie Mercury sut jouer avec les codes des genres, notamment dans le vidéoclip qui illustra le titre « I Want to Break Free » : les membres du groupe y mimaient la chanson, habillés en femmes d’intérieur. L’image de Freddie Mercury, jupe en vinyle, petit pull et grandes boucles d’oreilles roses, porte-jarretelles et moustache saillante, passant vigoureusement l’aspirateur dans le salon, continue aujourd’hui de faire fantasmer de nombreuses femmes. Le clip se voulait une parodie de la série télévisée « Coronation Street », sorte de « Plus belle la vie » version anglaise, à l’écran sans discontinuer depuis 1960 sur ITV, réseau de chaînes régionales. Toutefois, la presse britannique accusa le groupe de vouloir « corrompre la jeunesse » et MTV refusa de diffuser le clip dans un premier temps. Mais il y eut plus surprenant encore. La chanson devint un hymne de libération dans une Amérique du Sud verrouillée par les dictatures. Ainsi, alors que le clip avait été censuré par les autorités locales, le public nombreux de Rio de Janeiro (trois cent mille personnes) ne s’attendait pas à voir débarquer Freddie Mercury en jupe et en porte-jarretelles, mais plutôt en guerrier libérateur. Freddie fut donc bombardé de projectiles et le groupe ne comprit qu’après le concert ce qui lui était arrivé.
Freddie Mercury eut de nombreux amants, à une période où les dangers du sida étaient peu connus. Le groupe Mötley Crüe raconte, dans son autobiographie The Dirt, l’émotion ressentie lorsqu’ils travaillèrent avec Roy Thomas Baker, qui produisit le mythique « Bohemian Rhapsody » : « C’était incroyable de se retrouver chez Roy et de jouer sur le piano sur lequel Freddie Mercury avait composé “Bohemian Rhapsody” tout en se faisant sucer par un amant. »
Freddie Mercury apprit sa maladie en 1987, juste après l’enregistrement de son album Barcelona avec Montserrat Caballé. Il enregistra les deux derniers albums de Queen dans une veine plus rock (The Miracle et surtout Innuendo), poussant sa voix dans ses derniers retranchements jusqu’au testament final qu’il laissa à ses fans, « The Show Must Go On ».
Il annonça officiellement sa maladie la veille de sa mort, le 23 novembre 1991, dans un communiqué lu par son médecin : « J’ai jugé correct de garder secrète cette information jusqu’à ce jour afin de préserver la vie privée de mon entourage. Cependant, l’heure est venue pour mes amis et fans de par le monde de savoir la vérité et j’espère que tout le monde se joindra à mes médecins et leurs collègues du monde entier dans leur combat contre cette terrible maladie. » Six mois après sa mort, un gigantesque concert hommage lui fut rendu à Wembley. Les membres de Queen furent rejoints sur scène par la crème de la pop et du rock : Elton John, Liza Minnelli ou Axl Rose. À cette occasion, George Michael prononça un discours remarqué : « Certains pensent que Freddie était bisexuel et que cela met à l’abri du sida. D’ici l’an 2000, il y aura 14 millions de personnes infectées par le VIH. Si vous croyez que seuls les gays et les drogués sont concernés, vous pourriez bien faire partie de ces 14 millions. Donc pour Freddie et pour vous-mêmes, par pitié, soyez prudents. » Même si, en réalité, 36 millions de personnes étaient infectées par le virus en 2000, ce concert fut un événement majeur pour la prévention du sida.
Queen garde une place à part dans le cœur de ses fans. La prestation du groupe au Live Aid (festival à vocation humanitaire), en 1985, fut considérée, selon un sondage réalisé par la BBC en 2006, comme la meilleure prestation scénique de tous les temps. Freddie Mercury est aujourd’hui encore cité comme une influence majeure par de nombreux artistes, tels que Muse, Guns n’Roses ou Placebo.
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MHC
MHC signifie « Mile High Club », le club des personnes qui ont fait l’amour dans un avion à un peu plus de cinq mille pieds d’altitude. Il a son site Internet, sa boutique en ligne, et on peut l’intégrer sur simple déclaration. Les faits sont en effet rarement vérifiables. Le fantasme est courant, notamment parce que les vibrations de la carlingue sont supposées augmenter les sensations. Mais aussi et surtout parce que c’est considéré comme une performance. Sur de nombreuses compagnies, les stewards et hôtesses ont comme consigne d’empêcher les passagers de rejoindre le club. Certains membres du personnel tentent cependant d’y entrer eux-mêmes, en courant le risque de perdre à la fois leur travail et leur réputation au passage.
L’équipage dispose essentiellement de deux méthodes de dissuasion. Comme il est interdit de faire l’amour en public (délit d’exhibition), les partenaires se réfugient généralement aux toilettes. Or celles-ci sont très petites. Soit les partenaires touchent le bouton rouge (signal d’alarme) dans leurs ébats et le personnel peut alors entrer dans la cabine pour en déloger les fautifs, soit ils sortent à deux et peuvent être conduits en prison si l’avion se dirige vers un pays qui est hostile à ce qu’il considère comme un trouble à l’ordre public. À titre informatif, sachez que les États-Unis en font partie. Ainsi, un couple a été condamné en 2006, malgré la plaidoirie des avocats qui assuraient que le mari n’avait pénétré dans les toilettes que pour soutenir sa femme malade. Si d’autres destinations sont moins risquées, les acrobates qui réussissent à trouver une position stable et confortable dans ce lieu exigu devront aussi être montés dans un avion qui vole assez haut. Car un petit vol à basse altitude avec l’avion de l’aéro-club ne permet pas de devenir membre du prestigieux MHC.
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Milf
« Milf » est l’acronyme de mother I’d like to fuck, « une mère que j’aimerais baiser ». On peut considérer Anne Bancroft, la partenaire de Dustin Hoffman dans Le Lauréat, comme sa première incarnation : ce film, sorti en 1967, narrait les amours défendues de Mrs Robinson et du jeune Benjamin. De quoi ne plus jamais entendre « Mrs Robinson » (la chanson de Simon & Garfunkel qui fait partie de la bande originale) de la même façon. Le stéréotype de la Milf correspond, sans trop caricaturer, à la ménagère de moins de cinquante ans chère aux instituts de sondage qui, dans la fantasmagorie masculine, prépare votre en-cas avant le départ au lycée, que l’on aime à penser protectrice mais qu’en réalité on désire intimement voir se transformer en reine du sexe, prête à initier les puceaux qui ne demandent que cela. La Milf, c’est la cougar avec la tendresse en plus. Si la seconde vous dévore pour finalement vous laisser exsangue, la première, elle, vous abandonne dans un état de béatitude, comme après un bon goûter de biscuits au chocolat trempés dans un verre de lait. Mais prenez garde : si la Milf vous donne du Tamiflu après vous avoir préparé un chocolat chaud, c’est Roselyne Bachelot.
La Milf est également devenue une catégorie à part entière dans la production pornographique : c’est d’ailleurs dans ce contexte que l’acronyme est le plus souvent exploité. Certaines sociétés cultivent le genre à l’exclusion des autres, toujours selon la même trame scénaristique : la quadragénaire est à la maison, rentrant des courses ou œuvrant dans sa cuisine (oui, les Milf sont mères au foyer), quand elle tombe sur l’ami de son fils qui passe justement par là. Ni une ni deux, la voici qui lui saute dessus. La suite est franchement pornographique, car la Milf se révèle être une pornstar gymnaste, adepte de pratiques à faire rougir la moitié des actrices de Marc Dorcel.
Freud verrait dans de telles mises en scène une entreprise cathartique par rapport au fantasme œdipien : ne pouvant moralement mettre en scène de jeunes hommes couchant avec leur mère, les réalisateurs la remplacent par celle du meilleur copain.
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Milk, Harvey
Le parcours d’Harvey Milk, militant gay dramatiquement assassiné à l’âge de quarante-huit ans, laissa une telle empreinte dans l’opinion publique américaine qu’il fut décoré en 2009 par le président Obama à titre posthume, trente années après sa mort, de la Medal of Freedom, équivalent américain de la Légion d’honneur.
Harvey Milk, élu en 1978 à San Francisco, fut le premier membre ouvertement gay d’un conseil municipal américain. Il profita, lors de l’élection municipale, d’une loi de découpage électoral favorable qui offrait quasiment un poste de conseiller aux gays regroupés dans le quartier appelé Castro. Il fut assassiné moins d’un an plus tard par Dan White, ancien conseiller municipal qui lui était opposé et qui avait démissionné de son poste à la suite de problèmes financiers personnels. Dan White s’introduisit clandestinement dans les bâtiments de la mairie et, prétextant un rendez-vous avec le maire George Moscone, abattit celui-ci froidement. Il se dirigea ensuite vers le bureau d’Harvey Milk et réitéra son geste, avant de s’enfuir. Arrêté peu après les meurtres, il fut condamné à une peine très légère (sept ans et huit mois de réclusion criminelle). Le motif d’homicides volontaires sans préméditation fut retenu en lieu et place de l’assassinat, alors que la préméditation de son geste était manifeste. La défense adoptée par les avocats de Dan White est connue sous le nom de « défense Twinkie », du nom d’une sucrerie américaine. En effet, ses conseils arguèrent que Dan White était dans un état dépressif causé par un changement de son régime alimentaire au profit de davantage de junk food. La communauté gay interpréta cette clémence envers Dan White comme un blanc-seing accordé aux tueurs de gays et des émeutes s’ensuivirent. Elles prirent le nom de White Night Riots.
Harvey Milk se battit durant toute sa carrière politique pour les droits des homosexuels et pour leur non-discrimination. Il avait enregistré, avant son assassinat, plusieurs cassettes à diffuser dans le cas où quelqu’un attenterait à sa vie, car il avait envisagé cette possibilité. De fait, son arrivée au conseil municipal de San Francisco s’était produite dans un contexte très tendu pour les homosexuels. En 1977, la chanteuse Anita Bryant avait lancé une campagne pour l’abrogation d’une ordonnance floridienne interdisant toute discrimination sur des critères d’orientation sexuelle. Son slogan, Kill a Queer for Christ (« Tuez un homosexuel pour Jésus »), provoqua alors un scandale. Elle affirmait : « Si on donne des droits aux gays, il faudra ensuite donner des droits aux prostituées, à ceux qui couchent avec des saint-bernard et à ceux qui se rongent les ongles. » Cette campagne américaine déclencha la première manifestation d’homosexuels à Paris, le 25 juin 1977, pour revendiquer la fin de la discrimination des homosexuels. Une première « marche des fiertés » française eut lieu par la suite, le 4 avril 1981. Elle réunit dix mille personnes en pleine campagne pour l’élection présidentielle ; elle est considérée comme la mère de toutes les Gay Pride françaises.
Si Harvey Milk fut un des premiers à accomplir une carrière politique en assumant et affirmant son homosexualité, il fallut attendre une trentaine d’années avant qu’un responsable politique publiquement homosexuel n’accède à la plus haute fonction politique d’un État. En 2009, l’Islande élut à sa tête un Premier ministre lesbienne, Johanna Sigurdardóttir, suivie deux ans plus tard par l’accession au même poste d’Elio Di Rupo, socialiste ouvertement gay, en Belgique. En France, patrie de la mixité et des droits de l’homme, la présidence de la République reste jusqu’à aujourd’hui l’apanage d’hommes blancs hétérosexuels.
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Minitel rose
« En 1991, l’idée de me prostituer m’est venue par le Minitel. Tous les outils de communication modernes servent d’abord au commerce du sexe. Le Minitel, cet avant-goût du Net, a permis à toute une génération de filles de se prostituer occasionnellement dans des conditions assez idéales d’anonymat, de choix du client, de discussion de prix, d’autonomie », écrivait Virginie Despentes dans King Kong théorie.
Le 30 juin 2012, l’appareil précurseur d’Internet en France, le Minitel, a été débranché. Il était encore relativement répandu (420 000 utilisateurs en 2011) et les services les plus courants étaient les pages jaunes, la météo… et encore 21 000 connexions par mois sur le fameux 3615 Ulla, enseigne phare du Minitel rose. « Le service était encore rentable parce qu’il ne nous coûtait plus rien en maintenance ou en développement », a raconté sur France Info l’un de ses dirigeants.
Si le présent dictionnaire devait tomber dans une dizaine d’années entre les mains de personnes qui n’ont jamais entendu parler du Minitel rose, sachez, jeunes lecteurs, qu’il s’agissait d’un service de rencontres virtuelles coquines, via un écran marron avec un fond noir et du texte blanc, et un clavier du même marron. Il y avait des services de chat privé (où l’on pouvait parler avec une seule personne) et des services de chat public (où tous les interlocuteurs connectés pouvaient se parler). Le débit de données avoisinait celui du pigeon voyageur.
Karin Bernfeld, écrivain et comédienne, avait à dix-neuf ans un petit boulot d’« animatrice de Minitel rose ». Cette expérience, qu’elle a vécue « parce qu[’elle a] eu la naïveté de croire que c’était de l’argent “facile” et que, à dix-neuf ans, étudiante, c’était mieux payé que baby-sitter ou équipière MacDo », lui a servi à écrire un livre, Alice aux pays des femelles. Elle décrit dans son roman comment « toutes les femmes sont pucelles à Aurillac ». Car oui, lorsqu’un homme se connectait, d’où qu’il vînt, une animatrice annonçait immédiatement qu’elle habitait justement tout près. Ensuite, elle se conformait à ce que son client semblait avoir envie d’entendre et c’est ainsi que, pour l’un de ses habitués, elle créait des femmes pucelles, vivant toutes à Aurillac et capables de simuler des positions complexes du Kama-sutra. De sorte que cette ville d’Auvergne de moins de trente mille âmes, dont plus de la moitié a dépassé la quarantaine, regorgeait de vierges venues faire des rencontres coquines. La plupart des hôtesses incarnaient ainsi des stéréotypes de la pornographie : des femmes qui crient de bonheur, qui aiment se faire insulter, etc.
Karin m’expliqua qu’étonnamment « les hommes qui étaient animateurs avec nous étaient plutôt meilleurs que les femmes* » – car oui, derrière un écran, il est difficile de distinguer un homme d’une femme. Lorsque Jean-Marc Manach, journaliste, témoigna sur Owni.fr en 2012 de son expérience d’animateur de Minitel rose, il confirma plutôt cette tendance, précisément en ne se conformant pas aux attentes de la personne en face : « Une bonne partie des connectés m’abordait de façon quelque peu cavalière : “Ça va, salope ?” ou “Tu suces ?” en guise de bonjour, ce qui avait le don de m’énerver. Je prenais ensuite un malin plaisir à les envoyer bouler (“C’est comme ça que tu dis bonjour aux dames ?” ou, quand j’étais vraiment énervé, “Et toi, tu broutes, connard ?”), ce qui avait plein d’avantages. Un : ça défoule. Deux : le type était persuadé que j’étais vraiment une femme. Trois : on pouvait commencer à discuter et je pouvais donc les garder connectés sur le 3615 encore plus longtemps, et donc leur faire raquer plus d’argent. Le business plan, à l’époque, c’était déjà l’“économie de l’attention”, et j’étais une sorte d’attention whore (“prostituée de l’attention” en VF) qui faisait, non pas le trottoir dans les tuyaux, mais l’hôtesse sur les réseaux. Sauf que je ne vendais pas mon corps, mais mes mots, et que je ne supportais pas les plans cucul à la papa et encore moins les macho men. »
Un autre homme, animateur également et consommateur de messageries roses à l’occasion, qui avait des fantasmes similaires aux autres clients, trouvait aussi son travail plutôt simple : « Je disais ce que j’aurais eu envie qu’on me dise, c’était efficace, j’aimais bien. » D’ailleurs, les premiers animateurs de ces réseaux étaient les informaticiens qui les avaient développés, probablement autant (plus ?) par jeu que par conscience professionnelle. Cela permettait non seulement de tester les fonctionnalités mises en place, mais surtout de faire tourner les connexions et ainsi d’augmenter le chiffre d’affaires.
Finalement, le travail d’hôtesse étant un jeu d’acteur, la distanciation au personnage semblait plus simple pour un homme que pour une femme. Ce travail-là continue sur Internet où nombre d’hôtesses, parfois de simples photos derrière lesquelles des hommes discutent, continuent de faire fantasmer par l’intermédiaire d’un écran, en couleurs maintenant.
* Entretien avec l’auteur, 2007.
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Missionnaire
La position du missionnaire (la femme allongée sur le dos, l’homme au-dessus d’elle) est, par excellence, la position des relations maritales reproductives, d’où son surnom de « position de papa-maman ». Son appellation est partiellement due aux missionnaires catholiques qui s’en allaient dispenser la parole du Christ au sein des colonies, mais c’est aussi une invention d’Alfred Kinsey, qui a publié de célèbres études sur le comportement sexuel de ses contemporains. Kinsey, en se basant sur l’enquête menée auprès d’une tribu mélanésienne qui avait effectivement reçu la visite de missionnaires catholiques, a ainsi inventé l’expression « position du missionnaire ».
Avant la parution de son étude en 1948, elle était appelée « position anglo-normande » (ou English-American position aux États-Unis). Pour ajouter à la confusion, elle était recommandée par l’Église à l’exclusion de toute autre : l’acte sexuel accompli autrement qu’« à la missionnaire » était considéré comme pervers et nécessitait une confession. Si la femme se place au-dessus, elle domine l’homme, ce qui n’était pas acceptable. Si la femme est à quatre pattes, on s’approche de la zoophilie.
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Moulage de bites
« Il y a moulage et moulage », affirmait Arthur Schopenhauer dans sa correspondance avec son disciple, le professeur Frauenstädt. Il y relevait l’importance du matériau et de la qualité d’un moulage dans le résultat et sa valeur. Ce qui est vrai pour le buste de Kant, que Schopenhauer commanda à son fidèle sympathisant, peut aussi l’être pour un phallus.
Mouler sa bite est une expérience qui existe sûrement de très longue date, mais l’idée a été largement popularisée par l’artiste plasticienne Cynthia Plaster Caster, qui a notamment dupliqué celle de Jimi Hendrix. Depuis, on trouve dans le commerce, pour une somme variant entre 40 et 60 euros, des kits à moulage de bites. Ces derniers comprennent en général un tube en plastique et une collerette élastique trouée qui, posée sur le moule, est destinée à l’étanchéifier : on peut ainsi pénétrer le tube en plastique via la collerette et y verser une substance gélatineuse sans qu’elle ne dégouline.
Le matériel inclut également deux sachets de gel 3D destinés à pouvoir faire deux fois le moule (le premier essai étant généralement raté), du caoutchouc de silicone avec un durcisseur afin de pouvoir répliquer le pénis moulé, un agitateur en bois et une paire de gants. Ne sont généralement pas fournis mais sont tout à fait nécessaires : une paire de ciseaux, du ruban adhésif, une règle graduée et du matériel de cuisine tel qu’un verre mesureur, un gros récipient pour effectuer les mélanges, un mixeur électrique… et une montre. Un tablier et du lubrifiant sont d’utiles compléments.
De l’avis général des mouleurs en herbe, des artistes confirmés ou de ceux qui aiment réaliser leurs sex-toys tout seuls, il est nécessaire d’être trois pour réaliser une telle performance : une personne qui « cuisine », un homme qui est moulé et un assistant ou une assistante qui aide l’homme à se maintenir vaillant. Pour la personne qui organise et fait la cuisine, l’expérience est très amusante, assez peu sexuelle et donne la sensation de jouer au petit chimiste. De même pour l’assistant(e), car le plus difficile pour cette personne est la gestion temporelle : « Entre les temps de mélange, d’excitation, de pose, tout est finalement très chronométré. Et c’est aussi ce qui est amusant, cette coordination comprend une petite part de défi ! » raconte une jeune femme qui a participé à l’expérience. Elle note aussi la teneur peu sexuelle de la chose : « Il faut le prendre comme un préliminaire et ne pas s’attendre à utiliser le sex-toy tout de suite… Donc accepter de momentanément faire passer le résultat de l’expérience au second plan. »
En revanche, contrairement à la personne qui organise ou à l’assistant(e), un expérimentateur, Paul*, excité après l’opération et frustré de n’avoir pu poursuivre la soirée avec sa partenaire du soir, assura : « Le truc que je donnerais : si on vous propose de profiter de la situation avant le moulage, faites-le, parce qu’après les autres participants seront dans une ambiance cuisine-atelier-bricolage, alors que vous serez surexcité. » Le souci, avant, c’est qu’« il faut bander dans des conditions particulières » et rester très concentré, ce qui peut être stressant selon le témoin.
Sept étapes, nombre biblique, sont nécessaires à la réalisation de l’œuvre d’art.
La première, c’est, bien entendu, de préparer tout le matériel (et de mettre ses enfants à l’abri lorsqu’on en a).
La seconde consiste à préparer le tube qui servira à faire le moule. Pour ce faire, il faut ajuster le tube en plastique à un diamètre de trois centimètres environ supérieur à celui du pénis à reproduire. En effet, un diamètre inférieur entraîne un risque fort de toucher le bord et donc de ruiner le moule, tandis qu’un diamètre supérieur nécessite un beau gâchis de gel 3D (la matière qui sert à prendre l’empreinte). Ensuite, on ajuste la collerette sur le tube pour qu’il soit étanche d’un côté et ouvert de l’autre.
La troisième étape est la plus délicate pour le détenteur du pénis qui va être dupliqué, elle nécessite qu’il soit capable d’être en érection afin de pénétrer un tube en plastique transparent, à travers une collerette élastique, et qu’il tienne l’érection durant un nombre de minutes suffisant pour que le moule soit correct. Le lubrifiant peut aider le testeur à braver la crainte du contact de son pénis avec une matière désagréable. C’est précisément là que l’assistante intervient pour donner de la vigueur au modèle. Il est, cela dit, préférable de choisir un homme capable d’être stimulé sans que l’on touche son sexe (plongé dans le tube), donc sensible à des interactions visuelles (film porno, striptease, par exemple) ou amateur de fessée avec un(e) partenaire qui goûte de tels plaisirs. Certains hommes apprécient de langoureux baisers ou une stimulation anale, qui sont aussi des façons de participer. En tout état de cause, il faut faire preuve d’un peu d’imagination car le pénis lui-même n’est pas accessible.
La quatrième étape, concomitante à la troisième, est celle où intervient la personne qui fait la cuisine. Pendant que l’assistant(e) et le téméraire participant se mettent en condition, elle mélange au fouet un demi-litre d’eau froide (à 20 °C) et le gel 3D. Comme le gel durcit en trois ou quatre minutes, il est indispensable que le mixage ne dépasse pas la minute et qu’il soit coulé dans le moule dans les deux minutes qui suivent. Il faut alors ne pas tenir compte des râleries du moulé qui proteste que « c’est froid et désagréable ».
La cinquième étape consiste à maintenir une érection – rôle de l’assistant(e) – tandis que « le cuisinier » s’assure de ne voir aucune trace de pénis touchant le bord du moule. En effet, si cela advenait, alors le moule serait perforé et donc inutilisable.
La sixième étape, pas aussi simple qu’on le croit, est pour le testeur de débander et d’extraire son phallus du moule. Si Cynthia Plaster Caster soulevait le problème des poils et de la nécessité d’utiliser un lubrifiant pour séparer le moule du pénis, elle n’a pas évoqué la difficulté pour un homme très concentré sur son assistant(e) de soudainement changer d’état mental et de perdre son érection, d’autant, m’expliqua Paul, que « le moule a un effet ventouse une fois qu’il a durci ». Heureusement, des techniques de débandaison existent : imaginez, par exemple, que vous passez la soirée à manger des moules mayonnaise tièdes dans un restaurant d’autoroute avec Pierre Moscovici qui vous explique de long en large les montants compensatoires.
Septième et dernière étape : elle concerne à nouveau la cuisine. Il s’agit d’introduire le produit chimique durcisseur dans le caoutchouc de silicone liquide et, là encore, une minute est nécessaire pour mélanger le tout à l’aide du bâton en bois et une minute de plus pour verser dans le moule.
Là, il ne reste plus qu’à attendre vingt-quatre heures pour s’assurer de la bonne prise de l’ensemble et déchiqueter le gel 3D (qui se détache simplement, à la manière du polystyrène) et jouer avec le pénis dupliqué (ou l’original, ou les deux, au choix).
Deux femmes ayant testé un jouet ainsi produit l’ont trouvé « agréable, quoique moins souple que l’original ». D’après elles, « le phallus en silicone permet de nombreux jeux et laisse au partenaire le temps de se reposer ». Pour Paul, « il est très flatteur de pouvoir dédoubler son organe sexuel car cela ouvre de nombreuses perspectives », sans compter, ajouta-t-il avec un brin de narcissisme que, « quand on est un peu exhibitionniste, ça permet de montrer son pénis à tout le monde sans choquer personne ».
Il est déconseillé de mettre son œuvre d’art dans la chambre des enfants au risque de passer pour un pervers. En revanche, un musée pourrait organiser une exposition intitulée « Rodin versus Braque : quand la sculpture re-vit » et solliciter un prêt de votre empreinte génitale. C’est ce que fit le New York State’s Thread Waxing Space Visual Arts Center qui exposa l’ensemble des réalisations de Cynthia Plaster Caster.
* Le prénom a été modifié.
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Musée
La seule séance légale d’érotisme scolaire pour les enfants a lieu lors des visites de musées. Qu’il s’agisse du Louvre, du musée d’Orsay, du musée Maillol ou de tout autre, les artistes ont toujours peint des nus, et plus si affinité. Comme disait Picasso : « L’art n’est pas chaste […]. S’il l’est, ce n’est pas de l’art. »
Certaines villes comme Paris, Florence ou Rome sont des musées à ciel ouvert. Elles offrent aux regards des enfants des sculptures d’hommes ou de femmes nus dont l’intimité est assez détaillée, quoique presque toujours dépourvue de pilosité. Les sculptures en question sont souvent brillantes et lustrées au niveau des parties génitales (pour les hommes) ou des seins (pour les femmes). Leurs habits ne les protègent pas toujours beaucoup. Par exemple, le gisant de Victor Noir, au cimetière du Père-Lachaise, a le visage, l’endroit de l’impact de la balle qui l’a tué, le pénis, malgré le pantalon, et les chaussures polis d’avoir été autant touchés.
Reste qu’il est plus facile d’observer un sexe de femme dans un musée que sur un réseau social sur Internet : L’Origine du monde de Gustave Courbet ou Ema, une œuvre de Gerhard Richter où l’on voit une femme nue de face, ont été censurés par Facebook.
En France, l’article 227-24 du Code pénal stipule que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (375 000 euros pour les personnes morales) lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ». Deux expositions ont été totalement ou partiellement interdites au prétexte de la protection des mineurs. La première, en 2007, était celle d’Alberto García-Alix à Arles. Elle fut suspendue à cause des clichés de stars du porno qui y étaient représentés. La seconde fut censurée, en 2010, quand la Ville de Paris a interdit aux mineurs l’exposition photographique de Larry Clark au Musée d’art moderne. Une grande controverse a alors eu lieu, les Verts accusant même la mairie de « s’attaquer aux adolescents ».
Les plus jeunes, avides de découvrir la sexualité en cachette de leurs parents, peuvent se rabattre sur Le Guide érotique du Louvre et du musée d’Orsay de Jean-Manuel Traimond, qui leur permettra d’éviter de traverser ces expositions célèbres sans remarquer les sculptures réalistes et précises de Michel-Ange, ou même un acte de copulation entre un faune et une nymphe. Cachez ce sein qu’ils ne sauraient voir !
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Musique
« La musique adoucit les mœurs », dit le proverbe, « la musique est une drogue », affirme Arnaud Aubron dans son ouvrage Drogues Store, « la musique est toujours un casse-tête quand il s’agit de faire l’amour », assuré-je, ce que d’autres que moi ont largement constaté.
Une industrie entière s’est ainsi déployée visant à faire exister et à intégrer la musique dans l’acte sexuel. Le site de vente en ligne Amazon.com présente même son top 10 des albums sur lesquels faire l’amour, au rang desquels figure l’album Dark Side of the Moon de Pink Floyd. D’après le site Topito.com, qui possède un classement sur le même sujet, la chanson excitante numéro un est « Love to Love You Baby » de Donna Summer, suivie de « Sexual Healing » de Marvin Gaye. Il existe même une radio en ligne, Xmusic.fm, dont le slogan promet : Music to have sex to – « La musique pour faire l’amour ».
Plus astucieuse, une ancienne salariée d’Apple, Suki Dunham, est à l’origine du sex-toy OhMiBod, destiné à intégrer la musique dans l’acte sexuel quel que soit l’artiste. Le concept de ce jouet est d’être branché sur un lecteur MP3, une guitare électrique, une radio ou n’importe quelle source audio, et de concrétiser physiquement les vibrations reçues sous forme sonore. Décliné en de nombreux modèles utilisables pour les hommes comme pour les femmes, OhMiBod permet de cumuler de multiples fantasmes dont celui de convertir son ou sa partenaire au hard rock, de profiter pleinement de la musique, de jouir en écoutant « Vas-y Francky, c’est bon » (juste pour l’expérience) ou, si vous avez la chance que votre partenaire joue de la musique, de pouvoir l’écouter vous faire vibrer dans tous les sens du terme.
Plus inventif et encore plus astucieux, un audacieux violoniste atterrit un jour à l’hôpital à la suite de l’invention de son propre sex-toy, d’après une source qui souhaite garder l’anonymat. Il s’agissait d’une boule de pétanque, munie d’un crochet, insérée dans son anus. Il utilisait ensuite son archet pour faire vibrer une corde reliée à la boule au moyen du crochet.
La musique adoucit-elle vraiment les mœurs ? Difficile d’énoncer un jugement définitif mais, en tout cas, elle excite les sens.
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