« Le palindrome est une façon de sodomiser le langage. »
Hans Bellmer
Littéralement « salle arrière » en anglais, backroom est le nom donné aux arrière-salles des clubs de rencontres sexuelles entre gays. Par extension, on appelle « backroom » les boîtes qui laissent une telle place aux espaces de convivialité que leur « frontroom » n’existe presque pas. Par exemple, Le Dépôt, club du marais parisien, est considéré comme la plus grande backroom d’Europe.
Lire aussi : Chandelles, Club échangiste
Baise-en-ville
Le baise-en-ville est un sac pour homme destiné à une escapade en ville, le temps d’une nuit hors du domicile, contenant le strict minimum pour avoir de discrètes relations sexuelles. Par extension, le terme désigne simplement un sac à main.
Mais la campagne le dispute à la ville : le vocabulaire le plus riche en ambiguïtés se trouve chez les animaux. Les cochons et les cochonnes, mammifères qualifiés de sales, peuvent être des êtres humains trop portés sur la chose. Les chiennes, elles, se font engrosser par n’importe qui. Les chauds lapins se reproduisent à une vitesse phénoménale. Les chattes sont de doux félins un peu indépendants qui raffolent des caresses et en ronronnent de plaisir. Les cougars sont des fauves qui fondent vivement sur leur proie, comme les femmes d’âge mûr initiant des hommes encore verts. Les poules se font entretenir dans la basse-cour. Les étoiles de mer ne font rien et ne bougent pas trop, les étalons sont avantageusement dotés pour la reproduction…
Si le serpent n’était pas un symbole phallique, celui du péché par excellence, il nous faudrait manger des moules pour réaliser que le monde animalier est loin d’être asexué.
Il existe nombre d’autres mots qui évoquent instantanément la sexualité alors que leur sens premier en est très éloigné. C’est le cas des termes concernant la vision : les nyctalopes et les presbytes ne sont pas de vulgaires pervers, pas plus que les amateurs de pipes ou les marins qui s’amarrent à leur bitte. Encore eût-il fallu que je le susse !
Lire aussi : Album de la comtesse, Insulte, Milf, Ville
« La barbe ! » C’est le cri de ralliement d’un groupe féministe créé en 2008 et dont les actions visent à dénoncer le manque de représentativité des femmes dans les cercles de pouvoir. Affublées de barbes postiches, les militantes de La Barbe ont ainsi fait irruption dans de nombreuses réunions publiques (associations d’intellectuels chrétiens, Grand Orient de France, etc.) ainsi que lors de conseils d’administration de grands groupes (Crédit agricole, L’Oréal, EDF, etc.) pour ironiquement féliciter ces assemblées masculines d’avoir su résister au « fléau de la parité hommes/femmes ». Les participantes sont généralement silencieuses mais tiennent des pancartes ou distribuent des tracts.
La Barbe a déclenché une polémique d’envergure lors du festival de Cannes 2012. Dans un manifeste publié par le journal Le Monde, elles ont pointé du doigt le fait que les vingt-cinq films sélectionnés en compétition officielle avaient été réalisés par des hommes. Interrogée à ce propos, Bérénice Bejo, actrice dans The Artist et maîtresse de cérémonie du festival, a estimé que cette action n’avait pas lieu d’être. « Il y a des choses que les femmes font mieux, peut-être, que les hommes. Il y a beaucoup plus d’infirmières que d’infirmiers. C’est le côté, je pense, maternel, la douceur d’une maman. » Les féministes ont apprécié.
Lire aussi : Acomoclitisme, Bechdel (Alison), Genre (théorie du), Poil
Bareback
Bareback est un mot anglais qui désigne le « sexe non protégé ». À l’origine, ce mot définissait la pratique de l’équitation sans selle.
Le bareback s’oppose à la pratique du sexe avec préservatif. La découverte du virus du sida fut accompagnée d’un usage en masse du préservatif pour tenter de contenir la propagation mortelle du virus. Nombre de campagnes de prévention eurent pour effet, avec plus ou moins de succès selon les moyens mis en œuvre dans les différents pays du globe, de faire accepter aux populations l’idée – toujours fragile – selon laquelle le sexe sans préservatif doit à tout prix être évité avec un partenaire que l’on ne connaît pas ou peu, voire évité tout simplement.
Néanmoins, dans le courant des années 1990, les pays occidentaux virent émerger certains mouvements gays revendiquant leur pratique du bareback pour des raisons très diverses : fatigue des discours incessants sur le préservatif, inutilité supposée du préservatif entre partenaires déjà infectés par le virus ou rébellion d’une communauté constamment stigmatisée (le sida ayant été surnommé par certains le « cancer gay » lors de son apparition). Plus tendancieux encore, certains militants barebackers professent que le sexe sans préservatif, accompagné du risque de contamination, permet de conjuguer pulsion sexuelle et pulsion de mort, théorisées par Freud puis par Lacan. Les progrès des dernières années en matière de traitement de la maladie – notamment avec l’apparition de trithérapies – a aussi pu donner l’illusion que le sida n’était plus une maladie grave et mortelle, et que la vigilance pouvait être relâchée.
L’émergence du discours bareback a profondément divisé Aides et Act Up, deux associations de lutte contre le sida. Alors qu’Act Up eut une position très ferme à l’égard du bareback, pointant les risques encourus (transmission de l’hépatite C, doute sur le statut sérologique des partenaires), Aides eut tendance à accompagner cette pratique plutôt que de la condamner, par exemple en organisant des groupes de parole de barebackers.
Le sexe sans préservatif est aujourd’hui une pratique fantasmée et idéalisée. Deux partenaires réguliers se passent du préservatif après quelques mois (semaines ?) de relations et des tests sanguins afin de se rassurer mutuellement sur leur absence d’infection sexuellement transmissible. Mais cela présuppose que les deux partenaires respectent l’exclusivité sexuelle à laquelle ils se sont obligés, voire qu’ils aient d’autres partenaires mais avec lesquels le préservatif s’impose systématiquement. Or si l’un des deux faute sans protection, sous le feu de l’excitation de l’adultère, serait-il en mesure de l’avouer à son partenaire ? « Chéri(e), j’ai glissé sans capote, donc c’est un peu chaud, ce serait mieux si on utilisait à nouveau des préservatifs quand on couche ensemble, le temps d’une nouvelle analyse sanguine. » Impossible à avouer dans la plupart des couples. D’autant qu’il est considéré comme normal pour les couples de se passer de préservatif au bout de quelques mois de relation.
Certains tenants du bareback qualifient aussi le préservatif de « contraignant », voire de « réducteur de sensations ». Le préservatif est également, pour certaines personnes, une solution impossible à envisager à cause d’une allergie au latex ou parce que les tailles standard des préservatifs dans le commerce ne sont pas adaptées à leurs mensurations. Des solutions existent pourtant, allant du préservatif en polyuréthane (sans latex) au préservatif sur mesure. La marque TheyFit propose par exemple des préservatifs de quatre-vingt-quinze tailles différentes, combinant toutes les largeurs et les longueurs possibles. Certains hommes dont la taille de pénis est atypique et qui ont testé le préservatif sur mesure après avoir utilisé des préservatifs de taille standard durant des années y ont largement trouvé leur compte. « Je flottais dans les préservatifs de taille normale, maintenant j’ai enfin des sensations », raconte l’un d’eux, quand un autre, se lamentant que ses préservatifs étaient toujours trop petits, estime qu’il peut maintenant enfiler ses capotes « sans difficulté et sans me sentir trop serré ». D’autres marques, My.Size pour ne pas la nommer, se préoccupent également de savoir si un pénis est en forme de fleur, cintré ou droit, pour proposer les préservatifs qui procureront le meilleur confort et les plus belles sensations.
Un des vecteurs majeurs de promotion du sexe sans préservatif est l’industrie pornographique. Lou Charmelle, actrice X française, racontait ainsi en 2010 : « Il est, hélas, presque impossible maintenant de tourner à l’étranger avec protection systématique. C’est pour cela que j’ai mis du temps à me décider avant d’aller travailler à Budapest*. » Dans un milieu où acteurs et actrices rencontrent un nombre élevé de partenaires sexuels (sans compter les partenaires hors caméra), on pourrait s’étonner de l’absence régulière de préservatifs à l’écran, même si les contrôles sanguins sont nombreux et rigoureux. Car le sida n’est pourtant pas le seul risque encouru : en août 2012, l’industrie pornographique californienne a dû suspendre tous les tournages en cours après qu’une dizaine de cas de syphilis ont été détectés parmi ses membres. Katsuni, actrice X qui écrit régulièrement des chroniques sur les sites Internet des Inrockuptibles et Le Plus du Nouvel Observateur, défendait pourtant en février 2012 cette liberté de choix en ces termes : « Si les films pornographiques peuvent, au même titre que le cinéma, la musique, les jeux vidéo et tout produit de divertissement, avoir une influence sur leur public (en particulier si celui-ci est jeune et pas assez informé pour prendre suffisamment de distance), il reste un outil masturbatoire, un stimulant sexuel, il n’est pas un modèle, il n’est pas un guide, à moins qu’il ne se revendique, dans certains films spécifiques, didactique. » Elle professe ainsi que les spectateurs de films X « préfèrent les films sans préservatifs car [ils reflètent] une sexualité plus fantasmée ». On peut faire un parallèle avec les cascadeurs dans les films d’action : n’essayez pas chez vous.
* Entretien avec l’auteur.
Lire aussi : Chlamydiae, IST, Latex, Préservatif, Préservatif féminin, Sida, Syphilis
BDSM
BDSM est l’acronyme de bondage-discipline, domination-soumission, sadomasochisme. On parle respectivement de relation BD, D/s et SM.
Les jeux BDSM sont très nombreux et incluent les fétichismes, les perversions, les humiliations, les jeux cérébraux de domination. Certains protagonistes les agrémentent de rituels religieux au cours desquels les pratiquants utilisent la souffrance (autoflagellation, privation de nourriture, etc.) pour entrer en transe.
Le terme « BDSM », apparu dans les années 1990, regroupe différentes pratiques sexuelles, déviantes des normes classiques entre deux personnes, où l’une joue un rôle « sous » (soumise, masochiste, attachée, etc.) et l’autre un rôle « sur » (dominante, sadique, attacheuse, etc.). Lorsque les rôles ne sont pas constants et qu’un partenaire est tantôt soumis, tantôt dominant, on parle de partenaires « switch ».
Dit autrement : « Le BDSM, c’est pute et soumis si je veux », affirme avec un poil de provocation un pratiquant. Quelques amateurs du genre ont monté le forum Internet BDSM ou abus, dans le but d’ouvrir « un lieu d’écoute et d’aide aux victimes de violences psychologiques ou physiques dues aux dérapages du BDSM et ce, quels que soient leur sexualité (hétéro, bi, homo) et leur sexe (homme, femme, transgenre) ». BDSM ou abus est également un lieu de prévention et d’information pour une pratique sécurisée, saine et consensuelle, responsable et respectueuse des individus. Dans ce cadre, le forum s’implique aussi activement dans la lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles. La sécurité des pratiquants est son principal souci.
Safe, sane and consensual (« Sécurisée, saine et consensuelle »), c’est la pratique BDSM qui tend à se répandre ces dernières années. En attestent, entre autres, les soirées organisées dans toute l’Europe (Torture Garden à Londres, festival X-plore à Berlin, Nuits fétichistes à Paris, etc.) et la création, en 2008, de l’association PariS-M (prononcez « Paris s’aime ») qui organise des dîners pour enseigner les préceptes de la contractualisation aux novices et échanger les astuces sur n’importe quel sujet déviant.
C’était déjà dans une optique de sécurisation et d’écoute réciproque que Leopold von Sacher-Masoch, écrivain autrichien du XIXe siècle qui a donné son nom au masochisme, rédigeait et signait un contrat avec ses dominatrices. Aujourd’hui, l’usage d’un safe word (« mot de sécurité ») est recommandé pour s’assurer de l’accord et de la sécurité des pratiquants. De fait, il arrive parfois dans certaines mises en scène que le mot « non » fasse partie du jeu, notamment lorsqu’il est prévu que la personne soumise feigne de résister aux injonctions. Il faut alors un autre mot, sans lien avec le contexte, pour identifier un vrai refus. Par exemple, Felix Ruckert a proposé à ses stagiaires de l’atelier « BDSM, l’art de jouer » d’utiliser son prénom pour opposer un non définitif à une expérience non souhaitée. Plus couramment, à l’image des feux tricolores, le code « vert/orange/rouge » permet d’indiquer sans risque de confusion « vas-y, j’aime ça/je n’aime pas la tournure que prennent les événements mais je la supporte/arrête immédiatement ».
Dans son essai La Domination féminine paru en 1995, Gini Graham Scott dénonce à travers un témoignage qu’elle a recueilli les limites d’une relation BDSM non consensuelle : « Quand Travis commença à réaliser les fantasmes qu’il avait depuis longtemps, il dit à une dominatrice professionnelle qu’il pouvait tout supporter, y compris une douleur intense. Elle le fouetta donc sévèrement et, bien qu’il la suppliât d’arrêter, elle ignora ses plaintes comme s’il s’agissait de réplique d’une comédie, ce qui effectivement est souvent le cas. Mais alors qu’une femme dominante expérimentée observe le langage corporel de l’homme pour différencier les plaintes authentiques, cette femme ne fit pas attention et continua à frapper. Pour Travis, la séance fut une expérience affreuse et il garda durant deux semaines de larges marques rouges. »
En fait, le philosophe Gilles Deleuze explique que le terme « sadomasochiste », inventé par Freud, est un contresens : un vrai sadique apprécie la douleur de l’autre « et en jouit d’autant plus que la victime n’est pas consentante », ce qui n’est pas le cas des relations masochistes au sens de Leopold von Sacher-Masoch qui, au contraire, indiquait à ses « bourreaux » ce qu’il attendait d’eux, dans une soumission toute volontaire.
En général, les « dominas » sont des femmes ou des travestis, même si les hommes non travestis peuvent parfois en être. Le fait est que, en France, les hommes célèbres qui ont dominé à titre professionnel, comme Maîtresse Nikita ou Maîtresse Gilda, exerçaient vêtus de vêtements « féminins » et se faisaient appeler « Maîtresse ». Selon un contributeur de Wikipedia, « certains donjons internationaux sont organisés par des dominatrices expérimentées qui savent choisir leur personnel. D’autres ne sont que de vulgaires maisons de passes appartenant à la mafia. Avec des dominatrices plus ou moins bien formées, dont certaines ne sont ni bonnes psychologues ni bien attentionnées. Fort heureusement, ces dominatrices ne font pas carrière. »
Felix Ruckert vise trois objectifs lorsqu’il propose des stages autour du BDSM et de l’exploration corporelle et sexuelle : 1) permettre aux adultes de s’amuser, de construire un cadre dans lequel les grands enfants qu’ils sont restés peuvent se laisser aller et où les explorateurs qui sommeillent en eux peuvent se découvrir de nouvelles facettes et en découvrir chez l’autre ; 2) améliorer la connaissance de leur corps et du corps de l’autre, mieux se comprendre, atteindre les limites entre plaisir et souffrance, tant sur un plan philosophique que somatique ; 3) les amener à acquérir une certaine maîtrise des enjeux politiques qui dominent nos vies. La domination sociale existe partout, et en avoir conscience, même dans un espace restreint, en jouer et l’utiliser à bon escient n’est pas fréquent. « Souvent, explique Felix, les personnes socialement soumises (ou trop soumises à leur goût à un chef abusif ou autre) apprécient de pouvoir enfin dominer quelque chose dans leur vie. Inversement, les personnes qui ont des hautes responsabilités savourent les moments d’abandon entre les mains d’un dominant éventuellement sadique, mais bien intentionné*. » Selon lui, l’exploration sexuelle est définitivement politique et ce ne sont pas les différentes législations à ce sujet qui contredisent ce constat.
La plupart des pays européens autorisent les pratiques BDSM entre adultes consentants avec, dans certains cas, deux grandes limites. Les maisons de domination qui permettent de jouer avec une dominatrice sont interdites en France, contrairement à certains pays du Nord de l’Europe (Allemagne, Pays-Bas) et tombent sous le coup des lois sur le proxénétisme. La seconde limite est la jurisprudence britannique qui fit suite à l’affaire Spanner en 1991. En 1990, après une longue opération de surveillance incluant des moyens illégaux (dont l’ouverture de correspondance privée), la police anglaise s’introduisit chez des particuliers de Birmingham, à une centaine de kilomètres de Londres. Ces particuliers organisaient régulièrement des soirées entre homosexuels sadomasochistes. Cette histoire ne concernait que des adultes, tous consentants, et aucun débordement, qui aurait pu donner lieu à des soins médicaux par exemple, ne fut constaté. Les homosexuels en cause ont été condamnés à de lourdes peines (cinq années de réclusion pour l’un d’entre eux) et le droit à disposer de son corps en a pris un coup. Dans la foulée de cette affaire, des SM Pride (marche pour la fierté sadomasochiste) furent organisées régulièrement à Londres. Toutefois, cette décision de justice a été confirmée par la Cour européenne de justice en 1997, limitant ainsi le droit à se faire du mal, même de manière consentie, à partir du moment où la peau est marquée. La France interdit également la mutilation, ce qui peut induire des conséquences étranges : difficultés pour les hommes à se stériliser s’ils ne souhaitent pas avoir d’enfants, obstacles à faire réaliser certains piercings et, bien entendu, limites potentielles dans les relations SM.
* Entretiens avec l’auteur.
Lire aussi : Bondage, Botte, Cage de chasteté, Culotte, Fétichisme, Freud (Sigmund), Maison close, Perversion, Pied, Prostitution, Sacher-Masoch (Leopold von), Sade, Trampling, Vanille, X-plore
Alison Bechdel est une dessinatrice américaine auteur de bandes dessinées. Elle a notamment écrit et illustré Dykes To Watch Out For, que l’on pourrait traduire par « Lesbiennes à surveiller ». Dans une planche intitulée « The Rule » (la règle), deux personnages féminins discutent l’idée d’une sortie au cinéma. L’une d’elles, précise alors qu’elle suit quelques règles lorsqu’elle choisit ses films : primo, il doit y avoir deux femmes, deuzio, ces personnages doivent discuter entre elles et, tertio, leur conversation doit porter sur autre chose qu’un homme.
Cette règle fut reprise par des féministes, qui lui donnèrent le nom de « test de Bechdel ». Créé en 2008, un site Internet, BechdelTest.com, recense les films qui passent le test et ceux qui, étonnamment ou non, échouent sur un, deux, voire les trois critères. Si les films de super-héros sont recalés sans surprise aucune, d’autres subissent un sort égal alors qu’on ne les aurait pas imaginés machistes : c’est le cas d’Avatar de James Cameron, du dernier Harry Potter sorti en 2011, de la trilogie originelle de Star Wars (épisodes IV à VI), de la trilogie intégrale du Seigneur des anneaux (et pourtant, il y a du monde à l’écran) ou de La vie est belle de Roberto Benigni.
Il est assez futile de discuter la façon dont telle ou telle œuvre échoue à passer le test, car il n’a que la prétention d’être indicatif, de l’aveu d’Alison Bechdel elle-même. Mais son application sur un grand nombre de films montre bien une large sous-représentation des personnages féminins dans les longs-métrages hollywoodiens. L’école de journalisme californienne USC Annenberg a réalisé une étude sur les cent productions cinématographiques les plus vues aux États-Unis en 2009 : seuls 32,8 % des rôles sont féminins. Soit un peu plus de deux hommes pour une femme à l’écran.
Lire aussi : Barbe (La), Genre (théorie du)
Beurre
Pourquoi parler de beurre dans ce dictionnaire ? Prenez quelques secondes avant de lire les lignes suivantes et faites le lien entre beurre et sexe. L’expérience, tentée par jeu sur Twitter en novembre 2010, montre que pour beaucoup la matière grasse évoque immédiatement la scène du film Le Dernier Tango à Paris, de Bernardo Bertolucci, où Marlon Brando se sert d’un morceau de beurre comme lubrifiant lors d’un viol filmé. L’actrice, Maria Schneider, dix-neuf ans à l’époque des faits, n’en est d’ailleurs pas sortie indemne. L’acteur et le réalisateur ne se sont piteusement (mais simplement) excusés auprès d’elle que des dizaines d’années plus tard.
Depuis, comme en témoignent les multiples traces laissées sur Internet, nombreux sont les couples en panne de lubrifiant qui utilisent de la vaseline, de l’huile, du beurre ou n’importe quel autre corps gras en substitution. Cependant, cette méthode historique de lubrification ne devrait plus être en usage aujourd’hui, y compris lorsque l’on est adepte de méthodes « naturelles » et écologiques. Pourquoi ?
Comme Damien Jayat, médiateur scientifique, me l’a expliqué, le gras détruit l’équilibre de la flore vaginale*. C’est une première raison pour laquelle il est déconseillé dans les rapports hétérosexuels de pénétration.
En outre, le professeur Nimbus, du Jardin expérimental et cultures de sciences, m’a envoyé la démonstration de la dissolution du latex – dont les préservatifs sont généralement composés – dans les corps gras : « Ce que l’on appelle latex est un polymère caoutchouteux obtenu à partir d’une suspension laiteuse. Si l’on pouvait agrandir le diamètre de l’un de nos cheveux à la hauteur du mont Everest, on verrait que cette suspension contient des molécules s’entortillant dans tous les sens, ressemblant davantage à de la graisse qu’à de l’eau. Le racisme moléculaire est tel que le vieil adage “qui se rassemble s’assemble” fait foi quant aux affinités. Ainsi, de même que le sucre se dissout dans l’eau car il a comme elle des oxygènes et hydrogènes, le latex ressemblant au beurre, il s’y dissout* ! »
CQFD. Aussi, lorsque l’on choisit d’utiliser des préservatifs, il est nécessaire d’utiliser un lubrifiant adapté – à base de n’importe quoi qui ne soit pas un corps gras – et il est préférable de garder le beurre pour les tartines et l’huile pour le massage (ou la salade, au choix).
* Entretiens avec l’auteur, janvier 2011
Lire aussi : Cuisine, Écologie, Latex, Lubrifiant, Préservatif, Préservatif féminin
Contraction des mots « bite » et « gifle », ce terme poétique et fleuri désigne une pratique qui consiste à gifler son (ou sa) partenaire avec sa bite, ou du moins à imprimer un mouvement de tamponnage sur la joue avec le gland. Fortement promue par les films pornographiques, cette expérience reste cependant confidentielle dans la sexualité réelle et n’est pas répertoriée parmi les pratiques référencées dans les enquêtes sur la sexualité. Elle possède un potentiel comique qui peut considérablement réduire la tension sexuelle, ainsi que le raconte un témoin : « Lorsqu’il m’a biflée, j’ai été prise d’une crise de rire terrible. » Plus encore, dans le Kata-sutra, recueil de textes sur les petites catastrophes du sexe, il est fait mention de la bifle en ces termes : « En général, la bifle ne fait pas l’objet de négociations verbales précoïtales. Quel mec se voit en train de demander : “Je peux te souffleter la joue avec ma bite ?” Aucun. Pour la simple et bonne raison que c’est ridicule et qu’ils en ont quand même conscience. »
Avant que ce mot n’émerge il y a quelques années, la pratique de la bifle était désignée par d’autres termes moins explicites : certains utilisaient par exemple le verbe « tapoter ». D’après un panel scientifique de dix convives au restaurant, 50 % des Français connaissent le mot « bifle ».
Lire aussi : Kama-sutra
Binge sex
Le binge sex est une pratique dont le nom, d’origine anglaise, a été calqué sur le binge drinking. En ce qui concerne l’alcool, l’objectif est de se saouler le plus vite possible en ingérant un maximum d’alcool de qualité indifférente pour ensuite vomir sans en garder aucun souvenir. La pratique, essentiellement adolescente, a inquiété de nombreux parents, éducateurs, politiciens et médecins. Sa transposition au sexe est-elle une légende urbaine ou une réalité ? Une fois l’enquête commencée, force est d’admettre que le binge sex est une réalité.
« Il s’agit de se taper un max de mecs en très peu de temps, à se saouler de sexes, à ne plus savoir avec qui on a baisé, à se salir, à s’étourdir », m’a expliqué une femme qui a été un temps adepte du binge sex*. Cela s’apparente à un psychotrope « comme un autre », utilisé pour « oublier ». Même si cette pratiquante explique que cela n’a pas eu de conséquences sur sa santé, car elle s’est toujours protégée et n’a jamais associé sexe et drogues.
Dans le binge sex, les pratiquants voient la sexualité comme une expérience étourdissante, transgressive, un peu malsaine, et cherchent à aller le plus loin possible dans le nombre de partenaires, en privilégiant des personnes pour lesquelles ils n’ont aucune attirance physique ni émotionnelle. Pour ceux qui sont dans une optique plus destructrice que le témoin cité, cela peut s’accompagner de pratiques bareback, c’est-à-dire sans préservatif. Comme pour l’alcool ou n’importe quelle attitude addictive et excessive, certains ex-adeptes récusent leurs anciens jeux et, dans un rejet total, se tournent vers l’abstinence ou le Straight Edge.
Pour quelques-uns, le plaisir de l’humiliation devient prégnant ; ils se tournent alors vers des pratiques de dirty talking (insultes, mots crus) ou de BDSM. « Il y a différentes manières de se salir par le sexe. Après avoir essayé de m’enivrer dans du binge sex ou du sexe rapide à la chaîne, j’ai réalisé que ça ne me convenait pas et je suis passé à des pratiques où la relation à l’autre est plus stable et plus établie, mais avec des jeux de domination/soumission et d’humiliation qui me plaisaient et que j’avais découverts par ce biais », témoigne un quarantenaire*.
Pour une majorité, cette expérience de vie reste, comme la cuite à l’alcool, un rite initiatique sans grande conséquence, dont la gueule de bois ôte l’envie de recommencer.
* Entretiens avec l’auteur.
Lire aussi : Abstinence, Asexuel, Bareback, BDSM, Insulte, Souillure, Straight Edge
Bisexualité
Au sein de la famille LGBT, le b de bi est loin d’avoir une place prépondérante. Une seule association française promeut l’émergence d’une identité bisexuelle : Bi’cause, fondée en 1995, organise rencontres et ateliers de discussion, et soutient les bisexuels contre la biphobie. Elle a été créée en réaction aux difficultés des bisexuels à se faire entendre auprès des homosexuels : le cul entre deux chaises, il leur est parfois reproché de ne pas choisir leur camp.
La bisexualité féminine est nettement plus tolérée socialement que la bisexualité masculine. Une bisexuelle suscite le fantasme et, dans les milieux libertins, les pratiques entre femmes sont considérées comme « normales ». Un homme bisexuel, au contraire, suscite la peur : considéré comme un homosexuel qui se cache, il est doublement rejeté. On trouve des hommes réellement bisexuels qui se revendiquent homosexuels avec des « expériences féminines occasionnelles » afin d’éviter d’être taxés de traîtres. Il est également possible de voir dans cette différence de considération des bisexualités féminine et masculine l’influence de la première enquête réalisée sur la bisexualité et le sida, en 1996, par Rommel Mendès-Leité, qui ne concernait que des hommes « et leurs épouses ». Le sida a longtemps été considéré comme la maladie des homosexuels, tant et si bien que les hommes bisexuels étaient vus comme des passerelles de transmission du virus entre les homosexuels et les femmes.
En règle générale, cependant, la bisexualité est moins apparente car elle laisse la possibilité d’afficher à son entourage la seule face hétérosexuelle de son orientation, en cachant la part homosexuelle, plus difficile à assumer socialement. Ainsi, des hommes ou femmes présentent à leurs parents leurs petits amis de sexe opposé mais s’en abstiennent lorsque le partenaire est du même sexe qu’eux.
La bisexualité serait-elle contre toute attente l’avenir du mouvement LGBT ? C’est une des pistes avancées par l’enquête Contexte de la sexualité en France (CSF), publiée en 2006. S’inscrivant dans les pas de la théorie du genre, elle cite plusieurs auteurs qui indiquent qu’à la naissance tous les individus sont bisexuels. Ce serait la pression sociale qui les orienterait ensuite massivement vers l’hétérosexualité. Elle se conclut sur ces mots : « On pourrait imaginer que l’évolution future de la sexualité dans les pays occidentaux ira beaucoup plus vers un plus grand nombre d’individus des deux sexes ayant des pratiques à la fois homosexuelles et hétérosexuelles, sans que le nombre d’individus s’affirmant exclusivement homosexuels n’augmente dans les mêmes proportions. »
Lire aussi : Étude, Genre (théorie du), Hétérosexualité, Homosexualité, Pansexualité, Queer
Blanc pour la cocaïne, bleu pour le Viagra, le « blanc bleu » est l’association de ces deux drogues en une même prise.
Alors que la cocaïne a la réputation de doper les performances charnelles, une étude comparant ses effets sur la sexualité avec ceux de l’héroïne, réalisée par la clinique américaine du National Institute of Health en 2010, a montré que 41 % des usagers du rail subissent une baisse de leur désir sexuel lors de la prise, contre seulement 22 % des consommateurs d’héroïne. D’après cette même enquête, la diminution des performances sexuelles est encore plus importante puisqu’elle touche la moitié des cocaïnomanes au moment de l’usage, les fonctions sexuelles revenant à la normale après la descente.
La question posée par les médecins chercheurs est alors de savoir pourquoi la cocaïne est souvent prise dans un contexte sexuel alors qu’elle présente autant d’effets négatifs à cet égard, notamment par rapport à l’héroïne. Pour eux, cet usage s’explique par le contexte dans lequel elle est consommée et l’augmentation de la confiance en soi qu’elle génère, hypothèse confirmée par les études de l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie. L’OFDT montre en effet que la cocaïne est essentiellement prise dans des cadres festifs pour son pouvoir stimulant.
Plusieurs expérimentateurs ont popularisé le mélange viagra-cocaïne comme palliatif aux défaillances liées à la poudre blanche. Cette association est de plus en plus fréquente et commence à faire du bruit. Le sexologue Damien Mascret explique : « Jusqu’à maintenant, on ne parlait pas d’un danger particulier, mais c’est surtout parce que la cocaïne, à elle seule, a déjà beaucoup d’effets cardiovasculaires néfastes (infarctus du myocarde, trouble du rythme, dissection aortique, etc.). Cependant, l’an dernier, un hôpital new-yorkais a rapporté un cas d’infarctus chez un homme qui avait associé cocaïne, alcool et Viagra… Le risque est effectivement important si on y associe des poppers et du Viagra (ou assimilés) car ils ont le même mode d’action qui dilate les vaisseaux*. »
Cocktail de surpuissance sexuelle et de confiance en soi démesurée ou mélange mortel, le « blanc bleu » n’a pas fini de faire du bruit.
* Entretien avec l’auteur, juillet 2012
Lire aussi : Drogues, Poppers, Viagra
Les blasons sont des poèmes ou des textes littéraires dédiés à une partie de l’anatomie d’une personne, à un détail qui fait chavirer l’écrivain. Un élément particulier du corps d’une personne, une personne dans son ensemble, ou même les hommes ou les femmes en général prennent alors une importance démesurée. Il s’agit d’une forme littéraire de fétichisme qui s’est développée dès le XVIe siècle, notamment autour du thème du sein des femmes. Clément Marot a publié en 1535 « Du beau tetin », qui commence ainsi : « Tetin refaict, plus blanc qu’un œuf / Tetin de satin blanc tout neuf / Tetin qui fait honte à la rose / Tetin plus beau que nulle chose ». Parallèlement, le même auteur a développé le « contre-blason », où le traitement d’une partie du corps est teinté d’ironie. Dans le même recueil où figure « Du beau tetin », Clément Marot écrit « Du laid tetin », dont le premier vers est : « Tetin, qui n’as rien, que la peau / Tetin flac, tetin de drapeau / Grand’ Tetine, longue Tetasse / Tetin, doy-je dire bezasse ? » Lorsque ces textes apparaissent, on assiste à des concours d’éloges poétiques, chaque auteur s’essayant à faire rêver les autres sur la femme dont il est épris, forcément plus belle et plus désirable que toutes les autres.
Le genre s’est par la suite étendu à différents styles (nouvelles, romans) et a perduré en France. Arthur Rimbaud, friand des blasons du corps, a écrit en 1871 avec Paul Verlaine un « Sonnet du trou du cul » qui se termine ainsi : « C’est l’olive pâmée, et la flûte caline / C’est le tube où descend la céleste praline / Chanaan féminin dans les moiteurs enclos ! » Le roman érotique Le Con d’Irène de Louis Aragon, rédigé dans les années 1920, est considéré comme le plus long blason du corps. Le musicien George Brassens a quant à lui intitulé une de ses chansons composée au début des années 1960 « Le blason », ode au sexe de la femme, prolongeant ainsi la tradition française.
Aujourd’hui encore, certaines soirées privées à connotation fétichiste et littéraire sont inaugurées par un blason du corps imaginé par chacun des convives sur une partie du corps d’une des invitées. Cette dernière devient alors la muse de la rencontre. Un tel échauffement permet ensuite de passer à des activités plus sérieuses.
Lire aussi : Con, Fétichisme, Rimbaud (Arthur), Sein
Le mot, d’origine anglaise, désigne le fait d’attacher ou l’art de créer des liens érotiques, mais la pratique, elle, est plutôt considérée comme originaire du Japon. Elle est souvent appelée kinbaku (terme qui se réfère au ligotage d’un prisonnier) ou shibari (le fait de lier).
C’est par son aspect rituel, voire religieux, que le bondage a intéressé des auteurs comme Michel Foucault, qui a associé dans son livre Surveiller et punir l’érotisme et la torture. Les martyrs morts attachés ont inspiré de nombreux artistes peintres, jouant régulièrement avec l’ambiguïté entre érotisme de la contrainte et douleur manifeste. Hans Bellmer, artiste plasticien contemporain, a par exemple réalisé une œuvre photographique à partir de sa « poupée » (une peinture, puis un mannequin qu’il pouvait mettre dans la position de son choix et démembrer à loisir) où il représente des corps de poupées ligotées, torturées, violées.
De fait, le shibari était originellement une technique de torture guerrière au cours de laquelle les prisonniers étaient attachés selon un rituel spécifique. Chaque nœud présentait un sens particulier selon le crime commis par la personne torturée et son rang social. D’après Philippe Boxis, auteur d’un documentaire sur le shibari et qui enseigne la pratique en France, « à l’époque Tokugawa (XVe et XVIe siècles), le Code pénal japonais prévoyait quatre types de punition à l’encontre des prisonniers, dont la suspension avec des cordes, baptisée kinbaku, était la plus grave puisqu’elle pouvait aller jusqu’à la mort. Pendant la période Edo (1603-1869), le hojojutsu, signifiant littéralement “l’art d’attacher avec de la corde”, était considéré comme un art martial dont les règles étaient : ne pas permettre au prisonnier de se glisser hors de ses liens, ne pas causer de séquelles physiques ou mentales, ne pas divulguer les techniques utilisées, faire en sorte que le résultat soit agréable à regarder. C’est bien sûr le dernier point qui a permis de donner naissance à ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de shibari. » C’est donc assez récemment, au XXe siècle, que l’acte d’attacher est devenu, pour la plupart des adeptes du bondage, un art érotique. Le shibari est généralement pratiqué avec des cordes de chanvre de six à huit millimètres de diamètre. De telles cordes, très solides, permettent de réaliser des suspensions. Elles sont généralement recouvertes de cire qui les rend douces. En France, elles font entre cinq mètres et huit mètres de long.
Il est vivement conseillé de ne pas se lancer dans ce genre de jeu sans avoir un minimum de connaissances pour assurer la sécurité pleine et entière des participants. En septembre 2011, un Italien de quarante-deux ans a été inculpé d’homicide après le décès d’une de ses partenaires de jeu, morte étranglée par une corde fixée autour de son cou. De tels accidents sont cependant rarissimes, un peu de bon sens, voire quelques cours (cela existe), permettent d’éviter de tels risques.
Parmi les nombreux courants du bondage, on note les jeux de type « demoiselle en détresse » où une femme est attachée et ne peut se libérer. L’attacheur peut, au gré du scénario et selon les fantasmes partagés, se transformer en violeur, en héros libérateur, etc. Ces pratiques sont plus souvent issues d’attaches dites « à l’occidentale » et se situent dans l’héritage du prince charmant qui sauve les princesses, des cow-boys et des Indiens, et de nombreux jeux d’enfants. Une autre pratique du bondage consiste à provoquer une contrainte totale et une immobilisation complète du corps, alors à la merci de l’attacheur.
Le courant esthétisant est, lui, issu du shibari. Très utilisé par les photographes et préféré des fétichistes, il séduit de nombreux artistes, dont des danseuses. Une pratiquante témoigne : « Une fois attachée et suspendue dans les cordes, je peux nager dans l’air, je me sens libre et belle. Le shibari permet de faire ressortir les seins ou les fesses. En plus, la sensation des frottements de la corde lorsqu’elle est douce est délicieuse*. » Ce courant artistique est aujourd’hui animé par le choix des matières utilisées pour la contrainte qui procurent des sensations spécifiques (latex, soie, laine, nylon, etc.). Le fétichisme s’allie alors à l’esthétique pour une coercition qui touche à la perfection érotique. Par exemple, le corset est, par essence, un instrument de contention idéal pour érotiser le corps. Considéré comme de la « mise en paupiettes » et comme une pratique ridicule par certains non-pratiquants, une adepte du bondage réplique sur un forum consacré que, pour elle, il s’agit d’un voyage dans les sens et l’imaginaire où l’on se laisse guider.
* Entretien avec l’auteur
Lire aussi : BDSM, Cage de chasteté, Fétichisme, Foucault (Michel), Japon, Latex, Religion
Le lien botte-sexualité existait déjà au XVIIIe siècle comme en atteste l’historien du langage Claude Duneton, qui dit de l’expression « proposer la botte » qu’elle « apparaît gaillardement dans ce couplet de la “Chanson du bordel” […] : “Priape fut mon cher parrain / Ce fut sur une Motte/Que je reçus le nom divin / De Jean fier à la botte / Mon vit, quoiqu’enfant / Déchargeait souvent / Sans faire la grimace” ». L’expression « proposer la botte », qui signifie crûment « proposer son vit » ou, comme l’aurait énoncé Pierre Desproges, « proposer de mettre un zigouigoui dans un pilou pilou », vient du vocabulaire guerrier. La botte dont il est question n’est pas celle dont on se chausse, mais bien la botte secrète et l’image phallique de l’épée avec laquelle on embroche son adversaire (ou partenaire). Claude Duneton estime que « la » botte avec son article déterminé est la botte florentine qui aurait désigné le « vice italien » (l’homosexualité).
La botte est, selon les fétichistes, un double symbole de puissance, de virilité et de féminité. Elle est phallique comme en témoignent les expressions susmentionnées (auxquelles on peut ajouter le « bruit des bottes » qui désigne aussi la puissance militaire). Toutefois, la botte est également proche du sexe féminin, m’expliquent deux admirateurs de la chose : « C’est chaud et humide, c’est sombre à l’intérieur », et en plus, ajoute l’un d’eux, pince-sans-rire : « Ne dit-on pas qu’on lèche les bottes ? »
Les fétichistes du pied, légèrement soumis, affectionnent souvent les bottes, car la transpiration y est plus abondante et elles permettent de mieux sentir l’odeur et l’intimité de la femme. De plus, m’expliquent les hommes interviewés pour cet ouvrage, il est une autre dimension, à ne surtout pas négliger tant elle revêt d’importance : celle de la recherche de l’humiliation. Le « lèche-bottes » est celui qui n’a pas d’ego et que l’on peut écraser à discrétion, et « être à la botte » de quelqu’un signifie bien lui obéir.
Le fétichiste du pied Docteur Boot’n’Feet, de son nom de scène, aime masser les pieds des femmes qui ont passé de longues heures dans leurs bottes : « Je ne suis pas spécialement soumis dans la vie, et même sexuellement ; mais j’aime l’idée que les bottes soient à la fois un objet de protection pour le pied de la femme et un objet sale à l’extérieur, avec lequel elles pourraient m’écraser. »
Un autre fétichiste renchérit : « La dimension de l’humiliation est importante, mais il y a aussi un réel effet esthétique, car une botte en cuir qui recouvre une jambe donne un aspect reptilien, visqueux et donc sexy. » Il ajoute : « En plus, c’est une forme de cage de chasteté du pied, on a envie de les enlever, les bottes créent le défi. »
Lire aussi : Cage de chasteté, Fétichisme, Freud (Sigmund), Perversion, Phallus, Pied, Syphilis, Trampling
Bourse
En 2002, le journal Playboy publia une édition « Enron », un numéro spécial où posaient nus des membres féminins du personnel de l’entreprise du même nom, qui avait fait faillite en raison d’opérations spéculatives et de comptabilité maquillée. Dans les années 2008 et 2009, lors de la crise boursière, au moment de l’effondrement de Wall Street, le journal de charme recherchait activement cette fois-ci des analystes financières pour une séance photo.
Si l’effondrement des bourses a mis les ménages à poil, le phénomène a aussi amené une vague d’exhibitionnisme dans le monde de la finance. Une des actions les plus commentées médiatiquement a été le mini-scandale causé par Laura Perego, actrice porno italienne qui s’est déshabillée en mars 2009 à la Bourse de Milan, un drapeau italien dessiné sur le corps. Elle-même est restée vêtue d’un simple string, et sur son torse était écrit : « L’Italie est en slip. » Elle entendait ainsi dénoncer « tous ceux qui ont mal géré nos économies ». Les forces de l’ordre l’ont évacuée, mais elle a assuré à sa sortie que « de nombreux agents de police [l’ont] complimentée et […] ont dit que [s]a protestation était juste ».
Effet secondaire de la crise, la sexualité et le corps sont devenus un moyen de lutte contre les abus bancaires. Ainsi, une rumeur venue d’un blog espagnol a fait courir le bruit d’une grève des prostituées madrilènes, qui auraient privé les banquiers de leurs services pour « les obliger à prêter à l’économie réelle ». Si ce mouvement-là n’est qu’une légende, on a pu en revanche observer une réelle stigmatisation de l’économie et en particulier de la Bourse au profit des industries de la sexualité, qui sont devenues plus valorisées socialement : les seuls dépôts importants en liquide qui ne subissent pas l’opprobre de la population se font aujourd’hui dans les banques du sperme.
Joseph Nelson, surnommé Joe, trentenaire vivant en couple, m’explique : « J’ai quitté mon boulot après dix ans dans la banque d’investissement Goldman Sachs pour lancer TheyFit [des préservatifs sur mesure] le 7 décembre 2011. Pourquoi un banquier tente-t-il de révolutionner le préservatif ? Pas pour l’argent, c’est sûr, c’est une question de fierté. Mes parents étaient fiers de moi quand j’étais trader mais, récemment, les choses ont évolué, la banque, c’est devenu le mal, il fallait que je change. »
La sexualité est devenue plus valorisante que l’argent ; c’est honteux de travailler dans la finance aujourd’hui, insiste Joe : « Qui ne voudrait pas répandre le bien dans le monde ? Nous sommes démunis pour lutter pour une meilleure santé sexuelle avec les chlamydiae et les taux de grossesse chez les adolescentes, et le VIH qui revient*. »
Quitter la Bourse pour s’occuper de vider les bourses en toute sécurité donc… Reste à voir si la tendance se poursuivra.
* Entretien en anglais par e-mails avec l’auteur, traduction de l’auteur.
Lire aussi : Chlamydiae, Économie, Grève, IST, Nudité, Préservatif
Brouette japonaise
La brouette japonaise (ou thaïlandaise, voire javanaise) est l’expression employée pour désigner une position sexuelle particulièrement acrobatique et athlétique. « On a fait l’amour comme des bêtes, je lui ai même fait la brouette japonaise », clament les fanfarons. C’est l’anti-missionnaire, considérée comme la position papa-maman ennuyeuse. Mais en quoi la brouette consiste-t-elle réellement ?
Il s’agit pour le ou la partenaire pénétré(e) de s’appuyer au sol sur les deux mains, face vers le bas. Le pénétrant l’attrape par les jambes et imprime un mouvement de va-et-vient. Il faut se figurer que, chaque fois que le pénétrant fait reculer son bassin pour prendre l’élan de la pénétration, les deux jambes, écartées de part et d’autre, ont tendance à se rapprocher et donc à se refermer, rendant impossible la pénétration subséquente. Sans compter le poids du ou de la partenaire, qu’il faut tenir fermement au prix d’un effort intense.
Ceux qui s’y sont essayés consciencieusement sont formels : « Franchement, c’est une position pour gymnastes ou sportifs de haut niveau. C’est impossible à tenir ! » L’essoufflement des partenaires après la brouette correspond à celui d’une partie de squash de deux heures. La brouette japonaise n’est donc pas très sensuelle mais, au moins, on s’amuse !
Le bateau ivre (le pénétrant s’agenouille près d’un lit pour pénétrer son ou sa partenaire qui est couché(e) dessus) ou l’andromaque (le pénétrant est allongé sur le dos, son ou sa partenaire est assis(e) sur lui de face) sont des noms de position tout aussi poétiques et nettement plus réalisables.
Lire aussi : Kama-sutra, Japon, Missionnaire
Bruitage
Pierre Desproges avait proposé avec ironie et humour des techniques de doublage de films pornos à l’usage des sourds et malentendants : par exemple, un tapotage du nez puis un écartement des mains d’une trentaine de centimètres signifiaient « tu la sens la grosse affection que je te porte ». Voilà qui était visionnaire : en 2008, une loi a imposé à tous les films des chaînes hertziennes d’être sous-titrés ou doublés avant 2010. Elle n’est pas plus appliquée que la loi du 5 mars 2009 qui prévoyait l’audio-description des films pour les non-voyants, procédé qui consiste à raconter en voix off l’action qui se déroule entre les dialogues. Mais on trouve tout de même de rares films pornographiques audio-décrits pour les non-voyants et des doubleurs professionnels de son, spécialisés ou non dans les films pour adultes.
Fred Coppula, acteur et réalisateur porno, expliquait en juillet 2011 sur le site Rue89 qu’effectivement les onomatopées sont un élément essentiel d’un film tant les bruits émis pendant l’amour diffèrent d’une culture à l’autre, d’un pays à l’autre : « Les Américaines entrent à peine en scène qu’elles poussent des petits cris alors que personne ne les a encore touchées. Les filles de l’Est ont presque toutes la même façon de jouir, avec la même intonation. On dirait que leurs orgasmes sont clonés ! Les Asiatiques couinent en ricanant à moitié. Les Françaises en font trop et ça se voit. Euh, ça s’entend, devrais-je dire ! » De plus, au début de l’industrie pornographique, à la fin des années 1970, les films n’étaient pas numériques mais tournés sur pellicule et, comme le raconte Marc Dorcel, producteur et réalisateur de vidéos pornographiques, sur le site Le Blogueur d’Arte.tv, le 13 décembre 2011 : « À l’époque, on faisait le doublage complet de la bande-son qui comprenait les dialogues et les scènes explicites. Un bruiteur s’occupait autant des bruits de voitures que des scènes de sexe. Maintenant, on ne vend plus les droits d’un film, mais des DVD pressés en France. On garde le son des scènes rapprochées, on double juste les dialogues. » Rocco Siffredi confirme dans son autobiographie parue en 2006 que le réenregistrement des souffles et soupirs est nécessaire. Sans quoi, explique-t-il, on aurait pu entendre les rires et les plaisanteries que s’échangeaient durant le tournage les acteurs, décidément de vrais boute-en-train.
Une doubleuse professionnelle spécialisée, Rexann Devaux, déclarait dans Le Journal de Montréal du 19 octobre 2003 que, dans les films pornographiques, il existe trois sons à imiter : la pénétration, pour laquelle elle frappe la paume d’une main avec le poing de l’autre, la fellation, pour laquelle elle suce son pouce, et les cunnilingus, dont le son est rendu par le clapotis de doigts dans un verre d’eau.
Le documentaire Il n’y a pas de rapport sexuel, conçu à partir des images capturées par une caméra qui restait allumée sur son trépied pendant les tournages de l’acteur et producteur HPG (Hervé-Pierre Gustave), montre de nombreuses autres astuces pour produire ces mêmes sons. Il révèle que la plupart des scènes, à l’exception des gros plans, sont simulées, et ce afin d’épargner les acteurs – qui en sont parfois frustrés et s’adonnent à de réelles relations sexuelles dès que le producteur a le dos tourné, mais c’est une autre histoire… Pour rendre crédibles ces actes, le bruitage est un élément essentiel. Par exemple, alors que la caméra principale filme en gros plan le visage de l’actrice hurlant de plaisir sous les coups de boutoir de Phil Hollyday, la caméra plan large montre que ses mouvements proviennent des balancements d’un rocking-chair et que son partenaire frappe dans ses mains en cadence. Finalement, lorsque votre partenaire simule l’orgasme par un bruitage que vous distinguez ou non de ses râles naturels, il ou elle ne fait peut-être que s’entraîner pour ce métier en voie de disparition. Évitez cependant un niveau sonore trop élevé, sous peine de recevoir une lettre de votre voisine dérangée d’être ainsi témoin de votre intimité. Ce genre de missives est d’ailleurs courant, si l’on en croit le site Internet Chers voisins qui recense et publie de telles correspondances.
Lire aussi : Censure, Correspondance, Pornographie
Butch
Le terme « butch » ne peut pas être évoqué sans signaler son pendant « fem ». Butch et fem sont des identités sexuelles lesbiennes.
La butch, dont le nom est dérivé de l’anglais butcher (boucher), prend à son compte l’habillement, l’allure et les comportements généralement associés par la société occidentale aux hommes. Il s’agit du stéréotype de la lesbienne masculine, à la voix grave, aux chemises de camionneur et aux cheveux courts, notamment personnifiés par Josiane Balasko dans Gazon maudit.
Au contraire, la lesbienne fem (on dit d’ailleurs « femme » pour la désigner en anglais) est gracile, s’habille en jupe, se maquille et endosse le rôle dévolu à la femme dans le couple hétérosexuel. La lesbienne butch est donc une lesbienne visible, contrairement à une lesbienne rendue « invisible » par une apparence très féminine. « Quand tu es un peu jolie et féminine, les gens ont beaucoup de mal à croire que tu es lesbienne », indique la comédienne et auteur Océanerosemarie, dans une interview à Rue69 sur Rue89, à propos de son spectacle intitulé La Lesbienne invisible.
Les couples de lesbiennes peuvent prendre plusieurs formes : butch-fem, qui voit se reproduire le schéma du couple hétérosexuel, butch-butch ou fem-fem. Le couple butch-fem a été la cible, durant les années 1970, des féministes radicales, qui reprochaient aux butch de promouvoir la culture machiste et de reproduire un schéma hétérosexuel. Ces polémiques sont maintenant éteintes, cependant la visibilité des lesbiennes et leur acceptation par la société restent encore marginales. La sexualité lesbienne, excluant les hommes, génère encore des réactions violentes et la lesbophobie peut notamment entraîner jusqu’à des viols de lesbiennes par des hommes qui voudraient ainsi leur montrer le vrai plaisir sexuel (ils parlent de « viols correctifs »). De tels crimes sont fréquents en Afrique du Sud, mais ils existent aussi en France.
Lire aussi : Genre (théorie du), Homosexualité, Queer
Butler, Judith
Philosophe féministe américaine, dont l’ouvrage Gender Trouble (Trouble dans le genre) est considéré comme fondateur de la théorie du genre.
Lire aussi : Genre (théorie du), Queer, Zone érogène