« Il faut donc faire très attention, Monsieur le ministre.
Vous devez durcir votre sexe… euh, votre texte. »
Robert-André Vivien, débat sur le budget 1976 à l’Assemblée nationale, discussions sur la taxation des films pornographiques
La vanille n’est pas, en langage sexuel, une épice utilisée dans les pâtisseries mais une façon de désigner les personnes qui ne pratiquent pas le BDSM. Une personne ayant l’habitude de fréquenter les soirées fétichistes peut dire à ses amis : « J’étais samedi dans une fête vanille », pour indiquer que la soirée n’était pas réservée aux seuls initiés et qu’il ne s’y est rien passé de sexuel. Ou encore, pour informer ses amis d’une difficulté à venir à la suite d’une rencontre amoureuse, un fétichiste peut énoncer : « J’ai rencontré quelqu’un, mais il est vanille, je ne lui ai pas encore dit. » Une telle phrase sous-entend qu’il n’a pas fait son coming out parce que le partenaire est encore trop « innocent ». En général, la notion de vanille est apprise en même temps que celle de fétichisme ou de BDSM.
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Vasectomie
La vasectomie est une technique chirurgicale de contraception masculine. Elle consiste à couper les canaux déférents, qui acheminent les spermatozoïdes des testicules à la prostate. La coupure de ces canaux rend le sperme infertile, tout en n’altérant en rien le désir, l’érection ou l’éjaculation.
Cette technique est légère à mettre en œuvre (chirurgie ambulatoire, pas d’anesthésie générale) mais elle est peu pratiquée par les urologues qui soit n’en parlent pas à leurs patients, soit refusent de réaliser cette opération. C’est pourquoi Sébastien a décidé de créer le site VasectomieenFrance.unblog.fr pour permettre aux internautes intéressés d’avoir accès à des informations pertinentes sur la question : « On trouve peu d’informations sur la vasectomie en France et en français. Personnellement, je trouve (sans être féministe) que c’est toujours la femme qui “trinque” (grossesse, contraception, salaire, positionnement dans l’entreprise, etc.), alors que cette technique est plus simple et moins onéreuse que la ligature des trompes. Le corps médical français reste attaché à des acquis financiers : les opérations les plus lourdes rapportent beaucoup plus qu’une simple vasectomie*. »
Cette stérilisation volontaire se heurte aux principes français de bioéthique. La loi française stipule qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui ». Il est difficile, dans ce cas, d’expliquer l’intervention par une nécessité médicale, mais cela vaut aussi pour toutes les opérations de chirurgie esthétique non reconstructrices. Pour les injections de botox, les liftings ou les poses d’implants mammaires, la chirurgie est justifiée par le danger psychologique qui menace la personne qui souhaite ainsi modifier son apparence physique. Les médecins n’entendent pas de cette oreille les patients qui leur réclament une vasectomie : craignant un futur procès de certains d’entre eux qui changeraient d’avis et se verraient privés de descendance, ils préfèrent passer la main. La loi les oblige alors à rechercher un autre médecin qui accéderait à la requête de leur patient, mais, dans les faits, cela n’arrive pas. Les médecins usent parfois d’autres arguments pour refuser l’opération, particulièrement à ceux qui n’ont pas encore d’enfants et/ou qui sont considérés comme trop jeunes : « Vous êtes jeune et naïf », « Quand vous aurez une nouvelle bonne femme dans dix ans, vous reviendrez me voir pour l’opération inverse », ou encore : « Vous êtes trop dépressif. » Ces praticiens considèrent ainsi que le non-désir d’enfant est anormal et que la stérilité a un caractère plus définitif que le fait d’avoir un enfant.
La congélation du sperme est une solution abordable (42 euros par an dans un centre de conservation) qui permet de pallier un éventuel changement d’avis, même si les chances de réussite sont du même ordre qu’une grossesse lors d’un rapport sexuel, c’est-à-dire loin d’une réussite assurée.
* Entretien avec l’auteur, mars 2012.
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Veil, Simone
Parmi les nombreuses réformes qu’a connues la loi française en 1975 autour de la sexualité (classement X, âge de la majorité sexuelle, divorce par consentement mutuel), la légalisation de l’avortement reste un acquis historique associé à celle qui a porté le projet devant le Parlement : Simone Veil.
Alors qu’elle était haut fonctionnaire au ministère de la Justice, elle a été nommée ministre de la Santé par le Premier ministre Jacques Chirac, en 1974, alors que ce dernier cherchait à placer des femmes dans son gouvernement. La France était alors sous le régime de la loi pénale de 1920, qui interdisait tout avortement ou toute « propagande anticonceptionnelle ». Cette loi avait été votée dans un contexte de relance de la natalité après la Première Guerre mondiale et avait servi à faire guillotiner, sous le régime de Vichy, Marie-Louise Giraud, blanchisseuse, pour avoir pratiqué vingt-sept avortements clandestins. Elle permettait en outre d’interdire à vie l’exercice de la médecine à ceux qui avaient pratiqué un avortement.
La situation était cependant devenue intenable sur l’IVG, l’interruption volontaire de grossesse. Les plus aisés pouvaient financer des voyages pour avorter à l’étranger tandis que, pour les moins riches, les avortements sauvages restaient de mise. Le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), fondé en 1973 en marge du MLF (Mouvement de libération des femmes), mettait par ses actions publiques la pression sur le gouvernement. Simone Veil précise dans son autobiographie Une vie que le chef de l’exécutif n’était pas le plus pressé à se saisir de cette question : « Les femmes se sont toujours débrouillées… elles continueront à se débrouiller. » La légalisation de la contraception, connue sous le nom de loi Neuwirth, votée en 1967 mais appliquée seulement en 1972, avait occasionné des débats houleux à l’Assemblée nationale. Alors qu’elle donnait aux femmes la complète maîtrise de leur corps, c’est un Parlement constitué de 463 hommes, pour 7 femmes élues, qui avait dû l’examiner. Le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur a publié un manifeste, signé par 343 femmes qui y font acte de désobéissance civile en affirmant avoir déjà avorté clandestinement. On y retrouve Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Françoise Sagan ou Jeanne Moreau. Ce texte, surnommé le « Manifeste des 343 salopes », a eu un retentissement immédiat.
Jacques Chirac a apporté son soutien à Simone Veil tout en utilisant les mots « affaire de bonnes femmes » pour qualifier l’avortement. Valéry Giscard d’Estaing, lui, a toujours pleinement appuyé ce projet, finalement voté, après des débats historiquement houleux au Parlement, par 277 voix contre 192, composées d’une courte majorité des voix de droite et de la totalité des voix de gauche.
Une clause de conscience a été ajoutée à cette loi, permettant à tout médecin de refuser de la pratiquer, à la demande d’un conseil de l’ordre des médecins qui s’était déclaré totalement hostile au projet de loi. Cette clause a contenté un clergé qui s’est montré relativement progressiste sur cette question, même s’il a été débordé par une frange extrémiste et d’extrême droite qui n’a pas manqué, en mettant en exergue les origines juives d’une Simone Veil rescapée d’Auschwitz, d’agiter le sentiment antisémite.
Aujourd’hui, ce cadre légal ne doit pas être considéré comme un acquis immuable. Il est souvent remis en cause, dans de nombreux pays, que ce soit par la droite espagnole lors de son retour au pouvoir en décembre 2011 ou lorsque Marine Le Pen, au plus fort de la campagne présidentielle de 2012, a utilisé les mots « avortement de confort ».
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Viagra
Le sildénafil est, à l’origine, une molécule destinée à lutter contre les problèmes cardiaques et censée réduire la pression artérielle. En 1992, les chercheurs du laboratoire anglais Pfizer explorent les principes actifs de cette formule chimique. Ce faisant, ils mettent en évidence un effet secondaire notable : une amélioration de la vie sexuelle des patients.
En 1998, ils obtiennent pour cette découverte le prix Nobel de médecine et le Viagra est autorisé à la vente aux États-Unis la même année. L’État fédéral sert alors de plaque tournante pour tout le continent américain. En Europe, c’est la Suisse qui vend la première le médicament magique et se retrouve régulièrement en rupture de stock. Au même moment, Internet tend à se démocratiser… permettant à la pilule bleue d’être diffusée partout dans le monde dès son lancement. Son nom serait la contraction de « vigueur » (vigor en anglais) et de « Niagara » qui suggère la puissance de ses chutes.
Dès sa popularisation, le Viagra devient un grand sujet d’actualité : ses dangers, ses conséquences sur la santé, ses effets psychologiques, économiques, relationnels, etc., envahissent la presse. Parmi les contrecoups inattendus de la molécule : la fin du divorce pour impuissance. Puisqu’un divorce peut être prononcé aux torts d’un mari qui n’honorerait pas sa femme, il n’a même plus l’excuse de l’impotence : il doit se soigner. Mais, ce qui bouleverse surtout la société, c’est la remise en cause du fameux « ordre naturel des choses » de l’érection. Sexologues, cardiologues, urologues, journalistes, psychologues, sociologues et tous les experts possibles et imaginables se sont mobilisés autour de ce thème.
Bertrand Monnard et Cathy Macherel, journalistes suisses, publient, toujours en 1998, sur le site Hebdo.ch du journal L’Hebdo, un article passionnant dont l’incipit est : « Ruée dans les pharmacies, rumeurs et histoires croustillantes à souhait : l’effet le plus évident du Viagra, c’est surtout de réveiller le mythe universel de la superpuissance sexuelle. » Ils y relatent moult témoignages d’hommes qui ne pouvaient plus obtenir d’érections et que la pilule magique a transformés au point que le sexologue genevois Georges Abraham persifle : « Je n’aurais jamais pensé qu’il y avait autant d’impuissants en Suisse et dans le monde. » Le même article raconte, au-delà de ces hommes littéralement transformés en bêtes de sexe, des histoires destinées à détourner la population de ce médicament dont l’abus pourrait conduire à une punition quasi divine : « “Un mari libanais se transforme en une bête sauvage après avoir abusé de la potion miracle… Un septuagénaire américain succombe en pleine action après en avoir trop consommé… Une prostituée taïwanaise poignarde un client viagraïnomane trop entreprenant…” Peu importe de savoir si elles sont vraies ou fausses ; ce qui est intéressant, souligne Jean-Bruno Renard, professeur de sociologie à l’Université de Montpellier et spécialiste de l’analyse des rumeurs, “c’est que ces histoires dont on se délecte volontiers ont toujours une fonction sociale qui n’a rien d’anodin : celle de délivrer des messages cachés, de servir aussi d’exutoire face à des peurs diffuses”. »
Il ne s’agirait pas que la pilule bleue vienne bouleverser le caractère spontané d’une érection ou trompe les partenaires sur le désir réel d’un homme à leur égard. Globalement, le laboratoire certifie que le Viagra ne créerait pas de désir ex nihilo mais ne ferait qu’amplifier un phénomène naturel. Plus de dix ans après son apparition, beaucoup de jeunes, voire de très jeunes gens, ont testé la pilule bleue. Le sexologue Damien Mascret explique que la pression sociale a augmenté : la « panne » est toujours aussi mal vécue, mais elle ne semble plus admise*.
Les témoignages que j’ai pu recueillir illustrent la diversité des réactions à la prise de Viagra. Un aventureux vingtenaire qui n’avait pas de soucis d’érection mais qui a testé « pour voir » s’est retrouvé aux urgences, paniqué par une raideur mécanique déconnectée d’un quelconque désir et qui durait depuis plus de douze heures. Il avait pourtant fait moult tentatives d’autosuggestion d’images aux vertus habituellement débandantes (sa mère, le pape, ses examens). Les quadragénaires ne sont pas en reste dans la course à la performance, même s’ils ne présentent aucun dysfonctionnement : « J’ai toujours un quart de pilule sur moi, ça me rassure, c’est peut-être un effet placebo, confirme un homme, mais il est vrai que la fois où je l’ai utilisée j’étais déconnecté de ma partenaire et son irritation vaginale qui, d’ordinaire, m’aurait fait cesser la relation sexuelle ne m’a pas dérangé du tout. Je lui ai fait mal. »
Comme pour tout médicament et autres drogues, les réactions diffèrent en fonction de l’individu et la réalité d’une impuissance mécanique est pour ainsi dire impossible à distinguer médicalement d’un effet psychologique. Les hommes qui corroborent les dires du laboratoire et ont des érections « uniquement quand ils sont excités » existent et assurent en être plutôt satisfaits. Reste à adapter la dose, notamment en cas de mélange, comme le rappelle Damien Mascret : « Il faut aussi savoir que certains traitements du Sida multiplient par dix la concentration du Viagra, d’où la nécessité de réduire considérablement les doses de Viagra si on est sous traitement antirétroviral*. »
On n’en finit cependant pas de tenir à ce que les humains aient des relations sexuelles. En novembre 2009, après environ vingt ans de recherche sur le sujet, le laboratoire Boehring Ingelheim communiquait sur la commercialisation d’un « Viagra pour les femmes », produit que plusieurs entreprises envisageaient depuis longtemps, dont Pfizer. Par cette dénomination de « Viagra pour femme », l’industrie pharmaceutique entendait la création d’une molécule, la flibansérine (initialement un antidépresseur), destinée à revigorer la libido féminine lorsqu’elle était défaillante. Cette défaillance reste aussi difficile à définir que celles des hommes. Les examens médicaux, contre placebo, ont été concluants avec une amélioration significative du nombre de rapports sexuels satisfaisant pour les testeuses. Pour autant, on a assisté dès 2003, au moment des premiers essais, à une levée de boucliers. « C’est une maladie créée par des compagnies pharmaceutiques », publia le British Medical Journal en janvier 2003. En 2010, le laboratoire annonçait l’abandon de la commercialisation de la flibansérine, faute d’autorisation, car il n’était pas possible d’établir une norme du désir féminin. Le Viagra est devenu d’usage relativement courant pour les hommes soumis à la pression de la performance tandis que les femmes doivent toujours aimer le sexe (conjugal) mais pas trop (pas de là à les rendre infidèles) et il ne s’agirait pas non plus de les transformer en nymphomanes ou que leur désir devienne incontrôlable. À ce jour, les recherches se poursuivent autour d’une molécule susceptible d’augmenter la libido féminine, avec toujours autant de blocages de la part des institutions de mise sur le marché.
* Entretien avec l’auteur.
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Ville
Ce dictionnaire me donne enfin l’opportunité d’évoquer Montcuq par écrit. Car Montcuq sort du Lot, département situé dans la région Midi-Pyrénées. Montcuq est une destination touristique aux multiples attraits. Le site Internet de la ville déclarait lui-même, à l’approche des vacances d’été 2012 : « L’été est arrivé et porte avec lui l’odeur sucrée des vacances. » La municipalité ne s’y est pas trompée : elle sait vendre les parfums de Montcuq. Pour se rendre de Montcuq à Poil, dans la Nièvre, cinq heures de route sont nécessaires. Étonnamment, le trajet Seix-Monteton est plus court (trois heures).
Pour faire un voyage excitant sans s’infliger d’itinéraires trop durs, le Doubs regroupe trois villes qui pourraient ravir des visiteurs en quête de sensations : Burnevillers, Mouillevillers et Fessevillers. Les amateurs de Bèze, en Côte-d’Or, y trouveront certainement leur compte. Pour ceux qui voudraient enfin un peu de tranquillité, de calme et de volupté, reste la possibilité d’aller séjourner quelque temps à Anus, dans l’Yonne, village qui, par sa position relativement centrale dans l’Hexagone, permet à tous les habitants de métropole de se dire qu’ils ont un trou du cul pas trop loin de chez eux.
Quant aux touristes qui auraient exploré tous les recoins de France, ils peuvent également trouver leur bonheur à l’étranger. Connu dans le monde entier, le village de Fucking, en Autriche, est régulièrement photographié sous toutes ses coutures – en particulier ses panneaux de signalisation, rendus indéboulonnables par la fucking police suite à de nombreux larcins. En avril 2012, une rumeur (reprise entre autres par le Daily Mail, le Huffington Post, ou encore Slate.fr en France) faisait état de la volonté du maire de Fucking de rebaptiser sa ville. En réalité, il n’en était rien : le maire de Fucking déclara à l’agence Reuters qu’il n’y avait « rien de choquant » dans le nom de son village, montrant en cela que ses habitants sont des pacifistes. Fucking aurait certainement adhéré, s’il avait été situé en France, à l’Association des communes de France aux noms burlesques et chantants, fondée en 2003 et qui se réunit chaque année (tantôt à Corps-Nuds, tantôt à Andouillé). L’association est « une vitrine pour ces communes, pour sortir de l’anonymat et saisir cette occasion unique de profiter de leur nom, non pour être la risée de tous, mais bien au contraire pour se faire un nom ».
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Völling, Christiane
Thomas Völling est né en Allemagne de l’Ouest en 1960. Son clitoris hypertrophié conduisit les médecins à décider qu’il était un garçon. Il fut donc élevé comme tel, même si l’enfant s’était toujours considéré comme une fille.
Lors d’une opération de l’appendicite, à dix-sept ans, on découvrit qu’il avait un utérus en parfait état. Un chirurgien décida alors de le lui enlever et de reconstruire un pénis à Thomas en lui prescrivant des hormones mâles, afin de mettre en conformité son sexe civil et ses appareils génitaux. Parallèlement, il fit des démarches auprès de l’armée pour dispenser son patient du service militaire parce que son génotype est féminin et que le jeune n’était pas « parfaitement au courant de l’étendue de sa condition ».
C’est à quarante-six ans que Thomas, devenue Christiane et opérée comme transsexuelle MtF (homme vers femme), réalisa qu’elle était en fait intersexuée. Elle poursuivit en justice le médecin qui l’avait opérée sans son consentement éclairé et gagna, en 2008, son procès contre l’homme qui lui avait enlevé son utérus. Elle obtint également 100 000 euros pour le préjudice subi.
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