« Nous l’affirmons sans complexe, nous sommes adeptes du latex. »
Elmer Food Beat, « Le plastique, c’est fantastique »
Le statut Facebook (« célibataire », « en couple », « c’est compliqué », etc.) est un enjeu pour de nombreux adolescents, et parfois pour des adultes. C’est lui qui a fait le succès du réseau social : c’est parce que l’on pouvait savoir d’emblée si la personne approchée était ou non « disponible » que ce qui était un simple annuaire étudiant illustré est devenu un tel lieu virtuel de rencontres et d’échanges. Ce statut a aussi engendré des drames.
Ainsi, le 18 février 2008, Wayne Forrester, un Anglais de trente-quatre ans, a découvert que la mère de ses enfants, Emma, dont il venait de se séparer, avait actualisé son statut Facebook, indiquant qu’elle était célibataire. Il a immédiatement pris sa voiture pour la poignarder. Elle en est morte. L’homme s’est justifié en expliquant qu’il s’était senti « dévasté et humilié » par cet affichage prouvant qu’elle cherchait à rencontrer d’autres hommes.
Moins dramatique, une anecdote advenue à des amis, Éric et Émilie*, illustre les complications qu’apporte ce fameux « statut Facebook ». En couple depuis quelques mois à peine, ils s’étaient rencontrés chez des amis et ne vivaient pas encore ensemble. Tout allait pour le mieux sauf que… ils étaient tous les deux sur Facebook et y avaient un réseau d’amis communs assez important. Ils avaient tous les deux indiqué qu’ils étaient en couple ensemble sur leur profil Facebook. Un jour, Éric a remarqué que sa vie privée ne regardait personne et a décidé de supprimer l’indication « en couple » de son profil. Instantanément, tous les amis d’Émilie ont envoyé moult messages de soutien à la demoiselle supposée en détresse. Émilie a bien sûr été furieuse d’apprendre par ses amis qu’Éric venait de la quitter. L’explication directe entre Émilie et Éric a tardé à arriver car Éric avait sous-estimé le tsunami qu’il venait de déclencher par son changement de statut. Socialement, le couple n’avait plus d’existence depuis quelques jours lorsqu’ils en ont enfin parlé. Il n’a pas survécu au changement de statut Facebook, qui s’est avéré performatif.
Que ce soit pour les rencontres qu’il permet ou pour les scènes de ménage qui s’y déroulent, le monde dit « virtuel» a des conséquences bien réelles sur les êtres de chair.
* Les prénoms ont été modifiés.
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Faure, Félix
Félix Faure, septième président de la République française, débuta sa carrière politique à la tête du conseil municipal du Havre en 1870, en pleine guerre franco-prussienne, qui fut une dure lutte. La ville était une proie de choix pour l’ennemi, et Faure s’illustra alors par sa ténacité à collecter hommes et armes pour défendre son fief. Ardent partisan du gouvernement provisoire de Gambetta après la défaite, il devint par la suite député, sous-secrétaire d’État, puis ministre de la Marine, avant d’accéder à la fonction suprême le 17 janvier 1895. Son mandat figure cependant parmi les quickies des septennats, abrégé après quatre ans seulement. Sa fin abrupte marqua l’histoire de France.
Seul président qui mourut à l’Élysée, il fut retrouvé par ses domestiques le 16 février 1899, gisant sur le divan du Salon d’argent, à l’agonie des suites d’une probable congestion cérébrale : selon la légende, il aurait succombé à une fellation prodiguée cette nuit-là par sa maîtresse, Marguerite Steinheil. Le destin voulut d’ailleurs que Marguerite meure à Hove, dans le Sussex
Le décès subit lors du coït est un phénomène relativement répandu car, si le sexe conserve, il fait aussi monter la pression sanguine et favorise les risques d’accidents cardio-vasculaires. Plusieurs études statistiques font varier le pourcentage de morts soudaines attribuées au coït de 0,5 à 1,7 %. Huit à neuf cas sur dix concernent des hommes, qui se dépenseraient davantage que leurs partenaires féminines durant l’acte sexuel. Plus remarquable, les trois quarts des victimes sont engagés dans un rapport extraconjugal – le stress et l’excitation supplémentaire causés par l’adultère augmenteraient les risques de décès.
Mourir au beau milieu d’un orgasme, qui plus est extraconjugal, peut aussi occasionner une certaine gêne pour l’entourage du défunt, surtout si la famille du regretté considère le sexe en dehors du mariage comme une ignominie. Il devient alors difficile d’expliquer sereinement aux lointains cousins, venus assister aux obsèques, que le cœur de papi Marcel a lâché au cours d’une pipe rondement menée ou en pleine levrette. C’est ce que subit la famille, issue d’une région conservatrice des États-Unis, du comédien Jean-Marc Barr, dont l’oncle mourut dans les bras de la prostituée qui adoucissait son veuvage. L’acteur phare du Grand Bleu retranscrit cet épisode dans le film qu’il réalisa avec Pascal Arnold en 2011, Chroniques sexuelles d’une famille ordinaire.
Les professionnels du sexe n’échappent pas au danger. Greg Centauro, l’un des deux seuls partenaires à l’écran de Clara Morgane, sa compagne de l’époque, l’apprit malheureusement à ses dépens. Si la carrière pornographique de la brune se révéla assez courte (de 2000 à 2002), Greg continua sans elle son petit bonhomme de chemin. Ce performer aguerri tourna plus de trois cents films en tant qu’acteur et plus de deux cents en tant que réalisateur. Mais, le 26 mars 2011, ses exploits connurent un terme brutal, quand un arrêt cardiaque le foudroya en plein tournage d’une scène de son dernier chef-d’œuvre, Nuts, Butts and Euro Sluts 2.
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Fellation
La pratique de la fellation existe depuis qu’il y a des animaux sur terre, qu’il s’agisse de chauve-souris, de singes ou d’hommes. Cependant, le mot « fellation », qui vient du latin fellator, fellatoris (« celui qui suce »), n’intégra Le Petit Robert qu’en 1984. Des milliers d’expressions font état de cette caresse bucco-génitale, telles celles de Frédéric Dard, par exemple, qui pourtant n’habitait pas Laval : « Se croire à Saint-Claude » ou « jouer de la flûte enchanteresse » sont deux expressions « poétiques » pour désigner ce moment où l’on fait pleurer le grand chauve.
Dans le rapport Simon sur le comportement sexuel des Français, réalisé en 1972, 44 % des hommes de plus de cinquante ans disent avoir expérimenté la fellation. En 1987, le rapport Spira-Bajos compte 76 % d’hommes qui déclarent en avoir déjà connu une. À l’instar des chiffres sur la sodomie, le pourcentage de pratiquants déclarés augmente, signe d’une réelle démocratisation conjuguée à une plus grande facilité à avouer des pratiques jugées déviantes et réprimées par des dogmes religieux moins puissants.
Car la fellation n’a pas attendu la déferlante pornographique des années 1970 pour être pratiquée par tout un chacun. Elle était répandue chez les Incas, du temps de Cléopâtre, dans la Rome antique aussi, mais n’était prodiguée que par les esclaves, car elle était considérée comme humiliante pour le fellateur. On peut en observer dans les tout premiers pornos des années 1900. L’Église catholique interdit bien évidemment la fellation, comme toute pratique sexuelle ne visant pas à la procréation. Elle reste aujourd’hui interdite par la loi dans certains États d’Amérique, comme la Virginie ou l’Utah.
Nombre de fellations sont restées célèbres. Il y a celle qui fut fatale à Félix Faure, et qui valut à sa fellatrice le surnom de « Pompe funèbre ». Serge Gainsbourg, qui n’était pas le dernier à chercher la provocation, mit dans la bouche de France Gall, en 1966, les mots innocents des « Sucettes ». L’entourage de France Gall, dont son impresario, avait bien compris que ce qui coulait « dans la gorge d’Annie » n’était pas du sucre d’orge. Mais tout le monde s’était gardé de la prévenir, si bien qu’elle interpréta le morceau avec toute l’innocence d’une jeune fille. Elle se trouvait au Japon lorsque le disque est sorti. Dans un entretien à Rock & Folk, elle déclara des années plus tard : « Quand je suis revenue, je n’osais plus sortir de chez moi. Je n’osais plus faire de radio, plus de télé. » Le clip de promotion de la chanson mêle à la performance de France Gall de courtes séquences montrant des femmes suçant de façon suggestive de longues sucettes phalliques. Le montage ne laisse apercevoir ces fellations que subrepticement, donnant l’impression au spectateur qu’il est un voyeur ayant décodé une image subliminale. Une fellation à l’antenne en 1966, voilà une performance notoire de Serge Gainsbourg.
Si on pouvait sucer « tranquillement » un phallus en sucre à la télévision française au milieu des années 1960, accomplir une fellation non simulée dans un film restait, en 2004, une performance risquée. Chloë Sevigny, qui fait à l’écran une fellation à Vincent Gallo, acteur-réalisateur de The Brown Bunny, a été lâchée par son agent. Elle n’en a pas moins poursuivi sa carrière d’actrice. Bill Clinton a pu lui aussi continuer sa carrière de président des États-Unis après les fellations prodiguées par la jeune Monica Lewinsky entre 1995 et 1997 – même si le couperet est passé tout près. D’autres n’ont pas eu cette chance. Tommy Lee, batteur de Mötley Crüe et vidéaste notoire, a tourné en 2009 une scène de fellation dans un hélicoptère avec l’actrice porno Puma Swede. L’attention du pilote en été légèrement perturbée et la trajectoire zigzagante de l’appareil a attiré l’attention de la police des airs. Le pilote a fini par perdre sa licence. Le film Shortbus, sorti en 2005, s’ouvre par une scène d’auto-fellation : un jeune homme, allongé sur le dos, parvient en ramenant ses jambes derrière sa tête à se sucer le sexe. L’auto-fellation requiert une grande souplesse et reste compliquée à réaliser. Une légende tenace, mais fabriquée, veut que Marilyn Manson, rocker gothique grand-guignolesque, se soit fait enlever plusieurs côtes pour parvenir à cet exploit.
S’il existe une longue liste de célèbres fellations, il est néanmoins plus difficile de citer un cunnilingus qui soit resté dans les annales. Faut-il y voir une raison purement pratique ? La fellation est plus facile à réaliser d’un point de vue logistique : il suffit à l’homme d’ouvrir sa braguette et de sortir son sexe pour une fellation discrète, alors qu’un cunnilingus requiert d’écarter les cuisses pour permettre à un homme de venir embrasser le sexe. La discrétion n’est pas la seule raison, puisque les fellations célèbres susmentionnées ont été réalisées en toute intimité. L’enjeu de la fellation tourne autour du totem phallique et donc de la sexualité masculine et, qu’on le veuille ou non, la sexualité des femmes a été niée des siècles durant. La fellation est vue tour à tour comme un instrument de domination masculine (honneur rendu à la puissance de l’homme) ou féminine (la femme a l’homme en son pouvoir et pourrait d’un coup de dent rageur égratigner la virilité du partenaire). En clair, dans l’histoire de l’humanité, il se peut bien qu’on ait sucé plus de pénis que léché de sexes féminins.
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Le Femidom est la marque la plus connue de préservatifs féminins.
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Femme fontaine
Le plaisir féminin est depuis longtemps le parent pauvre de la recherche scientifique sur le sexe. L’éjaculation masculine a peu de secrets : l’origine du sperme, le chemin qu’il emprunte et le volume émis sont des données qui entraînent peu de débats. L’éjaculation féminine, quant à elle, reste un sujet mystérieux ouvert à tous les fantasmes.
Le mythe veut que « toutes les femmes peuvent être fontaines, mais seulement certaines y parviennent ». L’éjaculation féminine implique les glandes de Skene, présentes le long de l’urètre. Celles-ci sécrètent un liquide qui s’écoule par deux petits orifices situés près du méat urinaire. Il ne s’agit donc pas d’urine mais d’un liquide qui peut être poisseux ou acre, même s’il se révèle souvent inodore et incolore. Ces deux glandes de Skene, qui sont le pendant féminin de la prostate, sont plus ou moins développées selon les individus et répondent avec plus ou moins d’intensité à l’excitation sexuelle. Le déclenchement de l’éjaculation féminine dépendrait donc de l’anatomie de chaque personne. Qui plus est, la présence d’une éjaculation abondante peut accompagner systématiquement l’orgasme chez certaines personnes, alors que chez d’autres il s’agit d’un phénomène occasionnel, voire exceptionnel. Chez d’autres encore, certaines positions ou certaines techniques permettent de déclencher cet écoulement sans qu’il soit forcément lié à l’orgasme. Pour compléter le tableau, des femmes pour qui l’éjaculation féminine est étrangère peuvent découvrir cette propension après dix ou vingt ans de vie sexuelle.
Le sujet étant un secret bien gardé, celles qui produisent ces émissions abondantes lors de l’orgasme éprouvent souvent un sentiment de honte, estimant qu’elles sont peut-être anormales. En 2002, le magazine Psychologies y consacrait un article dans son numéro d’été. Quelques semaines plus tard, la rédaction recevait plusieurs lettres de lectrices remerciant le mensuel d’avoir écrit sur ce thème, ce qui leur a permis de se documenter et de dissiper le sentiment de déshonneur qu’elles éprouvaient. Certaines ont même affirmé que le magazine leur avait apporté des informations que leur gynécologue avait failli à leur fournir. Ondine, qui m’a livré son témoignage en novembre 2010, le confirme : « Au début, je ne savais pas que c’était inhabituel, mes premiers partenaires non plus d’ailleurs parce que j’étais leur première et ils n’avaient pas d’éléments de comparaison. C’est quand j’ai commencé à avoir des partenaires qui avaient une expérience préalable et qu’ils ont été vraiment surpris que je l’ai compris… »
Une fois apprivoisé, le phénomène peut se révéler très encombrant en termes de logistique et nécessiter une certaine anticipation avant de se lancer dans une relation sexuelle. Ondine explique sa technique : « Le lit est équipé d’une alèse, et il faut changer les draps après. Parfois, on est prévoyants et on met une serviette, mais ça ne suffit pas toujours. Ça tue un peu la spontanéité… Par exemple, quand on est à l’hôtel et qu’on ne peut pas changer les draps avant le lendemain, on est obligé d’utiliser la salle de bains… On est un peu abonnés à la salle de bains, de fait. »
L’inondation de vidéos pornographiques sur Internet a rangé les femmes fontaines au rang de « catégorie bizarre », dont certains feraient le culte. Mais ces scènes présentent l’orgasme féminin sous l’angle de la performance, ce qui est loin de la réalité de celles qui le vivent au quotidien.
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Fétichisme
Le fétichisme désignait à l’origine l’adoration religieuse de fétiches. Le mot vient du portugais feitiço, « ce qui est artificiel, fabriqué ». Lorsque les colons portugais ont envahi l’Afrique, les natifs parlaient d’objets, manufacturés par eux, qui étaient des idoles dotées de pouvoirs magiques. Pour les Européens, il y a une contradiction intrinsèque entre la magie potentielle d’un objet et le fait qu’il soit une œuvre humaine ; pour les Africains, au contraire, c’est parce qu’ils étaient fabriqués que les fétiches étaient protecteurs. Ils ne pouvaient pas avoir été dupés par quelque chose qu’ils avaient eux-mêmes construit. Le veau d’or, adoré par le peuple hébreu pendant que Moïse était monté sur le mont Sinaï pour recevoir les dix commandements, est un parfait exemple de fétichisme.
Toutefois, la notion de faitichisme (sous cette orthographe qui renvoie à la notion de « faire ») est apparue sous la plume de l’écrivain Charles de Brosse, dans un ouvrage collectif intitulé Du culte des dieux fétiches à la fin du XVIIIe siècle. En 1887, Alfred Binet, psychologue, écrit Le Fétichisme dans l’amour et transpose pour la première fois l’adoration religieuse à la sexualité. Pour lui, l’enfant a des « objets-fétiches », qu’il adore et qui peuvent constituer ses stimulants sexuels initiaux. Il fait le lien entre la transe religieuse et l’orgasme sexuel, à l’image de sainte Thérèse d’Avila qui a connu les transes d’extases mystiques face à des objets. Vraisemblablement, d’après les descriptions qu’elle en fait, c’est à partir de son expérience charnelle antérieure à son entrée au couvent qu’elle a pu connaître un tel plaisir physique. En 1905, Sigmund Freud mentionne sa théorie du fétichisme dans un chapitre de ses Trois Essais sur la théorie sexuelle consacré aux « substituts impropres de l’objet sexuel » : « Ce n’est pas sans raison que l’on compare ce substitut au fétiche dans lequel le sauvage voit son dieu incarné. » Il reprend les études développées par Alfred Binet. En 1927, le père de la psychanalyse précise sa conception du fétichisme sexuel : au moment où le garçon découvre que les femmes n’ont pas de pénis, il effectue un transfert sur un objet qui va le remplacer. Ainsi, les chaussures, notamment celles à talons, de forme phallique, sont souvent prisées des fétichistes. Mais la définition est large : en sus des objets (chaussures, voitures, casse-noix) et des matières (cuir, latex, mohair, crépi), on peut aussi être fétichiste d’une partie du corps (pied, cou, creux poplité) ou d’une situation (travestissement, jeux de rôle, redressement fiscal).
Il y a quatre degrés de fétichisme. Le premier est considéré comme « normal » et peut souvent passer inaperçu, y compris pour le sujet lui-même, car il s’attache notamment aux codes habituels de la féminité. Par exemple, un homme qui apprécie qu’une femme mette des chaussures à talon appartient à cette catégorie. Le second présente des fétichistes conscients de l’être mais qui peuvent se passer de cette excitation. Au troisième, les fétichistes ont impérativement besoin du fétiche pour être excités, quoiqu’ils soient encore capables de relations sexuelles « normales ». Ainsi, un homme interrogé pour ce dictionnaire lors d’une soirée fétichiste m’a expliqué ne pas pouvoir jouir si une femme ne porte pas de bottes ; en revanche, une fois l’excitation suffisante, il peut avoir un coït « classique » avec la femme en question. Enfin, au dernier degré, on trouve des fétichistes qui ne peuvent avoir des relations sexuelles qu’avec leur fétiche : l’objet remplace alors le sujet. Au rayon des fétichismes les plus courants, certains hommes se masturbent exclusivement sur des pieds. Parmi les plus exotiques, les voitures donnent parfois lieu à des reportages sur ces hommes qui utilisent les pots d’échappement pour atteindre le septième ciel.
Comme tout comportement sexuel pervers qui se respecte, le fétichisme est présent dans la Classification internationale des maladies et est considéré comme un trouble mental.
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Football
Le football est, en Europe, une excellente illustration, voire une quintessence, des liens entre politique, sport, homophobie et sexisme.
En 2006, la France comptait 2,7 % de femmes parmi les 1 795 000 licenciés de la Fédération. La Fédération française de tennis comptait, quant à elle, 31,3 % de licenciées parmi ses effectifs. Le football est-il un sport essentiellement pour les hommes, et plus que le tennis ? Comparons avec les États-Unis : parmi les personnes jouant au football, 40 % sont des femmes contre environ 50 % de joueuses chez les habitués de la raquette. Le football est-il un sport de mecs qui, au sortir d’un match engagé, se vantent d’avoir vu « un match d’hommes » qui ont « mis leurs couilles sur le terrain » ? Ou cette attribution du foot aux hommes n’est-elle qu’une construction sociale, faisant écho à la domination masculine quotidienne ?
Si tel est le cas, alors l’Europe a encore de gros progrès à faire contre le sexisme et l’homophobie. À l’instar du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui avait déclaré qu’il n’y avait pas d’homosexuels dans son pays, certains acteurs du football masculin du Vieux Continent nient la présence d’homosexuels dans les vestiaires, et il arrive même qu’ils entretiennent un climat hostile envers eux. Marcello Lippi, alors sélectionneur de l’équipe nationale italienne, déclara par exemple en 2009 : « Je crois que, parmi les joueurs, il n’y a pas d’homosexuels. En quarante ans de carrière, je n’en ai jamais rencontré et on ne m’en a jamais parlé. » Ces propos vinrent compléter ceux de l’ancien directeur général de la Juventus de Turin, Luciano Moggi, qui avait lâché quelques mois plus tôt : « Dans les équipes où j’ai travaillé, il n’y en a jamais eu. Le monde du Calcio n’est pas fait pour eux. Il y a une atmosphère particulière. Les joueurs sont nus dans les douches. »
En France, le leader footballistique de l’homophobie ordinaire est Louis Nicollin, dit « Loulou », président du club de Montpellier, sacré champion de France en juin 2012. Traitant ses adversaires coriaces de « petites tarlouzes » (Benoît Pedretti, en 2009), affirmant que les Montpelliérains ne sont pas des « suceurs de Marseillais », Loulou est un homme ancré dans un schéma machiste et éprouve des difficultés à évaluer la portée de ses propos dans une France qui a évolué sur les questions de l’homosexualité et de la place des femmes dans la société. Lorsque le Paris Foot Gay, club militant, proposa en 2009 la diffusion d’un clip contre l’homophobie dans les stades le Ligue 1, la réaction de Loulou résuma à elle seule le personnage : « Un clip sur le racisme, je suis prêt à le passer dès demain matin. Mais sur l’homophobie… Après, ce sera quoi, les femmes battues ? Si la mairie me demande de le passer, je le ferai. Mais je préférerais montrer des filles à poil… » Là encore, le football et ses communicants permettent d’observer les imbrications entre les questions de genre (hommes-femmes) et d’orientation sexuelle, et comment le sexisme et l’homophobie vont de pair.
La France du foot préfère s’imaginer 100 % hétérosexuelle, à l’instar de l’Italie ou de la Croatie, dont l’ancien entraîneur de l’équipe nationale, Otto Barić, professa lui aussi qu’il n’y aurait « pas un seul pédé » dans son équipe. Gare à celui qui voudrait affirmer son homosexualité. En mai 2009, le FC Chooz, petite bourgade ardennaise, fit l’objet d’un reportage sur France 3, dans lequel Yoann Lemaire, joueur du club depuis quatorze ans, évoquait les difficultés d’assumer son homosexualité dans l’univers du football. On y voyait un de ses coéquipiers le traiter de « pédale ». L’emballement médiatique – réclamation de sanctions contre le joueur qui avait insulté Yoann et contre le club – fut tel que le club préféra ne pas renouveler la licence de Yoann Lemaire, entérinant alors l’impossibilité pour un joueur d’évoquer son homosexualité. Yoann publia en novembre 2009 un livre pour témoigner de son histoire. Il l’intitula justement Je suis le seul joueur de foot homo… enfin, j’étais.
Alors que Gareth Thomas, international gallois de rugby aux cent sélections, fit son coming out en 2009 sans subir de réactions désobligeantes, le football attend toujours qu’une de ses stars, actuelles ou passées, en fasse autant. Le seul joueur notoire à s’y être risqué est Justin Fashanu, un footballeur anglais qui annonça publiquement son orientation sexuelle en 1990. Dès 1981, il avait perdu sa place dans l’équipe de Nottingham Forest, victime d’un entraîneur qui le bannit des entraînements lorsqu’il eut vent des rumeurs sur les virées de son joueur dans des bars gays. Sorti du placard, victime durant toute sa carrière d’insultes racistes puis homophobes, il finit par se suicider en 1999. Il était pourtant loin d’être seul. Peter Tatchell, militant anglais pour les droits de l’homme et ancien ami de Fashanu, écrivit au moment de la mort de ce dernier : « À cette époque-là, lui et moi connaissions douze stars du football qui étaient homos ou bisexuelles. Aucune ne suivit son exemple. »
Interrogé par The Independant lors du coming out de Gareth Thomas, l’agent de célébrités – et notamment de sportifs – Max Clifford expliqua qu’aucune étoile du football ne pourrait suivre cet exemple : « [Si un joueur] le faisait, sa carrière serait terminée. Ces cinq dernières années, je me suis occupé de deux joueurs de haut niveau, homosexuels ou bisexuels, jouant dans le championnat anglais. Je leur ai conseillé de ne pas faire leur coming out. L’homophobie dans le football est aussi forte qu’il y a dix ans. »
La seule solution serait-elle donc que les homosexuels du foot deviennent abstinents ? C’est ce que suggéra, dans une plaisanterie d’un goût douteux, Sepp Blatter, président de la Fédération internationale de football association (Fifa), à la suite de l’octroi au Qatar de l’organisation de la Coupe du monde de football 2022. Lorsqu’il fut interrogé à propos de la pénalisation de l’homosexualité au Qatar (sept ans de prison selon le Code pénal en vigueur) et de ses éventuelles conséquences pour les supporters gays qui s’y rendraient pour encourager leur équipe, Blatter répondit qu’ils n’auraient qu’à « se retenir de toute activité sexuelle ». Les footballeurs 100 % hétéros auraient-ils en réalité quelques supporters gays ? En tout cas, le Qatar a les moyens d’imposer ses vues. En 2012, la Fifa, association uniquement composée d’hommes, décida d’autoriser le port du voile chez les femmes en compétition de football, et ce afin de satisfaire aux exigences du prince Ali bin al-Hussein de Jordanie, un des six vice-présidents, fort de ses pétrodollars.
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Freud, Sigmund
Freud a ce côté un peu démiurge de l’homme qui a imaginé un monde nouveau, celui qui a dit que « tout est sexe ». Comme tous les dieux, il a ses apôtres, ses commentateurs, ses détracteurs, ses interprétations. Et la diversité des lectures de l’œuvre de Sigmund Freud a quelque chose de détonant pour qui s’y plonge.
Ainsi, le psychanalyste est traditionnellement distingué pour avoir découvert le complexe d’Œdipe, c’est-à-dire la volonté pour un enfant de tuer le parent du même sexe que lui pour prendre sa place auprès du parent du sexe opposé. Le philosophe Vincent Cespedes écrit dans L’Homme expliqué aux femmes qu’en fait Freud s’est autocensuré. « L’arnaque freudienne peut se résumer en une phrase. Au début de ses recherches sur l’hystérie, Freud découvre l’existence d’abus sexuel (réel) dans le milieu familial, notamment du père sur sa fille, mais, confronté à l’accueil glacial de son travail par ses collègues de la Société de psychiatrie et de neurologie de Vienne, il inversera-effacera cette réalité en inventant le fameux “complexe d’Œdipe” : le désir d’inceste (inconscient)… de l’enfant lui-même, autour de trois et six ans ! » Moqueur, il donne ensuite l’exemple des éléphants de mer mâles qui ont des relations sexuelles avec leur progéniture et écrit à propos de ces animaux : « [Ils] n’ont pas encore eu la chance de compter dans leurs rangs un soi-disant scientifique théorisant “l’envie de pénis” des petites éléphantes et leur désir de coucher avec papa… » Le philosophe explique que, en 1896, Freud a publié un texte, « L’étiologie de l’hystérie », dans lequel l’inventeur de la psychanalyse montre que les enfants sont souvent exposés à des attaques sexuelles, lesquelles s’avèrent très nocives pour leur psychisme. Théorie sur laquelle il est donc partiellement revenu. Vincent Cespedes incrimine l’homme qui a retourné sa veste : « À l’instar de l’Église catholique qui s’est ruinée et effondrée en vingt ans sous les procès de pédophilie, la famille bourgeoise aurait dû sortir défigurée à jamais par la juste analyse freudienne. Las ! quand il se ravisera peu d’années plus tard, il fera tout pour en restaurer la superbe et en démontrer la nécessité. » Freud s’est cependant, tout au long de sa vie, battu pour que le complexe d’Œdipe ne serve pas, dans les prétoires, de prétexte aux exactions, comme l’a écrit Paul-Laurent Assoun dans La Criminologie à l’épreuve de la psychanalyse.
La lecture de Freud par la juriste Marcela Iacub et le philosophe Patrice Maniglier dans l’Antimanuel d’éducation sexuelle, moins surprenante, interpelle malgré tout. En effet, les auteurs expliquent que, pour Freud, « la morale sexuelle répressive se confond avec la morale matrimoniale » ou, dit autrement, que le contrôle de la sexualité des gens passe par les lois sexuelles du mariage (fidélité, reproduction, devoir conjugal). Or c’est, selon eux, cet ordre moral qui rend les gens malades (« névrosés », en langage freudien). D’ailleurs, dans La Vie sexuelle, Freud affirme que « le remède à la maladie nerveuse issue du mariage serait bien plutôt l’infidélité conjugale […]. Rien ne protège aussi sûrement [la] vertu [d’une femme] que sa maladie. » Les auteurs expliquent aussi que Freud accepte l’idée que toutes les parties du corps peuvent être investies sexuellement, ils légitiment largement toutes les formes de fétichisme et de « perversions » décrites par le père de la psychanalyse. Selon eux, plus on contraint l’être humain dans sa sexualité, plus il risque de se révéler pervers à l’aune de ces contraintes restrictives. Or, comme tout peut être sexuel, une conséquence directe de l’œuvre de Freud est que les perversions n’en sont pas.
Marcela Iacub et Patrice Maniglier émettent également de sérieux doutes sur la théorie d’une phase présexuelle, période de la vie de l’enfant durant laquelle il serait asexué. D’après eux, Freud a remis en cause l’existence, qu’il avait lui-même énoncée, d’une période d’« innocence ». Il en résulte une théorie « traditionnelle » d’obédience freudienne du fétichisme selon laquelle le petit garçon est effrayé à la vue des petites filles car il pense qu’elles sont castrées. Certains petits garçons cherchent un substitut phallique aux personnes n’en ayant pas, d’où leur fascination pour les pieds, les chaussures et tout ce qui peut servir de phallus de substitution, voire au fait d’être pénétré par une femme (les transsexuelles non opérées font partie des fantasmes masculins récurrents). Vivement critiqué par les féministes, Freud a longuement théorisé le « manque de pénis » chez les femmes, que certaines compenseraient en devenant dominantes pour réparer leur castration.
Pour autant, dans son livre Ni homme, ni femme. Enquête sur l’intersexuation, Julien Picquart, journaliste, s’appuie entre autres sur certaines citations de Freud pour démontrer que « les caractères sexuels somatiques » (l’appareil génital), « les caractères sexuels psychiques » (se sentir homme ou femme) et « le mode du choix d’objet » (l’orientation sexuelle) sont indépendants. Pour Freud, ces attributs « jusqu’à un certain point varient indépendamment les uns des autres et sont susceptibles, chez les différents individus, de permutations diverses ». L’auteur justifie ainsi, grâce à Freud, la distinction entre le sexe, le genre et l’orientation sexuelle.
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