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Handicap

La question de la sexualité des personnes handicapées, qu’il s’agisse d’un handicap mental ou moteur, est taboue en France.

Dans les centres de soin ou de rééducation hexagonaux, le sexe entre les pensionnaires est peu toléré et leurs besoins sexuels régulièrement niés, car ils mettent dans l’embarras les familles et les personnels soignants. Le règlement intérieur de certains établissements proscrit purement et simplement les relations sexuelles entre pensionnaires. Il est pourtant illégal de priver une personne prise en charge « de sa vie privée, de sa dignité, de son intimité ou de sa sécurité », comme l’indique le Code de l’action sociale et des familles.

En France, la sexualité de ces personnes non autonomes est considérée comme une monstruosité ou un danger. Les rapports sexuels sont loin d’être vus comme un besoin naturel ou un instinct humain qu’il faudrait éduquer. Ils sont perçus comme une difformité à éteindre et à gérer à coups de médicaments et d’enfermement si nécessaire. Il est vrai que, pour certains handicaps, mentaux notamment, les infirmières font les frais des pulsions sexuelles non contrôlées des patients. Et dans certains établissements, les personnels n’hésitent pas à surgir sans prévenir dans les chambres pour surprendre d’éventuels câlins interdits. Ce climat de négation des relations sexuelles empêche la bonne information des patients, notamment en termes de prévention des infections sexuellement transmissibles.

Au lieu de nier la réalité de la sexualisation des corps, certains pays, telle la Suisse, autorisent le recours à des assistants sexuels, spécialement formés pour intervenir auprès des personnes handicapées. Cette reconnaissance légale d’une activité de prestation sexuelle, même spécifiquement cantonnée à un cadre médical, serait impossible à établir en France, étant donné la position abolitionniste adoptée par les autorités. « Une association qui recruterait des hommes et des femmes en vue de leur permettre d’avoir des rapports sexuels rémunérés contreviendrait très probablement à la loi. C’est l’un des obstacles actuels à la création de services d’assistance sexuelle en France », m’explique Lucie Nayak, qui réalisait en 2012 une thèse de sociologie sur ce sujet. De même, si un membre du personnel soignant ou un parent venait à suggérer ou faciliter un tel service, il serait considéré par la loi comme un proxénète. Cette position abolitionniste a été renforcée en 2012 par les propos de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, qui a fait de l’abolition de la prostitution un de ses objectifs majeurs. Les assistants sexuels suisses déclarent pourtant se considérer plus comme des soignants que comme des prostitués. Malgré la sélection des candidats et la formation qu’ils reçoivent, il leur est demandé d’avoir une autre source de revenus principale, afin que cette activité ne soit pas considérée comme un métier à part entière.

En attendant, en France, le débat progresse doucement, notamment grâce à Internet, à des articles de sensibilisation sur le sujet et à des films, comme le récent Hasta la vista qui décrit le périple de trois handicapés belges décidés à connaître le plaisir sexuel dans une maison spécialisée en Espagne. Des mères témoignent de leur désarroi sur les forums, certaines avouent aider parfois leurs fils à se masturber. Au Danemark, il existe même des coopérations entre des concepteurs de sex-toys et des hôpitaux pour aider des personnes handicapées à se donner du plaisir à l’aide d’outils adaptés. Pour ce qui est de la sexualité des femmes handicapées, la France n’est pas plus avancée qu’au Moyen Âge : à cause des risques de grossesse, elle est considérée comme dangereuse. Porter son attention sur le traitement de la sexualité des personnes handicapées revient à faire un zoom sur la vision sociale de la sexualité : les tabous et les non-dits qui entourent le sexe empêchent souvent le dialogue et les avancées.

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Hendrix, Jimi

« Je pris peur, car, juste au moment où on commençait à trouver notre vitesse de croisière, voilà qu’arrivait un vrai génie », dit Eric Clapton à propos du phénomène Jimi Hendrix, avec lequel il partagea à l’occasion la scène au tout début de sa carrière, en 1966. Au terme de son parcours fulgurant, qui s’acheva le 18 septembre 1970 avec l’entrée brutale du guitariste dans le « club des 27 » (aux côtés des Brian Jones, Kurt Cobain et, plus récemment, Amy Winehouse), le manche de la guitare incendiaire et incendiée de Hendrix n’est pas le seul à avoir laissé son empreinte dans l’histoire : le musicien est aussi le premier modèle célèbre de Cynthia Plaster Caster, une artiste de Chicago qui moule depuis les années 1960 le sexe des artistes qui la font vibrer. « Jimi était en ville pour deux concerts. Je me suis pointée avec mon kit de moulage, en bas de son hôtel. Il a dit, avec son aura fantastique : “Oui, j’ai entendu parler de toi dans le cosmos.” Il a tout de suite accepté que je le moule. » Cette idée d’immortaliser le pénis des rockstars vint à Cynthia pendant un cours d’arts plastiques où ses camarades et elles eurent pour consigne de mouler un objet solide… Le déclic se produisit aussitôt dans la tête de Cynthia, qui rêvait de faire l’amour avec ses idoles. Jimi constituait la proie idéale : « Il était très libéré, couchait avec les filles, ou parlait avec elles ; en fait, il leur offrait ce qu’elles étaient venues chercher. »

Le sexe moulé de Jimi Hendrix porte la référence #00004 dans la collection de la plasticienne. Malgré trois précédents essais de Cynthia, sur des amis, sa technique n’était pas encore parfaite : « Je n’avais pas lubrifié les poils, donc j’ai dû [les] retirer un à un du moule parce qu’ils y étaient coincés. Pendant que je faisais ça, il a copulé avec le moule ! » Le résultat, très singulier parmi les autres pénis moulés de Cynthia et d’une taille impressionnante, fut baptisé « Pénis de Milo » car il était fissuré : « J’étais tellement impatiente de voir le résultat que j’ai ouvert le moule prématurément, ce qui lui a donné cette fêlure. »

La connaissance pointue du pénis hendrixien qu’apporte la sculpture s’avéra très utile en 2008, lorsqu’une vidéo sex-tape mettant en scène Jimi Hendrix et deux filles dans une chambre d’hôtel fut achetée à un particulier par la société Vivid Entertainment et commercialisée. Cynthia fut naturellement appelée à la rescousse pour authentification : « Pas de doute, c’est bien la queue de Jimi Hendrix, je suis bien placée pour le savoir », assure-t-elle sur le DVD de cette performance. Pamela Des Barres, célèbre groupie des années 1960 et partenaire intime de Jimi Hendrix, ajoute même que « Jimi aimait faire du sexe en étant filmé, et cette vidéo prouve à quel point il était fabuleux au lit ».

Le jeu de Hendrix était d’ailleurs très sexuel : gaucher de nature, il préférait jouer sur une guitare de droitier et, comme le dit le proverbe, « de la main gauche et à l’envers, et c’est déjà une étrangère ». Le manche de guitare est en lui-même un symbole phallique, peut-être le plus évident, et les guitaristes sont souvent surnommés des « branleurs de manche », leur succès auprès des fans de rock n’ayant d’égal que celui des chanteurs. Hendrix, lui, ne se contentait pas de manier sa gratte tel un pénis : il lui arrivait aussi de réaliser des solos avec les dents, sortes de cunnilingus à sa guitare – qu’il est le seul à rapprocher à la fois de l’appendice masculin et de l’organe féminin.

Si Jimi Hendrix incarne l’essence de la rockstar, il le doit à sa créativité sans limite, à sa technique de jeu révolutionnaire, à sa musique audacieuse, à son ouverture aux autres et à sa conscience politique, en plus d’être un dieu du sexe pourvu d’un sexe de dieu.

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Hétérosexualité

La culture contemporaine regorge d’artistes qui invitent à la tolérance et à qui un univers visuel explosif, coloré et saturé a valu une étiquette « culture gay » (Madonna, Mylène Farmer, Queen, Jean-Paul Gautier ou, plus récemment, Mika et Lady Gaga). Mais qu’est-ce que la culture hétérosexuelle de nos jours ? Elle est surtout constituée de stéréotypes de genre (aux hommes les voitures et le sport, aux femmes la cuisine et la mode), entérinés par les magazines genrés toujours plus nombreux (GQ, FHM ou Men’s Health pour les hommes, Femme actuelle, Elle, Cosmopolitain ou Marie Claire pour les femmes).

Le mot « hétérosexualité » date de 1888. Krafft-Ebing et Havelock Ellis, psychiatres et psychologues qui ont étudié la sexualité et les perversions sexuelles, en eurent alors besoin pour mieux comprendre et caractériser la sexualité humaine. Si le mot est relativement récent, on peut penser que l’hétérosexualité a toujours existé et qu’il ne convient pas de se demander le pourquoi du comment de l’attirance des êtres humains pour le sexe opposé : il s’agit simplement de s’accoupler pour perpétuer l’espèce. Pourtant, le couple hétérosexuel n’a pas toujours été identifié, décrit ou célébré dans l’histoire.

Avant le XIIe siècle, les textes et autres chansons (telle la célèbre Chanson de Roland) exaltaient l’amitié guerrière et virile. C’est la littérature courtoise, promotrice de l’amour du même nom, qui est venue pour la première fois donner une existence sociale et culturelle à l’amour hétérosexuel. L’amour courtois imposa aux hommes une double injonction d’amitié franche et virile avec leurs confrères guerriers et de sensibilité à l’univers « féminin » de l’amour. La version allemande de Tristan et Iseult, que l’on doit à Eilhart von Oberg au XIIe siècle, fait état de ce dilemme : le roi Marc aurait été amoureux de Tristan et aurait voulu vivre à ses côtés. Tristan et Iseult, en buvant le philtre qui allait les rendre passionnément amoureux l’un de l’autre, ont contrecarré cet amour viril.

Il est paradoxal de constater que l’Église, qui, à l’époque, condamnait fermement l’homosexualité, ne vit pas dans l’amour courtois une façon de défendre une certaine vision de l’amour. Il faut dire que le célibat des prêtres avait été difficile à imposer : ces derniers s’y étaient dans un premier temps opposés. De plus, reconnaître le penchant de l’homme pour la femme pouvait mettre en péril la chasteté dont la seule reproduction de l’espèce justifiait l’écart. Saint Paul ne professait-il pas dans sa Première Épître aux Corinthiens : « Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme », ou encore : « S’ils ne peuvent vivre dans la continence, qu’ils se marient ; car il vaut mieux se marier que brûler » ? André le Chapelain, homme d’Église, le dit au XIIe siècle dans son Traité de l’amour courtois : « Dieu en personne est la source et le principe de la chasteté et de la pudeur […], le diable est le créateur de l’amour et de la luxure. » C’est d’ailleurs à cette époque que le mariage devint un des sacrements de l’Église catholique : pour que cet amour entre les deux sexes soit accepté, il fallut le déifier pour mieux le contrôler.

Ce n’est que progressivement que la passion hétérosexuelle s’est diffusée dans la culture européenne. Dans les tragédies cornéliennes, l’amour et la passion jouaient certes déjà un rôle important, mais secondaire par rapport au devoir guerrier. Racine, Marivaux, Rostand et Cyrano de Bergerac achevèrent le mouvement. Les médecins du XVIe et XVIIe siècle ont pourtant fait de l’amour une maladie qu’il convenait de soigner (le sang de l’individu « bouillonne dans son foie »), car cet amour aveugle prive l’homme de son libre arbitre – il s’agit presque d’une possession satanique.

Cette plongée dans le passé permet de se rendre compte que la culture hétérosexuelle ne s’est pas diffusée de manière incontestée et aussi naturelle qu’on aurait pu le croire.

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Hippie

Le mouvement hippie est un courant contre-culturel, né aux États-Unis dans les années 1960, qui a connu un fort écho en France. Le mot hippie devrait son origine au mot anglais hype (« à la mode, cool ») et à hipi, mot wolof qui signifie « ouvrir ses yeux » – car les hippies se disaient éclairés sur le fonctionnement de la société capitaliste. Ce mot ainsi que beatnik, son pendant Beat Generation, sont vite devenus des insultes : des fainéants qui se mettaient en marge de la société et osaient se libérer de ses contraintes. « Lasse du capitalisme triomphant et du morne confort, la jeunesse a tenté de réconcilier Marx et Rimbaud », affirme Jean-Pierre Galland, écrivain français militant pour la légalisation du cannabis en France et qui crut en la révolution hippie dans les années 1970.

Les racines du mouvement hippie américain ont pris dans la contestation à la guerre du Vietnam et à la répression des Noirs. Mais le mouvement s’est aussi élevé contre l’American way of life, le consumérisme échevelé, le machisme lourd et le culte de la réussite professionnelle. La contre-culture hippie a également puisé son énergie dans la contestation de l’ordre américain établi. Ce mouvement social doit cependant aussi beaucoup au LSD. Un livre entier ne suffirait pas à creuser l’hypothèse de l’implication de la CIA dans le mouvement : le programme MK-Ultra, visant au contrôle mental d’individus à l’aide de psychotropes, aurait échappé à ses créateurs, inondant l’Amérique de grandes quantités de LSD. Les historiens du mouvement hippie attribuent sa naissance à ceux qui se nommaient les Freaks (littéralement les « bêtes de foire »), qui ont constitué la matrice des hippies et auxquels on peut notamment associer le génial guitariste libertaire Frank Zappa ou l’écrivain Hunter S. Thompson, auteur de Las Vegas Parano et inventeur du journalisme gonzo. Coluche, dans le sketch intitulé « Gérard » qui dépeint la réaction de la France pré-soixante-huitarde aux hippies, fait dire à son personnage aviné : « Quand on n’est pas freaks, vous êtes flippés. »

Comme toute révolution, le mouvement hippie s’est emparé du sexe et en a fait un exemple de son corpus politique : les relations sexuelles devaient avoir cours librement, sans le poids des dogmes religieux ou culturels, être une fête qui se partage à deux ou à plusieurs. Le sexe était considéré à l’aune de la communauté de biens, dans une volonté de mise en commun et de vie de groupe où tout est partagé. Le Summer of Love de 1967, porté par le « All You Need is Love » des Beatles, a fait résonner le célèbre slogan « Faites l’amour, pas la guerre ». Le mouvement de la Beat Generation était constitué d’écrivains, de littéraires, d’hommes et de femmes de classe plutôt supérieure ; les bataillons de hippies regroupaient quant à eux les enfants du baby-boom des classes moyennes.

L’utopie communautaire, non-exclusivité sexuelle ou partage des biens, s’est matérialisée en France sur le plateau du Larzac. La révolte en marche sur ce haut lieu du Sud-Ouest a originellement été menée par des agriculteurs, expropriés par un projet gouvernemental d’extension du domaine militaire. Ils ont été rejoints par des dizaines de milliers de manifestants pour ce qui est devenu une lutte politique, philosophique et antimilitariste. Ceux qui s’y sont installés y pratiquaient le libre-échangisme, les hommes se départissaient de leur domination et remplissaient à égalité les tâches ménagères. Les hippies qui s’y sont établis voulaient en finir avec le couple et la jalousie, et remettre en cause le lien biologique comme seule source d’apprentissage. Les naissances et l’éducation se voulaient maintenant communautaires. Il faut, malgré tout, relativiser cet engouement : toute la France n’était pas hippie, le chiffre de trois à cinq cent mille adeptes est avancé par plusieurs sources – soit environ 1 % de la population française de l’époque (45 millions en 1970).

L’apothéose hippie a été atteinte avec le festival de Woodstock en août 1969, suivi en 1970 de son pendant britannique sur l’île de Wight. Quelques années plus tard, ce festival anglais est devenu le thème du tube « Wight is Wight », de Michel Delpech (« Wight is wight […] Hippie hip hippie »). Ces années-là ont été l’occasion de grands moments musicaux, mais aussi de grandes fiestas libertaires. Jimi Hendrix et les Who étaient à l’affiche des deux événements. Les nombreuses photos de Woodstock ou du festival de l’île de Wight laissent l’impression que la nudité n’était pas exhibée comme une provocation ou une agression, mais comme un sincère retour à la nature, à l’amour et à la simplicité.

Bientôt ont sonné la fin de la guerre au Vietnam et les secousses des chocs pétroliers : les punks, chantres d’un nihilisme no future, ont sifflé la fin de la récréation.

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Hitachi Magic Wand

« Même si c’était encombrant, toutes les actrices du film avaient leur Magic Wand dans leur sac », affirmait Judy Minx à propos de la tournée du film porno queer Too Much Pussy d’Émilie Jouvet. Dire que ce sex-toy est encombrant est un euphémisme. Cette « baguette magique » japonaise, originellement destinée à faire des massages thérapeutiques, mesure environ trente centimètres, soit à peu près la taille d’un avant-bras. En effet, sa vocation initiale est d’atteindre et de détendre toutes les zones du corps, en particulier le dos.

Malgré son design de mixer des années 1970, son bruit équivalent, son poids dépassant les cinq cents grammes, son fil électrique permanent et l’entêtement de la maison mère à refuser que sa création soit vendue dans les sex-shops, la Hitachi Magic Wand reste le vibromasseur le plus connu et reconnu du marché. C’est celui qu’Ovidie, actrice et réalisatrice porno française, a utilisé dans un concours du plus grand nombre d’orgasmes en vingt-quatre heures et qu’elle qualifie de « Rolls-Royce du vibromasseur ».

Fin 2011, Hitachi réussit à faire retirer de la vente, en France, sa baguette dont l’usage à des fins sexuelles était devenu trop célèbre et entachait son image. Ce qui était le best-seller « toutes boutiques confondues » de la chaîne de love stores Passage du désir perdit son autorisation de mise sur le marché en Europe pour « vibrations trop importantes ». Pour de nombreux clients, et plus encore pour les clientes potentielles alléchées, c’est le drame.

En fait, si vous assumez l’étiquette de « pervers » et que vous n’avez pas peur de détourner l’objet de son emploi, vous pouvez toujours l’acquérir sur Amazon.fr, à la rubrique « santé, hygiène et soins du corps », où l’objet est vendu neuf à 120 euros, ou dans la rubrique « électroménager beauté » de La Redoute. Les catalogues de La Redoute ou des 3 Suisses datant d’il y a dix ans, finalement plus explicites que les vitrines de magasins réservés aux adultes aujourd’hui, n’hésitaient pas à montrer des femmes se massant la joue à l’aide d’appareils oblongs.

Aussitôt disparue, la Magic Wand fut remplacée par plusieurs appareils dont certains ont des vibrations très « aiguës » et donc anesthésiantes, voire douloureuses. L’un d’eux, le vibro Idéal, est jugé digne de son prédécesseur. Un peu plus ergonomique que l’original, grâce à son manche recourbé et sa batterie rechargeable avec une autonomie d’une heure qui permet la disparition du fil électrique, il produit, comme son ancêtre, des vibrations « profondes » qui se diffusent plus agréablement.

S’il produit des vibrations de même qualité, il partage avec la Hitachi Magic Wand quelques défauts, comme en attestent les nombreux témoignages de testeurs et testeuses que l’on croise sur les sites Internet spécialisés comme ClubdesSens.fr, à savoir qu’un tel engin nécessite un réel apprentissage. Coller directement la tête du jouet sur un clitoris non préparé, c’est un peu comme mettre une balle de tennis sur une perceuse à percussion et placer le tout sur ses parties intimes. Il faut du temps pour s’approprier l’appareil, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Et tant que l’on ne connaît pas bien le corps destinataire de l’objet (que ce soit le sien ou celui d’un autre), l’usage est au mieux inefficace, au pire désagréable.

En y réfléchissant, c’est peut-être, outre son design incongru et le sentiment de détournement de l’objet, le vrai point fort de ce sex-toy : il oblige à écouter le corps de l’autre ou le sien, il permet de jouer avec les sensations et d’explorer de nouvelles dimensions, il ouvre à des vibrations inattendues, via un matelas par exemple, la puissance de la baguette permettant une retransmission tout à fait perceptible. Finalement, outre le fameux « orgasme en dix secondes » survendu par quelques actrices expérimentées (mais non reproductible chez soi du premier coup), c’est probablement parce que c’est un instrument qui peut s’utiliser à deux, un jouet qui ne distingue pas le massage « détente » du massage « excitant », un média de communication de sensations, qu’il a, aujourd’hui encore, un tel succès.

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Homosexualité

L’homosexualité est l’attirance sexuelle envers une personne de son genre. On peut parler d’homosexuelles, donc de femmes attirées par des femmes, ou d’homosexuels au sens large, ce qui inclut les hommes attirés par des hommes. Pourtant, historiquement, c’est pour désigner l’attirance de deux individus masculins qu’est apparu le terme d’homosexualité.

Le passage du concept de sodomite (condamnation de l’acte de sodomie) au concept d’homosexualité comme orientation sexuelle, d’abord considérée comme perverse, s’est fait à la fin du XIXe siècle. Cette notion s’est notamment dessinée dans les travaux de Krafft-Ebing, qui a recensé en 1886, dans son ouvrage Psychopathia sexualis, les déviances sexuelles. C’est ainsi que l’on est passé de l’acte – la sodomie – à la conduite qui traduit une habitude, une orientation sexuelle. Cette conduite « anormale » a donc été caractérisée par la personnalité prétendument pathologique de ceux qui l’adoptaient. Ces notions même d’hétérosexualité ou d’homosexualité tendent à figer les pratiques sexuelles dans une grille de lecture genrée – ce que les hommes hétéros sont censés faire aux femmes, ce que les homos sont censés faire entre eux.

On a coutume de se souvenir que ce n’est qu’en 1981 que l’homosexualité a été dépénalisée en France, lorsque Robert Badinter a porté au Sénat une des 110 propositions de François Mitterrand. Pourtant, le Code pénal instauré en 1810 par Napoléon était déjà dépourvu de punitions contre la sodomie, entérinant ainsi les préceptes des Lumières. La pénalisation spécifique de l’homosexualité dans le droit français a dû sa réapparition au régime de Vichy. En 1942 a en effet été introduite une ordonnance instituant une incrimination spécifiquement homosexuelle : le Code pénal condamnait directement les relations entre personnes du même sexe lorsqu’était concerné un mineur (moins de vingt et un ans). Bien que la libération du pays ait fait disparaître l’ensemble des lois du régime de Vichy, cela n’a pas été le cas de cette ordonnance de 1942, reconduite le 8 février 1945. Une loi sur les « attentats à la pudeur », votée en 1960, pénalisait quant à elle doublement les actes homosexuels par rapport aux autres – elle revenait à interdire aux personnes de même sexe de s’embrasser dans la rue –, disposition qui n’a été abrogée que vingt ans plus tard. La même année, l’amendement Mirguet a ajouté l’homosexualité à la liste des fléaux sociaux « contre [lesquels] nous avons le devoir de protéger nos enfants ». Il est même allé jusqu’à impulser la suppression des vespasiennes (ou pissotières), lieux de rencontre privilégiés des homosexuels.

La France s’est inscrite dans la démarche de l’Organisation mondiale de la santé en adoptant en 1968 la classification qui diagnostique l’homosexualité comme une maladie. Cette catégorisation n’a été retirée par l’OMS qu’en 1990, le 17 mai précisément, date aujourd’hui retenue pour célébrer annuellement la journée de lutte contre l’homophobie.

Le combat des homosexuels pour une égalité de droits a été porté en 1971 par le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), qui affirmait avec virulence et radicalité une homosexualité encore subversive. Il a fallu attendre 1982 pour que la majorité sexuelle soit enfin la même pour les hétérosexuels et les homosexuels, c’est-à-dire quinze ans, ce qui a marqué la fin de la pénalisation spécifique de l’homosexualité.

En 2012, la lutte des homosexuels pour une égalité de droits en France se concentre quasi exclusivement sur l’obtention du droit au mariage et, par conséquent, la reconnaissance de l’homoparentalité. Quand bien même cette disposition législative serait adoptée par le gouvernement, l’homosexualité comme frein à la natalité amènerait encore des personnalités telles que le pape Benoît XVI ou Christian Vanneste, homme politique connu pour ses propos sur l’homosexualité ayant donné lieu à plusieurs procès, à affirmer que le mariage homosexuel est une menace pour la survie de l’humanité.

L’homosexualité féminine, moins prise en compte dans les diverses campagnes de prévention, semble générer moins de débats sociétaux. Peut-être parce qu’en Belgique ou ailleurs, les femmes ont la possibilité de se reproduire par insémination artificielle indépendamment de leur orientation sexuelle.

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Hormone

Les célèbres formules « l’amour dure trois ans » et « vivre d’amour et d’eau fraîche » sont pleines de bon sens hormonal. Sur le banc des accusés de nos élans sentimentalo-sexuels trônent deux hormones : la lulibérine et l’ocytocine.

La lulibérine est responsable de l’appétit sexuel débridé qui accompagne en général le début d’une relation. Certains parlent des « trois mois de baise » qui caractérisent les premiers temps d’une nouvelle histoire d’amour – le taux de lulibérine augmentant durant les quatre-vingt-dix jours qui suivent la rencontre. Sur un plan anthropologique, on peut la considérer comme l’hormone qui entraîne l’accouplement et, par voie de conséquence, la procréation. « Le temps n’est peut-être pas loin où l’on dira “mon hypothalamus baigne dans la lulibérine” au lieu d’un banal “je t’aime” », écrivit le neurobiologiste Jean-Didier Vincent, en 1986, dans Biologie des passions. Et si au bout de quatre-vingt-dix jours la lulibérine se retire en effet, une autre hormone intervient alors, l’ocytocine, qui a pour effet de tisser des liens amoureux entre les deux futurs parents afin qu’ils protègent de concert le bébé à venir.

L’existence de l’ocytocine a été initialement découverte en 1954, ainsi que son rôle dans la lactation et l’accouchement. Mais des études plus récentes l’ont rendue célèbre auprès du grand public, à travers de nombreux articles de presse généraliste, pour ce rôle affectif : on l’appelle maintenant « l’hormone de l’attachement » ou « l’hormone de l’amour ». Kerstin Uvnäs Moberg, professeur de physiologie à l’Université suédoise des sciences de l’agriculture, a écrit en 2006 que l’ocytocine « détermine notre capacité à nous attacher et à aimer, à nous calmer et nous relaxer, à établir et maintenir des liens entre les individus ». Il a été constaté que le taux d’ocytocine est plus élevé chez les sujets qui sont au début d’une relation amoureuse que chez les célibataires. L’ocytocine joue son rôle environ trois ans, soit la durée de l’amour proclamée par l’écrivain Frédéric Beigbeder.

Un shoot d’ocytocine pourrait-il raviver une histoire d’amour qui bat de l’aile ? Des scientifiques californiens ont fait le test en donnant des doses d’ocytocine à inhaler à un homme marié qui éprouvait des difficultés relationnelles et sociales. Le résultat a dépassé leurs attentes : non seulement l’hormone a facilité ses contacts et ranimé son affection envers sa femme, mais elle a aussi stimulé sa libido. Les effets ont même excédé toutes les prévisions : l’homme s’est aussi vu faire une accolade déplacée à une de ses collègues. S’il faut relativiser ce résultat qui ne concerne qu’un seul cobaye, l’ocytocine est peut-être l’avenir du Viagra, dont les effets sont mécaniques plus que sentimentaux.

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Hospitalisation

La sexualité des patients pose autant de problèmes aux hôpitaux qu’aux institutions qui accueillent des handicapés. Il est difficile pour les patients d’avoir des relations sexuelles dans les hôpitaux car il est quasi impossible d’y disposer d’un peu d’intimité.

La sexualité en milieu hospitalier n’est pourtant pas réglementée par la loi. La Convention européenne des droits de l’homme précise simplement que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Mais la sexualité n’est pas explicitement garantie comme un droit de la personne humaine. Qui plus est, les hôpitaux ont la fâcheuse tendance à considérer les hommes et les femmes qu’ils soignent comme des cas à traiter plus que comme des êtres humains. Chloé Leprince, journaliste à Rue89, revenait en 2010 sur son hospitalisation après un accident survenu en 2007 : « Le monde hospitalier ne parle pas de ça. Alors que vous, vous en crevez de ne plus vous imaginer baiser normalement. Évidemment, ça revient. Évidemment, c’est bon aussi. Mais, en attendant, c’est un vide immense dont personne ne veut entendre parler. »

Preuve de cette déshumanisation, les blouses d’hôpital auxquelles les patients ne peuvent échapper sont ouvertes dans le dos pour permettre des changements rapides. Mais cette coupe a pour désavantage majeur de laisser apparaître les fesses, voire les testicules, des patients lorsqu’ils se promènent dans les couloirs. Une pétition a été lancée en juillet 2012 par un médecin après qu’il a lui-même subi une intervention chirurgicale et un court passage dans cet accoutrement si impudique. Cette pétition a rencontré un large succès, preuve que l’intimité à l’hôpital est un sujet important.

En cas de maladie ou d’accident, les médecins se concentrent sur la guérison mais négligent de prendre en compte l’impact sur la sexualité des patients. Une personne hospitalisée après une sévère chute de cheval me confiait : « Les médecins ont été très efficaces pour me soigner. Mais, quand ils m’ont renvoyée chez moi, ils ne m’ont absolument rien expliqué de ce que je pouvais faire ou ne pas faire, alors la question : “Est-ce que je peux faire du sexe ?”, je n’en parle même pas ! Mon mari et moi avons dû inventer des positions acrobatiques pour continuer à avoir une vie de couple pendant les mois de convalescence, malgré une mobilité extrêmement réduite de ma part et de nombreux points “intouchables*”. »

Catherine Cerisey, soignée pour un cancer du sein en 2000 et ayant connu une rechute en 2002, est une patiente impliquée dans ce qu’on appelle aujourd’hui la médecine 2.0, à l’ère des patients informés sur Internet. Selon elle, « la sexualité est accessoire face à la perspective de mourir, en tout cas pour le corps médical. Ils nient ces effets secondaires, mais au même titre que d’autres qu’ils jugent peu importants, voire futiles. Comment penser au sexe quand on doit sauver sa vie ? Or le sexe, c’est la vie, et pour se sentir vivante il faut renouer avec une vie sexuelle épanouie*. »

* Entretiens avec l’auteur, janvier 2012.

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Houellebecq, Michel

Aimé ou détesté, salué pour son style percutant ou qualifié de nullité littéraire, Michel Houellebecq, prix Goncourt 2010 pour La Carte et le Territoire, ne laisse pas indifférent. Son maniement de la provocation y est pour beaucoup, mais ce qui a fait le début de la carrière de romancier de Houellebecq, c’est d’avoir été l’écrivain de la frustration sexuelle.

Ses deux premiers romans, Extension du domaine de la lutte, publié en 1994, et Les Particules élémentaires, en 1998, sont autobiographiques et on y retrouve de nombreux éléments de son parcours personnel : ses parents se désintéressèrent rapidement de lui, si bien qu’il fut confié à ses grands-parents maternels en Algérie, puis à sa grand-mère paternelle (Les Particules élémentaires) ; il a une demi-sœur (Les Particules élémentaires), fut lycéen à Meaux (Les Particules élémentaires), eut une carrière d’informaticien fonctionnaire (Extension du domaine de la lutte). Cette tendance autobiographique caractérise tous ses romans. Il pousse le procédé à son paroxysme dans La Carte et le Territoire en mettant en scène le personnage de Michel Houellebecq. On peut donc légitimement se demander si les opinions polémiques exprimées par ses personnages principaux ne sont pas en réalité celles de l’écrivain.

Son rapport aux femmes est fortement misogyne, du moins affiché volontairement comme tel. La misogynie de Michel Houellebecq est particulièrement manifeste dans ses romans fondateurs, dans lesquels il n’hésite pas à qualifier les soixante-huitardes de vieilles putes ou les féministes de salopes. Interrogé par L’Express en septembre 1998 à propos de sa mère, il expliqua : « Je suppose qu’elle est vivante. Je ne sais pas, je l’ai peu vue, une dizaine de fois peut-être. La dernière fois, cela s’est mal passé. » Il dit pourtant qu’il lui « apparaît souhaitable de revenir à une société matriarcale ».

On peut dès lors s’interroger sur les raisons du succès considérable que rencontra son roman Les Particules élémentaires (350 000 exemplaires vendus l’année de sa sortie). On trouverait probablement un début de réponse dans le regard cynique et perçant de l’écrivain sur la société de consommation et de compétition. Une des originalités de son style est de mêler un langage soutenu à l’utilisation de mots hype placés en italique pour en signaler la vacuité, ce qui donne à ses écrits une teinte tellement décalée. Mais le fond de son propos concerne l’immense frustration sexuelle de la population, surtout celle des hommes.

Dès son premier roman, il théorisa que la révolution sexuelle (comprendre celle des années 1970) avait apporté en France une « libéralisation sexuelle » plus qu’une liberté sexuelle. Le mariage aurait été, selon lui, une institution à même de répartir plus équitablement le sexe dans la société, garantissant une part égale à chacun et donnant la chance aux « moches » d’obtenir du sexe conjugal. La libéralisation sexuelle aurait donc selon lui augmenté le champ de la compétition individuelle et rendu la sexualité encore plus difficile à obtenir pour les défavorisés physiques ou sociaux. Il a confirmé cette hypothèse dans son deuxième roman en prophétisant que la révolution sexuelle entraînerait la société occidentale vers un individualisme violent. Le public s’y est reconnu et le succès du livre a accrédité la thèse d’une révolution sexuelle ratée. Selon la formule de Marcela Iacub, la révolution sexuelle aurait libéré le sexe comme source de plaisir mais ne nous aurait pas libérés du sexe comme moyen procréateur et comme ciment du couple.

Cet échec de la révolution sexuelle, c’est celui de la perte d’accès à la sexualité pour ceux qui ne sont pas séduisants ou ne se pensent pas séduisants. La sexualité serait devenue un bien dont la répartition serait plus inégalitaire qu’auparavant, comme celle des revenus. Selon Houellebecq, la société place donc les individus dans une compétition sexuelle permanente, faisant de la beauté physique et de la taille du sexe des conditions majeures de la réussite de cette quête sexuelle. « J’ai pris conscience que j’avais une toute petite bite. J’ai vérifié chez moi : 12 centimètres, peut-être 13 ou 14 en tirant un maximum le centimètre pliant vers la racine de la bite. […] C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à haïr les nègres », fait-il dire à Bruno dans Les Particules élémentaires. Le narrateur s’exprime, quant à lui, ainsi sur l’apparence physique : « Sans beauté la jeune fille est malheureuse, car elle perd toute chance d’être aimée. »

Beaucoup souscrivent au constat de Houellebecq sur la révolution sexuelle mais sont pourtant rebutés par ses romans, car ils jouent dangereusement avec la haine des femmes, le racisme et l’homophobie.

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