En mai 2012, François Hollande est élu président de la République française. Une alternance accueillie par certains comme une libération après dix ans de gouvernements de droite. La crise économique fait rage, le taux de chômage est particulièrement élevé, les chiffres de la pauvreté n’en finissent pas de monter et les services publics ne sont pas au mieux. On le sait, les premières annonces d’un gouvernement à peine désigné servent à marquer un ton, un cap, une identité. Pourtant, les deux premiers sujets de débat qui enflamment le pays ne concernent ni l’éducation, ni la relance économique, ni la justice sociale : il s’agit du mariage pour tous et de l’abolition de la prostitution. Les mesures fiscales n’arrivent qu’en troisième position.
Il était, semble-t-il, urgent pour la ministre des Droits des femmes de pénaliser les clients de la prostitution et d’interdire ce métier jugé dégradant pour les femmes – les hommes prostitués ne semblent pas exister. Les prostitués, réunis sous la bannière d’un syndicat, se battent pour sauvegarder le droit d’exercer leur métier. D’après un sondage Louis Harris datant de juin 2012, 54 % des Français estiment que la disparition de la prostitution serait une mauvaise chose, mais ils sont 93 % à penser que c’est de toute façon impossible.
Second sujet qui divise la société, le 29 juin 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault confirme que l’engagement de François Hollande sur le mariage homosexuel sera tenu durant le quinquennat. Sans que les débats parlementaires ne soient lancés, les esprits s’échauffent, l’Église catholique de France axe la prière universelle du 15 août sur « la défense de la famille » et les pires anathèmes sont déjà lancés contre les homosexuels. Publiée en août 2012, une étude Ifop montre que 65 % des Français sont favorables à l’ouverture du mariage aux homosexuels.
Interrogé en mai 2012 par le magazine Sciences humaines, Jean Viard, sociologue et directeur de recherches, y explique, à propos de l’évolution de la société française : « On fait en moyenne six mille fois l’amour (pour une productivité de deux enfants en moyenne) alors que nos grands-parents faisaient mille fois l’amour dans leur vie (pour faire dix enfants !). » Ce sont évidemment la reproduction, le désir et l’amour qui font que la sexualité prend une telle place dans l’existence de tous les êtres vivants, qu’ils soient frénétiques du sexe ou qu’ils détestent cette activité, qu’ils en soient curieux, indifférents ou que ce soit une routine. Car, sans sexe, vous n’existeriez pas. C’est ce que certaines féministes ont d’ailleurs appelé « la dictature de l’utérus ». Mieux, l’évolution du regard sur le sujet est parallèle à celle de la société en général, tant la sexualité, source de nombreux jeux de mots et d’insultes, de rêves et de fantasmes, structure cette dernière et réciproquement. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment le sexe est soumis à la double injonction d’être à la fois caché et encadré. Ainsi, paradoxalement, le contrôle social, politique et religieux de l’acte et des organes sexuels, profondément intimes, est le fait de ceux-là mêmes qui veulent les dissimuler.
L’égalité des sexes, les questions de genre, la transidentité, la pornographie et la prostitution sont autant de sujets de questionnements et de débats loin d’être achevés, dont l’enjeu demeure pourtant immense. À travers des mots amusants, désuets, courants, pris à contresens, tels que musique, acomoclitisme, lulibérine, villes, joydick ou vanille, ce dictionnaire veut donc dresser un tableau éclectique de la sexualité sous ses aspects reproductif, érotique, sociétal, ludique, politique, religieux et philosophique.
En écrivant ce dictionnaire résolument rock, historique et politique du sexe, j’ai souhaité retracer à travers le monde et les époques les différentes visions de la sexualité et des sexes. Souhaitant vous guider à travers un voyage aux paysages variés, vous alternerez entre des définitions très courtes qui sont autant de clins d’œil, et des entrées plus profondes pour que vous puissiez y plonger.
Cet ouvrage donne aussi à penser qu’être une femme ou un homme n’a rien de si naturel, et que l’accouplement reproductif n’est qu’un échange sexuel parmi d’autres possibles.
J’avais également envie de m’amuser et de vous emmener dans ces petites perversions qui, comme des sucreries, rendent la vie plus douce tant que l’on n’en abuse pas. Comme le dit la maxime : « La vie est trop courte pour être prise au sérieux », et le sexe aussi. Alors, ce dictionnaire est, aussi, un peu, un jeu de piste. D’abord, parce que l’ordre alphabétique ne rime décidément à rien, les différentes thèses développées dans ce livre sont un puzzle à remettre dans l’ordre ou à laisser dans le désordre, pour le plaisir de piocher dans le sac de bonbons et d’y trouver la surprise qui fond sous la langue. Ensuite, parce que les articles sont truffés de jeux de mots plus ou moins douteux… Vous découvrirez dans la dernière partie, « Post coitum », quelques solutions aux rébus distillés ici et là.
Enfin, parce qu’il est impossible de se trouver sans se perdre un peu. Il fallait brouiller les pistes. Camille est un prénom qui convient aussi bien aux hommes qu’aux femmes. On connaît Camille Saint-Saëns, le compositeur, ou Camille Lacourt, le nageur, mais c’est la sculptrice Camille Claudel qui en a popularisé la version féminine, la plus en vogue aujourd’hui. J’ai choisi un pseudonyme épicène en espérant vous interroger : si je parle d’amour, suis-je une femme ? Si je parle de baise, suis-je un homme ? Ce dictionnaire vise à conduire les lecteurs à s’interroger sur leurs représentations autour des questions de genre et de sexualité, et à travers elles sur la société. J’espère vous apporter autant de questions que de réponses mais, surtout, amusez-vous bien, découvrez plein de curiosités et ne soyez pas trop sages. Laissez-vous aller à la découverte.
Camille