LE PRÉSIDENT d’une compagnie de cirque m’invite à prendre le thé chez lui. J’ignore comment il a eu mon numéro de téléphone. Il veut qu’on discute. Perché sur un coussin oriental parsemé de petites pierres métalliques, il me demande diverses informations concernant mes exigences lorsque je travaille. Moi et mon thé rouge ne savons pas quoi dire. Je reste là, à méditer sur mon existence qui manque de contenu. Je bafouille deux ou trois monosyllabes, qui s’évanouissent dans l’air avant d’avoir atteint les oreilles de mon interlocuteur. Peu importe ce qui l’a encouragé à vouloir me parler, il est probable qu’il soit maintenant mystifié par la déception. On est deux.
L’homme m’invite à une fête le lendemain, désirant me faire rencontrer un producteur norvégien qui envisage d’engager des artistes pour un contrat à Toronto pendant tout l’été. Tom a déjà été engagé. Si j’avais cet emploi, je pourrais être avec lui tout l’été.
Le lendemain, je me réveille avec près de 39 degrés de fièvre. Désirant rencontrer le producteur, je me rends à la fête vers 21h. Plusieurs épisodes d’étourdissements et de nausées trahissent mon mal-être et j’essaie de rester assez longtemps pour me garantir, à l’aide de battements de cils, un emploi cet été. Lorsque je manque de perdre connaissance, je décide de partir. Au diable ma rencontre professionnelle qui n’en finit plus de ne pas avoir lieu.
Le lendemain, j’apprends que Nini a été présentée au producteur et qu’il l’a engagée avec Mel pour le spectacle à Toronto. Je me cogne la tête contre les murs en stucco de ma chambre, ajoutant de l’intensité à mes élancements. Il me semble tout à coup que je suis toujours malade. Peut-être devrais-je recommencer à manger.
Au début du mois de mars, je décide de faire un souper avec tous les collaborateurs montréalais du projet au Maroc. Je suis paumée car on vient de m’annuler une tournée canadienne sur laquelle je comptais pour renflouer mon compte en banque affichant des chiffres négatifs depuis quelques semaines. Souper communautaire. La journée précédant l’événement, une grosse boule d’angoisse m’empêche de réfléchir, d’être fonctionnelle. Je n’ai pas vu Tom depuis le Maroc et j’espère pouvoir lui parler demain. Je tue les heures en discutant sur Internet avec Oli le sodomite qui est à Milan en ce moment.
Oli dit:
Salut Kira
Kira dit:
Hey, salut
Oli dit:
J’ai un forfait illimité sur les appels au Canada. Tu veux que je t’appelle?
Kira dit:
Non, je n’aime pas parler au téléphone.
Oli dit:
Haha, tant pis pour toi. Quand viens-tu me visiter?
Kira dit:
Mmm… Quand je vais avoir assez d’argent pour manger!!!
Oli dit:
Ouin, je vois… Il me semble que je te ferais l’amour.
Kira dit:
... (Ou que tu me baiserais.)
Oli dit:
Je t’ai rencontrée dans un mauvais moment. Début de célibat, cerveau mélangé…
Kira dit:
J’avais remarqué!
Oli dit:
Tu te moques? Tu fais bien…
Je pensais que c’était ta personnalité de tous les jours, d’être aussi moche avec les filles.
Oli dit:
Là je suis bien. Je m’amuse, même si je m’ennuie des fois ici.
J’ai vraiment tripé avec toi.
Kira dit:
J’y repensais récemment et il y a quelques détails qui restent dans ma tête.
Oli dit:
Moi aussi, je ne sais pas si ce sont les mêmes… Ouin, je te ferais l’amour, après six mois d’abstinence.
Kira dit:
Abstinence, toi? Ben ouin!! Ça doit être déroutant?
Oli dit:
Je crois que j’ai envie de développer quelque chose avec une personne.
Kira dit:
Ça doit être la vieillesse… Es-tu sûr que tu bandes encore?
Oli dit:
Salope. Je t’aime bien toi, tu es piquante. Tu crois que toi et moi, on pourrait être ensemble?
Kira dit:
Euh, tu n’avais pas l’air de le croire, d’après ce que tu me disais cet été.
Oli dit:
Mais j’avais encore la tête ailleurs. C’est drôle, j’ai souvent parlé de toi à mes amis. Tu as toutes les qualités pour être ma femme. J’aime bien ta folie. Tu es belle, ouverte, pas trop compliquée, tu aimes le sexe, tu es folle, intelligente… De quoi pourrais-je rêver de mieux?
Kira dit:
Flatteur… C’est vrai que je suis parfaite… Des qualités supplémentaires feraient de moi un gâchis.
Oli dit:
Viens me visiter… Tu viendras c’est sûr. Tu en brûles d’envie autant que moi.
Kira dit:
Ce qui est certain, c’est que je ne brûle pas de confiance.
Oli dit:
J’aimerais t’avoir maintenant. Je te baiserais, et je crois même que ce serait violent! Demain matin ce serait plus doux. Je te prendrais dans mes bras, sans trop parler…
Kira dit:
OK, si tu veux… Je t’embrasse partout, laissant flâner mes lèvres sur ta peau. Je sens ton souffle plein d’excitation dans mon oreille… Une chaleur tenaillante attaque mon sexe.
Oli dit:
Tabarnak! Kira! Tu peux être sûre que je vais me coucher avec toi dans ma tête et dans mon corps.
Kira dit:
Je te veux, je veux te dévorer. Je veux sentir ton sexe dur dans ma bouche. Je veux le parcourir longtemps et sentir ton plaisir monter, jusqu’à ce que ça soit insoutenable. Je me lèche les doigts et je me caresse en même temps. Je veux que tu me voies jouir…
Oli dit:
Fuck yeah, je veux te voir jouir. Je me souviens de ton dos, de tes fesses. Je te lèche les lèvres, je glisse ma langue dans ton anus. Avec mon menton qui frotte ton clitoris.
Kira dit:
Je te veux encore en moi. Je veux que tu me prennes.
Oli dit:
J’entre en toi tranquillement, je ressors, entre à nouveau. J’accélère. Tu me prends les couilles avec ta main enduite de salive chaude.
Kira dit:
Je rentre mon doigt dans ton anus… Ça fait réagir ta pine.
Oli dit:
Ah, il faut prendre une pause sinon je vais venir. On arrête un peu, on se couche. Je te mords les seins doucement, c’est bon. Tu sais comment je voudrais que tu m’achèves? Tu t’assois dos à moi sur mon pénis, il est bien au fond, une main sur ton sexe et une main sur mes couilles.
Kira dit:
Je contrôle le mouvement. Je me masturbe. Tu sens les contractions de mon sexe sur le tien.
Oli dit:
Je te grafigne le dos. Je te tire les cheveux.
Kira dit:
Je cambre mon bassin et tu rentres profond en moi. Je commence à augmenter la vitesse, mes fesses tapent sur ton ventre. Tu es sur le point de jouir…
Oli dit:
Je t’attends.
Kira dit:
Je n’en peux plus. Je vais venir aussi. Mes doigts vont et viennent sur mon clitoris. Je sens l’orgasme monter, monter et prendre possession de ma tête, de mon corps…
Oli dit:
Je vais venir. Je t’entends gémir. La tension est à son comble, pour laisser place à un doux soulagement. Il y a du sperme dans l’écran, haha. Je t’aime bien, tu es folle. Je te prends dans mes bras pour dormir en cuillère, si je ronfle, donne-moi des coups de coude, ça marche. Je t’embrasse la vertèbre cervicale numéro 1. Euh non, la 7 je crois.
Kira dit:
C’est précis!
Oli dit:
Je suis un gars comme ça.
Kira dit:
Parfait. L’approximation, c’est pour les débiles!
Oli dit:
J’aime mieux dire pour les différents.
Kira dit:
T’as du tact en plus! Mais tu es une perle!
Oli dit:
Haha! OK, je te laisse, tu m’as mis K. O. J’attends ta visite.
Ça risque de ne pas arriver, mais bon. L’espoir fait vivre, on dit!!
Oli dit:
Haha! OK, je suis naïf!
Kira dit:
Ben non. Ce n’est pas ma faute si je ne peux pas venir…
Lorsque je referme le panneau de mon ordinateur portable, un sentiment de culpabilité me submerge. Je ne crois pas un mot de ce qu’il m’a dit. Oli n’est pas du genre à se caser avec quelqu’un. C’est un joueur. Cette conversation n’a été qu’un jeu. Il me connaît bien mal pour penser que cette relation sexuelle est plausible. Ce n’est pas de ma faute si je ne peux pas venir. Tom me manque.