Statue (Sokoto),

vers 400 av. J.-C. Terre cuite,

hauteur : 74 cm. Collection Kathrin

et Andreas Lindner.

 

 

Avec son large front, ses lourdes paupières et son visage plat, cette tête est typique du style des terres cuites trouvées dans la région de Sokoto, dans le nord du Nigéria. Un usage funéraire peut être envisagé.

 

 

Il est infiniment probable aussi que les envahisseurs nègres qui s’étaient avancés le plus loin dans la direction du Nord s’y trouvèrent en contact avec les autochtones primitifs, de race blanche méditerranéenne, qui étaient, à partir du Sahara central, dans les pays devenus plus tard l’Égypte et la Libye, les contemporains des Négrilles du Sahara méridional et du reste de l’Afrique. Ce contact ne put pas se produire ni surtout se prolonger sans qu’il en résultât des mélanges et des unions entre les peuples blancs préhistoriques de l’Afrique du Nord et les immigrants noirs succédant aux Négrilles ou fondus déjà en partie avec ces derniers. C’est très vraisemblablement à ces mélanges fort anciens, à ces unions lointaines, qu’il convient de faire remonter pour la plus grande part l’origine de ces peuples ou fractions de peuples qu’on appelle parfois des négroïdes, que l’on rencontre d’une manière presque continue à la limite sud de la zone désertique actuelle et parfois même plus au Nord, de la mer Rouge à l’océan Atlantique, et qui nous apparaissent tantôt comme des populations de race blanche fortement métissées de sang noir (Bichari, Somali, Galla, Danakil, Sidama, etc.), tantôt comme des populations de race noire plus ou moins métissées de sang blanc (Massaï, Nouba, Toubou, Kanouri, Haoussa, Songaï, Sarakollé, Toucouleurs, Wolofs), les traces de métissage se révélant tantôt dans l’aspect physique ou physiologique, tantôt dans les aptitudes intellectuelles, tantôt dans le langage, ou dans ces trois éléments à la fois. Il est même possible que les éléments de race blanche qui se manifestent incontestablement chez certaines familles peules tirent de cette circonstance une part appréciable de leur origine. Il est possible aussi que ce soit à la même cause qu’il faille attribuer les traces fort anciennes de sang noir relevées tant chez les Égyptiens de l’époque des Pharaons que chez les Abyssins modernes et chez beaucoup de tribus berbères ou arabo-berbères, indépendamment des métissages produits ultérieurement par des unions avec des esclaves noires.

 

Ainsi donc, pour me résumer en demeurant dans les limites de cette étude, voici comment on peut supposer que s’est fait le peuplement de l’Afrique subsaharienne, tout au moins dans ses grandes lignes. Au Sud de l’Équateur, les Noirs de la première vague d’invasion se sont installés à peu près partout, conservant au milieu d’eux des îlots de Négrilles demeurés à peu près purs, et restant eux-mêmes à peu près purs de tout mélange avec les Négrilles comme avec les Nègres de la deuxième invasion et avec les autochtones blancs du Nord : ce sont les Nègres du type dit bantou. Au Nord de l’Équateur, dans la partie méridionale du Soudan et le long du golfe de Guinée, les Noirs de la seconde immigration, plus ou moins mélangés avec des Négrilles et avec les éléments les plus avancés des Bantou, ont constitué le type, extrêmement varié, de ce que nous appelons les Nègres de Guinée. Plus au Nord encore, des Noirs provenant également de la seconde vague d’invasion, en se mêlant avec des Négrilles et avec des autochtones de race méditerranéenne, formèrent le type, très varié aussi, de ce que nous dénommons les Soudanais. En beaucoup de régions, le passage de l’un de ces trois types primordiaux à un autre s’opère par des graduations souvent imperceptibles, donnant lieu à un grand nombre de types intermédiaires très difficiles à définir.

 

Bien des faits viennent corroborer l’hypothèse qui tendrait à reporter la formation première des populations soudanaises qualifiées de négroïdes à une époque beaucoup plus reculée que celle qu’on lui assigne généralement et à attribuer aux peuples préhistoriques qui ont précédé dans l’Afrique du Nord les Égyptiens, les Libyco-Berbères et les Sémites l’influence que l’on a souvent accordée à ceux-ci. Il ne s’ensuit pas que le rôle des Égyptiens, des Libyco-Berbères et des Sémites ait été nul dans la constitution définitive de certains peuples négroïdes étiquetés les uns comme Chamites ou Hamites et les autres comme Soudanais. Mais, si ce rôle n’est pas niable en ce qui concerne le développement de la civilisation de ces peuples ni, dans une certaine mesure, pour ce qui est de l’évolution de leurs langages, il semble bien qu’il ait été beaucoup moins important, au point de vue physiologique, que le rôle joué par des populations plus anciennes dont nous ne savons du reste à peu près rien, sinon qu’elles existaient déjà bien avant l’époque de la première dynastie égyptienne. Nous avons en général une tendance à placer beaucoup trop près de nous les faits dont nous ignorons la date et à faire entrer dans des périodes, dont nous connaissons par ailleurs approximativement l’histoire, des événements qui, la plupart du temps, ont précédé ces périodes de plusieurs siècles ou même de plusieurs milliers d’années et qui, d’autre part, ont exigé plusieurs siècles ou même plusieurs millénaires pour s’accomplir intégralement. Cette tendance se fait remarquer chez beaucoup d’auteurs qui traitent de la formation des pays ou de celle des peuples, et il est nécessaire de réagir contre une aussi fâcheuse habitude. Il semble bien certain que le Sahara n’a pas toujours été le désert qu’il est aujourd’hui, mais son dessèchement ne s’est vraisemblablement pas produit plus vite que la transformation en terre ferme de l’ancienne mer qui s’étendait là où est maintenant l’Île-de-France. Nous ne devons pas oublier que les limites assignées par Hérodote à la portion cultivable de la Libye, environ cinq siècles avant notre ère, étaient sensiblement les mêmes que celles que nous observons de nos jours au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Tripolitaine et en Cyrénaïque. De même, le peu que nous révèlent des populations noires de l’Afrique les monuments égyptiens tend à établir qu’elles étaient à peu près dans le même état et occupaient à peu près les mêmes territoires il y a six mille ans qu’aujourd’hui. En réalité, la formation des peuples nègres et négroïdes devait être achevée dans ses grandes lignes au temps de Sésostris et peut-être bien plus tôt encore.

 

Des changements sont assurément survenus depuis. Des groupes se sont constitués, d’autres se sont dissociés. Des fractions se sont portées d’un point à un autre, des conquêtes et des migrations ont eu lieu qui ont causé la disparition d’anciennes tribus et la naissance de nouvelles. Des États sont apparus et se sont écroulés. En un mot, l’Afrique noire a vécu, comme toutes les parties du monde humain. Mais elle était déjà parvenue à l’âge adulte, sans aucun doute, bien avant l’époque à laquelle remonte le premier document historique qui nous soit parvenu.

 

La civilisation des Noirs elle-même ne paraît pas avoir subi, dans son ensemble, de modifications bien profondes depuis des milliers d’années. Tout au moins existe-t-il encore de nos jours de nombreuses peuplades nègres dont le développement matériel semble être demeuré au même stade où il se trouvait du temps des pharaons et dont les vêtements, les armes et les outils sont exactement identiques aux vêtements, aux armes et aux outils que portent les Nègres représentés sur les peintures et les bas-reliefs de l’ancienne Égypte.

 

Cependant, à ce point de vue, l’évolution a été fatalement plus marquée que dans le domaine purement anthropologique. Elle a été beaucoup plus aidée aussi par le contact des civilisations supérieures qui se sont manifestées dans l’Afrique du Nord à l’époque historique, et, si certains éléments nègres n’ont pas pu ou n’ont pas su profiter de ce contact, d’autres en ont certainement bénéficié.