Tête (Sokoto),

vers 200 av.-200 ap. J.-C.

Nigéria. Terre cuite.

Collection privée.

 

 

Les sculptures Sokoto sont parfois nues de tout ornement. Les sourcils épais et les traits délicats, associés à une barbe fine, donnent un aspect sévère à cette tête. Les fines parois de la poterie attestent d’une grande maîtrise de cette technique.

 

 

Les « Pierres d’aigris »

 

On rencontre à peu près dans toute l’Afrique, soit dans des tombeaux ou des tumuli réputés anciens, soit sur le corps de vivants qui disent les tenir de leurs plus lointains ancêtres, des verroteries auxquelles les Noirs attribuent une très grosse valeur et qui ressemblent étrangement, par leur forme, par leur coloration et par la matière dont elles sont faites, à des verroteries analogues que portaient les Égyptiens et dont ils ornaient souvent leurs momies. Ces sortes de perles, généralement cylindriques, ont fait aux XVIe et XVIIe siècles l’objet d’un commerce actif de la part des navigateurs anglais et surtout hollandais, qui les achetaient aux indigènes des pays où elles étaient relativement abondantes et allaient les revendre avec bénéfice dans les contrées où elles étaient plus rares. Ces navigateurs leur ont donné le nom de « pierres d’aigris » ou « aggry beads », dont on ignore d’ailleurs l’origine exacte. À diverses reprises, des verriers de Venise et de Bohême en ont fabriqué des contrefaçons, auxquelles les Noirs ne se sont pas laissés tromper.

 

Quoi qu’il en soit, la présence chez les Nègres africains de ces verroteries certainement très anciennes, la valeur qu’elles représentent à leurs yeux et le mystère qui entoure leur provenance première ne suffisent pas à conclure à l’existence de relations commerciales entre l’Égypte des Pharaons et l’Afrique ccidentale ou centrale. D’une part, en effet, les tombeaux assyriens et phéniciens en renferment d’identiques, ce qui nous laisse perplexes quant au lieu de leur fabrication et par suite quant à leur point de départ, qui peut être cherché à Ninive ou à Tyr aussi bien qu’à Memphis. D’autre part, on en a trouvé dans le Nord de l’Europe et dans l’Est de l’Asie, ce qui indique une aire de dispersion considérable et certainement hors de proportion avec les limites que l’on doit raisonnablement assigner à l’influence de la civilisation égyptienne.

 

Dans la plupart des pays où, actuellement encore, les Noirs trouvent des « pierres d’aigris » en fouillant d’anciennes sépultures, une tradition a cours au terme de laquelle ces perles auraient été importées par des hommes aux cheveux longs et au teint clair, que la légende fait venir du ciel et que leurs congénères enterraient après avoir orné leurs cadavres des verroteries en question. Cette tradition m’avait fait penser tout d’abord à la possibilité de relations caravanières entre les anciens Égyptiens et des peuplades aussi éloignées du Nil que celles habitant, par exemple, la Côte-d’Or et la Côte-d’Ivoire. J’ai réfléchi depuis que, si l’on admet que des hommes de race blanche, porteurs de « pierres d’aigris », se soient avancés autrefois jusqu’en ces lointaines régions, il serait beaucoup plus vraisemblable de les faire venir de la Berbérie — au sens géographique donné aujourd’hui à ce mot — que de l’Égypte. Il n’est pas parvenu à notre connaissance que les Égyptiens aient fait grand commerce avec les Nègres, sauf avec ceux de la vallée du Nil chez lesquels ils se procuraient des esclaves, tandis que, de tout temps comme aujourd’hui, les habitants de ce qu’Hérodote appelait la Libye et que nous dénommons la Berbérie ou les côtes barbaresques (Tripolitaine, Tunisie, Algérie, Maroc) n’ont pas hésité à traverser le Sahara et à s’aventurer jusque chez les Noirs pour leur acheter principalement de la poudre d’or en échange de diverses marchandises. Et, parmi ces marchandises, le géographe arabe Yakout signale, comme étant fort en honneur de son temps, c’est-à-dire au début du XIIIe siècle, les anneaux de cuivre et les perles de verre bleu. Or les « pierres d’aigris » les plus appréciées des Noirs sont précisément des perles de verre bleu.