Plaque (Bénin), XVIe siècle. Nigéria.
Laiton, 44 x 32 cm. The Trustees
of the British Museum, Londres.
A la fin du XVIIe siècle, les piliers supportant les palais étaient faits de bois et recouverts de plaque de laiton. Tout comme l’ivoire et le corail, le laiton était un matériau royal, son usage était strictement contrôlé. La plupart de ces plaques présentent des trous dans lesquels se trouvaient les clous qui les maintenaient. Elles ont sans doute été arrachées et cassées. En général des scènes récurrentes de rituel sont représentées, plutôt qu’un événement particulier, mais il est difficile de les identifier avec précision. Notre exemple présente une figure humaine avec une coiffure élaborée. La natte semblant suspendue dans les airs est inhabituelle pour l’art en général plus figé du Bénin, elle n’a sans doute pas été positionnée ainsi volontairement. Une ceinture de pompons ceint la poitrine, à laquelle est accrochée une épée et un sac étrange. Une cloche pend à sa taille. Les jambes sont peintes ou tatouées jusqu’aux genoux, dans un style repéré sur les pages nus. Bien que cet homme soit habillé, ses parties génitales sont exposées, suggérant que lui aussi pourrait être un page. Au Bénin, les jeunes pages demeuraient nus jusqu’à ce que l’Oba les promeuve au rang d’hommes, leur donnant une terre, de riches vêtements et des femmes. Dans les coins, des têtes d’Européens sont figurées, portant des chapeaux et barbus, la main posée sur leurs bouches, position vue dans d’autres exemples. |
C’est vers la même époque, en 1776, que se produisit dans le Fouta-Toro une révolution qui devait donner un regain puissant à l’islamisation des peuples sénégalais. Les Noirs toucouleurs, en majorité musulmans depuis six siècles, triomphèrent des Peuls païens ; l’imâm ou almâmi Abdoulkader remporta une victoire définitive sur Soulé-Boubou, le dernier prince de la dynastie Denianké fondée par Koli, et établit au Fouta-Toro un État théocratique, à monarchie élective, qui devait durer jusqu’en 1881, date de l’annexion de ce pays à la colonie française du Sénégal.
Cependant les progrès des Bambara-Massassi avaient continué et ils étaient parvenus, vers 1810, à établir momentanément leur suzeraineté sur le Khasso (région de Kayes), où des Diallo, semi-peuls et semi-mandingues, avaient fondé un petit État. En 1846, Kandia, roi des Bambara du Kaarta, avait installé sa capitale à Nioro, mais en 1854, cette capitale était prise par El-Hadj Omar, Kandia était mis à mort par le conquérant toucouleur et le royaume des Massassi n’existait plus.
Cet El-Hadj Omar, qui s’empara ainsi en l’espace de huit ans de trois puissants États, était un Toucouleur de la caste des Torodo, laquelle avait dirigé le mouvement de révolte contre les Denianké. Né à Aloar, dans la province de Podor vers 1797, il entreprit en 1820 de se rendre à La Mecque, où il se fit recevoir dans la confrérie des Tidjania et investir du titre de « khalife » de cette confrérie pour le Soudan ; à son retour, il séjourna auprès du Kanémi, maître du Bornou, de Mohammed-Bello, empereur toucouleur de Sokoto, et de Sékou-Hamadou, roi peul du Massina. Revenu en Afrique occidentale en 1838 seulement, il s’établit d’abord dans le Fouta-Diallon, puis en 1848 à Dinguiraye où il s’occupa activement de se constituer une armée. Il ne tarda pas à soumettre le Manding à son autorité, s’empara du Bambouk, puis, sous prétexte de convertir les Bambara qui étaient toujours demeurés païens comme ils le sont encore, il marcha contre les Massassi et entra en vainqueur à Nioro (1854).
Après avoir fait à Hamadou-Hamadou, alors roi du Massina, et à Touroukoro-Mari, roi bambara de Ségou, des propositions d’alliance qui furent repoussées, il se tourna contre le Khasso et vint, le 20 avril 1857, assiéger Médine, capitale de cet État, avec une vingtaine de mille hommes. Le siège fut soutenu pendant trois mois avec une rare vaillance, par Diouka-Sambala roi du Khasso, et le mulâtre français Paul Holle, commandant du fort que nous possédions en cette localité. Le gouverneur Faidherbe arriva le 18 juillet avec des renforts et mit en fuite El-Hadj Omar, qui passa dans le Boundou et le Fouta-Toro, attaqua vainement en 1859 notre poste de Matam où il retrouva en face de lui Paul Holle, retourna à Nioro, marcha contre le Bélédougou et, après toute une série de combats contre les Bambara et les Peuls, s’empara de Ségou le 10 mars 1861. Sans se reposer, il tourna ses armes contre Hamadou-Hamadou, se rendit maître de Hamdallahi et fit couper ta tête au roi du Massina (1862).
Toujours assoiffé de nouvelles conquêtes, il alla piller Tombouctou, revint au Massina où sa cruauté vis-à-vis des Peuls suscita une révolte, fut bloqué dans Hamdallahi, parvint à en sortir à la faveur d’un incendie allumé par lui-même et finit par périr misérablement dans une grotte où l’avaient acculé les Peuls, en septembre 1864.
Un empire fondé dans de pareilles conditions, et n’ayant même pas comme base le pays d’origine de son fondateur, ne pouvait pas durer. El-Hadj avait laissé dans chacun des royaumes conquis par lui, un de ses fils ou de ses parents comme gouverneur ; tous se jalousaient ou ne s’accordaient que pour jalouser l’un d’eux, Ahmadou, qui était installé à Ségou et prétendait au commandement suprême. Les peuples opprimés par El-Hadj, ses fils et ses bandes saisissaient toutes les occasions de se révolter contre un joug détesté ; païens et musulmans s’unissaient contre le despotisme cruel d’Ahmadou et de ses frères. Aussi les troupes françaises, envoyées pour mettre de l’ordre dans ce chaos, furent-elles accueillies en libératrices. Le lieutenant-colonel Archinard entrait à Ségou le 6 avril 1890. Devenu colonel, il occupait Nioro le 1er janvier 1891 et promu général, il enlevait le 29 avril 1893, la ville de Bandiagara, dont les Toucouleurs avaient fait leur capitale au Massina.