Statue funéraire (Bongo),

fin du XIXe siècle ou

début du XXe siècle. Soudan.

Bois, métal, hauteur : 200 cm.

Musée Barbier-Mueller, Genève.

 

 

Les Bongo vivant au sud-ouest du Soudan étaient une tribu vivant de l’agriculture et parlant un dialecte originaire du centre du Soudan. Ils souffrirent beaucoup des effets de l’esclavage et de l’expansion du royaume zande au XIXe siècle. Une catégorie de sculptures grandes et minces leur est attribuée. Elles partagent toutes une forme linéaire rappelant un piquet, avec une figure humaine posée sur un poteau, genoux pliés et généralement les bras le long du corps. Les détails du visage sont les seuls éléments sculptés. Ces statues Bongo sont souvent classées parmi les figures commémoratives créées par les peuples d’Afrique de l’ouest comme les Konso et les Gato d’Éthiopie. Quelques groupes Bongo avaient l’habitude d’honorer un guerrier ou un chasseur méritant en érigeant sur sa tombe une statue sculptée. Cela était pratiqué par sa famille lors d’une fête prenant place sur la tombe une année environ après la mort. Le but était de lui assurer sa place au sein du village des morts. Les effigies érigées sur les tombes reflétaient les titres et le rang du défunt à sa mort. Elles étaient souvent accompagnées de poteaux sur lesquels des encoches étaient faites afin de rappeler le nombre de victimes du défunt.

 

 

Le Baguirmi

 

Au Sud du Kanem s’étend le royaume du Baguirmi, dont la fondation est attribuée à un chasseur appelé tantôt Bernim-Bessé et tantôt Dokkengué, qui aurait bâti Massénia, la capitale, vers 1513. Il était païen et ses successeurs le furent comme lui jusqu’à Mâlo (1548-1561), qui prit le titre de mbang et créa les grandes charges du royaume. C’est Abdallah (1561-1602), fils de Mâlo, qui aurait été l’islamisateur du Baguirmi. Son neuvième successeur, Burkomanda-Tadlélé (1734-1739), fut un grand guerrier : après avoir dirigé une expédition vers le Borkou et le Kaouar, il vainquit à deux reprises le roi du Ouaddaï, Mohammed Ez-Zaouni. Mais Alaouine (1739-1741) fut vaincu à son tour par l’empereur du Bornou, dont le Baguirmi devint vassal. Mohammed-Alamine (1741-1784) s’empara du Fitri sur les Kouka et secoua la tutelle du Bornou. Abderrahmân-Gaourang Ier (1784-1806) recommença la lutte contre le Ouaddaï. Il fut défait et tué par Saboun, roi de ce dernier pays, qui imposa au Baguirmi la suzeraineté du Ouaddaï et y plaça comme souverain nominal un fils d’Abderrahmân-Gaourang. Un autre fils de celui-ci, Tchigama, déposa son frère, fut arrêté sur l’ordre de Saboun, amené prisonnier à Ouara, capitale du Ouaddaï, puis relaxé. Il revint à Massénia où il régna sous le nom d’Ousmân-Burkomanda de 1807 à 1846, payant assez régulièrement le tribut exigé par le Ouaddaï. Il conduisit plusieurs expéditions contre le Bornou et se fit battre par le Kanémi en 1824 à Lédéri, près du Tchad, grâce à deux canons que le major anglais Denham avait donnés au maître du Bornou. Abdelkader (1846-1858), en dépit d’une victoire remportée sur Mohammed-Chérif, roi du Ouaddaï, demeura tributaire de cet État. Abou-Sekkine (1858-1884) voulut également rejeter la tutelle du Ouaddaï. Vaincu et chassé de Massénia en 1871 par le roi du Ouaddaï Ali, il reprit sa capitale après la mort de ce prince en 1875. La cruauté de son fils Burkomanda (1884-1885) le fit chasser du pays par ses sujets et remplacer par Abderrrahmân-Gaourang II qui, attaqué par Rabah en 1893 et menacé de nouveau par ce conquérant en 1896, accepta le protectorat français en 1897.

 

 

Le Royaume du Ouaddaï

 

Si l’histoire du Baguirmi se résume en une perpétuelle oscillation entre le joug du Bornou et celui du Ouaddaï, l’histoire de ce dernier État n’est guère faite que des cruautés et des débordements de la plupart de ses rois. Le pays connu sous les noms de Ouaddaï, Bergou et Dar-Saleh est peuplé de quelques tribus d’origine arabe plus ou moins pure et d’un grand nombre de tribus nègres dont la principale est celle des Maba et dont les autres sont celles des Tama, des Massalit, des Mimi, des Kouka, des Boulala, des Rougna, etc. On y rencontre aussi des Téda.

 

Le Ouaddaï fut d’abord gouverné par des païens auxquels on attribue une origine sémitique, les Toundjour, qui avaient leur capitale à Kadama, au Sud-Ouest d’Abécher. C’est vers 1615 seulement que l’islamisme fut adopté par une fraction de la population, sous l’influence d’un nommé Djâmeh ou Saleh, que les uns disent indigène du pays, tandis que d’autres le rattachent à la tribu arabe des Djaaline, dont le berceau est à Berber sur le Nil, en aval de Khartoum. Quant aux Toundjour, ils étaient demeurés païens. Un fils ou descendant de ce Djâmeh, nommé Abdelkérim, leva une armée d’Arabes et de Noirs récemment islamisés, défit le prince toundjour, le tua, se proclama sultan du Ouaddaï et s’établit au Nord d’Abécher, à Ouara. Il y régna de 1635 à 1655, convertissant de force à l’islamisme une partie des habitants. Comme les princes toundjour dont il avait pris la place, il payait tribut au Darfour.

 

Son fils Kharout (1655-1678) poursuivit l’islamisation du Ouaddaï. Kharif (1678-1681) et Yakoub-Arous (1681-1707) essayèrent à plusieurs reprises de secouer la tutelle du Darfour ; le second réussit enfin à battre et à capturer Omar-Lélé, roi du Darfour. Après une lutte malheureuse contre le Baguirmi conduite par Mohammed Ez-Zaouni, la guerre entre le Ouaddaï et le Darfour recommença sous Djoda (1745-1795), sous le règne duquel le premier de ces États étendit son influence sur une partie du Kanem.

 

Saboun (1803-1813), après avoir ravi le trône à son propre père Saleh-Derret ou Dered, se signala par des expéditions victorieuses contre le Baguirmi et contre ses vassaux révoltés du Tama. C’était un prince cruel et sanguinaire, qui périt assassiné par un inconnu. Son fils Youssef, dit Kharifine, fut peut-être plus barbare encore. Vers 1829, après une régence féminine qui fut marquée par les pires atrocités, Abdelaziz, petit-fils de Saboun, s’empara du pouvoir. Il eut à lutter contre de continuelles rébellions, qu’il noya dans le sang.

 

À sa mort (1835 environ), une armée du Darfour envahit le Ouaddaï, à la suite de déprédations commises dans les provinces occidentales du premier de ces royaumes par des Ouaddaïens que la famine poussait au pillage. Les troupes envoyées par Mohammed-Fadel, roi du Darfour, entrèrent dans Ouara et placèrent sur le trône du Ouaddaï un nommé Mohammed-Chérif, qui s’engagea à accepter la suzeraineté du Darfour. Ce Mohammed-Chérif (1835-1858) paraît avoir été le seul souverain du Ouaddaï qui se soit montré réservé en fait d’exécutions capitales. Il jouit d’un réel prestige et d’un pouvoir considérable. Il ne craignit pas de s’attaquer au puissant cheikh Omar, sultan du Bornou, qu’il battit à Kousséri et dont il obtint une contribution de guerre de huit mille thalers. C’est lui qui transféra la capitale de Ouara à Abécher. Devenu aveugle, obligé de se défendre contre le Tama révolté et contre un de ses propres fils, il finit par mourir à demi-fou en 1858.

 

Un nommé Ali lui succéda, qui s’occupa surtout de favoriser le commerce avec la Méditerranée et de remettre de l’ordre dans le pays. Il reçut la visite de Nachtigal en 1873-1874, au moment de sa lutte contre Abou-Sekkine, mbang du Baguirmi. C’est lui qui fit construire, par deux Tripolitains, le palais royal d’Abécher et qui annexa le Rougna et le Kouti.

 

Le roi Youssef (1874-1898) laissa le Baguirmi reprendre son indépendance. C’est sous son règne que Rabah, venant du Bahr-el-Ghazal, fit irruption dans le Kouti (1879), puis dans le Rougna, razzia les dépendances méridionales du Ouaddaï et installa comme sultan du Kouti et du Rougna le nommé Senoussi (1890). Ce dernier, une fois Rabah au Bornou (1894), accepta d’ailleurs la suzeraineté du Ouaddaï, puis un peu plus tard celle de la France.

 

Ibrahim (1898-1901) périt des suites de blessures infligées par des rebelles. Abou-Ghazali (1901-1902) eut à lutter contre un de ses officiers, Acil, qui chassa le roi d’Abécher, puis se réfugia lui-même au Fitri, où il se mit sous la protection des troupes françaises. Doudmourra remplaça Abou-Ghazali. En 1909, la France prenait Abécher et plaçait Acil sur le trône du Ouaddaï. Doudmourra, réfugié dans le Nord du pays, continuait la lutte pendant deux ans et enfin se soumettait en 1911. Quant à Acil, il fut contraint de quitter le pouvoir par la France en 1912 ; il n’a pas eu de successeur.