Cloche (Tsogo-Sango). Gabon.
Bois, fer, hauteur : 45 cm.
Collection particulière.
Ce type de cloche, à large pavillon, faisait partie du rituel de la caste des Evovi (les juges de la société secrète du Bwiti et du Mwiri). Sculptée d’un double visage humain, elle représente Kombé, le soleil et la source de vie, qui juge les humains. |
Seulement, si l’on veut retirer de ces récits toute leur « substantifique moelle », il faut, non pas les lire dans une interprétation plus ou moins faussée par la mentalité du traducteur européen, mais les entendre contés par les nègres eux-mêmes, dans l’une de leurs nombreuses langues si expressives, principalement par un professionnel, avec le ton et la mimique ajoutant au texte ce qui n’y figure qu’implicitement. Telle fable semble, à la lecture, insipide, qui, à l’audition, est un chef-d’œuvre d’esprit, de malice ou de bon sens. Tel conte paraît, à le lire, banal ou incompréhensible, qui fait rire et pleurer alternativement ceux qui l’écoutent et excite chez eux le plus vif intérêt, en même temps qu’ils en saisissent admirablement l’enchaînement et la moralité.
Sans doute, il y a compréhension mutuelle lorsque conteur et auditeurs appartiennent à la même race et parlent et entendent le même idiome, tandis que l’Européen trouvera toujours un voile plus ou moins épais ou plus ou moins ténu entre ses facultés de réceptivité mentale et le récit qui lui est conté par un nègre. Cependant la différence est considérable entre l’effet que produira à cet Européen la lecture d’une traduction, même bien faite, et l’audition de l’original, même dit en une langue qu’il ne comprend qu’imparfaitement. La pantomime n’a pas de patrie, et les jeux de physionomie des conteurs nègres sont tels qu’on saisirait leur pensée alors même qu’ils n’useraient pas de paroles pour l’exprimer.
Je ne parlerai pas ici de la tournure littéraire proprement dite de ces productions populaires. Elle varie énormément selon le talent des conteurs et n’atteint sa perfection que chez quelques professionnels légitimement réputés. Un étranger, en tout cas, aurait bien du mal à l’apprécier. Ce qu’il est moins difficile pour nous de percevoir dans ces contes, fables, proverbes, poèmes ou ébauches de comédies, ce sont les sentiments qui s’y révèlent et les idées qui en émanent.
L’affection des nègres pour le merveilleux s’y étale avec complaisance, en même temps que leur propension à trouver naturel ce qui, pour nous seulement, est du merveilleux. Leur imagination, à cet égard, pour être moins féconde en descriptions colorées que celle des conteurs orientaux, est inépuisable. Le manque de vraisemblance ne paraît pas les préoccuper. Tout au plus, lorsqu’une conclusion pourrait trop difficilement résulter des prémisses, une parenthèse fournit-elle l’explication nécessaire, brièvement, et les auditeurs sont satisfaits.
J’ai parlé de contes moraux. J’ai voulu entendre par là des récits qui comportent une moralité, c’est-à-dire un enseignement. Celui-ci peut nous sembler immoral, mais c’est là une autre histoire. Il est certain, par exemple, que le nombre des fables exaltant la ruse, comme le moyen mis à la disposition des faibles pour triompher des puissants, est considérable. Les héros de ces fables varient selon les contrées : au Soudan, c’est en général le lièvre ; sur les côtes de Guinée, c’est souvent une petite antilope ; sur le bas Niger, ce sera la tortue ; ailleurs, l’araignée. Les uns et les autres roulent à qui mieux mieux l’hyène stupide et l’éléphant bonasse. Mais il est à remarquer que le personnage rusé, si ses bons tours font toujours rire, n’est revêtu d’un caractère sympathique, dans les fables nègres, qu’autant qu’il emploie sa rouerie à soutenir le bon droit ou l’exerce à rencontre des méchants, des fourbes, des lâches ou des avares, ou tout au moins que sa ruse n’est pas doublée de méchanceté. Le lièvre est le prototype de la ruse fine, bienveillante, redresseuse de torts ; aussi les aventures où il se trouve mêlé se terminent toujours à son avantage. L’araignée, au contraire, qui fait servir son intelligence et sa ruse à l’assouvissement de ses bas instincts, de ses vengeances mesquines, de sa cupidité, de son orgueil, finit par être dupe à son tour, à la grande joie du public, qui applaudit à sa défaite.
Parmi les défauts qui sont le plus souvent et le plus durablement tournés en ridicule ou châtiés dans la littérature populaire des nègres, il convient de noter la sottise, la suffisance, l’avarice, l’oubli des devoirs de la famille ou de l’hospitalité, la mauvaise éducation. Les vertus contraires, notamment la générosité, y sont constamment exaltées et récompensées.