par Henri Viret
Avec le néo-reiki, Henri Viret a cherché à faire le lien entre le reiki, système de soin japonais aux origines obscures, récupéré par le Nouvel Âge et commercialisé à outrance, et l’hindouisme et la spiritualité indienne. Sa vision « spirituelle » du reiki emprunte beaucoup à son expérience de l’hindouisme et à ses rencontres avec différents maîtres. Spécialiste des voyages initiatiques et spirituels, il vit entre l’Inde et le sud de la France, et se consacre à l’enseignement. Il a publié en Inde : Neo Reiki – A Journey Beyond Healing (Diamond Books, 2001) et en France : Reiki – De nouveaux horizons (Éditions Quintessence, 2005). Sa méthode est enseignée en France et en Europe par un cercle d’une quarantaine de maîtres.
Ma première rencontre avec l’hindouisme fut brutale et inattendue et se passa en France en 1977. À cette époque, je vivais en Avignon. Une amie, accompagnatrice de voyages en Inde pour une agence parisienne, me parla de ce pays avec passion, racontant sa rencontre avec un couple de gurus dans un petit village du Maharashtra.
En l’écoutant, mon monde fermé et provincial s’ouvrit brutalement. L’Inde, les voyages lointains, le mysticisme, des sujets que j’avais toujours regardés avec beaucoup de méfiance me semblèrent soudain fascinants et familiers.
Quelques semaines plus tard, après un échange d’aérogrammes avec les gurus de cette amie, rendez-vous était pris pour une initiation à distance, shaktipath, l’initiation traditionnelle millénaire à la kundalinî. Je n’ai jamais oublié ce petit matin là et la fulgurance de cette force parcourant des milliers de kilomètres pour me toucher dans mon corps d’une manière si puissante, si nouvelle, si inattendue qu’elle bouleversa ma vie totalement.
Je compris que d’une manière mystérieuse, sans préparation, sans théorie, sans explications, une famille spirituelle, une lignée, une religion, une civilisation m’avait ouvert ses portes. Les portes d’un monde que je passerai ma vie entière à explorer. J’abandonnai ma vie sédentaire pour devenir accompagnateur de voyages professionnel et parcourir l’Asie de long en large.
J’étais entré dans l’hindouisme par l’initiation, le chemin spirituel ouvert à chacun quel que soit sa caste, son sexe, son origine, sa religion. Je vécus chez mes gurus, Mr et Mme Patwardhan, la vie stricte des brahmanes avec tous ses interdits et ses règles d’hygiène.
Au fond de cette Inde rurale, d’une grande pauvreté, digne de certains films de Satyajit Ray, la vie d’un petit ashram familial était simple et monotone : le marché du village, la préparation des repas, le thé, la promenade vespérale à la rivière, et les méditations.
Parfois mes gurus m’emmenaient avec eux visiter leurs disciples et on se déplaçait en char à bœufs. Voir la dévotion et le respect dont on les honorait, était un enseignement sur la place primordiale que la spiritualité et le guru occupent dans l’Inde traditionnelle.
Sur le chemin spirituel de la kundalinî que je suivais assidûment, il n’y avait pas d’enseignement théorique : « L’hindouisme, the spiritual path, est une pratique ! » disait Mme Padwardhan, « Méditez ! »
Après ces périodes de calme, de sérénité, de pureté de vie dont je conserve encore la nostalgie, mes pas me poussaient à nouveau sur les routes du monde, avec pour seule richesse la méditation. Balloté d’un pays à l’autre, d’une chambre d’hôtel à l’autre, d’un groupe de touristes à l’autre, je méditais devant ma petite statue de Shiva Nataraj et la photo de mes gurus.
Ce chez moi que je n’avais plus à l’extérieur, je le retrouvais à l’intérieur. Quelque chose se cristallisait en moi, l’hindouisme m’était devenu tellement familier et naturel que j’avais l’impression de continuer dans cette vie-là un chemin entamé dans d’autres vies.
C’est ce que me disaient les sages, les prêtres, les sadhus que je rencontrais. Les guides qui travaillaient avec moi sur les routes de l’Inde furent mes « professeurs d’hindouisme » et ils m’enseignèrent oralement la matière de mille livres.
L’un d’eux me dit un jour : « L’hindouisme est un lotus qui naît dans la boue et fleurit au--dessus de l’eau. On peut l’appréhender à différents niveaux : à sa racine, le long de sa tige ou au niveau de sa fleur. Le maître donne des explications, si elles satisfont le chercheur : Good ! Le maître se tait. Mais si le chercheur pose une question, le maître doit lui répondre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de questions. Va toujours plus haut, plus loin, plus haut le long de la tige du lotus, va jusqu’aux mille pétales ! »
Je savais que j’allais rencontrer d’autres maîtres, et cela tout au long de ma vie. Et tout en gardant pour mes gurus une grande reconnaissance, je me laissai aspirer par la tornade spirituelle créée par Shree Rajneesh qui secoua l’Inde et attira des milliers de chercheurs du monde entier à Poona.
Sous une autre forme, sous un package résolument moderne, je reconnus dans l’enseignement de Bhagwan, comme on l’appelait à l’époque, les enseignements de l’hindouisme et de la pratique spirituelle indienne que je connaissais. Je reçus des réponses qui touchaient mon intelligence, et d’autres non formelles qui répondaient à tout ce que mon être réclamait.
Je devins Swami Veet Sankalpo, son disciple en 1982, un nom qui signifie « au-delà de la volonté » et qui me sembla parfaitement en accord avec l’étrangeté de ma vie.
Je partis ensuite en Indonésie où je travaillai durant cinq ans. À Jogjakarta je fus initié à la vieille religion pré-islamiste issue de l’hindouisme et mixée avec les cultes à la déesse de la mer. Pendant des années, j’y suivis l’enseignement étrange, parfois effrayant, de plusieurs gurus et sorciers. Ils s’efforcèrent « d’élargir ma vue » et de me montrer « l’envers du monde », disaient-ils. Je fus fasciné par cette ville, par ces nuits de méditation sur les plages sacrées à la pleine lune et sur des tombes au sommet des collines javanaises.
À Bali, l’île des Dieux, je fus intégré à la vie de mes amis balinais, je pratiquais avec eux la méditation. Je participais aux cérémonies et aux fêtes de temple qui rythmaient la vie de l’île tout entière gouvernée par un hindouisme flamboyant et raffiné qui s’épanouissait dans la musique et la danse.
Dans ces cultes, dans ces quêtes de vision, dans ces méditations avec la nature et ses esprits, dans les nouvelles initiations que je reçus alors, de nouvelles facettes de la spiritualité se révélèrent à moi. Je continuai d’apprendre, de questionner, de monter le long de la tige du lotus. Comme s’il était de mon destin de découvrir et d’expérimenter les différentes branches de l’arbre sacré de Shiva.
Je partis travailler aux Maldives où je passai sept ans parmi les lagons sur des îles minuscules. Je vécus là-bas un long exil dans le vide spirituel et la solitude d’un tête-à-tête avec la mer et la nature. Là-bas, point de dieux, ni de temples, ni d’ashram, le ciel était désespérément vide et je réalisai combien l’Inde me manquait. Sur mes bancs de sable, j’avais perdu ma terre. De temps en temps je visitais Shree Rajneesh et son ashram à Poona où, en 1987, je reçus les initiations au reiki qui changèrent plus tard le cours de ma vie.
En 1992 à ma grande joie, je m’installai en Inde pour accompagner des voyages, enchaînant circuit sur circuit, et visitant les plus grands temples et les hauts lieux de la civilisation indienne. Je rencontrai une nouvelle fois l’hindouisme sous une de ses formes les plus secrètes : le tantra védique et un nouveau maître, le docteur Aurangabadkar.
Il ne m’accepta qu’après deux ans et demi de purification sous la guidance d’une de ses disciples. Je m’approchais de la surface du lac, le maître devenait sévère, l’élève devait être digne d’entrer dans de nouveaux cercles. Il m’initia à la science des énergies du tantra, m’accepta dans sa lignée venue de l’Assam.
Le docteur Aurangabadkar m’a consolé de la mort de mon maître de Poona, et m’a rendu ma dignité spirituelle. Je n’étais plus dans le désert, seul avec moi-même. Sous son influence je créai le néo-reiki et à sa demande j’écrivis un livre sur les errements du reiki traditionnel et ma nouvelle approche, qui parut en Inde et que j’adaptai pour la France sous le titre : Reiki – de nouveaux horizons.
J’organisais alors des voyages spirituels et initiatiques bien avant que ce fût la mode. Avec mes amis et clients, je découvrais une nouvelle face de l’hindouisme, la religion du peuple, le côté exotérique. Je vénérais ses dieux, je visitais ses temples, j’arpentais avec ferveur la terre des mille sages. Je priais Balaji à Tirupati, Ketu et Rahu au pèlerinage des neuf planètes, Shiva à Tiruvanamalai, je visitais les samâdhis de Ramana et de la Mère de Pondichéry.
Dans le Nord nous allions à Ujjain, Ohmkareshwar, Dwarka, le mont Girnar, Puri, Bhubaneshwar en Orissa. Je suivais les chemins de pèlerinage, je me rapprochais des dieux, et par là même des hommes. Me revenait à l’esprit la phrase de mon maître de Poona qui disait : « L’art de la dévotion est l’art de faire disparaître l’idole. »
Le 26 décembre 2004 j’étais dans les vagues du tsunami à Mahabalipuram, rescapé, en fuite sur les routes loin des murs d’eau, au milieu du peuple indien, chaleureux, admirable. Je me sentis soudé à l’âme indienne par ces vagues, par ce malheur collectif dans lequel nous étions ensemble, confondus en une seule humanité.
Depuis, je retourne chaque année en Inde où je continue mon pèlerinage. Je n’ai pas percé la surface du lac, et je sais que je n’atteindrai jamais le lotus aux mille pétales dans cette vie-là. Pourtant j’essaye de transmettre ce que l’hindouisme m’a enseigné, d’être un pont entre les mondes.
J’enseigne et je défends le néo-reiki qui est à la rencontre de deux rivières : l’hindouisme et sa spiritualité, et le reiki traditionnel. Peut-être est-ce Shiva, le dieu des confluents, qui m’inspire dans cette tâche ? L’hindouisme en tout cas, tel que je l’ai vécu, m’a permis de comprendre le reiki, ses initiations, ses pouvoirs, et de le sortir du contexte étroit et mercantile qui l’entourait et l’entoure encore, malheureusement.
Je défends un reiki spirituel et humain, car il représente pour les Occidentaux que nous sommes, l’opportunité de recevoir une véritable initiation spirituelle, comparable aux grandes initiations indiennes. À l’image de celle que j’ai reçue en ce petit matin de 1977 et qui a totalement changé ma vie.
Plus que jamais, je navigue à contre-courant du Reiki actuel qui en « redécouvrant » le reiki japonais revient quatre-vingts ans en arrière, à la mort de son premier maître Mikao Usui, et confine cet art immense et sacré à une stricte technique de soin du corps tout à fait navrante.
Je me désole de voir ce reiki des dojos, farouchement laïc et non spirituel, d’une grande ignorance, prendre le pouvoir et tourner le dos aux plus belles qualités de cette offrande divine qui est arrivée jusqu’à nous.
Transformer une quête mentale et philosophique en un véritable chemin de vie, est la voie des mystiques. Ouvrir et explorer cette route vers la conscience, l’amour, est le vrai potentiel du Reiki tel que me l’ont montré mes maîtres et mon long chemin en terre indienne.
L’hindouisme a toujours été pour moi un symbole de liberté intérieure et d’intelligence. Comme il m’a libéré d’un monde occidental étouffant, il m’a libéré aussi des enseignements spirituels lorsqu’ils frisaient le dogme, des ashrams lorsqu’ils fermaient leurs portes au lieu de les ouvrir.
Si l’hindouisme n’est certainement qu’un chemin pour atteindre le lotus, c’est un chemin sûr qui parle à l’esprit et au cœur, un chemin que parcourent des êtres joyeux et courageux avec qui il fait bon être et marcher.
Sankalpo Henri Viret
Email : sankalpo@hotmail.com
Site : www.neoreiki.com