par Swami Vivekananda
Ce discours, prononcé par Swami Vivekananda il y a plus d’un siècle aux États-Unis, fait encore écho à l’actualité : quelques extraits d’une conférence donnée à Detroit le 21 février 1894.
À l’égard des autres philosophies, la tendance des hindous n’est pas de détruire mais d’harmoniser. Si une nouvelle idée vient en Inde, nous ne nous y opposons pas, nous essayons simplement de l’assimiler et de l’harmoniser, car telle est la méthode qui nous a été enseignée par le Divin incarné, Krishna. L’avatar de Dieu en Inde dit : « Je suis le Dieu incarné, je suis l’inspirateur de toutes les Écritures, de toutes les religions. » Aussi nous n’en rejetons aucune.
Il y a une chose qui nous sépare des chrétiens, qui est étrangère à notre enseignement, c’est l’idée du salut par le sang de Jésus, l’idée de purification par le sang humain. Nous avons notre sacrifice, comme les juifs ont le leur. Le nôtre signifie simplement ceci : il y a la nourriture que je m’apprête à manger et tant qu’une portion n’a pas été offerte à Dieu, c’est mauvais ; alors j’offre la nourriture. C’est une idée toute simple. (...)
Mais l’idée de l’agneau qui porte tous nos péchés et nous sauve par son sacrifice ne nous est jamais venue, et j’en suis heureux. Je n’aimerais pas être sauvé par une telle doctrine. Si qui que ce soit venait me dire : « Sois sauvé par mon sang versé », je lui répondrais : « Mon frère, écarte-toi, j’irai en enfer, je ne suis pas couard au point de prendre un sang innocent pour gagner le ciel. Je suis prêt à affronter l’enfer. »
Cette doctrine ne s’est jamais développée chez nous. Nos prophètes disent que chaque fois que le mal et l’immoralité prévalent sur la terre, le Divin vient et soutient ses enfants. Il le fait d’époque en époque et de pays en pays. Chaque fois que voyez sur la terre un homme saint extraordinaire qui tente d’élever l’humanité, sachez que c’est Lui. Voilà pourquoi nous ne combattons jamais une religion ; nous ne prétendons pas que la nôtre soit la seule voie de salut. La perfection peut être atteinte par quiconque, la preuve en est qu’il y a des saints hommes dans tous les pays, des hommes et femmes de haute valeur partout, qu’ils soient nés au sein de notre foi ou non.
Par conséquent nous ne pouvons pas dire que notre voie est la seule valable. « Comme autant de fleuves coulant de différentes montagnes mêlent leurs eaux dans l’océan, toutes les différentes religions, prenant naissance en différents points de vue viennent à Toi. » Cela fait partie des prières quotidiennes des enfants en Inde. Avec de telles prières, l’idée de se battre pour des questions religieuses est simplement impossible. (…)
Quant à l’homme qui s’incline devant une idole, cela n’a pas le même sens que ce que vous avez entendu dire de l’idolâtrie babylonienne et romaine. C’est quelque chose de particulier aux hindous. Celui qui se tient devant l’image ferme les yeux et s’efforce de penser « Je suis Lui. Je n’ai ni la vie ni la mort, ni père ni mère, je ne suis lié ni par l’espace ni par le temps, je suis l’existence infinie, la béatitude infinie, la connaissance infinie ; je suis Lui, je suis Lui. Je ne suis lié par aucun Livre, aucune place sainte, aucun pèlerinage ou quoi que ce soit d’autre. Je suis l’existence absolue, la béatitude absolue, je suis Lui, je suis Lui. ». (…)
Il est assis devant cette idole, essayant de penser qu’il est Cela, et puis dit : « Ô Seigneur, je ne peux Te concevoir comme esprit, alors permets-moi de Te concevoir sous cette forme. » Puis il ouvre les yeux et voit cette forme, se prosterne et répète ses prières, puis il ajoute : « Ô Seigneur, pardonne-moi pour l’imperfection de mon culte. »
On vous dit toujours que les hindous vénèrent des blocs de pierre. Que pensez-vous de la nature fervente des âmes de ce peuple ? Je suis le premier moine à venir dans un pays occidental, c’est la première fois dans l’histoire du monde qu’un moine hindou traverse l’océan. Nous entendons toutes ces critiques, tout ce qui se dit, et quelle est l’attitude générale de mon peuple envers vous ?
Il sourit et dit : « Ce sont des enfants ; ils sont peut-être grands dans les sciences physiques, ils peuvent construire en grand, mais en religion ce sont simplement des enfants. Telle est l’attitude de mon peuple. »
Il y a une chose que je voudrais vous dire et je n’y mets aucune critique irrespectueuse. Vous entraînez, éduquez, habillez et payez des hommes pour faire quoi ? Pour venir dans mon pays maudire et insulter tous mes ancêtres, ma religion, tout. Ils marchent près d’un temple et disent : « Vous, idolâtres, vous irez en enfer. » Mais ils n’osent pas le dire aux musulmans de l’Inde, l’épée sortirait du fourreau immédiatement. Mais l’hindou est trop doux, il sourit et passe son chemin, pensant : « Laissons les fous parler. » C’est notre attitude. (…)
Avons-nous jamais envoyé des missionnaires pour convertir qui que ce soit dans le monde ? Nous vous disons : « Bienvenue à votre religion mais permettez-moi de garder la mienne. » Vous appelez la vôtre une religion agressive. Vous êtes agressifs mais combien d’hommes avez-vous pris ? Un homme sur six dans le monde est Chinois, bouddhiste, il y a le Japon, le Tibet, la Russie et la Sibérie, la Birmanie et le Siam.
Ce n’est peut-être pas agréable à entendre mais cette moralité chrétienne, cette église catholique, elles dérivent entièrement d’eux. Et comment cela s’est-il fait ? Sans verser une seule goutte de sang ! Avec toutes vos fanfaronnades et vos vantardises, où votre christianisme a-t-il réussi sans le glaive ? Montrez-moi un seul endroit dans le monde. Un seul dans toute l’histoire de la religion chrétienne – un seul. Je n’en demande pas deux.
Je sais comment vos ancêtres ont été convertis. Ils devaient se convertir ou être tués. C’est tout. Que faites-vous de mieux que les musulmans, avec toutes vos vantardises ? « Nous sommes les seuls ! » Et pourquoi ? « Parce que nous pouvons tuer les autres. » Les Arabes disaient cela, ils s’en vantaient. Et où sont-ils aujourd’hui ? Ce sont des bédouins. Les Romains disaient cela et où sont-ils ?
« Bénis soient ceux qui apportent la paix, ils hériteront de la terre. » De telles choses s’effondrent, elles sont construites sur du sable, elles ne peuvent durer. Tout ce qui a l’égoïsme comme base, la compétition en main droite et les plaisirs comme but en main gauche, périt tôt ou tard. Ces choses doivent périr.
Laissez-moi vous dire, frères : si vous voulez vivre, si vous voulez réellement que votre nation vive, retournez au Christ. (…) Si voulez que cette nation vive, qu’elle revienne à Lui. Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon en même temps. Toute cette prospérité, tout ceci viendrait du Christ ! Il aurait rejeté de telles hérésies. (…) Si vous pouvez joindre les deux, cette prospérité merveilleuse et l’idéal du Christ, c’est bien. Mais si vous ne pouvez pas, renoncez-y et revenez à lui. Il vaut mieux être prêt à vivre en haillons avec le Christ que dans un palais sans lui