2009, l’année des grandes illusions
Jusqu’en 2009 le partage des compétences entre Conseil, Commission et Parlement était source de tensions. En principe, la stratégie en politique étrangère se faisait au Conseil sous la houlette de Javier Solana, haut représentant depuis 1999. L’application de cette stratégie, et en particulier la gestion des instruments financiers, était du ressort de la Commission. Entre 2004 et 2009, Benita Ferrero-Waldner, qualifiée dans les milieux diplomatiques de « souriante tigresse », occupait le poste de commissaire chargée des relations extérieures et de la politique de voisinage. Quant au rôle du Parlement en la matière, il n’était que consultatif, malgré une prestigieuse Commission des affaires étrangères qui n’hésitait pas à interpeller Conseil et Commission. Mais le Parlement prenait sa revanche décisionnelle en matière budgétaire où, en tant que co-législateur, il pouvait bloquer, augmenter ou baisser les sommes allouées, notamment à la Palestine. De plus, son feu vert était nécessaire pour les accords d’association bilatéraux du partenariat euro-méditerranéen, lequel concernait Israël, comme la Palestine, représentée par l’OLP et l’Autorité palestinienne.
La transformation des structures européennes
Entre Javier Solana et Benita Ferrero-Waldner, tous deux très actifs sur le dossier Moyen-Orient, les tiraillements ne manquaient pas, mais ils étaient masqués par une courtoisie diplomatique. De fait, Ferrero-Waldner exerçait une sorte de soft power, à travers les multiples instruments qu’elle gérait. La politique de voisinage européenne lui ouvrait des horizons très larges qu’elle a su exploiter. La ligne de Solana était plus stratégique, plus politique. Homme de conviction, mais privé de moyens logistiques, il fut durant dix ans le penseur de la stratégie européenne de sécurité, mais aussi le voyageur de commerce du Conseil. Désarmant de sincérité, présent sur tous les fronts, d’une disponibilité inouïe, il était incapable, faute de soutien des États membres, de peser réellement sur la scène internationale. Fatigué, amaigri mais jamais amer, il répondait à la fin de son mandat à ceux que son irréductible optimisme énervait : « L’optimisme, c’est le courage des diplomates ! » Car il en a fallu du courage à tous ceux qui se sont usés sur le dossier du Moyen-Orient.
Le traité de Lisbonne entre en vigueur le 1er décembre 2009. Ce traité modifie les compétences en politique étrangère de l’Union. Il crée un poste de haut représentant à cheval sur le Conseil et la Commission (et plus seulement rattaché au Conseil), un Service d’action extérieure de 5 000 diplomates, provenant pour un tiers de la Commission, pour un tiers des services diplomatiques des États membres et pour un tiers d’un recrutement externe. Mais, surtout, le traité donne la codécision au Parlement en matière de commerce international : de facto, et sans que ce soit explicite, la Commission du commerce international (INTA) du Parlement devient au moins aussi puissante, si ce n’est davantage, que la Commission des affaires étrangères qui n’a, dans bien des dossiers, qu’un rôle consultatif.
Huit jours après l’entrée en vigueur du traité, le 8 décembre, c’est une femme qui est nommée au poste de haut représentant : Catherine Ashton, une travailliste britannique, fraîchement arrivée en politique. Elle crée la surprise. Parachutée à la Commission en 2008 par Tony Blair lors du départ de Peter Mandelson, devenu ministre en Grande-Bretagne, elle n’y a fait qu’un bref passage comme commissaire au Commerce international. Nommée haute représentante, elle aura la tâche difficile, voire impossible, à la fois de mettre sur pied un service d’action extérieure, traversé de conflits d’intérêt et de susceptibilités nationales, d’asseoir son autorité au Conseil devant des chefs d’État ou de gouvernement titillés par leurs ego et de s’initier à la politique internationale. Sa nomination est saluée par une salve de critiques, tant à cause de son inexpérience que parce qu’elle est une femme : « Mort de l’Europe politique », déclare Michel Rocard, à propos de la nomination de Herman Van Rompuy, comme président du Conseil, et de Cathy Ashton ; « l’Union européenne touche le fond », lance de son côté Daniel Cohn-Bendit ; « le consensus est mortel », analyse Jean Quatremer, journaliste de Libération, « il favorise les personnalités fades1 » !
« Une bonne femme fade, mal coiffée, fagotée » : les propos venimeux qu’elle déclenche volent souvent en dessous de la ceinture.
Cathy Ashton reste silencieuse devant ce torrent d’injures et s’empare à bras-le-corps du dossier Moyen-Orient. Elle n’ignore pas la difficulté de la tâche, mais décide de jouer la carte du Quartet et de s’appuyer sur l’ONU, persuadée que les États-Unis, et notamment Hillary Clinton, vont être des acteurs décisifs de la paix au Moyen-Orient. Si elle déchante par la suite, elle ne se détachera pas pour autant de ses partenaires, et ne reniera jamais son mentor Tony Blair. Mais elle restera aussi, en particulier vis-à-vis des États-Unis, cohérente sur la ligne définie par l’Europe, une ligne ferme rappelée le 8 décembre 2009 dans les conclusions du Conseil :
« § 3. […] Rappelant la déclaration de Berlin, le Conseil renouvelle également son soutien aux négociations menant à la constitution d’un État palestinien, ainsi qu’à l’ensemble des démarches et des efforts mis en œuvre à cet effet et rappelle qu’il est disposé, le moment venu, à reconnaître un État palestinien […]. L’UE soutient pleinement la mise en œuvre du programme gouvernemental de l’Autorité palestinienne intitulé “Palestine : fin de l’occupation et création de l’État”, en ce qu’il représente une importante contribution à cet égard, et elle s’efforcera de faire en sorte que ce programme bénéficie d’un solide soutien international2. »
La déception Obama
Dans son livre consacré à Obama avant même qu’il soit élu pour un premier mandat, Guy Spitaels3 met en garde les lecteurs contre toute illusion sur le futur Président américain. La politique étrangère au Moyen-Orient, prédit Spitaels, ne changera pas, quel que soit le Président sorti des urnes, parce qu’elle est dictée par les intérêts américains. À ce jour, l’Histoire semble lui donner raison. Et pourtant ! Et pourtant, lorsque Barak Obama prend ses fonctions le 1er janvier 2009, il annonce que le dossier Moyen-Orient va être une de ses priorités. Et, dès le 22 janvier 2009, il nomme George J. Mitchell comme représentant spécial au Moyen-Orient. Mitchell jouit d’une aura impressionnante : c’est l’homme qui a présidé les négociations ayant abouti à la paix en Irlande du Nord en 1998. Il passe pour être ferme mais habile. Et sa nomination, alors même qu’Hillary Clinton est devenue secrétaire d’État pour les relations extérieures, marque le désir d’Obama de garder directement la main sur le dossier. Mais Mitchell démissionne au bout de cinq mois seulement, en mai 2009. Qu’à cela ne tienne. Le 4 juin 2009, Obama prononce au Caire un discours historique. Il y déclare soutenir la création d’un État palestinien, demande que la colonisation israélienne cesse et proclame : « Les États-Unis ne seront jamais en guerre contre l’islam4 ! » La rue arabe est galvanisée, l’espoir renaît. La Jordanie, l’Égypte, le Liban, la Turquie l’applaudissent officiellement. Et même les cercles européens. Javier Solana, toujours en charge de la diplomatie européenne à cette époque, déclare : « Le discours du Président américain va ouvrir une nouvelle page dans les relations avec le monde arabo-musulman et pour le règlement des conflits au Proche-Orient5. » La France salue « une déclaration majeure tant du point de vue symbolique que politique ». Peut-être est-ce vraiment la fin du tunnel et la reprise du leadership américain sur la question ?
L’Autorité palestinienne se félicite du discours qui « constitue un pas politique innovateur et un bon début sur lequel il faudra bâtir », et même le Hamas concède qu’il s’agit d’un « changement tangible ». Ce dernier regrette toutefois que le Président américain n’ait pas rappelé la légitimité du Hamas élu démocratiquement. C’eût été beaucoup demander. Si timide qu’ait été le discours du Caire pour certains analystes, au fait de la politique au Moyen-Orient, Barack Hussein Obama, comme ses détracteurs l’appellent déjà, en soulignant qu’il est noir, musulman, mais peut-être pas américain, vient de franchir une ligne rouge. Vont se liguer désormais contre lui non seulement les républicains, mais nombre de démocrates aussi pour lesquels le lien avec Israël est inconditionnel et sacré.
Après le discours du Caire, le Premier ministre israélien Netanyahou réunit immédiatement ses conseillers auxquels il interdit de s’exprimer sur la question, avant de diffuser un communiqué officiel très mesuré. Ce communiqué déclare « espérer que le discours conduira de facto à une nouvelle réconciliation entre le monde arabo-musulman et Israël », mais met en garde : Israël continuera à « privilégier sa sécurité ».
Entre le 26 septembre 2009, date à laquelle le moratoire sur le gel des colonies prend fin, et la standing ovation que celui qui se présente comme Premier ministre de l’« État juif » reçoit au Congrès américain le 24 mai 2011, il n’y a que deux ans. Et pourtant, Netanyahou se fait applaudir alors qu’il6 déclare la ligne de partage de 1967 comme indéfendable et proclame Jérusalem capitale de l’État juif. Ces deux années sont une longue traversée d’échec des négociations de paix et d’expansion des colonies israéliennes, sous la présidence de Barack Hussein Obama.
Solana applaudit le discours du Caire. Comme une marque d’espoir, comme un pas vers la paix. Cathy Ashton, elle, n’aura pas un mot pour se distancier du discours de Netanyahou au Congrès américain en 2011, qui ruine ces espoirs de paix. Au lendemain de ce discours, elle annoncera simplement que 5 milliards seront alloués aux révolutions arabes, si elles se conforment à la nouvelle stratégie de la politique de voisinage de la Commission européenne. Ce silence sur les déclarations de Benyamin Netanyahou et ce geste envers les révolutions arabes définissent les lignes de la politique européenne : cette dernière sera faite, à partir de 2009, d’incitants financiers, d’absence de sanctions, et de non-dits qui vont devenir de plus en plus lourds. Même si, à un niveau rhétorique, l’Union européenne rappelle de manière récurrente, à travers les Conseils européens qui se succéderont depuis 2009, les principes du droit international qui gouvernent sa politique.
Les trois chantiers d’Abbas
2009, Abbas veut avancer. Mais pour cela il doit transformer l’héritage révolutionnaire d’Arafat et devenir le bâtisseur de l’État palestinien. Il a besoin d’un parti consolidé.
Son premier chantier, c’est le Fatah. Le parti vieillit mal et n’a plus tenu de congrès depuis plus de vingt ans. La vieille garde cadenasse les postes importants et n’entend pas céder le pouvoir. Abbas va marquer un coup audacieux : il décide un congrès du Fatah à l’été 2009, réunissant les membres de l’intérieur et ceux, tout aussi nombreux, qui vivent à l’étranger. Pour lui, c’est un pari : celui de la rénovation, de la renaissance du Fatah. Le Congrès débute le 4 août 2009 à Bethléem et se révèle immédiatement difficile. La première journée est ouverte aux hôtes étrangers : les affaires de famille se règleront en interne. Geórgios Papandréou est le premier invité. Il parle au nom de l’Internationale socialiste. Déjà, dans les rangs palestiniens, on voit, à travers les poignées de main et les petits groupes qui se forment, les futures alliances : l’élection des nouvelles instances dirigeantes au Comité central et au Conseil révolutionnaire doit avoir lieu à la fin du Congrès. Mohammed Dahlan, l’homme de Khan Younis, longtemps en disgrâce depuis la chute de Gaza où il a failli à assurer la sécurité et la loyauté à l’Autorité palestinienne, est très entouré et prépare sa rentrée7. Il est le centre de l’attention et autour de lui c’est un ballet de courtisans. Salam Fayyad n’y fait qu’un saut, lui qui n’appartient pas au Fatah. Le discours des Palestiniens vivant à l’étranger est très dur vis-à-vis de la politique de négociation menée par Mahmoud Abbas qui s’est révélée stérile. Les orateurs poursuivent, avec force imprécations contre Israël, dans la grande tradition révolutionnaire. Ceux de l’intérieur, qui vivent cette occupation au jour le jour, cautionnent davantage la politique du président de l’Autorité palestinienne. C’est-à-dire la recherche de la paix et la priorité donnée au développement économique de la Palestine.
Après le premier jour, le rideau tombe et c’est le huis clos, les affaires de famille. Il n’y a pas de date limite au Congrès. Mais il dure beaucoup plus longtemps qu’attendu – signe de tensions internes dans les décisions à prendre. In fine, Abbas semble avoir gagné son pari. L’option négociation sort renforcée. Les structures du Fatah sont renouvelées, les élections sont à venir, mais surtout Abbas peut avancer son second chantier : la mise sur les rails du futur État palestinien. Immédiatement après le Congrès, ce qu’on appellera désormais le plan Fayyad est promulgué par l’Autorité palestinienne sous le titre : « Palestine, mettre fin à l’occupation et établir l’État ».
C’est un beau document, qui rappelle les bases juridiques de l’effort fourni par l’OLP et son extension naturelle, l’Autorité palestinienne pour créer un État, souverain et indépendant, sur les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale. Ces bases juridiques sont la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies, la Déclaration palestinienne d’indépendance de Tunis en 1988 et la Déclaration de principes d’Oslo de 1993. Et, pour ce faire, le document propose un agenda de création et de renforcement des institutions palestiniennes en deux ans. « Le gouvernement appelle à notre propre peuple, y compris tous les partis politiques et la société civile, à réaliser cet objectif fondamental et à s’unir derrière l’agenda de l’établissement d’État pour les deux prochaines années. Nous voulons travailler en partenariat avec tous nos citoyens pour construire les institutions d’un État palestinien libre, démocratique et stable qui adhère aux principes de droits de l’homme et d’égalité sous la loi, sans quelconque discrimination. Ensemble, nous devons affronter le monde entier avec cette réalité qui est que les Palestiniens sont unis et fermes dans leur détermination à rester sur leur terre natale, à mettre fin à l’occupation, et à obtenir leur liberté et leur indépendance8. »
Les secteurs prioritaires du développement institutionnel et de la gouvernance seront : l’administration publique, la justice, la sécurité, le gouvernement local, la stabilité fiscale. L’Europe va adorer ! Elle salue d’ailleurs la volonté de bonne gouvernance, de transparence de fiabilité financière de Fayyad, cette martingale magique qui va permettre à l’Union européenne de justifier auprès du contribuable européen, à l’euro près, son effort financier vis-à-vis de la Palestine. Tout le document est d’ailleurs fait pour rassurer la communauté internationale : le mot Israël n’y est jamais prononcé. Tout au plus y évoque-t-on la fin de l’occupation.
Ce plan n’est pas tombé du ciel. Il a été précédé par de grandes conférences de donateurs, sortes de barnums caritatifs, où la communauté internationale met dans la corbeille, à ses conditions, l’aide qu’elle veut bien fournir aux Palestiniens. Il y a eu les Conférences de Paris, Paris (I) après l’été meurtrier de 2006, puis Paris (II) en décembre 2007 et enfin Berlin en juin 2008. Chaque pays y va de l’annonce de son enveloppe financière et du domaine où elle entend l’affecter : les conférences tentent de coordonner ces aides dédiées et l’Union européenne n’est qu’un donateur parmi d’autres, même si c’est le plus important d’entre eux et le plus fiable dans ses engagements. À Berlin, c’est Angela Merkel qui inaugure les travaux. Il y a quelque chose de surréaliste, non seulement dans la présence de Tzipi Livni à la conférence, mais surtout dans l’objet affiché de cette dernière : « Rétablissement de l’ordre et de la loi en Cisjordanie. » Alors qu’on déniait jusqu’ici à Abbas le droit d’armer ses policiers, alors que les droits élémentaires des Palestiniens étaient quotidiennement bafoués par l’occupation, la conférence se focalise sur l’État de droit… en Cisjordanie ! Cela dit, la manne financière est la bienvenue : une aide de 242 millions de dollars est approuvée, pour une période de 2008 à 2010, et des projets qui relèvent de la promotion de l’État de droit, de la bonne gouvernance et de la justice. Du côté européen, l’accent est mis sur la mission de police EUPOL-COPPS. Le soutien financier européen va tourner bon an, mal an, de 2007 à nos jours, autour de 400 à 500 millions d’euros.
Le génie de Fayyad va être de lier la mise en place d’institutions palestiniennes saines et transparentes à la création d’un État souverain. Un véritable État et non pas un concept d’État. Et surtout un État programmé dans le temps. Surfant sur les objectifs de Berlin 2008, il ne fait qu’en élargir les thèmes et donne enfin un horizon temporel aux espoirs palestiniens. L’Europe s’engouffre dans le volet institutionnel en négligeant la date butoir. Le plan Fayyad devient la colonne vertébrale de l’aide européenne jusqu’en 2011. Et aussi l’occasion d’un boom économique en Cisjordanie et en particulier autour de Ramallah. Le taux de croissance de l’économie palestinienne, à l’exception criante de Gaza et de Jérusalem-Est, s’emballe. Des facilités sont données au secteur privé et en particulier aux petits entrepreneurs. La sécurité elle aussi s’améliore. Et deux ans après le début du plan, La Banque mondiale et l’Union européenne ne cachent pas leur satisfaction : c’est un succès. C’est un succès malgré l’occupation. C’est un succès malgré l’opération « Plomb durci ». C’est un succès limité à la Cisjordanie, amputée de Jérusalem-Est et de Gaza. C’est un succès malgré la désunion palestinienne.
Car la fracture interne palestinienne est le troisième et le plus lourd chantier d’Abbas. Il lui faut recréer l’unité de son peuple. Comment imaginer un État divisé dans un territoire déjà gangréné par la colonisation ? Les négociations avec le Hamas sont difficiles. Chaque fois qu’Abbas pense aboutir, le Hamas avance de nouvelles revendications. Et le Président est pris entre le marteau et l’enclume. Il connaît le prix d’une réconciliation : des sanctions immédiates de la communauté internationale – peut-être pas de l’Europe, mais en tout cas des États-Unis et d’Israël. Israël a la maîtrise de l’eau et de l’électricité palestiniennes, de la mobilité des biens et des personnes à travers les nombreux check points9 et de la moitié au moins du budget palestinien à travers les taxes qu’elle peut retenir alors qu’elle devrait les reverser à l’Autorité palestinienne.
Fermer tous ces robinets équivaut à étrangler immédiatement les Palestiniens. Et sans nul doute les États-Unis embrayeront immédiatement. Quant à l’Europe, elle n’est pas fiable. Car si les Européens, du bout des lèvres, encouragent les Palestiniens à se réconcilier, l’acceptation du Hamas comme partenaire, lui qui est toujours inscrit sur la liste terroriste européenne, reste problématique. Les fameuses conditions du Quartet ont été allégées. On parle moins aujourd’hui de demander au Hamas de « reconnaître l’État d’Israël 10 » que de lui demander d’arrêter la violence et de « reconnaître le droit à l’existence d’Israël sur les frontières de 1967 ». Ce droit à l’existence, il l’a pourtant déjà implicitement reconnu dans les accords de La Mecque. Reste la violence que le Hamas revendique comme droit de résistance dans les territoires palestiniens occupés. Mais bien évidemment, pour Abbas, la question essentielle reste celle de la centralité du pouvoir, de l’entrée du Hamas dans l’OLP, du contrôle et de l’unité des forces armées et de la sécurité. Si Israël ne fait pas confiance au Hamas, Abbas non plus et encore moins son entourage direct. Juin 2007 n’est pas si loin et la tragédie de l’opération « Plomb durci » n’en a pas effacé la blessure. La réconciliation n’aura pas lieu mais le Hamas, comme force politique, sortira renforcé des révolutions arabes jusqu’à changer radicalement la donne au Moyen-Orient.
1. http://m.20minutes.fr/monde/367158-Monde-Van-Rompuy-Ashton-un-duo-qui-choque-par-son-manque-d-ambition.php/ 30 novembre 2009.
2. Conseil des affaires étrangères du 8 décembre 2009, « Conclusions du Conseil », §3, 17281/09,COMEP 38, PESC 1706.
3. Guy Spitaels, Obama président. La méprise, Bruxelles, éd. Luc Pire, 2008. Guy Spitaels fut le président du parti socialiste belge et l’auteur de divers ouvrages sur la politique internationale.
4. http://mobile.liberation.fr/monde, 4 juin 2009.
5. http://lexpress.fr, 4 juin 2009.
6. Saluons les mots courageux de Uri Avnery, de Gush Shalom, après ce discours de Netanyahou qu’aucun congressiste n’a eu le courage de contester : « On a vu les membres de la plus haute chambre parlementaire de la seule superpuissance du monde comme autant de yo-yo se lever, se rasseoir, se relever encore et applaudir frénétiquement à chaque instant pour saluer les plus scandaleux mensonges et approximations débités par M. Benyamin Netanyahou », http://contreinfo/article.php?id_article=3101
7. Marwan Barghouti, toujours incarcéré dans les prisons israéliennes, sera élu au Comité central alors qu’Ahmed Qoreï, l’ancien Premier ministre d’Arafat, disparaît. Et deux hommes clés de la sécurité, Jibril Rajoub et Mohammed Dahlan sont également élus. Mais le retour en grâce de Dahlan est éphémère : en 2011, accusé de corruption par l’Autorité palestinienne, il sera emprisonné par Mahmoud Abbas.
8. Palestinian National Authority, Program of the Thirteen Government, « Palestine, Ending the Occupation, Establishing the State », p. 5.
9. Cf. à ce sujet les cartes de l’Office de coordination des Affaires humanitaires dans les Territoires palestiniens occupés (OCHA) : Westbank Movement and Access Update, septembre 2012.
10. Ce n’est pas à un mouvement politique de reconnaître officiellement un État : la reconnaissance se fait d’État à État. Et les plates-formes politiques du Likoud valent bien les déclarations du Hamas. On y retrouve de manière répétée, le droit des Juifs à la terre d’Israël : « Le droit du peuple juif au territoire d’Israël est un droit éternel, qui ne fait pas l’objet de contestation, et qui inclut le droit à la sécurité et à la paix » (Plate-forme politique du Likoud, Préambule chap. I, 1996 ; et aussi « Le gouvernement s’opposera à l’établissement d’un État indépendant palestinien », chap 1, §3, 1996.