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DIMANCHE 25 AVRIL 2010

À son réveil, Paul était incapable de savoir s’il avait rêvé ou non. Une dame à forte carrure lui dit bonjour en lui amenant son petit déjeuner. Il regarda sa montre posée sur la table de nuit. Il était 8 heures 45. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas autant dormi. À 9 heures, le docteur l’ausculta et jugea son état satisfaisant. Il était libre de sortir. Paul demanda à voir sa femme. Une infirmière l’accompagna jusqu’au service des soins intensifs.

L’image était bouleversante. Géraldine, allongée sur le lit, était maintenue en vie grâce à un appareillage complexe. Un masque à oxygène recouvrait son visage et une perfusion lui assurait un hydratation suffisante. Seuls le bruit de soufflet du respirateur et le bip de l’électrocardiogramme rompaient le silence qui régnait dans la chambre. Le pouls de Géraldine était régulier ; elle semblait dormir. Elle portait un pansement à la tête qui lui cachait une partie de sa chevelure. Le responsable du service entra quelques instants après.

— Bonjour, Monsieur Tournier. Vous vous sentez comment, aujourd’hui ? demanda-t-il.

— Moi, ça va. Je m’inquiète pour ma femme.

— Je vais être franc avec vous. Votre femme est dans un coma profond et son activité cérébrale est inexistante.

— Vous voulez dire que…

— Qu’elle est en état de mort clinique. Nous la maintenons en vie pour l’instant mais je ne vais pas vous mentir concernant l’issue probable.

— Ce n’est pas possible ! On dirait qu’elle dort.

— Vous êtes encore sous le choc. Un conseil, rentrez chez vous et prenez un clamant. Mais préparez-vous au pire.

— Quelle frustration, ironisa Paul. Mes collaborateurs et moi venons de mettre au point un traitement qui sauvera des millions de vie et je ne suis même pas capable d’aider ma femme. Tant de puissance et si peu de pouvoirs.

Paul rentra chez lui. Le taxi le déposa devant l’entrée de son immeuble et, dès qu’il sortit du véhicule, son téléphone sonna. Le commissaire désirait lui parler. Il avait réussi à obtenir d’autres informations. Paul le pria de venir à son domicile vers 13 heures car il voulait avoir un peu de temps seul avec ses enfants.

Le vieux policier sonna en début d’après-midi. Paul l’accueillit et lui proposa une tasse de café. Le commissaire, assis dans un fauteuil, expliqua :

— Nous avons enfin identifié les deux hommes : des petits malfrats de banlieue déjà connus de nos services pour des délits mineurs. C’est la première fois qu’ils frappent aussi fort. Quant à la troisième personne, vous la connaissez. Monsieur Durieux avait des soucis financiers, notamment des grosses dettes de jeux ; on lui a offert un Eldorado et une nouvelle vie en échange d’information sur vos découvertes. Acculé, il a accepté.

— C’est idiot, répondit Paul. Il aurait dû venir me parler de ses problèmes. J’étais son meilleur ami.

— L’homme était trop fier, continua le commissaire. Il se disait jaloux de votre succès. Il n’allait pas s’abaisser à quémander de l’argent.

— Pour qui travaillaient ces gens ? demanda la fille de Paul.

— On n’en sait rien pour l’instant. Ils avaient affaire à des intermédiaires toujours différents. Il s’agit d’une véritable organisation qui a des moyens, de gros moyens, même.

— On n’a que l’embarras du choix, dit Paul. Un laboratoire concurrent, voire plusieurs, une grande puissance économique et pourquoi pas un gouvernement. Je pense qu’il nous sera difficile d’en savoir plus.

— Je ne m’avoue pas aussi facilement vaincu, s’exclama le commissaire. Nous allons enquêter et tenter de trouver un maximum d’indices. Notre intervention a permis de leur faire comprendre que vous ne vous laissez pas faire, Monsieur Tournier. À l’avenir, ils se méfieront, et vous laisseront sûrement tranquille.

— Cela ne ramènera pas ma femme. Au départ, je pensais tout laisser tomber. Mais, finalement, je vais avoir besoin de vous, Commissaire.

— Que voulez-vous ?

— J’ai décidé de ne pas annuler la conférence de presse de demain. Une fois tout le monde au courant, leurs tentatives d’intimidation n’auront plus lieu d’être. Mais, d’ici là, il faudra assurer ma protection et celle de mes enfants.

— Comptez sur nous. Je vais mobiliser un maximum d’agents. Vous serez toujours sous bonne escorte. Ma femme souffre d’un cancer du sein. Elle est en rémission mais votre médicament la guérirait définitivement. J’en fais une affaire personnelle. Pour commencer, je vais mettre deux voitures en faction à l’entrée de votre immeuble. Des hommes surveilleront l’escalier et l’ascenseur, d’autres, la porte de l’immeuble et celle de votre appartement. Vous serez mieux protégé qu’un président.

— Merci. Ça me rassure de savoir que je peux compter sur vous.

— Ne vous approchez pas des fenêtres et ne sortez plus avant votre conférence. Idem pour vos enfants. Qu’ils restent ici.