Johan Heliot est né le 23 août 1970 à Besançon. Auteur prolifique et remarqué de la science-fiction française, il a su donner à entendre une voix originale à travers une cinquantaine d’ouvrages, et une quinzaine d’uchronies, seul ou en collaboration.
Comment avez-vous découvert l’uchronie ?
J’en ai d’abord lu sans savoir de quoi il s’agissait, sinon de la SF – je pense au Maître du Haut Château ; puis plus spécifiquement, j’ai découvert certains ouvrages de Tim Powers, James Blayclock et Robert Silverberg à peu près au même moment, et ensuite le Fatherland de Robert Harris, vers le milieu des années 1990.
Quelles sont les œuvres uchroniques qui vous ont marqué ?
Fatherland, Roma Æterna, Les Voies d’Anubis (mais pour ce dernier, on est peut-être hors jeu !).
Comment et pourquoi avez-vous développé des uchronies ?
En imaginant le débarquement des ETs à la fin du XIXe à Paris, et en réaction contre ce que j’avais lu dans le genre émanant d’auteurs français qui développaient des univers victoriens (je pense à certaines nouvelles de l’antho steampunk de Daniel Riche, Futurs antérieurs), alors que notre histoire est suffisamment riche (sans jeu de mots !)…
Quel travail cela représente-t-il ?
Un peu ou pas mal de documentation, selon le degré d’immersion souhaité dans l’époque triturée. Je peux me contenter de quelques articles, ou m’immerger dans plusieurs bouquins – des biographies, surtout, qui me permettent d’entrer dans la tête des personnages historiques que je mets en scène.
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers vos uchronies ?
Je les considère d’abord comme un jeu, même si j’en profite toujours pour régler quelques comptes – c’était surtout le cas dans la Trilogie de la Lune, d’ailleurs, particulièrement le premier opus, écrit pour réhabiliter la Commune de Paris et cette très grande dame que fut Louise Michel.
Considérez-vous que l’uchronie soit un genre à part entière ? Pourquoi ?
C’est un exercice de style dépassant la notion de genre, à mon avis, car on en trouve en SF, polar, litt’gen (Pynchon, Roth…). Peut-être y a-t-il des rayons estampillés uchronie dans certaines librairies, je n’en sais rien…
Pourquoi l’uchronie semble-t-elle s’ancrer définitivement dans le domaine de la science-fiction ?
Considérant l’histoire comme une science sociale, et puisqu’on la triture de manière fictive, tout s’explique ! Et puis, les miennes ne sont jamais des uchronies au sens strict (à l’exception des Fils de l’air en jeunesse), car j’y fais toujours intervenir un élément classique de SF, comme des extraterrestres par exemple.
Qu’est-ce que vos uchronies apportent au genre en tant qu’œuvres ?
Difficile à dire – et je ne suis sans doute pas le mieux placé !
Pourriez-vous nous parler du travail que représente la création d’un roman uchronique ?
D’abord d’une idée, parfois une simple image (La tour Eiffel et un vaisseau extraterrestre amarré à son sommet : je n’avais rien de plus au départ de La Lune seule le sait), je fouille une époque donnée (la fin du XIXe dans le même exemple, autour de Napoléon III, la Commune, etc.) et j’y inclus une brochette de personnages historiques, plus ou moins connus (Napoléon III, donc, dans le premier cas et l’inspecteur Jaume dans le second), puis je mélange le tout jusqu’à obtenir un scénario à peu près cohérent – et c’est parti !
Pourriez-vous nous parler de vos travaux uchroniques en cours et à venir ?
J’ai plusieurs projets, mais rien encore de certain au moment où je réponds à cette interview. Mais je réfléchis sérieusement à quelque chose qui pourrait s’avérer aussi important pour moi que le fut La Lune seule le sait en son temps. Les seuls indices que je pourrais donner sont les suivants : une époque antérieure au XIXe (pas de beaucoup) mais tout aussi importante, toujours en France, mais avec une ouverture sur l’espace…
Le mot de la fin (forcément uchronique) vous appartient, faites-vous plaisir !
J’adorerais que le roman uchronique prenne la place du roman historique en terme de popularité – mais pour le coup, ce serait vraiment de l’uchronie !