Je veux [dire] sans délai ce qui me tourmente de façon insistante dans mon rapport d’adhésion réfléchie à la figure de Jésus le Christ. S’agit-il simplement, si j’ose dire, de suivance d’un modèle exceptionnel, comme un de ces prophètes auxquels Bergson reconnaissait une puissance de rupture, d’invention et d’entraînement ? Ou, à l’extrême opposé, dans la ligne des théologies sacrificielles, d’une mort à la fois offerte aux hommes et destinée à satisfaire la justice implacable de Dieu qui demande satisfaction aux hommes pour un péché lui-même digne de mort et trouve cette satisfaction dans la « substitution » du Fils même de Dieu le Père mourant à notre place ? Je dois dire qu’une grande partie de mon énergie argumentative entre moi et moi-même se dépense dans ma rébellion contre cette juridisation de toute la problématique et une protestation contre cette théorie sacrificielle où je vois le pire usage de l’intelligence de la foi. Révolte qui néanmoins ne me conduit pas à me replier sur la suivance d’un modèle même hors mesure. Que signifie le « pour nous » qui est au cœur de mon adhésion à la version réformée de la tradition chrétienne ?
Fidèle à une stratégie de retard qui m’est familière, je chercherai dans des traditions extra-bibliques un encouragement à parler autrement.
Mais d’abord je veux m’expliquer sur ce que j’appelle adhésion plutôt que foi et son rapport à l’argumentation qui fait de moi un chrétien d’expression philosophique.