Lecture de Finkelstein et Co, La Bible dévoilée1 (une [?]).
Passé la surprise, que reste-t-il ?
La surprise est grande, même pour un lecteur aussi peu attaché que moi à l’historicité des personnages et des récits.
Restait un vieux fond sur lequel je vais revenir : la grande antiquité d’Abraham, la puissance scénique du passage de la mer des Roseaux, de l’errance sous la conduite de Moïse de 40 jours au désert, la conquête de Canaan – mais surtout la chaîne généalogique des patriarches dont la descendance peuple la terre ; l’histoire de Joseph, la gloire de David et la splendeur du Temple de Salomon, etc.
Et voilà, tout cela n’a pas eu lieu, l’argumentation archéologique est imparable ; pas de trace de passage, d’occupation des sols, d’édification.
Rien d’historique avant le VIIe s., avant Josias, la pseudo-découverte du Livre, le Deutéronome. Un petit Juda prenant la relève d’un plus puissant Israël / Samarie et jetant des feux avant d’être balayé à son tour jusqu’à la déportation. Suivra le retour, le temps du judaïsme et du nouveau Temple et la théographie sous la tutelle perse. Ici l’histoire racontée a des bases ; la critique textuelle et l’archéologie vont de pair.
Surprise donc de la perte d’une illusion qui a été elle-même fondatrice, puisque saint Paul, comme les Juifs de son temps, ne doute pas de l’historicité de Moïse et de son droit d’en appeler de celle-ci à celle d’Abraham, « le père de la foi », au-delà et en deçà de Moïse, le père de la loi. Une grande part de l’argumentation tirée des Écritures repose sur l’historicité et sur la vétusté des récits de la Tora. Paradoxe : les Juifs reprochent aux chrétiens de les dépouiller de leur histoire en la métaphorisant (arguments « prophétiques » mis à part et posant un problème plus complexe), alors que cette histoire était construite et a un sens déjà métaphorisé (c’est peut-être ce qu’il y aurait de spécifique dans la désillusion des chrétiens, surtout protestants, plus demandeurs d’Ancien Testament).
Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, Paris, Bayard, 2002. Ce livre, qui fut un best-seller, montre à partir de l’archéologie que les « connaissances historiques sûres » sur la Bible datent du VIIe, voire du VIe siècle avant J.-C. On ne sait non seulement rien de certain de Moïse (XIVe siècle avant J.-C.), mais rien non plus des premiers rois d’Israël – en particulier de David et de Salomon (Xe siècle avant J.-C.) –, et ce qu’on sait s’avère très fragile.