Adieu, mon fils Napoléon.
Le vaisseau part ; le vent est bon.
Que la madone vous bénisse !
Et que son fils vous soit propice !
Quand vous errez, sans savoir où, portez cette amulette au cou.
Elle fait rebrousser les balles et trembler l'airain des cymbales.
Adieu, mon Nap ; adieu, mon fils.
Souvenez-vous de mes avis.
Court est le jour, long le voyage ; le chemin lent, et prompt l'orage.
Sous votre toit vivez de peu.
Dans votre nuit comptez sur Dieu.
Allez ! Tout petit que vous êtes, son oeil vous suit dans les tempêtes.
Mon testament sera pour vous.
A vos soeurs cherchez des époux, quand je serai morte en ma tombe ; soutenez notre nom qui tombe.
S'ils se perdent dans le chemin, menez vos frères par la main.
Vous êtes d'eux tous, à votre âge, le plus petit, et le plus sage.
- Adieu, ma mère ; adieu, mes soeurs.
On lève l'ancre. Point de pleurs ; déjà l'aube attend son étoile ; déjà l'orage enfle ma voile.
Sous mon poids la barque gémit ; comme un coursier la mer frémit ; les vents couronnent, dans la brume, au loin, des fantômes d'écume.
Sur le rocher, attendez-moi, où se brisent les mâts du roi, quand au front des cimes chenues éclate la voûte des nues ; avant le jour, au fond des bois, quand la foudre roule sa voix ; dans la nuit, au bord de la grève où va passer le vent du glaive.
Je reviendrai pour vous revoir ; puis, au foyer, pâles, le soir, vous entendrez mes aventures.
Vos pleurs guériront mes blessures.
La même terre aura nos os ; nos berceaux seront nos tombeaux.
Adieu ! Je me ris du naufrage, fuyez, mes soeurs ! Voici l'orage.
Que voit-on là-bas loin du bord ?
Est-ce un goëland qui bat de l'aile ?
Est-ce une orfraie, une hirondelle ?
C'est un vaisseau qui sort du port.