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S’il arrive parfois que dans notre vie professionnelle ou personnelle nous souhaitions voir disparaître un adversaire coriace ou un partenaire encombrant, l’occasion de réaliser ce désir se présente rarement. Lorsqu’en ce lundi 15 février Claire Lanriel se réveilla à six heures trente du matin, elle ignorait qu’exactement trois semaines plus tard cette occasion lui serait offerte.
Elle marcha pieds nus jusqu’à la fenêtre, tira les rideaux : Montréal se réveillait lentement, et les tours illuminées du centre-ville émergeaient à peine de la brume qui montait du Saint-Laurent. Elle s’attarda à contempler son reflet dans la vitre : blonde, mince, les yeux gris, les pommettes hautes, elle portait élégamment la quarantaine. Satisfaite, elle passa dans la salle de bain, prit une longue douche chaude, puis, vêtue d’un épais peignoir crème, alla boire son café dans la cuisine. Elle alluma son ordinateur portable et jetait un coup d’œil aux cours de clôture des bourses asiatiques — les turbulences des marchés financiers la préoccupaient — lorsque le téléphone sonna.
Sept heures et quart du matin ? Claire prit le combiné et fit une grimace lorsqu’elle vit qui l’appelait. Elle reposa l’appareil et quelques secondes plus tard la voix geignarde de sa belle-sœur sortit du haut-parleur du répondeur :
— Bonjour, Claire, c’est Nathalie… Je pensais te trouver chez toi, je sais que tu te lèves tôt… Je pars de Québec dans quelques minutes, je dois être à Montréal aujourd’hui, et je pensais que ce soir, après ton travail, nous pourrions nous retrouver pour faire les boutiques… et je voudrais aussi que nous parlions du chalet…
Les doigts de Claire se crispèrent sur sa tasse. La voix de Nathalie continuait, plaintive :
— Appelle-moi sur mon portable… J’espère vraiment que nous pourrons nous voir aujourd’hui. Tu comptes beaucoup pour moi, surtout depuis la mort d’Hughes…
Claire posa brutalement sa tasse et quelques gouttes de café s’en échappèrent. Elle coupa le son du répondeur puis se leva et prit un papier essuie-tout pour nettoyer le café renversé. Son frère Hughes avait commis deux erreurs majeures : épouser Nathalie quinze ans plus tôt avait été la première ; succomber à un cancer foudroyant l’automne précédent, la seconde. Esseulée et larmoyante, Nathalie s’était tournée vers sa belle-sœur et avait tenté d’en faire son amie — ce qui pour elle signifiait écouter d’une oreille compatissante le récit incessant de ses multiples malheurs qui faisaient d’elle une victime de la cruauté de l’existence. Dès leur première rencontre, Claire avait compris que Nathalie voyait la vie comme une longue plainte et elle avait fait de son mieux pour l’ignorer toutes ces années. À la mort de son frère, elle l’aurait vue disparaître de son existence avec plaisir, mais leur union avait fait de Nathalie une des trois copropriétaires du chalet familial, dans les collines des Cantons-de-l’Est, juste au sud de Sherbrooke.
— Twiddlekat ?
Le beau chat roux était resté invisible ce matin, alors que d’habitude il aimait venir se frotter contre ses jambes. Claire remarqua qu’il n’avait pas touché à l’assiette de thon en boîte qu’elle lui avait donnée la veille. Elle finit par le trouver au fond d’un placard, blotti entre des boîtes à chaussures. Il miaula quand il la vit mais ne bougea pas. Claire haussa les épaules. La faim le ferait sortir. Quant à elle, sa journée de travail l’attendait.
Une demi-heure plus tard, elle quittait l’avenue du Parc pour entrer sur le campus de l’université Richelieu. Elle dépassa plusieurs bâtiments érigés sur le flanc du Mont-Royal et s’arrêta devant le dernier d’entre eux, cube de béton enneigé qui abritait le Département des matériaux. Elle se gara dans la section réservée aux professeurs, entra dans le bâtiment et prit l’ascenseur. À peine en était-elle sortie qu’Hubert Gatwick surgit de son bureau — il avait dû guetter son arrivée.
— Bonjour, Claire, je suis content de vous voir. Auriez-vous quelques minutes à me consacrer ?
Claire poussa un soupir qu’elle ne se donna même pas la peine de cacher. Elle suivit néanmoins Gatwick jusqu’à une pièce sombre avec de la moquette marron et un ficus languissant, où rien n’avait changé depuis les années 70. Gatwick lui-même, soixante-sept ans, petit, chauve, moustaches et lunettes fumées, était totalement d’époque. Plus grave, aucune force ne semblait en mesure de le mettre à la retraite.
— Je voudrais que nous parlions du projet Wing 3000, dit-il en l’invitant à s’asseoir. Il faut faire avancer le processus d’embauche des chercheurs pour l’étape suivante. Nous devons être attentifs à ne pas prendre de retard.
— J’ai commencé à examiner les CV et je vous transmettrai bientôt ma première sélection de candidats.
Gatwick eut un mouvement de surprise.
— Nous avions décidé au début du projet que les embauches seraient sous ma responsabilité.
— L’environnement réglementaire a changé. Si Wing 3000 réussit, nous aurons développé une aile d’hélicoptère en matériaux composites tout à fait révolutionnaire, et l’armée américaine sera certainement intéressée.
— Tout le monde sera intéressé, rétorqua Gatwick avec agacement. Je ne vois pas ce que l’armée américaine et l’environnement réglementaire viennent faire dans mon processus d’embauche.
— C’est pourtant très simple, Hubert. Pour travailler avec l’armée américaine, il faut se soumettre à leurs nouvelles exigences en matière de sécurité, ce qui inclut le screening de tous les employés. Votre équipe de recherche est remplie de Moyen-Orientaux. Notre calendrier de travail est trop serré pour que nous puissions nous permettre de perdre du temps en procédures liées aux contraintes bureaucratiques. Donc il vaut mieux que je m’en occupe.
— Mais…
— Ce n’est qu’un détail administratif. Il y a beaucoup de contraintes et j’ai simplement fait ce que je jugeais être le mieux dans l’intérêt du projet.
Gatwick se raidit. Des plaques rouges marbrèrent ses joues pâles.
— J’aurais quand même souhaité être prévenu.
— Je comprends, dit Claire en se levant. Je suis désolée.
Elle oublia Gatwick et ses récriminations avant même de franchir le seuil de son bureau. Ses pas ralentirent légèrement lorsqu’elle passa devant la porte de chêne où était vissée une plaque de bronze indiquant Michel BERTHIER — Directeur. Dans quelques années, pensa-t-elle, dans quelques mois peut-être, ce bureau et ce titre de directeur du département seraient à elle, à elle… Ils le seraient.
Quelques instants plus tard, dans son propre bureau, elle ouvrit un épais dossier vert intitulé Rapport intermédiaire – Projet Wing 3000. Confidentiel. Coordonnatrice : professeure Claire LANRIEL. Le travail de ses collègues avait été remarquable, songea-t-elle en feuilletant le document de synthèse qu’elle avait rédigé les jours précédents. Un peu trop remarquable, peut-être.
Son portable sonna. Encore Nathalie ! Cette fois, elle devait répondre. Il était hors de question de passer la soirée dans les magasins avec elle, mais elle devait quand même rester aimable et polie, tout pour que sa belle-sœur finisse par se lasser du souvenir d’Hughes et accepte de revendre sa part du chalet.
— Allô ? Ah ! bonjour, Nathalie, comment vas-tu ?... Écoute, j’ai beaucoup de travail aujourd’hui. Ce soir, je serai au bureau au moins jusqu’à dix-neuf heures et je ne pourrai pas courir les boutiques. Nous pourrions peut-être déjeuner ensemble ? À midi et demi, ça te va ? Oui, à la brasserie habituelle, sur l’avenue du Parc. Je m’occupe de la réservation. À tout à l’heure.
Claire raccrocha. Comment se débarrasser de Nathalie ? Dès les obsèques de Hughes, elle avait parlé du chalet avec une sentimentalité geignarde :
— On pourra s’y retrouver les fins de semaine et parler de ton frère. J’aurai beaucoup de plaisir à marcher avec toi dans notre forêt.
Notre forêt ? Notre forêt ? Claire avait manqué s’étouffer, suffoquée par une rage soudaine. Ce bois, ce lac, ces arbres — c’était son domaine, celui qu’elle avait partagé avec son frère quand ils étaient enfants. Laisser cette pleurnicheuse envahir le territoire de ses souvenirs d’enfance ? Jamais — jamais. Elle avait immédiatement proposé de racheter la part de Nathalie qui avait refusé, les larmes aux yeux :
— Comment peux-tu me demander cela, Claire ? Ne comprends-tu pas que ce chalet est le dernier lien que j’ai avec ton frère ? Ce serait monstrueux de vouloir me le prendre ! Tu n’as donc pas de cœur ?
Claire avait alors revu son frère sur son lit de mort, le visage émacié, le regard suppliant. J’aimerais tellement que tu t’entendes bien avec Nathalie. Mais il savait pourtant qu’elle ne pourrait pas, qu’elle ne pourrait jamais s’entendre avec Nathalie… Un mois plus tard, après les obsèques, elles s’étaient retrouvées au chalet. Claire avait tenu exactement une heure et demie avant de reprendre la route, secouée et tremblante, prétextant un appel pour rentrer à Montréal. Les lieux chers et familiers, les vieux rondins qu’elle connaissait par cœur, les meubles dont elle aurait pu dessiner chaque marque les yeux fermés, tout cela s’était dissous dans les incessantes jérémiades de sa belle-sœur qui ne l’avait pas quittée d’une semelle et ne s’était pas tue une minute. Claire n’était pas retournée au chalet le week-end d’après mais, n’y tenant plus, elle avait pris deux jours de congé au milieu de la semaine suivante. Elle était partie de Montréal très tôt le matin, le cœur léger, Twiddlekat dans sa cage sur le siège à côté d’elle, et elle avait emprunté l’autoroute des Cantons-de-l’Est. Puis elle avait pris la route secondaire sur une quinzaine de kilomètres, tourné à l’embranchement habituel, dépassé la maison de Simone et Édouard, et s’était arrêtée devant le chalet qui l’attendait paisiblement. Elle avait ouvert la porte et failli s’évanouir : Nathalie avait bougé les meubles et repeint les murs en vert pâle. Frémissante de rage, Claire avait exigé qu’elle repeigne de la couleur initiale, prétendant vouloir garder le chalet exactement comme il était à la mort de son frère, et elle s’était détestée pour ce mensonge. Elle ne pouvait pas envisager de partager le chalet avec Nathalie, ce n’était pas possible ; il fallait qu’elle l’en sorte, il fallait qu’elle l’en chasse. Depuis, elle n’y avait plus passé que quelques moments volés, quelques heures ici, une demi-journée là, lorsqu’elle était sûre de ne pas y trouver Nathalie. Ça ne pouvait pas durer.
Claire fit un effort pour chasser sa belle-sœur de ses pensées et se concentrer sur son travail. Elle décrocha son téléphone.
— Eric ? Ici Claire Lanriel. Pouvez-vous passer à mon bureau, s’il vous plaît ?
Quelques instants plus tard, le professeur Eric Duguet assit face à elle sa silhouette athlétique de blond aux yeux bleus. À trente-cinq ans, diplômé d’une grande école d’ingénieurs française, il était un peu plus jeune que Claire et avait fait preuve pour le projet Wing 3000 d’un esprit d’initiative certain et de compétences solides. C’était donc un concurrent potentiel. Il était sans doute trop jeune et pas tout à fait assez familier avec les codes de travail nord-américains pour constituer une menace sérieuse à la succession de Michel Berthier à la tête du département, mais Claire Lanriel avait toujours été prudente et méthodique.
— J’ai terminé le rapport d’avancement sur Wing 3000, dit-elle en lui tendant le dossier vert. Il faudrait que vous le lisiez avant que je le transmette à Michel.
— Quand devez-vous le remettre ?
— Ce soir.
— Ce soir ? ! Mais ce rapport fait plus de cinquante pages !
— Oui, mais il n’y a rien de nouveau. Ce n’est qu’un récapitulatif des travaux effectués au cours de la dernière période.
Eric tourna quelques pages. Puis il tomba en arrêt et l’expression de son visage changea.
— Vous parlez ici de la simulation de la résistance aérodynamique de l’aile. Mon projet.
— Votre sous-projet. Et qui fait partie intégrante de notre projet, dont je suis la coordonnatrice.
— Ce n’est pas la question. J’aurais souhaité rédiger cette section moi-même.
— Ç’aurait été une perte de temps de vous impliquer dans la rédaction de ce rapport et je n’ai pas jugé utile de vous déranger avec ces détails administratifs, dit Claire avec impatience. Il me faut vos commentaires avant dix-sept heures.
Son ton indiquait que pour elle la conversation était terminée. Eric parut sur le point de répliquer puis se ravisa, murmura quelque chose d’indistinct, se leva et sortit, le dossier vert sous le bras.
***
Deux étages plus bas, Christine Verlanges regardait le Mont-Royal par la fenêtre de la bibliothèque. Les arbres noirs, la neige blanche, le ciel gris et bas du mois de février… aucun skieur de fond ne troublait la froide beauté matinale de la montagne. Mais elle, pourrait-elle contempler encore longtemps ce paysage depuis cette fenêtre ?
Christine se frotta nerveusement les mains et revint à son bureau, près de l’entrée de la bibliothèque. Elle était petite, menue, avec un visage délicat et de grands yeux noirs, et elle paraissait très jeune malgré les cheveux blancs qui commençaient à orner ses tempes. La bouilloire sifflait. Elle remplit sa tasse et y plongea un sachet d’Earl Grey. Puis elle regarda autour d’elle : les étagères de livres, de revues et d’ouvrages de référence, le tout soigneusement rangé et classé par ses soins ; oui, elle aimait son travail. Depuis que, jeune bibliothécaire fraîchement diplômée, elle était entrée au département grâce à son cousin qui y finissait sa thèse et l’avait recommandée pour un stage, elle savait qu’elle avait trouvé sa place, et elle avait toujours été sûre de passer toute sa carrière dans le confort rassurant de l’université Richelieu… jusqu’à ce que, tout récemment, quelques mots négligents de Claire Lanriel brisent ce rêve.
— Avez-vous fait ma recherche d’articles, Christine ? avait dit Claire en entrant dans la bibliothèque.
— Je n’ai pas fini, professeure Lanriel, il me manque les résultats de la base de données des Chemical Abstract.
— Je vous ai demandé ça lundi dernier !
Se sentant rougir, et ne voulant surtout pas que la professeure Lanriel pense qu’elle était lente, ou paresseuse, Christine avait bafouillé :
— C’est que… c’est que je n’ai plus accès aux ChemAb. J’ai demandé…
— Pourquoi n’y avez-vous plus accès ?
— Ils ont changé la licence, avant c’était pour toute l’université, mais maintenant il faut payer pour chaque poste, donc on l’a seulement à la bibliothèque de la faculté. Je leur ai transmis votre demande le jour même, mais ils ne m’ont pas encore répondu. Dès que j’aurai leur listing je vous le transmettrai, professeure Lanriel…
Claire l’écoutait à peine. Embrassant du regard la pièce encombrée d’étagères et de livres, elle avait murmuré :
— L’existence de cette bibliothèque elle-même est de moins en moins justifiée. Il serait plus rationnel de la fermer pour tout rassembler à la faculté. Et on pourrait installer des bureaux. On manque tellement de place !
Et elle était partie, laissant Christine pétrifiée. Sa. Bibliothèque. Fermée. C’était un mauvais rêve — c’était un cauchemar ! Après une semaine d’angoisse et d’insomnie, elle s’était forcée à aborder le sujet avec Michel Berthier, le directeur du département, qui était descendu à la bibliothèque pour consulter une revue.
— Professeur Berthier, j’ai vu que plusieurs départements de l’université avaient décidé de regrouper leurs bibliothèques à la Faculté. Pensez-vous que… pensez-vous que notre département devrait faire la même chose ?
Michel Berthier l’avait regardée un instant par-dessus ses demi-lunes. Puis il avait dit :
— Je pense que nous n’avons pas de raison de le faire. Notre bibliothèque est très bien là où elle est, puisqu’elle évite par exemple à nos étudiants de sortir dans le froid chaque fois qu’ils souhaitent y venir. Mais je ne sais pas si celui — ou celle — qui me succédera partagera cette opinion.
Le message était clair et, depuis, Christine vivait dans l’angoisse. Elle n’était pas employée de l’université, simplement du département, et si la bibliothèque fermait elle se retrouverait sans emploi. Sans emploi, sans argent, sans sécurité… sans rien. Tout cela, à cause de Claire Lanriel et de ses rêves de grandeur.
La porte de la bibliothèque s’ouvrit et Christine sursauta puis vit avec soulagement que ce n’était pas Claire Lanriel qui entrait, mais May Fergusson, la secrétaire administrative du département. May avait la cinquantaine avancée, les cheveux gris coupés très court et, hiver comme été, portait des jeans et un sweat-shirt. Il était neuf heures moins dix du matin et elle était déjà là ? Dans une main May tenait un carnet, et dans l’autre un objet bizarre — un boîtier noir surmonté d’une mince tige brillante.
— Un thermocouple, un thermomètre électronique, expliqua-t-elle à Christine. Je l’ai emprunté à Gatwick pour relever la température dans chaque pièce du bâtiment. On a encore des problèmes avec le chauffage et je dois voir le responsable des services techniques dans une demi-heure.
— Ici, ça va, dit Christine.
— À cet étage il n’y a pas de problème, mais il fait à peine dix degrés dans certains bureaux du sous-sol, et dans les laboratoires c’est encore pire. Et personne n’est capable de me dire d’où vient le problème !
— C’était déjà la même chose l’hiver dernier, non ?
— Oui, et ils n’ont réparé qu’en avril, grogna May.
— On pourrait mettre les chercheurs ailleurs en attendant, suggéra Christine.
— Mais où ? Tous les bureaux sont déjà occupés, à part quelques-uns au deuxième étage, mais ils sont à Gatwick et je n’imagine pas Gatwick céder ses bureaux à Lanriel, même à titre temporaire !
Donc, nota Christine, c’étaient les étudiants de Claire Lanriel qui avaient froid. Les pauvres, déjà qu’ils étaient bien à plaindre…
— Et s’ils venaient ici ? proposa-t-elle soudain.
— Où ça, ici ?
— Ils pourraient s’installer au fond de la bibliothèque, sous les fenêtres. Derrière la dernière rangée d’étagères, il y a de la place pour au moins cinq ou six bureaux. Ça ne dérangerait absolument personne.
— C’est une bonne idée, dit May après un instant de réflexion. Oui, c’est une très bonne idée. Il va falloir en parler à Lanriel.
— Vous vous en occupez, s’exclama Christine préci-pitamment.
— Vous ne voulez pas affronter le dragon ? fit May, rigolarde.
Impulsivement, Christine demanda :
— May, croyez-vous… croyez-vous qu’elle a une chance de devenir directrice du département ? Claire Lanriel, je veux dire ?
Un peu surprise, May leva les yeux vers elle :
— Je le pense, oui. Si Michel Berthier ne renouvelle pas son mandat de directeur, c’est même ce qu’il y a de plus probable.
Elle attendit un bref instant et ajouta doucement :
— Pourquoi cette question, Christine ?
Christine prit une grande inspiration :
— Parce que… parce que la professeure Lanriel m’a dit qu’elle voulait fermer la bibliothèque. Pour en faire des bureaux. Et si la bibliothèque ferme, je perds mon emploi.
May fit un pas vers Christine et baissa la voix.
— Alors ne perdez pas de temps, Christine. Cherchez ailleurs… sans attendre !