UNE ENFANCE AU LOUVRE

Pierre-Auguste Renoir naît le 25 février 1841 à Limoges, au sein d’une famille modeste composée de sept enfants dont il est l’avant-dernier. À la mort de son grand-père, en 1844, ses parents s’installent dans la capitale, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Son père, Léonard Renoir, est tailleur et sa mère, Marguerite Merlet, est couturière. Inscrit chez les Frères des écoles chrétiennes, Renoir suit également à Saint-Eustache, non loin des Halles, des cours de chant dispensés par Charles Gounod (1818-1893), qui repère rapidement la voix cristalline de l’enfant. Mais les difficultés financières de ses parents les amènent à placer leur fils, dès l’âge de 13 ans, dans un atelier de peinture sur porcelaine. S’il subvient aux besoins de sa famille, Renoir n’abandonne pas pour autant son idéal : devenir peintre. Aussi occupe-t-il son temps libre à arpenter le Louvre.

En 1858, en raison de la mécanisation, l’atelier ferme. Renoir devient alors décorateur de stores et d’éventails, sur lesquels il peint des fêtes galantes inspirées des travaux de Jean-Antoine Watteau (1684-1721) ou de François Boucher (1703-1770), à qui il doit ses premiers émois artistiques. En 1862, il réussit le concours de l’École des beaux-arts et fréquente l’atelier libre de Charles Gleyre (1806-1874), où il rencontre Bazille, Sisley et Monet – le futur noyau du groupe impressionniste. Se réunissant le soir à la closerie des Lilas, les artistes rêvent de brûler le Louvre. En 1863, l’atelier de Gleyre ferme, signant le début de l’apprentissage en plein air.

LA BOHÈME EN PLEIN AIR

Renoir, Sisley, Monet, Bazille et bien d’autres pérégrinent dans la forêt de Fontainebleau, à Chailly-en-Bière, Chatou, Bougival ou encore Marlotte. Chevalet sous le bras et tubes de peinture en bandoulière, les jeunes artistes peignent « sur le motif ». C’est au cœur de la nature que Renoir croise Narcisse Díaz de la Peña, dont l’influence sur sa carrière sera décisive. Observant sa toile, celui-ci lui conseille d’abandonner le noir. À Marlotte, Renoir rencontre le peintre Jules le Cœur (1832-1882), portraituré dans le Cabaret de la Mère Anthony (1866), qui lui présente sa première muse, Lise Tréhot. Celle-ci devient la maîtresse du peintre et lui donne deux enfants qu’il ne reconnaîtra pas.

Trois ans après l’acceptation de L’Esméralda (1864) au Salon officiel, Lise à l’ombrelle (1867) est admise en 1867 et connaît un certain succès. Bien qu’il ne soit pas exposé au Salon chaque année, le peintre conserve son enthousiasme. Sa touche se fragmente et les contours de ses sujets deviennent flous : il s’agit là des caractéristiques encore balbutiantes de l’impressionnisme, comme le montre La Grenouillère en 1869. Seule la guerre contre la Prusse, en 1870, met entre parenthèses la vie insouciante des jeunes artistes : Renoir s’engage et est blessé. Il rencontre ensuite le marchand Paul Durand-Ruel qui, dès 1872, lui achète ses œuvres.

En 1874, incompris du public, Renoir et ses amis, accompagnés de Berthe Morisot, Camille Pissarro ou encore Edgar Degas, fondent leur propre exposition : la Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs et graveurs. L’événement a lieu dans l’atelier du célèbre photographe Gaspard-Félix Tournachon (1820-1910), dit Nadar. Si le succès escompté n’est pas au rendez-vous, le retentissement de cette exposition sera rarement égalé et donne corps au mouvement impressionniste. La Loge (1874), de Renoir, est particulièrement remarquée. Plusieurs expositions ont lieu par la suite, dans lesquelles apparaissent des chefs-d’œuvre comme Bal au Moulin de la Galette (1876), en 1877.

L’HEURE DES DOUTES

Grâce à ses relations, certaines œuvres de Renoir sont admises au Salon, notamment Jeanne Samary (1877), en 1879, qui représente l’un de ses modèles favoris. L’artiste commence en outre à recevoir des commandes, principalement des portraits. C’est également à cette époque qu’il rencontre à Montmartre, où il habite, celle qui deviendra son épouse et son modèle préféré, Aline Charigot (1854-1915). S’ouvre ensuite, en 1881, une période de voyages, notamment en Algérie et en Italie, qui modifient peu à peu sa manière de peindre.

En 1883, Durand-Ruel organise sa première rétrospective individuelle, tandis que Renoir doute et s’éloigne du groupe impressionniste. Il confie à Ambroise Vollard (1866-1939), l’un de ses marchands : « J’étais allé jusqu’au bout de “l’impressionnisme”, et j’arrivais à cette constatation que je ne savais plus ni peindre ni dessiner. En un mot, j’étais dans une impasse. » (VOLLARD (Ambroise), Auguste Renoir, Paris, G. Crès et Cie, 1920, p. 135) Sa nouvelle période, dite ingresque, aigre ou sèche (1883-1890), influencée par le peintre Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), qui se caractérise par un trait plus précis, des tons plus froids et un retour à un certain classicisme, est mal comprise tant par l’Académie que par l’avant-garde. Durand-Ruel l’encourage à changer de voie.

Devenu père avec la naissance de son fils Pierre en 1885, Renoir entame un cycle sur la maternité et réalise de nombreuses œuvres de commande. De son côté, en 1886, Durand-Ruel organise une exposition à New York, ouvrant aux impressionnistes les portes du marché de l’art américain.