CHAPITRE 23
TROIS FOIS PAR SEMAINE
— A i-je le droit de me plaindre ? J’ai tout, dans la vie, une femme qui m’aime et qui s’impatiente rarement, une carrière qui roule à toute allure, de l’argent. J’ai la chance de pouvoir me déplacer en hélicoptère pour aller manger dans une pourvoirie, aller en Gaspésie et aller animer au Grand Rire de Québec.
Dans une province où un membre en règle de l’Union des artistes gagne en moyenne dix-neuf mille cinq cents dollars annuellement, Normand engrange depuis des années des centaines de milliers de dollars. En 2006, environ un pour cent seulement de ses sept mille membres touchent plus de cent mille dollars de revenus UDA par an. On peut supposer que Normand se situe au faîte de la pyramide. S’il n’est pas seul, il n’y a qu’une poignée d’artistes qui déclarent à l’impôt des revenus similaires aux siens. Toujours en 2006, tous contribuables québécois confondus, cent quatre-vingt-huit mille personnes, soit quatre pour cent d’entre eux, déclareront des revenus de plus de cent mille dollars.
Même si son pécule et ses placements ne se comparent pas à ceux des dirigeants des grandes banques et entreprises aux bonis mirobolants, Normand fait partie d’un club sélect. Mais quand on a l’impression d’agoniser, l’argent ne donne aucun sentiment de puissance. Aux yeux du malade, il ne sert pour l’instant qu’à payer des rénovations, à s’assurer l’écoute d’une psychologue et à avaler des médicaments pour adoucir les symptômes de la maladie.
La psychologue écoute longuement Normand. Trois fois par semaine. Le matin des rendez-vous, le patient peine à sortir de sa chambre. Ce sont les mains de Marie-Claude qui le tirent du lit, lui tendent des vêtements, lui rentrent une rôtie dans la bouche et lui remettent les clés de sa voiture.
— Appelle-moi avant d’entrer dans le cabinet de la psychologue et rappelle-moi quand tu en ressors, répète chaque fois l’épouse inquiète.
* * *
Normand entreprend un voyage intérieur en montagnes russes et tente la résolution d’un problème qui lui semble au départ insurmontable. Au début de la thérapie qui durera un an et demi, il anime encore Yé trop d’bonne heure à CKOI. Le remaniement récent de son équipe n’allège pas son désespoir. Car rien ne va plus pour lui à la station. Il ne sent toujours pas d’appuis au sein de la direction. Même s’il ne s’est jamais éternisé sur ses lieux de travail, il pénètre chaque matin dans la station avec le désir d’en ressortir au plus vite pour aller dormir.
C’est difficile à comprendre, mais quelque chose le retient encore à CKOI. La peur de perdre un poste prestigieux ? L’idée de briser le contrat de quatre ans qu’il vient de signer ? Le désir de prouver à ses patrons qu’ils ont eu tort de rester insensibles à ses doléances ? Elles s’avéreraient de vaines excuses face à la maladie qu’il faut guérir en priorité. La vérité, c’est que Normand n’a même pas la force de chercher pourquoi il reste vissé à son siège, il n’a pas l’énergie de soupeser les bonnes et mauvaises raisons de rester l’animateur matinal de cette station maudite.
Professionnellement, il trouve refuge sur les plateaux de Belle et Bum, du Match des étoiles et dans les salles de répétitions du gala des Jutra qu’il animera, devant les artisans du cinéma québécois, pour la toute première en mars. Mais même entouré de gens de qui il se sent apprécié, il ne se porte guère mieux. « J’étais habitué de voir Normand en feu d’artifice, le regard lumineux, raconte Mario Rouleau, réalisateur du Match des étoiles qui l’a connu sur le plateau de Beau et chaud. C’est la force de tous les professionnels. Mais au Match, ce n’était pas le Normand habituel. Il était content d’être là, mais il n’avait pas le visage rayonnant. La maladie entravait un peu son côté entertainer. La première saison, après l’enregistrement de chaque émission, on allait souper au restaurant Le chalet, en face de Radio-Canada. On prenait un verre ensemble. Être entouré le nourrissait et le réconfortait, mais il n’était plus le même. »1
Pendant des mois, Normand fonctionne en automate. Les médicaments que son médecin lui a prescrits le gèlent. Ils ont comme principal effet de stabiliser son humeur et de diluer ses émotions.
— Le médecin m’a prescrit un cocktail de pilules, explique-t-il un soir à Sylvie Rémillard, directrice artistique de Belle et bum, alors qu’ils se sont enfermés dans sa loge. Je prends du Cipralex, un antidépresseur, de l’Imovan pour dormir et du Rivotril pour les crises d’angoisse. Quand j’ai une crise, je suis incapable de bouger, j’ai de la misère à respirer et j’ai une peine immense.
— Normand, tu devrais arrêter de travailler temporairement.
— C’est ce que ma psy et mon médecin m’ont recommandé, mais j’en suis incapable. Je vais me tirer une balle dans la tête si je travaille pas.
Sur le plan médical, Normand est blindé. Mais il faudra des semaines de consultations et de prise de médicaments avant que le patient ne montre le moindre signe de rétablissement. Chaque jour, il s’enfonce un peu plus. Il a encore en travers de la gorge le fait que la direction de CKOI n’ait pas prêté une oreille plus attentive lorsqu’il lui a révélé que tout n’était pas au beau fixe dans son équipe matinale. Quel désaveu public de la part de ses patrons à ses yeux ! Pour ses proches, l’histoire des derniers mois d’enfer vécu à CKOI devient une vraie rengaine.
Chaque matin, c’est un zombie qui se présente au studio de CKOI. Normand ne rêve même plus de retrouver l’ambiance chaleureuse des premières années. Dans ce cocon qu’affectionnent tant les animateurs et chroniqueurs du matin qui s’activent alors que bien des travailleurs ont encore la tête enfoncée dans leur oreiller. Quelque chose s’est brisé.
Jusqu’en mars, la plaie ne fait que s’ouvrir davantage. Si bien que Normand doit se résigner à quitter le navire. Un geste qui lui semblait inconcevable il y a à peine quelques semaines encore. D’autres dépressifs auraient réagi plus rapidement, auraient demandé un temps d’arrêt à leur médecin, se seraient retirés pour se ressourcer, se reposer afin de mettre un terme à un mal invisible, difficilement descriptible, mais terriblement handicapant. L’animateur attend mars pour s’éclipser. L’arrivée du printemps sonnera le glas de quinze saisons d’animation au 96,9 FM.
Son départ, d’abord maquillé en vacances, est annoncé alors qu’il a quitté la station depuis deux semaines. Aux journalistes, Normand ne fait pas de détour : « Il y a trop d’amertume et de mauvais souvenirs, disait-il en mars 2006. La flamme n’est pas revenue. Ç’aurait été hypocrite de dire que j’allais bien. Je ne peux communiquer si je ne vais pas bien. »2
Comme s’il avait quitté son emploi par la porte de derrière, Normand n’aura droit à aucun remerciement public, aucune émission spéciale pour le travail accompli en ondes depuis 1990 et les sommets atteints, grâce à lui, le matin au plan des cotes d’écoute. Il y a deux ans, à peine, on coulait une étoile en bronze à son nom sur le trottoir juste en face de la station. Que vaut aujourd’hui une telle attention si c’est pour partir sans poignée de main ou accolade sentie ?
La journée officielle de son départ de CKOI, Normand s’affaire à préparer le gala des Jutra qu’il doit animer dans quelques jours. Même s’il est occupé, il lui est impossible de chasser cette idée qu’il n’a pas quitté son poste d’animateur radio en héros. Impossible de chasser cette autre idée que plusieurs employés de la station, qui estimaient qu’il ne se mêlait pas assez aux troupes et le qualifiaient de distant, doivent présentement sourire. Et encore moins de se libérer de l’idée qu’on espérait, au fond, qu’il parte pour pouvoir le remplacer par un autre. Après les répétitions des Jutra, il franchit la porte de sa maison avec un découragement jamais éprouvé auparavant. Il s’assoit sur la première chaise qu’il repère à l’entrée et reste immobile de longues minutes.
— On a même pas essayé de me retenir, Marie, laisse-t-il finalement échapper. Et on m’a même pas offert une montre en guise de cadeau de départ !
De la cuisine, Marie-Claude l’observe et pleure. « Je trouvais ça d’une injustice, explique-t-elle. Normand a tellement donné à cette station. Il a fait rire le Québec. Il a mené CKOI jusqu’en première position. Et on n’a même pas souligné son départ comme il se doit. Il n’a pas eu de fête. »3
— C’est clair que la direction veut offrir le poste de morning-man à quelqu’un d’autre, ajoute Normand en soupirant.
La direction donne raison à Normand en moins de soixante-douze heures lorsqu’elle annonce qu’à compter du 3 avril, il y aura en ondes une toute nouvelle équipe matinale.
Publiquement, Normand affirme cette fois être passé à autre chose. Il se montre fort et soutient que CKOI ne l’intéresse plus. Mais intérieurement, il est brisé. Dans le bureau de la psychologue, il se présente en patient que toute motivation pour le travail a quitté. « Je ne voulais jamais y aller en thérapie, car je ne savais jamais ce qui allait arriver, avoue aujourd’hui Normand Brathwaite. Je devais me rebâtir mais, avant, trouver mes fondations. Et je ne savais pas sur quoi j’étais bâti. Je focussais sur les coups durs, sur ce qui me faisait mal. »4
« Après chaque séance de thérapie, Normand prenait du mieux, confie Marie-Claude Tétreault. L’orignal lui tombait des épaules. Il était de nouveau armé. Mais les effets se dissipaient rapidement. »5
Alors qu’il est au plus creux de sa dépression, Normand arrive difficilement à se souvenir qu’il est encore l’animateur d’une émission populaire de danse, à Radio-Canada, et d’une émission musicale grandement estimée à Télé-Québec. À cette période de sa vie, il n’y a que l’hélicoptère qui l’élève, momentanément mais véritablement, au-dessus de ses problèmes. Aux côtés de Normand Dubé, son pilote attitré rapidement devenu un grand ami, son mal de vivre s’évapore. Les paysages qu’ils survolent tous les deux, tant au Québec qu’aux États-Unis, valent — allons-y du cliché — mille thérapies.
Autrement, il souffre et crie intérieurement à l’injustice. Quand il apprend qu’on a approché Claudine Prévost, sa coanimatrice de Belle et bum, pour faire partie de la nouvelle équipe du matin à CKOI, il se sent doublement trahi et s’enfonce encore un peu plus. Il sait qu’il ne pourra oublier ses derniers moments à CKOI en la croisant chaque semaine sur le plateau de Belle et bum. Quand la chute s’arrêtera-t-elle ? Les consultations chez la psychologue ne sont-elles pas censées apporter des réponses et mettre un baume sur ses plaies ?
Le premier réflexe de Normand, à ce moment-là, est de penser au plaisir qu’il a à voler en hélicoptère plutôt qu’au supplice qu’il s’est infligé à CKOI. Mais la hargne l’emporte sur son indifférence forcée. Il finit par ne plus adresser la parole à Claudine, ou si peu, lors des répétitions de Belle et bum. « Il développe une relation difficile avec elle, relate Sylvie Rémillard. Il l’ignore sur le plateau. Il ne faut pas qu’ils se croisent. Claudine est dévastée. Elle a beaucoup de peine. Heureusement, en ondes, ça paraît peu ou pas. »6
Claudine, qui estime profondément Normand, joue malgré elle le rôle de vilain personnage dans l’esprit de Normand. « Il a pris mon embauche à la nouvelle émission du matin comme un geste de traîtrise, comme si j’avais choisi un camp, déplore Claudine Prévost. Il était très, très froid. Il m’ignorait. On ne se parlait plus. Puis, j’ai finalement compris à quel point c’était un sujet sensible pour lui, que je lui avais fait mal. Il y a eu un an de froid par intermittences. Heureusement, j’avais du plaisir à travailler avec l’équipe de Belle et bum. »7
En thérapie, la psychologue pousse Normand à comprendre pourquoi sa rupture avec CKOI le meurtrit, pourquoi il en veut tant à sa collègue de Belle et bum, qu’il apprécie professionnellement et personnellement pourtant beaucoup. Pendant des semaines, il louvoie toutefois dans les mêmes eaux, fait du surplace émotivement. « Je me suis rendu compte en thérapie que j’avais beaucoup de difficulté à dealer avec la trahison, avoue Normand. Quand Claudine m’a téléphoné pour m’annoncer qu’elle allait travailler le matin à CKOI, ça m’a écœuré. Mais il a fallu que j’apprenne que les gens ont des raisons qui ne sont pas forcément liées aux tiennes. Les choses font soudainement moins mal quand on comprend ça. »8
Mais pour réussir à comprendre, Normand est forcé par la psychologue à cheminer jusqu’à sa jeunesse, sa vingtaine, à revoir tous les coups reçus, à visualiser comment les différends se sont réglés au fil des ans. « La thérapie fut très dure, avoue encore Normand. J’ai eu à repenser aux gens qui me détestaient à l’école et au début de ma carrière du temps de Pied de Poule et Pop Citrouille. »9
Pour un être peureux, l’exercice est doublement périlleux. Lui, si fermé habituellement, habitué à ne se montrer publiquement que sous son plus beau jour, l’animateur drôle, talentueux, à la répartie facile que les producteurs s’arrachent. Pour la première fois en trente ans, Normand est forcé de s’attarder sur sa personne. De comprendre et de réviser ses mécanismes de défense. De trouver qui est vraiment cet homme qui se présente fort et souriant devant les caméras. Il est évidemment différent du père d’Élizabeth et d’Édouard et du mari de Marie-Claude. Mais qui est cette personne qu’on adore autant qu’on dénigre ?
Cent fois, il doute du bienfait des séances, préférant de loin s’allonger sur un lit en souhaitant s’y endormir pour toujours ou engloutir sur l’heure du midi plus de verres de vin que le veut le gros bon sens quand on travaille. « On mangeait souvent ensemble au restaurant Kaizen, à cette époque, se souvient son amie et productrice Josée Fortier. Il me racontait ce qu’il vivait, ses déboires avec CKOI. Il était triste. Je trouvais qu’il prenait tout ça beaucoup à cœur et qu’il buvait beaucoup. Il était presque soûl le midi. »10
— Mademoiselle, encore un verre s’il vous plaît !
— Tu en prends un autre, Normand ? le sermonne doucement Josée.
— Ça va, c’est du blanc, dit Normand pour se justifier. C’est le vin rouge qui m’affecte et m’endort…
Comme Marie-Claude, qui ne tolère pas que son mari lève le coude à chaque repas, la percussionniste Mélissa Lavergne s’inquiète du fait que son ami et collègue sente l’alcool sur le plateau de Belle et bum. « On ne le savait pas qu’il était en dépression, dit-elle. Il en a parlé après. Mais pendant les répétitions et la diffusion de l’émission, il était dans sa bulle. Jamais soûl, mais engourdi. »11
« Heureusement, il porte l’alcool d’une manière incroyable, reconnaît Sylvie Rémillard. Il ne titube pas, mais il ralentit. Sur le plateau de Belle et bum, durant sa dépression, il mobilisait ce qu’il lui restait de forces. »12
Le vin blanc que Normand apprécie tant, qu’il consomme midi et soir, comme pour se rendre imperméable à tout commentaire, le fige dans sa neurasthénie. S’il s’épanche moins avec l’équipe du Match des étoiles, celle-ci n’est pas dupe et sent que l’émission n’est pas animée par un homme au sommet de sa forme physique et mentale. « On le trouvait amorphe, se rappelle aussi la productrice Marleen Beaulieu. Je me demandais si c’était parce qu’il aimait moins l’émission. Mais je n’avais pas saisi qu’il prenait des médicaments qui l’amortissaient. C’est Marie-Claude qui m’a dit qu’il vivait des moments difficiles. »13
« À chacune des pauses pendant les tournages, il dosait son énergie, il retombait dans sa bulle, était plus sérieux, rapporte Jocelyn Coutu. Des gens du public nous le faisaient remarquer. J’attribuais ça à un désir de concentration. »14
S’il reste muet sur ses véritables problèmes, Normand éclate parfois à petites doses devant sa productrice.
— Ne parle plus à Marcelle, ordonne un jour à Marleen Beaulieu celui qui considère avoir mal été appuyé pendant la tempête « CKOI ». Je ne veux plus qu’elle soit mon agente !
Marcelle, qui l’épaule depuis tant d’années, qui s’est érigée en rempart entre son client et les journalistes, en habile négociatrice face aux gens qui veulent engager Normand, est bouleversée. Son client peut-il vraiment abandonner celle qui s’occupe de sa carrière depuis si longtemps, lui que la négociation de cachets et la rédaction de contrats répugnent ? Lui qui n’est généralement bien qu’avec les gens qu’il connaît depuis longtemps ? De toute évidence, non… « Je n’ai pas travaillé avec Normand pendant un mois, confie-t-elle. J’étais à l’envers. Le froid a duré jusqu’à ce que Marie-Claude m’appelle et m’invite dans une loge du Centre Molson lors d’un match des Canadiens. J’ai hésité. Une fois dans la loge, Normand ne me parlait pas beaucoup, mais il était gentil. J’ai eu un énorme soulagement quand ça s’est réglé. »15
Normand préfère tout de même s’épancher auprès de son amie Patricia Deslauriers, chef d’orchestre du Match des étoiles. Il lui arrive également de pleurer en coulisses avant un enregistrement. « Il était vraiment découragé, dit Patricia Deslauriers. Ça n’allait vraiment pas bien, mais il a tout le temps livré la marchandise. »16
Normand rame dans une eau désormais terriblement agitée. Progressivement, il sent aussi Marie-Claude lui échapper. Depuis des mois, elle redouble d’efforts pour soutenir Normand. Mais l’impassibilité émotive de ce dernier finit par affecter l’épouse. « On en a vraiment arraché pendant la dépression de Normand », résume-t-elle.17
Il ne fait plus aucun doute aux yeux de Normand : il ne remettra jamais les pieds dans la station du 96,9 FM. Chaque nouvelle liée à CKOI, chaque rumeur, chaque discussion s’avère un clou supplémentaire enfoncé dans le cercueil que constitue sa vie radiophonique. On lui a de toute façon déjà fait comprendre qu’il n’était plus le bienvenu. Normand ne garera plus jamais sa voiture avenue Gordon, à Verdun. À l’automne 2006, quand les locaux vétustes ont été démolis pour transférer les stations de Corus à la Place Bonaventure, au centre-ville de Montréal, dans des studios dotés d’équipements à la fine pointe de la technologie, il a toutefois senti un soulagement. « Je suis content que l’ancien édifice n’existe plus, avoue Normand. Je l’aurais crissé à terre ! Ça m’a fait du bien qu’il disparaisse. »18
Au firmament de CKOI, Normand n’aura plus son étoile de bronze coulée dans le ciment. On l’aurait réchappée des pics des démolisseurs qu’il ne l’aurait pas voulue. Au propre comme au figuré, CKOI est maintenant un amas de débris que Normand doit balayer pour de bon. Il doit y arriver s’il veut se reconstruire.
Pendant des mois encore, il cogne donc trois fois par semaine à la porte du cabinet de sa psychologue. Son apathique détermination sera bientôt récompensée. Au bout d’un an, l’effet bénéfique de la thérapie commence à se faire sentir. Un peu. À mesure que Normand sort de sa torpeur, il se fait plus volubile. Ses proches le trouvent plus sensible, plus à l’écoute. Il est surtout moins secret auprès de son entourage quant à ses troubles psychiques. Bientôt, il sera même capable de parler de sa dépression pour faire rire les gens.